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Comment évaluer la rentabilité de ses investissements TV?

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Comment évaluer la rentabilité de ses investissements TV?

De l'achat d'espace à la création du spot en lui-même, en passant par la complémentarité avec les autres canaux publicitaires, comment juger de l'efficacité de ses investissements et les optimiser ?

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"Moi, en-deçà d'un million d'euros, je considère une vague de publicité TV inefficace", glisse l'ancien CMO d'une grande marque de téléphonie mobile, faisant comprendre que si l'investissement semble énorme, il ne pèse pas lourd sur ce canal. De là, une interrogation : qu'est-ce qui détermine l'efficacité en télévision ? "La question de la performance en télévision soulève un léger malaise, confie Jean-Marc Segati, vice-président de l'agence Big Sucess. On utilise le GRP, qui mesure le nombre moyen de contacts obtenus sur 100 individus ciblés. Mais celui-ci est basé sur des suppositions théoriques. Le dogme dit qu'il faut au moins viser les 70% de couverture et un taux de répétition compris entre 3 et 5 pour être efficace. Soit, au minimum, 100 GRP par semaine, pendant trois semaines."

Avant de nuancer : "Mais, ces considérations datent des années 1980, quand il y avait beaucoup moins de concurrence, et encore moins celle du digital." Aujourd'hui, les chaînes ont perdu en couverture, et chaque point d'audience coûte de plus en plus cher selon le spécialiste, qui préconise un ciblage affinitaire. Toucher moins, mais mieux et plus souvent. Et multiplier les campagnes, afin d'en tirer un maximum d'enseignements et d'optimiser ses budgets, alors qu'un GRP "net" équivaut en moyenne à 1000 euros. Des considérations dont ne s'embarrasse pas Michel Biero, co-gérant de Lidl, premier annonceur de France depuis septembre 2017. "Quand on diffuse 110 spots différents par an, on a une bonne marge de négociation."

Le professionnel s'amuse des 400 millions d'euros du budget com' annuel qu'on prête à l'enseigne : "Pour dépenser autant, on est d'abord fou, et très vite ruiné ! La télévision n'est pas si chère, car les régies consentent souvent à de très fortes réductions". L'augmentation des budgets TV de Lidl fait suite à l'arrêt de l'encartage de ses prospectus dans la presse. Sans baisse de performance significative, au contraire : "En TV, quand nous mettons en avant un produit comme une perceuse, par exemple, les ventes sont parfois multipliées jusqu'à 25 fois... Et si les premières ventes sont décevantes, nous intensifions la pression publicitaire les jours suivants." Cela dit, avec encore 12 millions de prospectus distribués chaque semaine, l'enseigne est loin d'arrêter le papier : "Nous avons fait le test dans certaines régions, et constaté une baisse du chiffre d'affaires global de 20 à 25% !".

CA et DRTV, les indicateurs à court terme

De quoi faire plaisir à Céline Baumann, directrice de la communication du service courrier/colis de La Poste, qui pilote les investissements TV de l'entreprise avec une certaine dose d'innovation : "Pour notre offre Veillez sur mes parents', nous avons passé un accord avec France Télévisions. En plus de l'achat d'espace classique, les chaînes sont rémunérées à la performance et s'engagent à délivrer un certain nombre de leads, ce que nous suivons grâce à des outils qui mesurent combien de personnes se rendent sur notre site à la suite de la diffusion d'un spot. Je pense que c'est assez inédit en France", explique-t-elle, avant d'évoquer un taux de visites de 65% pour cette offre, bien au-dessus des chiffres moyens évoqués par les acteurs du DRTV.

"Les meilleurs chiffres oscillent autour de 20%, et sont obtenus par des acteurs spécifiques comme les pure-players de la mode", avance François Liénart, directeur des études de My Media Group, selon qui 1 GRP équivaut souvent à 400 visites sur site, dont la moitié en instantanée. De son côté, Guillaume Belmas, CEO de Realytics, évoque une hausse globale moyenne de 50% du trafic sur le site d'un annonceur opérant en parallèle une campagne TV, mais prévient : "Les performances vont évoluer en fonction de la saisonnalité, des investissements de la concurrence ou encore tout simplement de la qualité du spot." Car, "50% de la réussite d'une campagne TV dépend de la créa !", s'écrie François Liénart, avant d'ajouter : "Nous mémorisons mieux si nous sommes attentifs au message. Inconsciemment, quand nous sommes interpellés, nous mettons environ 10 secondes à décider si cela nous intéresse ou non."

Partant de ce constat, il est frappé par beaucoup de spots TV qui, "attendent leur fin pour interpeller. Au final, quand notre attention est sollicitée, il nous manque trop d'éléments pour déterminer si le message est intéressant. C'est en partie pourquoi, sur un tunnel publicitaire, l'attention décroit", conclut-il, avant de citer spontanément le "bon" élève Lidl qui, tout en faisant la promotion de ses perceuses, affiche d'entrée son logo. Il est rejoint sur ce point par Jean-Marc Segati : "Il faut rester simple en télévision, avec un message clair et un spot court. En matière de mémorisation, un 10 secondes et plus efficace qu'un 30 secondes. Et pour encore optimiser le rapport efficacité / seconde, il faut que votre marque soit visible au maximum, quitte à commencer par le logo."

La répétition pour une meilleure mémorisation

Pour maximiser l'attention, Céline Baumann fait appel à une égérie. Grâce aux accords passés avec France Télévisions, l'animatrice Sophie Davant est au coeur des spots de "Veiller sur mes parents". "Je crois beaucoup aux opérations spéciales", explique la directrice de la communication, qui ne veut pas simplement "acheter du GRP". Elle cite une autre opération, menée cette fois en radio et sur le digital avec le groupe NRJ : "Les animateurs de Nostalgie, Chérie FM et NRJ nous ont aidés à promouvoir l'application Youpix, qui permet de créer des timbres à partir de ses photos. Nous avons organisé un concours et un code promo était mentionné à la radio pour faciliter le téléchargement de l'application et mesurer les résultats de l'opération. Les animateurs ont une vraie communauté autour d'eux, et cela nous a permis d'avoir de très bons résultats, avec 60 000 téléchargements", conclut-elle, après avoir rappelé sa conviction que "l'avenir des médias réside dans la complémentarité".

Un sujet délicat, selon François Liénart, qui rappelle que chaque canal dispose encore de ses propres KPIs et organismes de mesure. Cependant, "tout le monde a les mêmes capacités de mémorisation. C'est le coeur du Bêta d'Armand Morgensztern, le coefficient de mémorisation d'une publicité. C'est un très bon indicateur pour piloter la mémorisation de son message, ou à l'inverse prévenir sa démémorisation et séquencer en conséquence ses vagues d'investissements." Mais, un facteur reste de côté : "C'est l'attention portée au média. Elle n'est pas la même selon la chaîne, le programme, ou encore le nombre d'expositions à un message. C'est comme en musique : il faut souvent plusieurs écoutes pour apprécier un morceau. Mais si on l'écoute trop, on se lasse."

Un constat partagé par Guillaume Belmas, qui constate un effet drive-to-web doublé lors de la deuxième vague d'une même campagne. Pour offrir une gestion plus fine du mix-média, François Liénart et My Media Group veulent pousser un nouvel indicateur : "l'Alpha", "pour mesurer le score d'attention". "Nous constatons, par exemple, qu'en radio, on a deux fois moins d'attention qu'en télévision, avec un taux de 22% environ pour le premier, contre 40% pour le second." La formule du Lidl investit autant sur ces deux canaux : "Nous y sommes présents quotidiennement, avec des spots différents tous les 4 à 5 jours. En radio, nous avons gardé la série des "On est mal patron", qui a longtemps été notre fil rouge en TV, et que nous utilisons désormais sur l'alimentaire", explique Michel Biero. Et si l'enseigne optimise ses coûts en faisant tourner ses spots TV en Pologne, dans un studio mutualisé entre ses 29 filiales européennes, elle applique aussi cette méthode en radio, avec des spots pré-enregistrés, auxquels il ne faut plus ajouter que le nom du produit et le prix.

TV et VOL, un combo gagnant ?

Mais, l'avenir semble être à la complémentarité avec le digital. Lidl, qui déploie chaque semaine, selon Michel Biero, "des centaines de millions de bannières" pour faire écho aux produits mis en avant en TV, pourra bientôt cibler les personnes déjà exposées en TV, grâce à des partenariats comme celui récemment dévoilé par Realytics et Gamned! : "Au-delà de la mesure DRTV, nous sommes capables de créer des segments d'engagement, que Gamned! va mettre à profit pour faire du retargeting ou des campagnes lookalike. On remarque un taux de conversion 2 à 3 fois supérieur chez les personnes qui ont été exposées en amont à une campagne TV ou des actions orientées branding, et un coup d'acquisition divisé par 3 par rapport aux moyennes du digital", expliquent Guillaume Belmas et Simon Tanguy de Gamned!, citant une campagne menée pour un acteur du travel.

Une vision complétée par Jean-Marc Segati : "En attendant qu'un équivalent au GRP apparaisse en ligne, ce qui est un peu une arlésienne dans le milieu, pour avoir une vision désilotée de ces différents canaux, nous pouvons par exemple considérer que YouTube est un bon moyen d'aller chercher de la répétition à moindre coût, et de compléter sa couverture TV en allant chercher des audiences spécifiques, et plus jeunes. Les deux vont de pair." Michel Biero y voit un autre avantage : "Le replay par exemple, n'a pas la même réglementation qu'en TV, où quand vous communiquez sur un produit, vous êtes dans l'obligation de le proposer à la vente pendant 15 semaines !" Le co-gérant de l'enseigne réfléchit enfin à intensifier sa présence en ligne via le développement de contenus vidéo spécifiques à YouTube, "avec une chaîne cuisine, qui sait ?" En attendant, il s'offre aussi des égéries, en l'occurrence Nikola Karabatic, qu'on a pu voir sur les réseaux sociaux en train d'aider les préparateurs de commande de l'enseigne à s'échauffer pour la rentrée. Ces activations se multiplient depuis que l'enseigne a signé un partenariat de naming avec le LNH en 2016, en faisant un pas de plus vers le titre de premier annonceur de France. Mais, un pas dont les retombées, pour le "coût", sont plus difficiles à chiffrer qu'en télévision.

TV et VOL, quelle efficacité ?

"En matière d'incrémental sur les différents indicateurs de performance des annonceurs, la TV reste à tous les niveaux bien plus contributrice que la vidéo en ligne, du fait d'investissements et d'un taux de couverture supérieurs. Néanmoins, la VOL est un bon complément d'audience : 500 GRP de vidéo en ligne permettent d'atteindre 7 points de couverture en plus. Aussi, elle n'a pas atteint un niveau de "saturation" : chaque euro supplémentaire investi est aussi efficace que le précédent. Ce n'est pas le cas en TV, où plus de 10% des campagnes saturent, c'est-à-dire qu'elles répondent davantage à un objectif de construction de l'image de marque et de l'augmentation de la part de marché qu'à un objectif de rentabilité", explique Julien Gaviard, partners chez Ekimetrics, spécialiste de l'attribution marketing.


 
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