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DossierPoubelle, morale et marketing

Publié par AMELLE NEBIA le

1 - 30% des aliments produits sont jetés

Avec 137 kg d'aliments consommables jetés par personne (soit 430€ par foyer/an !), le gaspillage alimentaire est un fléau.

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"Finis ton assiette !" Cette injonction, enfant, on la comprenait bien. C'était la clé pour sortir de table. Mais la leçon qui suivait demeurait un mystère : "Il y a des enfants qui meurent de faim dans le monde et tu veux que je jette tout ça à la poubelle ?" Ce lien soudain entre eux et nous, cette culpabilisation induite épaississait le malentendu.

Nous avons grandi, compris que tout était lié... et gâchons toujours. Beaucoup. En effet, chaque Français jette jusqu'à 80 kg d'aliments par an, dont 7 kg de produits emballés. Il faut y ajouter 13 kg de restes de repas, de fruits et légumes abîmés ou de pain non consommé (1)...

C'est encore un peu abstrait ? Alors, parlons d'argent. Ce sont 430 euros qui partent à la poubelle chaque année. Paradoxe douloureux à l'heure où plus de sept foyers sur dix sont directement touchés par la crise et que 24 % d'entre eux ont réduit leur budget alimentaire (2).

En 2014, la lutte contre ce gaspillage alimentaire est enfin une grande cause nationale : il était temps. Les marques, les distributeurs et tous les acteurs de la chaîne alimentaire (restaurateurs, traiteurs, marchés de gros...) doivent suivre ; et c'est l'affaire du marketing : un enjeu plutôt noble. Vendre plus, c'est la doxa du marketing. Vendre mieux, c'est celle de la RSE, elle-même satellite de la matière qui nous occupe ici.

" Il n'est dans l'intérêt de personne de réduire les produits que les industriels vendent ", rassure Paul Mennecier, en charge de la lutte contre le gaspillage alimentaire au ministère de l'Agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt (voir plus loin son interview).

Global Gâchis

" En revanche, tous les acteurs de la chaîne alimentaire sont engagés sur l'objectif de réduire les déchets alimentaires de moitié d'ici à 2025. C'est l'objet du Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, signé en juin 2013. " La plupart des enfants, devenus des "adultes qui consomment", auraient donc toujours besoin d'une autorité morale. D'autres agissent seuls, comme des lanceurs d'alertes.

De l'Anglais Tristram Stuart, auteur de Global Gâchis, qui multiplie avec le réseau "Feeding the 5 000" ses banquets gratuits concoctés avec des aliments sauvés de la poubelle, aux opérations de sensibilisation, comme le "Gâchimètre et gâchipain", mené dans les lycées agricoles de Laval, en passant par les opérations "Partage ton frigo" et "Apéro Frigo" entre voisins en Meurthe-et-Moselle, ou encore les célèbres "Disco Soupes" et leurs séances publiques d'épluchage, la société civile est très en avance sur les thématiques de ­développement durable et de RSE, en général.

D'autres trublions en ont fait leur métier. " Étudiant en école d'ingénieur à Nantes, j'habitais près d'un supermarché qui déstockait ses futurs invendus. J'ai réalisé, en les achetant, que je faisais des économies importantes et que je mangeais mieux ", se souvient Paul-Adrien Menez, fondateur de Zéro Gâchis, la première start-up qui met en relation distributeurs et consommateurs sur les déstockages périssables (voir plus loin le cas de Zéro Gâchis).

" Mon frère ne trouvait jamais rien près de chez lui ! Il n'était jamais au bon endroit au bon moment. L'idée est née de cette anecdote. " Zéro Gâchis travaille aujourd'hui avec une quinzaine d'enseignes en Bretagne et vient d'arriver en région parisienne, au Leclerc d'Achères, dans les Yvelines.

Le succès des initiatives "Fruits et légumes moches" chez Intermarché ou de la toute récente "Quoi ma gueule ? ", chez Auchan, augurent peut-être une nouvelle ère contre cette discrimination des produits frais qui ne sont pas parfaitement calibrés.

(Cette enquête a été publiée dans Marketing n° 177 - Juin-août 2014)

(1) Sources : Ademe, FAO, Maaf

(2) Observatoire Shoppermind (Altavia), 2013


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Manon Marc

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