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DossierLes origines du marketing

60 ans de théories et de pratiques qui ont accompagné l'évolution de la consommation, des 30 Glorieuses aux années de crise et d'arbitrage. Comment le marketing a-t-il vécu ces années? Témoignages et éclairages.

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Les origines du marketing

Sommaire

1 Le fil rouge du marketing

Marketing, market, marketeur... Des mots liés à une notion qui nous vient du pays des MadMen. Et, comme le fait justement remarquer Laurent Maruani, directeur du département marketing à HEG (cf. partie 3), ces termes n'ont pas la même signification selon les pays. En anglais, le verbe "to market" est transitif, et aux Etats-Unis, le marketing est très lié à la vente, à l'inverse de l'Europe, et notamment de la France. On retrouve la même discordance dans les dates de création du marketing. D'après Pierre Volle, professeur de marketing à l'université Paris-Dauphine (cf. interview partie 4), "l'ère du marketing" débuterait aux Etats-Unis dans les années 1950. Elle succéderait à une "ère de la vente" (1930-1950), elle-même précédée d'une "ère de la production" (1870-1930). Mais on peut, bien sûr, faire remonter les origines du marketing bien plus loin. "En réalité, le marketing a presque 100 ans. L'UDA a été créée en 1916, en pleine première guerre mondiale", rappelle Gérard Noël, président de l'UDA et vice-président de la Fédération mondiale des annonceurs. D'autres considèrent que la formalisation de cette notion date de la crise économique américaine de 1929... Le marketing peut également être considéré comme une pratique de management ancestrale.

Mais trêve de querelles historiques. Pour la France, si la pratique set plus ancienne, la théorie prend bien ses racines dans les années cinquante. Confirmation du côté de l'Adetem, l'association nationale des professionnels du marketing, formée en 1954, " une association créée par des professionnels pour des professionnels ", insistent François Laurent, vice-président, et Dominique Servant, déléguée générale de l'Adetem. Pour ses 50 ans, l'Adetem a réalisé une rétrospective portant sur les évolutions fondamentales du marketing, étayée d'interviews d'experts et comportant l'analyse de 200 numéros de la Revue Française du marketing. Cette étude éclaire l'évolution du marketing par les grandes tendances de chaque décennie, qu'elles soient géopolitiques, économiques, technologiques ou socioculturelles.

" Dans les années cinquante, alors que les entreprises étaient organisées selon un schéma industriel / commercial, elles ont utilisé de plus en plus de méthodes marketing anglo-saxonnes, explique Gilles Pacault, président du comité marketing de l'Ilec (Institut de liaisons et d'études des industries de consommation) et vice-président délégué de Prodimarques. Sont alors apparues en France des sociétés de services marketing, en matière d'études de marché ou de publicité, souvent intégrées à des groupes multinationaux (la Seced et Lintas, pour Unilever). " L'Ilec a été créé en 1959, après l'apparition des premières grandes surfaces alimentaires. Il provient des industriels de produits de grande consommation, qui souhaitaient défendre leurs marques. Prodimarques date de 1987 et avait pour but de regrouper, au sein de l'Ilec, les problématiques de marques. UDA, Adetem, Ilec, Sy ntec études marketing & opinion mais aussi l'AACC (Association des agences conseil en communication), l'ARP (Association de régulation de la publicité, ex-BVP)... Des associations qui ont accompagné l'évolution du marketing.

Gérard Noël, président de l'UDA et vice-président de la Fédération mondiale des annonceurs : "Avant, les rois du marketing étaient les lessiviers, aujourd'hui, ce sont les opérateurs téléphoniques !"


2 De la consommation effrénée à la décroissance

" Deux grandes évolutions ont ponctué ces 60 ans de marketing dans l'univers des produits de grande consommation, analyse Gilles Pacault. La première concerne la concentration de la distribution. La deuxième évolution importante a été la mondialisation, ou tout du moins l'internationalisation, des marques et des produits. Ce phénomène a affecté les organisations marketing: R & D européenne, lancements mondiaux de produits... Même des marques d'origine française se sont pliées à cette mondialisation: c'est le cas de Lu, aujourd'hui dans le groupe Kraft Foods. "

De son côté, Gérard Noël, qui a débuté sa carrière chez Procter & Gamble, se souvient : " Procter & Gamble a été un des moteurs du marketing en Europe. Dès les années soixante, les lessiviers, celui-ci en tête, ont développé, avec les instituts, des outils d'études d'investigation des comportements des consommateurs. Ils sont à l'origine des organisations marketing comprenant un chef de produit, un responsable de la marque... C'est le début du marketing transversal. La publicité à la TV est apparue après la seconde révolution du secteur, en 1968. La communication a permis de démontrer l'efficacité du produit.

Cela a été un grand bouleversement. La troisième révolution a été le numérique, il y a une quinzaine d'années. Le Web, le mobile, les réseaux sociaux... ont entraîné une interaction des marques avec les consommateurs. Cela a compliqué le marketing mais l'a rendu aussi plus efficace et plus responsable. Il y a 60 ans, on ne s'inquiétait pas de la façon dont le consommateur recevait les messages. Aujourd'hui, c'est une préoccupation majeure. "

3 La marque produit et la marque "sociale"

Les marques, et leur miroir qu'est la publicité, ont accompagné ces années de consommation des premiers équipements ménagers, automobiles puis électroniques. On a aussi constaté la démultiplication des formats de distribution, des médias... Les marques se sont frottées à la concurrence, à celle des autres marques nationales ou internationales mais aussi, par la suite, à celle des MDD, " un fait commercial mais pas marketing ", selon Gérard Noël, pour qui " les grandes marques, dont on ne pourra jamais se passer, jouent un rôle majeur ". Elles se sont adaptées à la consommation. Dans les années cinquante-soixante, la marque était orientée "produit". Dix ans plus tard, elle a délaissé cet argument pour mettre l'accent sur la vente.

La marque des années quatre-vingt est centrée sur la publicité. Elle vend du rêve et commence à se rapprocher du consommateur. A partir de 1990, le client apparaît comme incontournable. Il devient volatil et souhaite des alternatives de consommation (des produits bio, par exemple): la marque doit donc s'adapter. Le début des années deux mille marque la fi n du pouvoir de l'entreprise. Cette dernière doit tenir compte de tous ses publics et de tous les environnements (politique, économique, sociologique, actionnarial, etc.).

Depuis quelques années, la marque a pris un tournant et propose des services. Elle comporte un volet social (réseaux sociaux obligent). Le consommateur éprouve le besoin de connaître l'entreprise derrière la marque mais aussi les apports de cette dernière en termes de valeurs non-marchandes: culturelles, équitables, éthiques... La grande mutation du marketing serait-elle celle du lien avec le consommateur? " Avant, on fabriquait sans se soucier de qui achetait, répond Gérard Noël. Aujourd'hui, on donne la parole au client. Le fi l rouge de l'évolution du marketing c'est le consommateur. " On ne peut plus imposer n'importe quoi à un acheteur surinformé. On est passé du marketing produit au marketing de la valeur. " La révolution des nouvelles technologies n'est pas finie, estime Gilles Pacault. On le voit dans l'explosion des tablettes et des smartphones. La fusion portable / PC / TV laisse envisager de grands bouleversements. Parallèlement à ces progrès technologiques, la pérennité est devenue de plus en plus importante. Dans la grande consommation, la moyenne d'âge des 300 plus grandes marques en France est supérieure à 100 ans. Les industriels ont tout intérêt à étendre leurs marques sur d'autres catégories de produits. L'exemple actuel de Milka est représentatif de ce phénomène. " Les nouvelles technologies entraînent des bouleversements pour la fonction marketing. " Avant, les rois du marketing étaient les lessiviers ; aujourd'hui, ce sont les opérateurs téléphoniques! ", lâche Gérard Noël. Un bien ou un mal? " Dans les années quatre-vingt, le marketing était la voie royale pour l'accession à des postes de direction générale, constate Gilles Pacault. La fonction a ensuite perdu de son importance au profit du commercial ou de la finance.

Les nouvelles technologies vont peut-être revaloriser la fonction marketing, car elles l'exposent davantage dans sa relation avec le consommateur. " Méfiance des consommateurs, déconsommation, arbitrages, voire décroissance... Pour beaucoup de professionnels, la crise actuelle annonce une rupture radicale. Et si rien ne redevenait comme avant?

Gilles Pascault, président du comité marketing de l'Ilec et vice-président délégué de Prodimarques : "Il n'y a aucune raison de considérer que le marketing est mort. L'entreprise est capable de créer des produits et des services pour satisfaire les consommateurs, dans une évolution vers plus de transparence et de mobilité."


4 Le marketing face à la crise

Dans l'ouvrage A nouveaux consommateurs, nouveau marketing, zoom sur le conso'battant (coordonné par Philippe Jourdan, François Laurent, Jean-Claude Pacitto, édition Dunod, octobre 2011), François Laurent est cinglant : " L'erreur des marketers aura été de croire que les consommateurs adhéraient aux valeurs qu'ils leur assénaient à grands coups de rouleaux compresseurs publicitaires ; qu'ils préféraient la communication associée aux produits eux-mêmes! " Et il résume cette rupture de "l'empowered consumer" au "consobattant" : " Des consommateurs au pouvoir d'achat en berne, qui redécouvrent la vraie valeur des produits. Désormais, en dialoguant entre eux, les clients ont les moyens de discerner le nécessaire du superflu. " Résultat, de nouvelles formes d'acquisitions des biens et services sont apparues, ainsi qu'une situation de trade off généralisée.

Les décisions peuvent se révéler très violentes pour certaines catégories de produits, comme l'automobile: passant de son statut d'instrument de prestige à celui de simple moyen de locomotion, la voiture se trouve en concurrence avec les transports en commun et le covoiturage. Une page se tourne. Pour Gilles Pacault, " il n'y a aucune raison de considérer que le marketing est mort. Il stimule l'entreprise pour créer des produits destinés à satisfaire les consommateurs, dans une évolution vers plus de transparence. " Ou, comme le dit Gérard Noël: " Le marketing "de papa" est fi ni mais le marketing est toujours bien vivant ". Et même François Laurent, pourtant auteur du blog Marketing is dead, est d'accord!

François Laurent, coprésident de l'Adetem : "L'erreur des marketers aura été de croire que les consommateurs préféraient la communication associée aux produits, plutôt que les produits eux-mêmes !"

60 ans de théories et de pratiques qui ont accompagné l'évolution de la consommation, des 30 Glorieuses aux années de crise et d'arbitrage. Comment le marketing a-t-il vécu ces années? Témoignages et éclairages.

5 Chronologie des évolutions du marketing

6 1950. EMERGENCE DU MARKETING EN FRANCECroissance du marketing industriel.Ruée spéculative de la distribution en zones périurbaines.Croissance des grands médias.Etudes : analyses de similarités et "mapping", "trade off ".Marchés tests simulés et modèles de lancements de produits (Basis / Burke, Sprinter / Seced / Novaction).Premiers observatoires des styles de vie (CCA, Cofremca).1980. MARKETING TOUS AZIMUTSMontée en puissance du cooconing et de la sensibilité environnement / santé.Marketing international.Marketing des services.Domination des hypers /supers et développement des grandes et moyennes surfaces.Croissance du marketing directBrand equity.Chefs de produits internationaux.Etudes : audi mètres, Cati.Panels + minitels.Européanisation des études.1990. MARKETING DE LA RELATION CLIENT ET DE LA VALEURGénéralisation de la micro-informatique.Naissance de la téléphonie mobile (1992 en France).Personnalisation de l'offre, CRM.Guerre des prix, hard discount, MDD, low cost. Croissance du hors-médias.Responsables de trade marketing, category managers. Pouvoir des acheteurs en entreprise.Etudes : études tactiques, décisionnelles, réactives.Internationalisation des études quantitatives et qualitatives (globales ou glocales).Informatisation des instruments: Capi, Cawi, access panels...2000. WEB MARKETINGSpéculation internet puis croissance du commerce électronique.Naissance des réseaux sociaux.Priorité au marketing opérationnel et au ROI rapide.Webmasters et community managers.Etudes : boom des panels et des études on line.Concentration et industrialisation des instituts.Multiconcurrence.2010. MARKETING CROSS CANALDistribution multicanal.Big data.Pouvoir croissant du client et du consommateur.Traçabilité et ciblage toujours plus précis.Débat sur la protection des données.Etudes : guerre sur la propriété des informations.Multiplications des sources et bases de données internes et externes.Etudes via les réseaux sociaux.Frontières conseil / études?Source: 50 ans de l'Adetem et Marketing Magazine Sept dates pour comprendre les évolutions du marketingLaurent Maruani: le marketing face à ses enjeux QU'EST CE QUE LE MARKETING, SELON VOUS? Laurent Maruani : Il faut, avant d'en donner une définition, s'entendre sur le vocabulaire et traverser l'Atlantique. En anglais, le verbe "to market" est transitif. Il est traduit, de façon hasardeuse, par "marketer"... Or, la signification diffère! Aux Etats-Unis, le marketing consiste en une mise à disposition d'un produit sur le marché. Il est étroitement lié à la vente, alors qu'en Europe, et notamment en France, il s'y oppose presque. En France, le marketing est d'abord une discipline, qui gère et analyse des données. La vente, de son côté, représente un mode de promotion sociale au niveau personnel, car le commercial génère du chiffre d'affaires et il est honoré pour cela. L'homme de marketing signe un peu l'arrêt de mort du commis voyageur, en annonçant, au vu de ses études, ce que le commercial ne voit pas et devrait pourtant observer. Les deux cultures se sont longtemps opposées et affrontées, car l'une voit le marché et l'autre ses clients. Nous l'observons encore dans les entreprises où cohabitent des commerciaux de l'ancienne génération, qui connaissent leurs clients, et les jeunes qui travaillent leurs bases de données sur tablette. A QUELLE EPOQUE LE MARKETING S'EST-IL IMPOSE DANS LES PRATIQUES? L'ère de "l'affluent society" de Galbraith est venue des Etats-Unis. L'Europe a suivi avec le plan Marshall. Mais nous n'avons pas changé le modèle économique, fondé sur le profit, ni vraiment de business model productiviste. Le marketing était, alors, d'abord un outil de gestion de la rareté. Après la Seconde Guerre mondiale et la période de manque de matières premières, il a fallu, avec la reprise de l'activité, gérer les flux d'approvisionnement, la logistique. Au fur et à mesure, les gains de productivité ont alimenté une croissance économique supérieure à la croissance démographique dans les pays riches. La rareté matérielle s'est réduite. La société d'abondance a été l'époque du choix. Aujourd'hui, c'est le client qui apparaît comme un élément de rareté. Il faut alors tenir compte de son temps, et en particulier du temps des achats. QUELS ONT ETE LES TRAVERS ET LES POINTS FORTS DU MARKETING AU COURS DE SON HISTOIRE? Le marketing a connu deux travers. En premier, l'hypersegmentation, dans les années 1990: les marketers ont passé plus de temps à gérer la constitution des segments qu'à mener des actions. En second, l'assimilation négative du marketing par le grand public, qui l'associe à de la propagande. Mais depuis une dizaine d'années, le marketing laisse faire davantage le marché. On s'éloigne du catch marketing pour aller vers le match marketing et trouver une adéquation intelligente entre l'offreur et le demandeur. L'hypersegmentation n'a de sens que si l'offre est hypersophistiquée ou si la gamme est très cohérente. Car aujourd'hui le consommateur choisit en derviche tourneur les segments auxquels il adhère. Un CSP+, par exemple, achète aussi bien des produits de luxe que du prêt-à-porter bon marché, et va chez YSL comme chez H&M. Le point fort du marketing est qu'il vient à la rescousse de pans entiers de l'économie, comme le secteur de la banque et de l'assurance, où il montre l'importance du relationnel dans un monde aux produits et services très imitables. On le voit aussi dans l'aéronautique, où le constructeur Airbus a réussi à communiquer sur l'A380 par des messages forts qui ont couvert les discours des compagnies aériennes, pourtant interlocutrices habituelles du grand public. Le marketing peut encore être l'allié de l'ingénieur. Il est en tout cas celui des utopies qui ont engendré le progrès économique et social. QUEL EST LE CONCEPT FEDERATEUR, LE(S) CRITERE(S) PREPONDERANT(S) DES STRATEGIES MARKETING? A HEC, je demande aux enseignants du cours de marketing stratégique de présenter le marketing avec les 4 P (variables du mix marketing: produit, prix, place et promotion, NDLR), car ils font figure de locomotive. Mais le concept qui fédère la discipline, c'est la connaissance client, la gestion de sa valeur lors de la transaction. Il est important, lorsque l'on propose une offre, d'identifier aussi le risque qu'elle représente pour le client: "Ce dessert est excellent mais il me fait grossir", "ce logiciel est intéressant mais il crée de la dépendance vis-à-vis de l'éditeur". Savoir identifier le risque que l'offre fait naître permet de le limiter. C'est encore plus important en B to B qu'en B to C. Il faut s'interroger sur l'utilisation que le client fera du produit. Les entreprises ont basculé de l'approche produit à l'approche client, mais négligent encore trop la notion de substitut à la consommation de leur offre. Prenez les constructeurs automobiles: ils ont intérêt à connaître les substituts à l'achat d'une voiture neuve. Un modèle de voiture a aussi pour concurrents un arbitrage budgétaire, un voyage ou une épargne de précaution. Le constructeur doit donc répondre en formulant une proposition de financement plutôt que par la mise en valeur du produit par rapport à celui de la marque rivale. QUELLE A ETE L'INFLUENCE, SUR LA PROFESSION, DE LA NAISSANCE DE L'AMERICAN MARKETING ASSOCIATION (AMA) EN 1937? Pour tout enseignant en marketing, l'AMA est une marque académique, qui organise le marché des recrutements des professeurs dans le monde. C'est encore le cas en 2012. Elle se transforme en club de cooptation élargi. L'AMA est américaine, il faut se plier à ses codes pour être entendu. Elle a eu l'intelligence d'associer les professionnels, imitée en ce sens par d'autres associations comme l'AFM. Mais aux Etats-Unis, l'AMA défend l'image du marketing auprès du grand public. Je crains qu'en Europe, aucune association n'ait pu et su jouer son rôle: elles sont presque toutes dans une sorte de focalisation académique univoque. La reconnaissance sociale du marketing intéresse assez peu les enseignants car elle n'a pas d'impact sur leur carrière. Les professionnels viennent chercher les résultats des recherches sur les thèmes qui les intéressent, et les enseignants les accès aux bases de données et à leur traitement. La coopération se limite à peu près à cela. C'est pourquoi le club marketers des anciens HEC se penche sur cet élargissement de l'approche du marketing. COMMENT REAGISSEZ-VOUS A CETTE IMAGE UN PEU NEGATIVE DU MARKETING? Le marketing devrait s'intéresser au temps de l'autre, il aurait de ce fait un caractère humaniste. Or, il est présenté comme un pickpocket instantané. Ce gâchis me blesse et me contrarie, comme tous les abus. Le marketing a accompagné le développement concret de la mise en application des utopies, des progrès de la science et d'une forme d'humanité. C'est encore son rôle, parfaitement compatible avec la dynamique actuelle des marchés. Une partie des professionnels du marketing adopte - hélas - les comportements secrets et maladroits des scientifiques, et s'y réfugie avec une certaine prétention. Nous laissons la place aux historiens. QUID DU LIEN ENTRE LE MARKETING ET L'ETHIQUE? PEUVENT-ILS FAIRE BON MENAGE? La question de la responsabilité des entreprises est posée. Il est possible de développer une approche morale et classique. Comment les entreprises peuvent-elles travailler avec des pays qui ne respectent pas les droits de l'homme? La position actuelle de la Birmane Aung San Suu Ky est intéressante à cet égard car elle surprend ceux qui s'empressaient de condamner Total. Quelle est la place d'une entreprise dans un tel pays? La présence globale de l'entreprise apporte un premier élément de réponse. Mais d'autres questions se font jour, notamment contre l'ingérence: jusqu'au faut-il aller pour ne pas aller trop loin? D'autres concepts émergent: quels sont l'avenir et la traçabilité des droits de l'homme dans les produits? Quid des manipulations et des actions de lobbying? Les majorités de boycottage ne manquent pas à l'ONU, elles pourraient détourner un tel projet pour le politiser... Voilà le rôle du marketing, qui doit expliquer pourquoi telle entreprise est présente dans tel pays et non dans tel autre. Les droits de l'homme méritent d'être respectés comme le droit des droits. La surface de la Terre, son sous-sol, l'air et la mer ont été exploités. L'ultime dimension de l'économie, le dernier territoire qui sera exploité au XXIe siècle pour assurer la croissance, est probablement le corps humain. On le voit avec les nanotechnologies, les robots, les débats sur les trafics d'organe: le corps humain devient la nouvelle territorialité de développement économique. Pour autant, les droits de l'homme ne sont pas juridiquement structurés en ce sens. Le marketing va devoir s'y intéresser. Il faut alors déterminer comment les droits de l'homme influent sur la régulation des marchés. Un nouveau type de régulateur, moins inspiré par le XIXe siècle et plus par le futur, devra émerger. Parcours de Laurent Maruani Professeur depuis 1979 à HEC Paris, Laurent Maruani, 63 ans, dirige le département marketing pour l'ensemble des institutions du groupe HEC. Maître de conférences à l'Ecole polytechnique et à l'Ecole nationale des Ponts et Chaussées, il tient également le rôle de "visiting professor" au sein d'universités étrangères (Ucla, Saint Petersbourg...). Il est aussi directeur académique de la marketing academy de Microsoft France, de l'académie marketing Sanofi France et des formations du groupe Casino. A l'enseignement, il ajoute le conseil aux dirigeants d'entreprises et la fonction d'éditorialiste économie et business pour différents quotidiens français et étrangers. Il est l'auteur de plus de 200 articles et de plusieurs livres de marketing et d'économie.Des origines du marketing à son rôle présent et futur dans la défense des droits de l'homme, Laurent Maruani, directeur du département marketing d'HEC, fait le point sur une discipline peu valorisée au regard du rôle qu'elle tient dans la société.Entretien avec Pierre Volle : la véritable histoire du marketing NOUS FÊTONS LES 60 ANS DU MARKETING, OU EN SONT LES CONTROVERSES SUR L'ORIGINE DU CONCEPT? Pierre Volle : L'histoire officielle dit que le marketing est né aux Etats-Unis vers 1950. Cette "ère du marketing" aurait succédé à l'ère de la vente (1930-1950), elle-même précédée par l'ère de la production (18701930). Ces repères chronologiques sont aujourd'hui remis en cause. Cependant, il faut distinguer les pratiques marketing des idées et des concepts. Le concept de segmentation a bien été formalisé dans les années cinquante. Pour autant, les pratiques de segmentation étaient monnaie courante bien avant cette date. Dans le chapitre "Marketing: comprendre l'origine historique" de mon ouvrage MBA Marketing je cite l'exemple du marché des consommateurs homosexuels ou encore celui de l'automobile. Dans les deux cas, la segmentation client et la segmentation produit existaient depuis les années 1910-1920. Les premières expériences datent même de la fi n du XIXe siècle. En revanche, la conceptualisation - avec la spécialisation de professeurs, de consultants et de gourous, notamment en Europe - commence dans les années cinquante (l'Association nationale du marketing - l'Adetem, par exemple, a été créée en 1954). Dans son dernier ouvrage, Marketing 3.0, Philip Kotler propose un schéma qui fait remonter la naissance du marketing formalisé aux années cinquante. Les pratiques étant nettement antérieures, nous pouvons nous interroger sur la persistance de repères chronologiques erronés. Pourquoi, en effet, ne pas faire coller l'histoire du marketing à sa réalité? Il est fortement associé à l'entreprise de conquête idéologique, presque au sens géopolitique du terme, menée par les multinationales américaines au sortir de la guerre. Cet "acte de naissance" politique marque encore aujourd'hui les représentations de nombreux professionnels et experts. LE MARKETING SEMBLE PEU INTÉRESSER LES HISTORIENS ET L'HISTOIRE DU MARKETING PARAIT PEU PRÉOCCUPER LES MARKETEURS... QU'EST-CE QUE CE DÉSAMOUR VOUS INSPIRE? Une question se pose en effet: pourquoi est-il intéressant de se pencher sur le marketing? C'est un objet d'histoire passionnant et pourtant, peu de chercheurs travaillent sur le sujet. La tentation de le présenter comme une discipline nouvelle est grande, alors qu'il serait plus efficace d'en présenter l'origine. Pour gagner en légitimité, les marketers ne devraient-ils pas mettre en avant son histoire et faire comprendre que cette discipline s'inscrit dans la durée? Le marketing est perçu comme un ensemble d'outils répondant aux besoins des clients, mais cette croyance est fausse! Jamais les ménages n'auraient acheté d'automobiles ou consommé de soupe en boîte si des efforts colossaux n'avaient pas été fournis pour développer ces marchés. Une partie de l'opinion dénonce la création de nouveaux besoins et la manipulation des consommateurs. Il serait plus juste de se pencher sur le passé et de défendre l'idée que le marketing joue un rôle essentiel pour soutenir la croissance économique en créant des marchés. Aujourd'hui, les professionnels du brand content aiment à raconter la façon dont Michelin a transformé la vie des gens en éditant ses guides, dès 901, pour les inciter à découvrir les joies du tourisme. Imaginez les efforts considérables réalisés pour transformer en profondeur les pratiques des Français et développer l'usage de l'automobile. Les marketeurs de l'époque n'ont pas répondu à une demande : ils ont construit le marché (avec d'autres, naturellement, comme les ingénieurs, qui ont imaginé les véhicules, ou les hommes politiques, qui ont construit les routes). Au fond, il s'agit dune histoire dont nous connaissons mal les contours. La discipline académique manque de chercheurs. En France, il doit y avoir une dizaine de spécialistes, guère plus. Si l'économie a été réhabilitée auprès des historiens avec l'Ecole des annales (à laquelle Fernand Braudel a notamment donné une impulsion décisive), il s'agit plutôt de macroéconomie, et non d'entrepreneurs et d'entreprises. Les stratégies marketing sont globalement absentes des analyses économiques. Tant que les écoles de management et les universités de gestion n'auront pas admis que l'Histoire est importante, la communauté ne se développera pas. Pierre Volle : " Je ne pense pas que l'heure de la décroissance ait sonné. Au contraire, il me semble que chacun aspire à la croissance. Mais une croissance différente, plus qualitative, respectueuse de nouvelles exigences, notamment écologiques et éthiques. "QUID DE LA GÉOGRAPHIE ET DES ORIGINES AMÉRICAINES DU MARKETING? Pour exister pleinement, le marketing a eu besoin d'institutions et de technologies, comme les marques (fortement associées au développement du droit de la propriété intellectuelle), les méthodes d'emballage, les médias et les magasins en libre service. Le packaging s'est imposé comme un levier essentiel, appuyé dans les années trente par la radio, qui a permis de relayer les messages. Les industriels américains ont misé sur l'industrie de consommation, avec l'ambition de construire des marques nationales et de massifier les volumes sur un marché intérieur de grande taille. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Américains bénéficiaient d'une avance remarquable. En outre, la présence de leurs troupes sur le territoire européen a représenté un vecteur essentiel pour y installer les marques. En France, à la même époque, les marques étaient encore essentiellement régionales. Un autre phénomène explique la domination des produits américains: le marketing représente le choix, il est l'arme de la concurrence. Or, le choix, c'est la démocratie! La consommation, et avec elle le marketing, s'est aussi imposée pour des raisons politiques, comme le meilleur rempart contre le communisme. Dans les autres régions du monde, le Royaume-Uni, avec sa puissance coloniale, apparaît lui aussi à l'époque comme un pays très avancé. A la différence de la France, de l'Allemagne et du Japon, qui ont privilégié les industries lourdes, il a opté pour une industrie de la consommation et a réussi à imposer ses produits sur ses différents territoires. QUELLES ÉVOLUTIONS NOTABLES LE MARKETING A-T-IL CONNUES?Pierre Volle : "Après-guerre, la consommation, et avec elle le marketing, s'est imposée comme le meilleur rempart contre le communisme". Les innovations techniques ont apporté des évolutions stratégiques. Prenez l'influence du train et des méthodes de conditionnement pour la commercialisation des boeufs par les meat packers aux Etats-Unis! Une révolution. La découpe en morceaux a pu se généraliser et mettre un terme aux pertes colossales liées au déplacement du bétail dans les plaines américaines. Plus près de nous, depuis une dizaine d'années, le marketing évolue fortement avec les technologies numériques. Le monde a changé au cours des 30 dernières années et le marketing en témoigne. Au-delà d'Internet, les modifications profondes viennent de la mobilité. La mobilité permet de faire du marketing autrement : le fait de disposer en tout lieu d'une information, et pas seulement via le point de vente ou les médias de masse, change radicalement les pratiques d'information et de consommation. Le consommateur peut comparer les prix sur son smartphone et quitter un magasin pour un autre en fonction des résultats. Les technologies permettent aux marques d'être encore plus ancrées dans la société. Avec le smartphone, le marketing s'inscrit plus résolument que jamais dans le quotidien des gens, d'où les résistances. A PROPOS DES ÉVOLUTIONS DES TECHNIQUES, COMMENT S'EST EFFECTUE LE PASSAGE DU MASS MARKET AU ONE TO ONE? Le concept de one to one n'est pas nouveau. Auparavant, le contact entre le producteur et son client était direct. Mais avec la massification des marchés et leur extension, les entreprises ont progressivement perdu leur lien avec les consommateurs, qui sont devenus anonymes. Pendant les Trente Glorieuses, elles étaient focalisées sur le développement de la consommation, et non pas sur les clients en tant qu'individus. Aujourd'hui, les marques redécouvrent les clients derrière la figure anonyme du consommateur. La technologie autorise à porter ce nouveau regard sur des millions de clients, à suivre leurs comportements et à rétablir une relation plus proche et personnelle. COMMENT LES MÉTHODES D'ÉTUDE ONT-ELLES ÉVOLUÉ? Les méthodes d'étude reflètent autant les changements sociologiques que les ruptures technologiques et scientifiques qui jalonnent l'histoire du marketing. Elles suivent notamment l'évolution des canaux de distribution et de communication. Par exemple, l'invention du libre-service dans les années vingt aux Etats-Unis a été suivie par l'invention des données de panel au début des années trente. Avec la méthode des panels est apparu le concept de part de marché. Parallèlement, le développement des études de marché s'accompagne de la création d'instituts spécialisés: AC Nielsen en 1923 et Gallup en 1935 aux Etats-Unis, GfK en 1934 en Allemagne, l'Ifop en France en 1938. Depuis une quinzaine d'années, en lien avec le développement de la communication sur Internet, on assiste à l'émergence des méthodes d'analyse des comportements en ligne, à de nouveaux concepts comme le taux de clic et l'engagement des fans, ainsi qu'à la naissance d'acteurs spécialisés dans l'analytics. A chaque nouvelle technologie commerciale ses méthodes d'études et ses concepts associés. Plus spécifiquement, les études qualitatives ont elles aussi ont une histoire riche. L'un de leurs inventeurs, Ernest Dichter - un Autrichien qui a émigré de Vienne aux Etats-Unis à la fi n des années trente - était un véritable chercheur en sciences sociales, dont les études marketing, marquées par la psychanalyse, sont étonnantes de modernité. Aujourd'hui, les entreprises disposent de bases contenant des quantités phénoménales de données, mais les études qualitatives jouent toujours un rôle essentiel, car elles apportent du sens. Par exemple, l'observation est une méthode qui a le vent en poupe. AUJOURD'HUI, AU XXIe SIÈCLE, LE MARKETING EST-IL MORT? Il n'y a pas de grande marque sans bons produits. Cela dit, la qualité est une condition nécessaire mais non suffisante pour réussir. Aujourd'hui, nous constatons une explosion de l'offre. Il est donc impératif pour les entreprises de travailler leur marketing, ne serait-ce que pour faire connaître leurs produits. Le marketing sert également à véhiculer un positionnement et des valeurs. Il permet d'ouvrir les portes de l'entreprise et d'engager un dialogue avec ses publics. Le challenge étant de placer une off re dans un marché et une société complexes. Le marketing n'est pas mort, car il soutient la création d'offres innovantes et le développement économique. Or, je ne pense pas que l'heure de la décroissance ait sonné. Au contraire, il me semble que chacun aspire à la croissance. Mais une croissance différente, plus qualitative, respectueuse de nouvelles exigences, notamment écologiques et éthiques. Parcours de Pierre Volle Pierre Volle, 44 ans, est professeur en sciences de gestion à l'université ParisDauphine depuis 2004. Il codirige le master en Management (Parcours business development). Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Gestion de la relation client (troisième édition, 2009) et Commerce électronique (deuxième édition, 2011), ainsi que de nombreuses publications scientifiques dans des revues françaises et internationales (Revue française du marketing, Recherche et applications en marketing, Décisions, Marketing, Revue française de gestion, Entreprises& histoire, Journal of Business Research, etc.). Depuis 2010, il anime le Center for customer management, équipe de recherche internationale rattachée au laboratoire DRM (Dauphine recherches en management). Pierre Volle commence sa carrière en 1991 comme marketing manager chez Bongrain. Stratégie Clients (ouvrage collectif auquel a collaboré Pierre Volle, éd. Person), remet le client au centre de la stratégie marketing et décrypte les nouvelles pratiques. Si le mot est apparu en 1962, la théorie date des années 1950 et on observe des pratiques qui en relèvent dès le début du XXe siècle. Pierre Volle, professeur de marketing à l'université Paris-Dauphine, replace le marketing dans sa perspective historique. Un exercice inhabituel et passionnant.Des 4P aux 6S... les mutations du marketing mix Le marketing mix désigne les outils dont dispose l'entreprise pour influencer ses ventes. Jerome Mc Carthy les a regroupés en 1960 sous l'appellation "4 P" désignant ainsi le produit, son prix, sa place et sa promotion.Les 4 P collent au contexte des Trente Glorieuses, à l'économie de l'off re et à l'explosion de la grande distribution. Dans les décennies 1950 et 1960, le message est directif, émis par la marque ou l'annonceur. " Avec le marketing des 4 P, nous sommes tous considérés comme des enfants, des consommateurs passifs auxquels s'adresse le père ", souffle Jean-Claude Boulay, fondateur de JCB Consultant, cabinet conseil en marketing et études sémiologiques. Le marketing fait son job, il répond aux besoins des consommateurs en proposant une off re produit, une politique de prix et en communiquant pour expliquer en quoi elle y répond mieux que celle du produit concurrent. Philip Kotler, le "père" du marketing, reprend les 4 P à son compte. " Les 4 P, résume Thierry Maillet, consultant en marketing et historien des entreprises, c'est un peu comme le plan comptable pour la comptabilité. Des instances internationales le critiquent, mais il faut bien des règles et cela fonctionne. " Pour autant un bon expert-comptable ne se limite pas à l'application du plan comptable. De la même manière, dans la vraie vie, un bon marketer doit dépasser les frontières des 4 P. D'ailleurs, au fi l du temps et de l'évolution de l'économie, les critiques fusent. De toutes parts. Les marketers se sentent un peu trop à l'étroit, bridés par la tyrannie des fameuses lettres. Le contexte évolue. Le temps du "no limit" et "no future", du "je consomme, donc j'existe", s'achève. Les crises successives ont englouti le monde de la croissance régulière et continue. " Pendant les crises des années 1983-1984, puis de 2004-2008 en Europe, les politiques ont misé sur la relance par la consommation - sauf en Allemagne avec les résultats que l'on connaît en matière d'endettement, expose Olivier Géradon de Vera, vice-président de SymphonyIRI France. Mais 2008 représente un tournant avec une hausse des prix des produits de consommation courante supérieure à la croissance des revenus, et donc une baisse du pouvoir d'achat. " La crise est stoppée, mais les tendances sont cristallisées avec un retour aux économies domestiques (on consomme utile plutôt que futile), qui signe l'impuissance des 4 P. En 2012, alors que la baisse des revenus des ménages risque de s'installer à moyen terme - remboursement de la dette publique oblige - le consommateur ne réagit définitivement plus au mix média traditionnel.Les 4 P en question Dans son ouvrage Les clés du marketing, paru aux Etats-Unis en 2003 (2005 en France), Philip Kotler fait le point et passe en revue les opposants aux 4 P. Les entreprises de cosmétique ont voulu ajouter un cinquième P pour désigner le packaging, pourtant compris dans le "Produit" ; les commerciaux dénoncent la lettre P comme une barrière à l'entrée pour leur département, les spécialistes du marketing des services réclament à leur tour d'ajouter 3 P pour "personnel", "procédé" et "présentation"... Philip Kotler, lui-même, suggère de s'affranchir des 4 P en osant une nouvelle définition avec Configuration (produit), Valorisation (prix), Facilitation (place) et Symbolisation (promotion). Querelle de chapelle ou nouvelle théorisation, une autre critique se fait jour, plus fondamentale, avec Robert Lauterborn, qui, dans les années 1990, appelle ses condisciples à travailler sur les 4 C avant de déterminer les 4P (qu'il ne remet pas en cause) : consommateur, coût pour le consommateur, commodité et communication. " Erreur, répond Thierry Maillet, car c'est bien le marketing de l'off re qui tient les rênes: demander à un consommateur ce qu'il veut, c'est regarder dans le rétroviseur. " Les 4 P priment encore sur les autres approches. Les entreprises doivent toujours proposer et promouvoir des "produits". Et ceux-ci trouvent leu r "place" dans les rayons de la distribution ou sur des pages internet. Le "prix" demeure une variable d'actualité, y compris dans l'économie numérique, où certains services, présentés comme gratuits, ne le sont pas vraiment, puisque le consommateur doit s'équiper (acheter un ordinateur, payer un abonnement pour la connexion, télécharger des applications...). Enfin la "promotion" a toujours cours, soit par le biais de la communication - il s'agit alors, selon Thierry Maillet, davantage d'une prise de parole - soit dans les linéaires de la distribution. Pourtant, le principe des 4P, qui épousait si bien l'ère industrielle, ne semble plus adapté au contexte actuel. Helen Zeitoun, directeur monde de l'activité marque communication et expérience client chez GfK France, estime qu'" il manque trois éléments pour permettre aux 4P de comprendre les comportements actuels et agir sur eux: l'importance des services, celle de l'expérience et enfi n de la relation ". Aujourd'hui, une enseigne comme Leroy Merlin tire son épingle du jeu grâce aux cours de bricolage et aux nombreux autres services à valeur ajoutée qu'elle met à la disposition de ses clients. Les consommateurs recherchent de l'émotion à travers l'expérience, et avec Internet, la dimension sociale prend du poids.Le renouveau des fondements du marketing La matrice a donc changé. Le consommateur n'est plus le dernier maillon de la chaîne, qui achète sous l'effet du matraquage publicitaire. Au contraire, il devient partie constituante de la politique des marques. Les individus interviennent (ils publient leurs avis sur Internet) et participent (via la cocréation, par exemple). " Les 4 P n'ont pas disparu, les 5 E [lire plus bas] représentent simplement une couche supplémentaire ", admet Minter Dial, président de The Mindset Company, conseil en stratégie marketing. Trois éléments seraient venus, selon lui, bousculer les fondamentaux du marketing. Un, après les années de matraquage publicitaire, la méfi ance des consommateurs enfle vis-à-vis des marques, dont le manque de sincérité est présumé. Deux, le besoin de sens engendre un anti-consumérisme qui s'affirme comme une valeur refuge dans un monde incertain, fragilisé par le terrorisme, le réchauffement climatique, la crise des systèmes financiers... Trois, l'essor du Web bouscule les paradigmes marketing et commerciaux. La force des 5 E est d'instaurer le marketing relationnel en réponse au questionnement des consommateurs. Mais, objecte encore Thierry Maillet [...], " il ne faut pas être naïf En matière d'échange, la marque conserve une volonté de domination. Même si elle peut écouter et faire évoluer son off re, son objectif est de la vendre ". L'échange serait illusoire. Minter Dial a d'ailleurs, avec Yael Rozencwajg (agence Yopps), réalisé une infographie sur la valeur d'un fan sur Facebook. Elle démontre que non seulement certains fans valent plus que d'autres, mais que la réponse dépend de divers critères, et, entre autres, de la manière dont la marque s'adresse à ses fans et s'en soucie! Selon leur construction, les pages de Facebook rendent les fans plus ou moins puissants. "Le marketing passe d'une posture dirigiste à une posture d'encadrement et d'accompagnement ", observe le sémiologue Jean-Claude Boulay Les annonceurs scrutent les avis des consommateurs, ils essaient d'encadrer les échanges en entretenant des espaces de dialogue (pages sur les réseaux sociaux, forums) afin de répondre aux critiques avant qu'elles ne créent le buzz. Leur volonté de contrôle est évidente. "Les marques quittent le rôle du père pour jouer celui du grand frère ou du cousin qui fait part de son expérience, montre mais conseille et joue les modérateurs", ajoute l'expert. Le rôle du community manager!Des 5 E aux 6 S Selon Minter Dial [...], le marketing des 5 E repose aussi sur l'engagement des salariés de l'organisation. Sans eux, pas de transmission des valeurs de l'entreprise ni de partage des engagements de la marque avec les clients. D'où la nécessité de réviser les schémas organisationnels et d'abattre les silos. "A tout moment le p-dg doit être capable d'incarner les valeurs de la marque et de vivre dans la peau du client pour créer l'empathie ", insiste Minter Dial. Steve Jobs a fait école. Mais l'engagement doit être aussi relayé par les employés, qui créent du lien entre la marque et les consommateurs. Martin Dial aime citer l'exemple de cette compagnie aérienne low cost américaine, Southwest Airlines, qui utilise les talents d'un steward présentant les consignes de sécurité, dans un style "rappeur". Une vidéo diffusée sur Internet montre l'efficacité de la performance. Non seulement les passagers écoutent les consignes mais ils participent en applaudissant. " Dans l'avion, l'ambiance est sympathique, les gens souriants et il y a fort à parier que les ventes de boissons à consommer pendant le vol ont augmenté", commente Minter Dial. Les valeurs de la compagnie sont mises en avant par l'engagement du salarié, qui sait créer une émotion positive et enrichir ainsi l'expérience client. Mieux, cette expérience est suffisamment forte pour être relayée et partagée sur les réseaux sociaux. Un modèle du genre. Une nouvelle ère s'est ouverte, qui nécessite donc de renforcer l'esprit d'équipe à l'intérieur des organisations et de décloisonner le marketing pour qu'il travaille en symbiose avec le service clients, mais aussi avec la direction informatique et les ressources humaines. "Ces trois départements sont négligés par le marketing et la finance, regrette Minter Dial. Ils représentent pourtant des éléments majeurs pour que l'entreprise puisse piocher dans ses valeurs et les exploiter afin de dégager, au final, davantage de ROI. " Les changements organisationnels s'opèrent progressivement. " Le spectre du marketing s'élargit, confirme Helen Zeitoun. Il est passé de la vision mécanique de l'époque des 4P à une vision humaniste qui requiert l'intervention de toutes les entités de l'entreprise Le marketing doit prendre la balle au bond. " Déjà, d'autres voix s'élèvent pour remettre en question le principe des 5 E. Comme si les fondamentaux du marketing ne cessaient de se moderniser suivant l'évolution des comportements des consommateurs. "Au delà des 5E qui me paraissent dépassés, déclare à son tour Olivier Géradon de Vera, je propose les 6 S -situation, satisfaction, social network, sécurité, sensibilité au prix, séduction - car l'expérience ne suffit plus. Le mix doit intégrer la notion de satisfaction. " Les nouveaux éléments se nomment: "situation", car les consommateurs sont désormais confrontés à une offre à tout moment. En hypermarché, ils arrêtent leurs choix en 45 secondes, ce qui donne une importance capitale au message véhiculé par le linéaire. Ce qui est vrai en point de vente l'est sur le Web, mais ce sont alors les sites comparatifs et les avis des internautes qui font la différence. D'où un S pour "social network" car l'appréciation des consommateurs pèse de plus en plus dans le choix de leurs pairs. Reste la "sensibilité au prix", qu'Olivier Géradon de Vera considère "comme la variable pure et dure" et la notion de "séduction", dans laquelle il regroupe la publicité et la promotion. Ici, aucun ordre de classement, car il s'agit d'un mix à mélanger sans modération. Les mauvaises langues diront que chaque consultant propose sa typologie et qu'au fond, ce qui compte, c'est bien l'évolution des outils au service du marketing. Aux anciens 4P sont venues s'ajouter les variables liées aux consommateurs (à leurs comportements multiples), aux organisations (tous les départements de l'entreprise sont désormais concernés), et aux nouvelles technologies (Web, mobilité). Jean-Claude Boulay, fondateur de JCB consultant : "Avec le marketing des 4 P, nous sommes tous considérés comme des enfants, des consommateurs passifs auxquels s'adresse le père." Les 4 P revisitésAlors que la pertinence des 4 P est remise en cause par les marketers, Philip Kotler, Kevin Keller et Delphine Manceau actualisent ses variables dans une réédition de Marketing Management (Pearson, 2012). Quatre nouveaux P reflètent le concept de marketing holiste: les personnes, les processus, les programmes d'action et la performance.Personne : Souligne l'importance du personnel dans le succès du marketing, et donc la nécessité d'adopter une orientation marché dans l'ensemble de l'organisation.Processus : La prise de décision marketing dépend désormais des processus organisationnels.Programmes d'action : Ils intègrent toutes les activités de l'entreprise dédiées aux clients.Performance : Les décisions marketing doivent être optimisées en termes d'impact, et mesurées en intégrant les dimensions sociale et environnementale. Helen Zeitoun, directeur monde de l'activité marque communication et expérience client chez GfK France : "Le spectre du marketing s'est élargi. Il est passé de la vision mécanique de l'époque des 4 P à une vision humaniste, aujourd'hui." Olivier Géradon de Vera, vice-président de SymphonyIRI France : "Au-delà des 5 E, qui me paraissent dépassés, je propose les 6 S : situation, satisfaction, social network, sécurité, sensibilité au prix, séduction." LES 5 E. UN ÉTAGE SUPPLÉMENTAIRE?E comme essence. Plus la marque est capable d'exprimer des valeurs en cohérence avec celles du consommateur, plus elle suscite et renforce le sentiment d'attachement.E comme émotion. L'émotion est le vecteur, tout passe par elle. Un bon produit est nécessaire, mais pas suffisant. Dans un premier temps, lorsque le consommateur écoute un message, l'émotion ressentie influe sur sa perception du produit. Ce n'est qu'ensuite qu'il rationalise et réfléchit à son acte d'achat.E comme engagement. L'engagement de la marque doit venir de ses dirigeants fondateurs, puis être relayé par les salariés de l'organisation et partagé avec ses clients.E Comme expérience. L'invitation à vivre autrement et à profiter d'un produit ou d'un service est fondamentale. L'exemple de la musique est frappant: depuis l'avènement du téléchargement numérique en lieu et place du disque ou du CD, le moyen le plus efficace de vendre un album est d'en organiser la promotion via des concerts.E Comme échange. L'échange repose sur l'écoute et le conseil que la marque peut faire valoir. Les conversations initiées sur les réseaux sociaux devraient permettre aux marques d'améliorer leur communication et leurs services. Comment les fondamentaux du marketing ont-ils évolué? Les 6 S ont-ils remplacé les 4 P, ou viennent-ils les compléter dans un mix produit de plus en plus complexe? Enquête.Jean-Noël Kapferer, ou la passion de la marque LES PREMIÈRES RECHERCHES SUR LA MARQUE EN FRANCE REMONTENT AUX ANNÉES 1960-1970. DEPUIS QUAND TRAVAILLEZ-VOUS SUR CE SUJET?Jean-Noël Kapferer : Je suis tombé dans la marque en 1985, et paradoxalement via la marque de distributeur. Une fondation regroupant les grands annonceurs m'a demandé de mener (avec un collègue d'HEC) une recherche avancée sur le sujet suivant: expliquer comment des consommateurs pouvaient acheter des marques de distributeurs. Ils étaient alors de véritables martiens, qu'il fallait comprendre. Aujourd'hui, on se poserait sans doute la question inverse. Alors que les publicitaires l'avaient réalisé depuis longtemps*, les entreprises ont lentement pris conscience de l'importance stratégique de la marque comme capital de l'entreprise. C'est un rempart concurrentiel fort. Elle ne met pas à l'abri de la concurrence, mais est un amortisseur de choc: il suffit de voir comment Toyota a surmonté sa crise. Cette vision stratégique s'est généralisée dans l'entreprise à partir des années 1990, quand la concurrence par les prix s'est durcie. La question est devenue: comment réagir à une offre prix très basse? Et la réponse a été : dopez vos produits de tangible mais aussi d'intangible. A QUOI CORRESPOND CETTE NOTION D'INTANGIBLE ?L'intangible, c'est tout ce qui n'est pas dans le produit, dans sa performance. Cela commence par le service, le customer care, l'expérientiel et tout ce qui manifeste les intentions de la marque vis-à-vis de ses clients. C'est aussi ce que les gens désignent d'une expression que je déteste: la "relation client", qui est bureaucratique. Je n'ai jamais entendu un consommateur parler de relation client. Ils disent: "Ils s'occupent bien de moi, ils ont un excellent service..." Dans un restaurant, on dit: "N'oubliez pas le service." On ne dit pas: "N'oubliez pas la relation client." ET LE MOT MARKETING ?Les consommateurs n'ont pas à connaître le mot marketing. Mais reconnaissons que l'image du marketing n'est pas bonne. Apple - le cas est révélateur - a commencé à faiblir quand les hommes de marketing ont pris le pouvoir, puis les hommes des ventes. C'est tout dire. Mais en réalité, c'est Steve Job qui faisait du marketing stratégique, intuitivement, implicitement. C'est lui qui pressentait les insights de marché, pas les consultants ou les focus groups. MARQUES NATIONALES CONTRE MARQUES DE DISTRIBUTEURS: OU EN EST-ON AUJOURD'HUI ?Les MDD représentent, en volume, 50 % de tous les produits food and drug vendus en Europe (source: SymphonyIRI 2012). Souvent, la MDD est leader sur son marché. Le problème est qu'elle ne se comporte pas en leader mais en suiveur; elle reste dans le sillage des innovations des marques nationales. Les MDD sont en fait des marques "push": plus le distributeur leur alloue de facings, plus les clients en achètent. C'est typiquement le cas des produits laitiers. Mais Olivier Géradon de Véra, vice-président d'IRI France, a aussi montré que, dans de nombreuses familles de produits, allouer plus de place à la MDD ne change en rien la demande client (c'est le cas des tablettes de chocolat). C'est donc une erreur, fondée sur l'idéologie. Cela veut-il dire qu'il faut redonner du linéaire à Milka ou à Lindt? Pas forcément, car il existe aussi des marques locales. Ces dernières sont importantes car elles soutiennent l'emploi local et la dimension corporate de responsabilité sociale des enseignes. Il y a aussi les MDD thématiques et les marques de développement durable. Le monde ne se résume pas aux seules marques nationales et aux MDD. Le phénomène MDD ne va pas finir. C'est comme si l'on disait: "Quand Free va-t-il s'arrêter?" Il y aura toujours de la demande pour les produits à bas prix. ON PARLE BEAUCOUP DE MARQUE SERVICE. LA MARQUE A-T-ELLE LE MEME IMPACT SELON QU'ELLE REPRÉSENTE DES PRODUITS OU DES SERVICES ?En 1990, on parlait de marque promesse. Aujourd'hui, on utilise un vocabulaire de stratégie: ambition, vision, mission... On demande aux marques d'être des quasi-entreprises et de se montrer visionnaires. Même Procter demande à ses marques un élément nouveau: " the sense of purpose". Quelle est la finalité profonde d'Ariel? Il y a une volonté de donner du sens aux marques de grande consommation, c'est-à-dire, en réalité, à la consommation elle-même. Cette exigence n'est plus l'apanage des marques de mode. Donner du sens entre dans les modèles de gestion des entreprises, même les plus "orthodoxes", de la grande consommation. Or, le prix le fait. Free dit: "Libérez-vous." En cela, il reprend la thématique des "produits libres", aidé paradoxalement par son ennemi Orange (la marque la plus chère), qui lui a permis d'avoir un business model pro?table dès ses débuts. Sinon, Free n'existerait pas. On est passé d'un combat sur les caractéristiques des objets et des attributs des marques à un combat sur le sens de la consommation. QUELLE EST LA DIFFÉRENCE DE LA MARQUE ENTREPRISE ?Nous assistons au retour de l'entreprise dans l'évaluation globale de la marque. L'expérience de marque ne se résume pas à la sphère commerciale. Désormais, le back-office intéresse. Qu'est-ce que l'entreprise fait dans la région? Etre un acteur de la vie locale donne une épaisseur. Aujourd'hui, on se rend compte que les enjeux des marques sont aussi des enjeux d'emploi. D'où le problème du made in. Le cas PSA résume les difficultés de toute l'industrie française, qui a cherché à préserver l'emploi. Jean Mantelet, avec Moulinex, l'avait déjà montré. LE DÉVELOPPEMENT DURABLE N'A-T-IL PAS ÉTÉ LE MOTEUR DE CE RETOUR AU SENS ?Le développement durable dit: "Simplifiez-vous la vie." En 1978, il y avait déjà un discours sur la transparence, l'absence d'artifices. Le sens est au coeur des problématiques des pays repus. Cette émergence de "sense of purpose" est intéressante car elle va bien au-delà de la consommation. C'est se demander: Pourquoi je travaille chez Herta? Quel est le sens de ce que je fais? N'est-ce que pour enrichir Nestlé? Alors que pendant une période où l'on était obsédé par la marque, l'on disait que l'entreprise n'en était que le back-office, on dit aujourd'hui que les marques sont fabriquées par des gens et que la "marque employeur" devient primordiale. On ne pourra pas fabriquer à nouveau en France si les filières ne recrutent plus. SOMMES-NOUS DANS LA "DECONSOMMATION" ?Non, sinon, la machine économique s'arrêterait. Patagonia est une niche et un discours qui essaie de ranimer l'âme du fondateur. C'est de la communication. Y A-T-IL UN DÉSAMOUR DES MARQUES ?Les chiffres TNS Sofres montrent que si l'amour, c'est le prix à payer, la prime de prix baisse pour les biens de grande consommation, sauf pour ceux qui font partie de notre culture (Coca, Nutella...) et ceux dont l'identité englobe une dimension culturelle. Il n'y a pas de désamour pour le luxe, au contraire: plus que jamais, les jeunes veulent être "griffés". La massification du luxe est révélatrice. Le consommateur est prêt à se serrer la ceinture pour s'offrir une griffe. CE SONT LES MARQUES MIDDLE QUI SOUFFRENT LE PLUS ?Oui, car la marque, c'est "la vie qui va avec le produit". Le middle, c'est le compromis, c'est une situation à la Bayrou... On sait qu'il a raison mais cela ne fait pas rêver. QUOI DE NOUVEAU EN BRAND EQUITY ?Depuis 1990, la part des actifs intangibles dans le bilan est majoritaire. La force des marques n'est pas dans le produit mais dans ces actifs. Ce qui fait la force des marques, c'est la confiance, la fierté, l'engagement des clients... et en interne. COMMENT FAIRE BOUGER LES INTANGIBLES ?Par tout ce que vous dites et faites pour le client qui n'est pas uniquement dans le produit. Prenez Free: paradoxalement, elle est perçue comme une des marques qui s'intéressent le plus au client: elle s'occupe de lui, lui propose un bon prix. Le prix peut être vécu comme signe d'attention. C'est de l'intangible. C'est pour cela aussi que la marque de distributeur a réussi. Elle n'est pas qu'un prix, elle émane de l'enseigne qui s'occupe de vous. C'était le slogan de Tesco: "Every little helps." D'où le CRM, le digital... Tous ces concepts sont des concepts techniques. Le digital n'a d'intérêt que si les gens se disent: "c'est intéressant cette application!" Ce qui m'intéresse dans la technologie, c'est qu'elle permet à des marques grand public d'être attentionnées. SUR LE DIGITAL, LES MARQUES NE FONT-ELLES PAS UN PEU N'IMPORTE QUOI ?Pour l'instant, c'est le Far West. On essaie tout et on voit ce qui marche. Facebook, c'est pareil. On n'a pas de recul, mais c'est normal: on est dans l'expérimentation en live. La théorie viendra après la pratique. LE CONSOMMATEUR PEUT-IL SE PASSER DE MARQUES ?Le consommateur a besoin de choix et les nouveaux business models lui donnent ce choix. Notons que les produits discount, low cost, très bon marché, sont présentés soit sous une enseigne de renom (Lidl, Aldi), soit sous la marque du distributeur, soit sous leur propre marque de confiance (EasyJet, Free). Les modèles économiques, quant à eux, ne fonctionnent que s'ils s'appuient sur des marques. Dans l'aérien, le low cost existe parce qu'il y a EasyJet et Ryanair Avant, il y avait les charters: ils n'ont pas survécu car il n'y avait pas de marques, et ils étaient peu pratiques. Les clients avaient peur. Ce qui est génial, c'est que l'on a inventé de nouveaux modèles de business. Red Bull a un modèle viral, ce qui lui permet d'avoir un prix que personne ne conteste. QUE PENSEZ-VOUS DU RETOUR AU COMMERCE DE PROXIMITÉ ?Pour moi, il y aura le commerce de proximité et les producteurs de proximité. Le plus simple, c'est de ne pas trop se déplacer pour faire vivre un tissu industriel local. Pour éviter les délocalisations dans l'agroalimentaire, il va falloir poser le problème de la production locale. On a joué pour l'instant le retour du local sur l'angle du service parce que c'est plus pratique. Il y a la place pour des marques régionales et micro-locales. "Le héros local" ne sortira dans aucune enquête TNS Sofres ou BVA. Il existe pourtant dans chaque région. AVEZ-VOUS CHANGE DANS VOTRE APPROCHE DE LA MARQUE ?J'ai évolué dans le sens où je ne sépare plus la marque de son modèle économique. De même, un modèle économique sans marque, cela ne fonctionne pas. Il faut les deux: le désir et le moteur qui permet de gagner de l'argent. Il faut de nouveaux systèmes pour créer des marques qui ne soient pas les systèmes traditionnels sur lesquels les grands groupes ont fait leur réputation. Autre solution: racheter des marques premium, comme L'Oréal avec The Body Shop, Kielh's... C'est une autre approche. ON POURRAIT AUSSI CITER DANONE ET LES 2 VACHES... EST-CE QU'UN GROUPE PEUT GARDER LES DEUX APPROCHES ?Danone agit comme LVMH: il y a la place pour la marque mainstream et des marques de niche captant les tendances émergentes: écologique, exotique, vintage... LVMH ou L'Oréal excellent en cela. Il faut savoir utiliser le back-office financier et les talents du corporate groupe mais aussi donner aux managers les moyens de penser et d'agir comme s'ils étaient indépendants. Innocent a été, pendant dix ans, une start-up avant de rentrer dans le giron de Coca-Cola. VOUS INSISTIEZ SUR LA DIFFÉRENCE ENTRE IMAGE DE MARQUE ET IDENTITÉ DE MARQUELe prisme d'identité de marque est un outil d'analyse de la marque développé par Jean-Noël Kapferer. Il comprend six facettes permettant d'analyser et de décomposer l'identité d'une marque : le physique, la person-nalité, la culture, la relation, le re? et et la mentalisation.. EST-CE TOUJOURS D'ACTUALITÉ ?Ces termes se sont diffusés et ont été repris par tous. L'identité, c'est la quille du navire, son élément de stabilité. L'image n'est qu'une photographie qui peut évoluer. Ainsi, Citroën est perçue différemment en Allemagne, en Espagne... Mais son identité est claire, universelle. L'identité de marque, c'est répondre à la question: qu'est ce qu'une Citroën? Le fond de marque donne une attitude dévolution mais, en même temps, limite l'évolution. LA RECHERCHE SUR LES MARQUES ÉVOLUE-T-ELLE ENCORE? Sur le plan méthodologique, la recherche d'autres méthodes qualitatives pour trouver les produits qui n'existent pas (à côté des études de créativité) se développe. Le retour de l'ethnographie est une tendance: il faut trouver une façon d'inventer des insights en dehors du rationnel des clients. Cela va jusqu'aux neurosciences, à la mode aujourd'hui, du moins dans les discours. Autre nouveauté: la demande de la part des clients de modélisations, à la manière de celle des réseaux bayésiens. COMMENT LA MARQUE ÉVOLUE-T-ELLE DANS LE TEMPS? Au début, la marque symbolisait une propriété. Puis une différence. Ensuite, on est passé à la marque promesse. Avec l'arrivée des consultants, elle est devenue une proposition de valeur. Ensuite, la marque s'est incarnée dans des valeurs. Maintenant, on est dans la marque engagement: quel est le nombre de ses fans sur Facebook? On voit que la barre pour caractériser une marque forte n'a pas cessé de monter: une promesse n'est pas suffisante. Le signe de la marque forte est d'avoir des consommateurs engagés. La définition d'une marque forte est passée d'un niveau formel (un signe qui vous différencie, la calligraphie de Coca-Cola) à une promesse, des valeurs, et aujourd'hui un engagement, qui représente plus que la loyauté. VOUS CONSIDEREZ-VOUS COMME UNE MARQUE?Dans mon activité de conseil, je dois reconnaître que les entreprises me considèrent comme tel. Elles veulent que leurs équipes interagissent non avec les consultants interchangeables de telle ou telle société de conseil - fût-elle célèbre mais directement avec Jean-Noël Kapferer, c'est-à-dire un concentré unique d'expérience et de pédagogie, de rationalité, mais aussi d'intuition très opérationnelle. Et ils doivent en être satisfaits car la demande ne fléchit pas, au contraire! *La notion de personnalité de la marque est apparue en 1958 avec Pierre Martineau (The Personality of the Retail Store, Harvard Business Review). La littérature sur les marques et leur place symbolique dans la consommation se généralise plus tard, avec notamment Rosser Reeves (Le Réalisme en publicité, Dunod 1963) et la création de l'USP (Unique Selling Personnality), développée notamment par les publicitaires Ted Bates et Jacques Séguéla. En 1993, Don Peppers et Martha Rogers mettent en avant la nécessité de construire une vraie relation entre marques et consommateurs (Le One to one en pratique, traduction française Éd. d'Organisation, 1999). En 1997, Jennifer Aaker (Dimensions of brand personality, Journal of Marketing research) propose une échelle de mesure de la personnalité des marques. Outre ceux de Jean-Noël Kapferer, citons comme ouvrages : Branding Management, de Georges Lewi et Jérôme Laceouilhe (Pearson 2005) ; No Logo, de Naomie Klein (J'ai Lu 2007) ; Identité de marque, de Marie-Claude Sicard (Eyrolles 2008) ; Ecce Logo, de Gilles Deléris et Denis Gancel (Loco 2011).Parcours de Jean-Noël Kapferer Professeur de marketing à HEC Paris et directeur de thèse, Jean-Noël Kapferer est un expert des marques à la réputation internationale. Signataire de plus d'une centaine d'articles publiés tant dans des revues françaises qu'américaines, européennes et asiatiques, il a reçu en 2004 le prix de l'American marketing association - qui récompense la contribution la plus importante dans le domaine du marketing pour son article "Les stratégies de marques locales versus multinationales". Auteur de quinze livres sur le management des marques, la communication, le bouche à oreille, la publicité, parmi lesquels Les marques, capital de l'entreprise (qui en est à sa cinquième édition), Re-Marques, Rumeurs... Jean-Noël Kapferer est à la source de concepts majeurs (l'identité de marque, l'architecture de marque, l'extension de marque...). Fréquemment consulté par les entreprises, le co-auteur du best-seller Luxe Oblige est titulaire de la chaire Pernod Ricard sur le management des marques de prestige. Il anime des séminaires exécutifs partout dans le mondeJean-Noël Kapferer : "Le signe de la marque forte est d'avoir des consommateurs engagés.""Un modèle économique sans marque, cela ne fonctionne pas. Il faut les deux : le désir et le moteur qui permet de gagner de l'argent."Édité en 1991, Les marques, capital de l'entreprise en est à sa cinquième édition. Quand on pense marque, on pense à Jean-Noël Kapferer. Cet expert de renommée internationale, professeur à HEC, consultant, conférencier et auteur de nombreux ouvrages est un théoricien... Il montre comment nous sommes passés de la marque différence à la marque engagement.La marque, acteur et miroir de son temps Tout choix est arbitraire. Celui qui a présidé à la sélection de ces 14 marques, nées depuis les années 1950, emblématiques et toujours leaders car innovantes sur leur marché, n'échappe pas à la règle. Ces pages n'ont pas l'ambition d'être exhaustives. Elles entendent illustrer, avec des exemples tirés d'univers variés, le rôle de la marque, acteur et miroir de son temps, dans les mutations économiques et sociales. Acteur par la rupture qu'elle apporte sur son marché - Bic et l'écriture, Findus et le surgelé, Carrefour et l'hypermarché, Tetra Pak et l'emballage aseptique, Amazon et le numérique... Miroir, car raconter l'histoire de la marque, c'est aussi raconter l'histoire de l'entreprise, et, en filigrane, celle de la société qu'elle traverse, parfois, sur plusieurs siècles. La marque est un défi lancé par l'Homme au monde, avec pour dessein de le changer et pour destin de le prolonger. Elle ne peut être réduite à une unique définition - juridique, marketing ou/et financière. Elle est le faire-savoir du savoir-être, savoir-faire et savoir-dire de l'Homme, d'hier à demain, qui s'illustre dans le capital matériel et immatériel. Contrairement à l'idée reçue selon laquelle "on ne naît pas marque, on le devient", l'essence de la marque ou sa singularité précèdent son existence et c'est l'homme qui, par son empreinte, construit son sillon. Un sillon propre à la marque et hors duquel elle ne doit pas sortir, au risque de périr. Les années 1950 annoncent la fin des années noires. La croissance économique s'illustre par le développement de nouvelles activités créatrices, ici de produits, là de services, mais tous "marqués". L'heure est à la consommation. Le Club Med (1950) crée un concept de vacances révolutionnaire, Choco BN (1950) devient, avec Malabar (1958), le compagnon des écoliers, les adolescents, eux, mâchonneront Hollywood chewing-gum (1952). Avec le libre-service, les grandes surfaces Leclerc (1953), Auchan (1961), Intermarché (1973)... fleurissent en France. La libération des femmes commence dans la cuisine avec Cocotte-minute (1948), les réfrigérateurs et les lave-linge Brandt (1950), le robot Marie de Moulinex (1957) et son slogan ("Moulinex libère la femme!" M-L-F...). Cette libération se traduit, à partir des années 1960, dans le domaine de l'hygiène corporelle avec Vania (1965), Nana (1982), Always (1992). Mais aussi dans les soins du corps et la quête de la beauté avec Biotherm (1952), Yves Rocher (1959), Narta (1969)... Et les hommes? Hormis Mennen (1970) ou Axe (1983), les marques masculines sont rares dans l'univers de la beauté. L'Oréal ouvre le bal avec Studio Line (1985) puis Men Expert (2004). Durant les Trente Glorieuses, et sur fond de croissance du pouvoir d'achat, les dépenses de logement et d'habillement augmentent. Sur fond d'urbanisation, la propreté du linge et de la maison devient un signe d'élévation et de distinction. La multiplication des marques l'atteste. Citons Mr Propre (1958), Bonux et son cadeau (1958), Mini Mir et son berlingot plastique (1960), Cajoline (1972)... L'équipement de la maison, l'essor du bricolage et du jardinage trouvent leu r raison d'être chez Conforama (1967), Castorama (1969), But (1972), Jardiland (1982)... Le sport devient un phénomène de masse avec Nike (1972), Décathlon (1976), Go sport (1979)... Les enseignes de mode font florès, comme Kookaï (1983), Gap (1969 aux Etats-Unis, 1993 en France), H&M (1947 en Suède, 1998 en France)...Culture, médias, mode, services... Le concept de marque se décline sur tous les marchésLe concept de marque gagne la culture quand la Fnac apparaît en 1954. On y trouvera Le livre de poche (1953), Folio (1972), Actes Sud (1978)... Les marques de radio se multiplient avec la naissance des radios libres: NRJ (1981), Nostalgie (1983)... La télévision suit avec Canal + (1982), M6 (1987), Arte (1992)...La presse est aussi un univers de marque : L'Express (1953), Télérama (1960), Le Point (1972), Voici (1987)... Sur fond de révolution des transports et d'allongements des congés payés, les tour-opérateurs foisonnent : Fram (1949), Nouvelles Frontières (1967), Jet Tour (1970)... L'hôtellerie de chaîne apparaît avec le premier Novotel (1967), suivi par Ibis (1974), Mercure (1975)... La segmentation de l'offre, portée par l'essor démographique, vise de nouveaux consommateurs. Ainsi des bébés avec Mustela (1950), les petits pots Blédina (1961), Mixa Bébé (1969)... Les enfants deviennent des "cibles", dans l'alimentation - Nutella (1949), Nesquik (1961), Kinder (1974) -, l'habillement - Jacadi (1980), Z (1983)... -, les jeux - Playmobil (1974), Nintendo (1981), Game Boy (1989), Pokémon (1996)... Conséquence de l'allongement de la durée de vie, la presbytie et la presbyacousie touchent de plus en plus d'adultes, un marché porteur pour Krys (1966), Atol (1970) Optic 2000 (1969), Audika (1977)... Les modes de consommation évoluent, la restauration à la maison n'est plus dominante depuis l'expansion d'enseignes comme Flunch (1968), McDonald's (1948, 1979 en France) ou Starbucks (1971, 2004 en France).... L'exotisme progresse (Suzy Wan, Sushi Shop...). L'équilibre et la santé deviennent des enjeux de société et certaines marques affichent leur promesse dans leur nom : Taillefine, Weight Watchers (1963), Isio 4 de Lesieur (1990)... Le bio a son enseigne fétiche : Biocoop (1987). On se jette sur les compléments alimentaires: Juvamine, Oenobiol... La France, patrie des 365 fromages, enrichit son plateau avec les Caprice des Dieux (1956), Boursin (1962), Président (1968)... La sécurité alimentaire a pour nom Albal (1965), et la protection de l'environnement Handy Bag (1976). La praticité se nomme Mousline (1963), le nouveau geste apéritif, Apéricube (1960), le nouveau geste santé Actimel (1994)... Nos amis les animaux (un marché de 20 milliards d'euros aujourd'hui), ont, eux aussi, leurs marques alimentaires: Whiskas (1967), Royal Canin (1968)... L'école républicaine ne fait plus son devoir? Acadomia s'y substitue (1989). Et quel élève n'a pas sur son bureau un Tipp-ex (1960), des Post-it (1977) ou un Stabilo Boss (1971)? Preuve que les marchés, même matures, ne sont pas saturés (seuls les cerveaux le sont), le Petit Marseillais (1986) tient la dragée haute à L'Oréal, Bell & Ross (1992) s'inscrit dans les lignées horlogères, Airness (1999) chasse sur les terres des grands du sport et Michel et Augustin (2005) taquine Danone. Des produits longtemps sans marque ne sont plus anonymes, tels les légumes, avec Lunor et la cuisson sous vide (1956), le lait avec Candia (1971), le pain avec Banette (1982). Le train devient une marque avec le TGV (1981). Le low cost a ses marques : Leader Price (1989), Cristaline (1992), Easyjet (1995), Logan (2004)... Des marques renaissent, dans la mode (Carven, Courrèges), l'automobile (Bugatti, Mini...). Des marques meurent, dans la distribution (Félix Potin, Mammouth...), l'électroménager (Radiola, Arthur Martin...), l'univers du mobile et du numérique (Itineris, Wanadoo...), l'automobile (Simca, Berliet...), le pétrole (Antar, Elf), la mode (Cacharel, Christian Lacroix...), l'édition (Quid)... Des marques sont renommées: la Compagnie Générale d'Electricité devient Vivendi en 1998, la Société générale d'entreprises (SGE) est rebaptisée Vinci en 2000, le Crédit Lyonnais prend le nom de LCL en 2005... Les Chinois débarquent avec Haier (1971), Lenovo (1984), Huawei (1988)... Dans le même temps, des entreprises occidentales lancent des marques locales. Hermès ne vient-il pas de créer Shang Xia pour la Chine ; Vichy, l'antitache et éclaircissant By-White pour l'Asie? La révolution dans la téléphonie mobile a pour nom SFR (1987), Orange (1994)... dans l'Internet, Yahoo! (1995), Google (1998), Facebook (2004). Et demain? La marchandisation de la société conduit les régions à se vendre comme des marques, les hommes politiques se comparent à des marques. Paradoxe, car dans le même temps, l'utile semblerait progressivement primer le futile, le service serait préféré au seul produit, la location à la possession. Ne voit-on pas surgir des marques comme Velib', Autolib', qui s'inscrivent dans la tendance de dématérialisation... L'imagination sera-t-elle collective? L'étincelle ou l'acte créateur, demeure un acte individuel, même à l'ère des réseaux sociaux, et relève toujours de l'imprévisible. Nul ne peut prédire les marques de demain. 14 MARQUES EMBLÉMATIQUESBIC 1950"C'est une belle cochonnerie, ça tache les vêtements et ça n'écrit pas", conclut Marcel Bich devant le stylo Reynolds. Cela ne marchera jamais. C'est en poussant sa brouette de jardin qu'une idée lumineuse surgira dans le cerveau du baron Marcel Bich: "La bille, c'est l'invention de la roue appliquée à l'écriture". Transparent pour que l'on puisse contrôler le niveau d'encre, le Bic Cristal, lancé en 1950, est en plastique pour être plus léger, de forme hexagonale pour bien tenir entre les doigts et il assure trois kilomètres d'écriture sans recharge. La raison de son succès? La petite bille qui tourne rond et permet à l'encre de glisser du tube réservoir. Et depuis 1969, on peut, avec ses quatre couleurs, "Changer de couleur d'encre sans changer de stylo". Bic franchit, en 2005, le cap des 100 milliards de stylos vendus dans le monde. Il demeure aujourd'hui au premier rang mondial. C'est l'affichiste Raymond Savignac qui a conçu le petit écolier à la tête en forme de bille tenant un stylo derrière son dos. Ce logo, signe de reconnaissance de la marque depuis 1960, est également présent sur la papeterie, les briquets, rasoirs et téléphones du groupe, mais pas sur... les planches à voile. Le Bic Cristal fait partie des collections permanentes du MoMa, à New York, et du Centre Pompidou.TETRA PACK 1951 Après la pasteurisation, en 1865, la stérilisation UHT est inventée en 1933. Le lait peut enfin être consommé en conservant toutes ses qualités et sans crainte de la moindre bactérie. Si la bouteille se substitue au broc et au bidon que l'on remplissait naguère chez l'épicier, aucun emballage pratique n'existe au début des années cinquante, à l'heure où le libre-service bouleverse le commerce traditionnel. Ruben Rausing, ingénieur suédois, invente en 1951 un système révolutionnaire de conditionnement permettant un remplissage sous vide d'air. Le premier emballage en carton aseptique vient de naître. Sa forme va lui donner son nom. Tetra Pak et l'emblème commercial, triangulaire, ont une forme géométrique, le tétraèdre (le préfixe grec "tétra" signifie quatre: un tétraèdre a quatre faces triangulaires, dont l'une sert de base). C'est grâce à l'action de Pierre Mendès France, surnommé "Mendès lolo", partisan de la consommation de lait par les enfants dans les écoles, que le berlingot se généralise dès les années soixante. L'emballage en carton va envahir l'univers alimentaire avec des formats en brique. Après les enjeux de sécurité alimentaire, Tetra Pak répond aujourd'hui à ceux concernant l'empreinte écologique.PAMPERS 1956Il n'est pas si lointain, le temps où le bébé était (emmailloté d'un linge de tissu attaché avec une épingle à nourrice. Depuis 1956, les enfants sont "choyés" ou, en version anglaise, "pampered". La création est souvent le fruit d'une frustration: c'est en changeant son petit-fils que l'Américain Vic Mills imagine un système plus simple qu'un lange, qu'il faut laver, faire sécher, plier et ranger. Alors directeur de la recherche et du développement chez Procter & Gamble, il invente la première couche-culotte jetable en 1956. Son principe? Le tout-en-un. La culotte est remplacée par une enveloppe empêchant l'humidité de passer, à laquelle on ajoute une feuille poreuse placée entre la peau du bébé et des matières absorbantes. Au terme de la phase de tests, le produit est lancé officiellement en 1961. Après quelques hésitations - Tads? Solos? Larks? -, il sera baptisé Pampers. Curiosité, c'est pour le bien-être des astronautes que la technologie des mini capteurs est mise au point: "même mouillés, ils sont secs"!CARREFOUR 1963 Hier au carrefour de cinq routes, aujourd'hui au carrefour du monde! " Nomen est omen ", le nom est présage, prévenait Cicéron. Le groupe de distribution Carrefour le prouve par sa présence dans 31 pays, qui le place au deuxième rang mondial et au premier rang en Europe, avec 9 500 magasins, dont 1 400 hypermarchés. Signe des temps, il compte 208 hypermarchés en Chine en 2012, davantage qu'en France, sa terre d'origine. Au commencement, deux familles, les Fournier et les Defforey, créent la société Carrefour en 1959. Un premier supermarché ouvre à Annecy l'année suivante. C'est en 1963, le 15 juin, que Carrefour écrit une nouvelle page de l'histoire du commerce, avec l'inauguration du premier hypermarché à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne), qui propose, sur 2 500 mètres carrés, tout sous le même toit, de l'alimentaire et du non-alimentaire. Autre singularité: la présence d'un parking, suivant le conseil de Bernardo Trujillo, l'oracle de la distribution: " No parking, no business. " Particularité du logo? La lettre C en creux.DIM 1965 Le collant, c'est Dim, symbole de féminité et de séduction dans un esprit de liberté. Même si, depuis 1975, la marque s'est diversifiée dans la lingerie. Il suffi t, pour s'en convaincre, de fermer les yeux et d'écouter la musique composée par Lalo Schifrin (le "Ta ta tatatata") pour le western The Night of the Fox (traduction française: Pendez-le haut et court). Depuis 1968, elle identifie la marque dans toutes les publicités, signées par Publicis. C'est le président fondateur de l'agence, Marcel Bleustein-Blanchet, qui, un jour de 1965, suggère à Bernard Giberstein, bonnetier à Troyes depuis 1958: " Enlevez le manche et gardez le Dim. " Car c'est sous le nom de Bas Dimanche qu'il vendait depuis 1962 son bas révolutionnaire, sans couture, mais sans succès. Raison alors avancée pour avoir choisi le jour du Seigneur: " Je veux donner à mes produits de tous les jours un air de fête. " Une marque culte est née.ARIEL 1968 Ses enzymes "an-ti-re-dé-po-si-tion" ont été brocardés par l'humoriste Coluche. Ariel, marque de lessive de Procter & Gamble, fut d'abord lancée en 1967 en Allemagne, en Italie et au Mexique, avant d'aborder la France, en janvier 1968. L'idée du produit est venue en observant les bouchers belges lavant leurs vêtements tachés de sang avec un composé à base d'enzymes. Ariel sera donc la première lessive biologique en poudre. Sur l'emballage, un atome bleu, premier logo de la marque, traduit le saut technologique. Il revient à Ariel d'inaugurer, en 1984, le concept des éco-recharges dans l'univers de la lessive. La protection de l'environnement se traduit par le lancement, en 1989, d'Ariel Ultra, première génération de poudre compacte sans phosphates. Depuis, la marque ne cesse de terrasser les démons de la saleté. Du reste, le choix de son nom n'est pas innocent: dérivé de l'italien "aria" (air) avec pour suffixe "el", Ariel pourrait être un archange comme Gabriel ou Michel.FINDUS 1962 Sans l'invention de la congélation et de la surgélation en 1923 par Clarence Birdseye et du four à micro-ondes par Percy Spencer en 1945, point de produits surgelés, point de Findus! Société de conserves de fruits et de légumes, Frukt Industrin est achetée en 1940 par des chocolatiers suédois et norvégiens, en quête de diversification. Ils la baptisent Findus et lancent en 1945, en Suède, une première gamme de produits surgelés, composée de légumes puis de poissons. La marque arrive en France en 1962 et lance en 1968, année, dit-on, révolutionnaire, les plats préparés (poisson à la bordelaise ou à la provençale). Depuis 1992, les poissons Croustibat ont toujours leurs fans. Au panthéon des sagas publicitaires, on retrouve le slogan "Heureusement, il y a Findus", lancé en 1984, et sa signature musicale, créée en 1993 par FCA. Depuis le 1er janvier 2012, Findus propose ses produits sans colorant, sans conservateur et sans huile de palme. Un engagement résumé par le nouveau slogan: "Naturellement il y a Findus".DYSON 1983 Dyson, ou la victoire de David contre Goliath. James Dyson est frustré: les pores du sac de son aspirateur se bouchent dès la mise en marche. Pourquoi ne pas appliquer le principe du cyclone et de la force centrifuge à l'aspirateur? Après 5 127 prototypes, James Dyson lance, en 1983, le G Force, premier aspirateur sans sac. Il souhaite vendre son invention sous contrat de licence aux grandes multinationales, mais celles-ci s'en tiennent aux aspirateurs avec sac, avec lesquels elles gagnent beaucoup d'argent. Le salut vient du Japon, où ce modèle remporte, en 1991, le premier prix du Salon international du design. L'appareil qui portera son nom, le Dyson Dual Cyclone (DC), est fabriqué en Grande-Bretagne, en 1993, dans l'usine que James Dyson vient de construire. Avec le DC 06, fi nie la corvée de passer l'aspirateur: il se déplace tout seul. Le génie inventif de James Dyson s'exprime également en 2007 avec le Dyson Airblade, un sèche-mains électrique et hygiénique, qui sèche les mains grâce à un rideau d'air filtré et, en 2010, avec l'Air Multiplier, le ventilateur sans pale ni flux d'air discontinu.APPLE MACINTOSH 1984Marque culte grâce à son prophète, Steve Jobs (1955-2011), à sa communauté de fidèles, à ses grands-messes annuelles, à ses lieux de culte, les Apple Stores, Apple entre dans la légende en 1984 quand, après l'Apple I (1976), l'Apple II (1977) et l'Apple III (1978), la marque à la pomme lance le Macintosh (c'est aussi le nom d'une pomme du Canada). Le slogan de la société, "L'ordinateur pour le reste d'entre nous", prend toute sa signification trois ans après le lancement par IBM du PC ("personal computer"). Ridley Scott réalise le spot publicitaire "1984", diffusé une seule fois à la télévision américaine lors de la finale du Super Bowl. C'est une charge contre IBM, qui met aussi en pièces la prophétie de George Orwell: "Le 24 janvier, Apple présente le Macintosh. Et vous verrez que 1984 ne ressemblera pas à 1984." Le "Mac", pour les fidèles, est un ordinateur révolutionnaire fondé sur la simplicité d'usage, grâce à un système d'exploitation pour la première fois incorporé à l'appareil. Il se distingue également par la convivialité de l'interface graphique, le bureau virtuel et ses icônes (poubelle, dossiers, applications...) ainsi que par la fameuse souris, innovations conçues dans le laboratoire de Xerox! Les icônes sont l'oeuvre de Susan Kare, graphiste américaine, et les éléments de l'interface, de même que la souris, sont dues à Douglas Engelbart. L'enfant terrible de la Silicon Valley est aujourd'hui le numéro un mondial de la musique en ligne et décline ses innovations: les iPod, iPad, iPhone, iTune, iCloud...CHARAL 1986 Le chocolat, l'huile, la moutarde, le fromage, le lait, le biscuit, le sucre... ont leurs marques depuis longtemps. Et la viande? Ce n'est qu'en 1986 qu'une viande bovine est commercialisée pour la première fois sous une marque. Vital Sogéviandes, entreprise de l'Ouest de la France, lance la marque Charal, un terme censé évoquer la viande de boeuf, la chair, l'Amérique, dans toutes les langues. La viande est protégée et emballée sous vide, avec la technique Hebdopack, mise au point par Vital Sogéviandes. Ce procédé permet aux consommateurs d'acheter de la viande fraîche pour la semaine. Aux 15 000 éleveurs partenaires de Charal, la marque propose la démarche Herbopack, des bovins nourris d'herbe, dans les prés. Laszlo Matekovics, plus connu sous le nom de Lorant Deutsch, a fait ses premières armes publicitaires avec la marque au taureau: "Hummm, Charal!"NESPRESSO 1986 Quelque 200 boutiques dans 50 pays, un club fort de 8 millions de membres, plus de 5 milliards de capsules par an, six modèles de machines, 16 grands crus, 8 000 tasses consommées par minute dans le monde... Nespresso, le pionnier sur le marché du café portionné haut de gamme est né d'une technologie acquise par Nestlé en 1974 auprès de l'Institut Battelle à Genève. Elle permet, pour la première fois, de conserver la saveur du café placé dans une capsule hermétiquement fermée. L'invention, au départ destinée au monde du bureau, va vite trouver un usage domestique. En 1986, Nestlé crée une entité autonome, mais néanmoins intégrée au groupe, qui commercialise le système de capsules Nespresso. Pour la première fois, on peut faire chez soi un expresso sans être un expert. Avec sa technologie exclusive, Nespresso renoue avec l'innovation de rupture, comme celle de Nescafé en 1938. Le concept séduit, car il permet de proposer une sélection plus grande de variétés de café. Cette nouvelle off re présente quatre avantages par rapport au café instantané: la flexibilité, l'individualité, le confort dans la préparation et le goût. Icone de la marque depuis 2006, George Clooney l'assure: " What else! "SMART 1998 Smart ou l'élégance, l'intelligence et la vivacité concentrées sur 2,5 mètres de longueur, 1,51 mètre de largeur et 1,52 mètre de hauteur. Son inventeur, Nicolas Hayek (le père de la Swatch), veut proposer une voiture pour " deux personnes et un pack de bières ". Coproduite, au sein de Micro Compact Car, par Mercedes-Benz et l'horloger suisse SMH, associés en 1994, la Smart alias Swatchmobile, est commercialisée en octobre 1998, dans des Smart Centers. Cette minuscule voiture, assemblée en moins de cinq heures, est destinée aux citadins. Vitesse maximale: 130 km/h. Slogan: "Reduce to the max" (réduire au minimum). Des débuts difficiles conduisent son inventeur, hostile à la politique de prix (qu'il juge trop élitiste), à quitter l'association pour laisser Mercedes seul au volant. Le "sac à dos à roulettes" n'arbore toujours pas son étoile à trois branches.REFLETS DE FRANCE 1996 On doit à Promodès le lancement, en 1996, d'une marque distributeur singulière, Reflets de France, marque transversale dans l'univers alimentaire. Sa vocation est de mettre en valeur le patrimoine culinaire français grâce à des partenariats avec quelque 140 PME locales. La gamme compte près de 300 produits issus de toutes les régions françaises, qui sont autant de facettes de la gastronomie française. Tous les produits sont préparés avec des ingrédients du pays d'origine, et selon les recettes et le savoir-faire traditionnels de producteurs locaux. Depuis le rachat de Promodès par Carrefour, Reflets de France figure parmi les 30 premières marques alimentaires vendues dans l'Hexagone.AMAZON 1995 C'est dans le garage de sa maison, à Seattle, que Jeff Bezos, trentenaire et ancien courtier à Wall Street, fonde en 1995 le site Amazon.com. Deux idées guident son choix: Internet permet une off re illimitée avec les prix les plus bas et des marges importantes, le client est au coeur du système. Destiné, à l'origine, à la vente de livres et de produits culturels (DVD, CD...), le site, longtemps surnommé "l'entreprise déficitaire la plus célèbre au monde", coté au Nasdaq depuis 1997 est devenu le leader mondial de la vente en ligne. Il a progressivement étendu son offre pour couvrir aujourd'hui 24 catégories de produits: vêtements, produits de beauté, montres et bijoux, bricolage, smartphones... Jeff Bezos n'oublie pas pour autant le livre, et mise sur sa version électronique avec sa liseuse Kindle, lancée en 2007 Le site Amazon.fr, qui a ouvert ses portes virtuelles en 2000, compte en France trois de ses 60 entrepôts dans le monde. 1950-2010: 60 ans de marques qui symbolisent l'histoire de la consommation. Des marques innovantes et rupturistes qui ont infléchi la vie quotidienne des Français et accompagné les mutations économiques et sociales. Inventaire à la Prévert.La bibliothèque (idéale) du marketerComme dans les autres disciplines, la littérature marketing se fait l'écho des tendances, recherches et évolutions. Il semble que cette discipline, qui appelle autant la passion que la détestation, soit l'objet de profondes mutations. Alors que les livres-étapes de l'histoire du marketing - écrits par ses pères fondateurs (notamment Philip Kotler) - ont défi ni des théories qui ont toujours cours, la pratique s'adapte à un environnement mouvant. Evolutions technologiques, changements du comportement des consommateurs (prise de pouvoir, contestation), utilisation des neurosciences pour les comprendre ou encore mise en place de stratégies durables: les nouveaux paradigmes apparus ces dernières années sont nombreux. Ils donnent lieu à une production éditoriale fournie, aussi didactique que polémique. Le marketing a la chance d'être disséqué et réactualisé en permanence par une foule d'auteurs, d'universitaires et d'experts professionnels. Bonne lecture ! 1 PLONGEZ DANS L'OCÉAN BLEUL'étude menée sur les plus belles réussites stratégiques (comme Apple, Swatch, etc.) amène les auteurs à définir un nouveau concept stratégique, car ils lient ces succès à l'exploration d'espaces stratégiques inexplorés. En opposition à l'océan rouge, mer de toutes les concurrences, il semble que les organisations à succès aient choisi un positionnement différenciant et un segment innovant (par exemple, le Cirque du soleil s'assure un succès mondial en revisitant et réinventant le cirque, spectacle déclinant). Le livre fourmille d'exemples et montre le cheminement de stratégies qui ont fait leur preuve. Stratégie océan bleu, "Comment créer de nouveaux espaces stratégiques", par W. Chan Kim et Renée Mauborgne, Pearson, collection Village Mondial, 288 pages, 2005. 2 L'INSOUTENABLE TYRANNIE DES MARQUESDans ce best-seller, la journaliste canadienne Naomi Klein dresse un état des lieux de la société de consommation. L'essai, qualifié de "Bible de l'altermondialisme", dénonce la tyrannie des marques, leur jusqu'au-boutisme productif, avec les dérives que l'on connaît (de la part de Nike, Adidas, Total). L'auteur démontre comment les mouvements de résistance se sont mis en place face à l'invasion des marques dans l'espace public.No logo, "La tyrannie des marques", par Naomi Klein Actes Sud, collection Babel, 2001, 752 pages. Traduit de l'anglais (Canada) par Michel Saint-Germain. 3 LA RELATION CLIENT, UN PARTENARIATDe l'activisme du consommateur au début des années deux mille à sa prise de pouvoir, l'ouvrage montre que les postures ont été renversées et explique comment les marketers doivent réagir. Elles doivent notamment accepter de perdre le contrôle total et s'adapter pour créer et entretenir une relation client qui relève davantage du partenariat que du ciblage. Pour y parvenir, les auteurs proposent des pistes, à commencer par la place de la marque et une nouvelle intelligence dans la relation client. Ils abordent également des questions éthiques. Métamorphoses du marketing, par Catherine Dedieu et Christine Removille, édition Economica, 94 pages, 2012. 4 LE PETIT LIVRE ROUGE S MARQUESEssai, livre d'art, missel ou Petit livre rouge, cet ouvrage a reçu tous les qualificatifs. Les auteurs font le point sur le rôle des marques dans notre société, portées aux nues ou foulées au pied. L'ouvrage comprend des aphorismes, "la marque est une personne", et des reproductions d ' oeuvres d'art ( 99 cents,d'Andréas Gursky), mis en scène avec humour. Gilles Deléris et Denis Gancel dressent le portrait de notre société et dessinent les contours de celle de demain. Ecce logo, "les marques anges et démons du XXIe siècle", par Gilles Deléris et Denis Gancel, éditions Loco, 384 pages, 2011. 5 MERCATOR, DIXIEME!Véritable Bible de la discipline, le Mercator fait le point sur les théories et les nouvelles pratiques marketing. Pédagogique, il aborde aussi bien le secteur B to B que la grande consommation, les marchés français et internationaux, etc. Cette dixième mouture - la première édition date de 1974 - bénéficie d'une maquette qui rend les rubriques plus visibles et intègre un nouveau champ d'investigation avec le marketing des communautés et des réseaux sociaux. L'accès à la version numérique du Mercator est proposé à tout acheteur du livre. Une version enrichie pour iPad comprenant des quiz interactifs corrigés et commentés est désormais disponible sur l'iBookstore d'Apple. Un flashcode sur la couverture permet aux lecteurs d'accéder à une vidéo des auteurs présentant cette dernière édition.Mercator 2013, par Jacques Lendrevie et Julien Lévy éditions Dunod, 1 000 pages, dixième édition, septembre 2012. 6 TOUT LE MARKETING DANS UNE ENCYCLOPÉDIECe dictionnaire original propose plus de 4 000 termes - traduits en anglais pour définir le vocabulaire et les concepts du marketing, illustrés par plus de 400 photos de publicité et agrémentés de 200 modèles marketing décryptés. Une référence pour comprendre la terminologie marketing et l'exercer au quotidien. L'encyclopédie du marketing commentée & illustrée, par Jean-Marc Lehu, éditions Eyrolles, 950 pages. Deuxième édition, juin 2012. 7 LE BEST-SELLER DU MARKETINGLe pape du marketing livre les fi celles du métier aux étudiants et professionnels en revenant sur les problématiques marketing actuelles (influence du Web 2.0, marketing responsable, etc.) avec des exemples inédits (Velib', Open Skies, Citroën DS...) et des marques de référence (Apple, Diesel).Compréhension du marketing, analyse du marché, relation client, stratégie marketing de marque, construction de l'off re, distribution, communication, développement et responsabilité sociale: aucun thème n'est laissé au hasard. En prime, un flashcode permet au lecteur de se tenir informé des mises à jour de l'ouvrage, qui ne cesse d'évoluer Marketing Management, par Philip Kotler, Kevin Keller et Delphine Manceau. Pearson France, 841 pages. 14e édition 2012.8 MARKETING VERTPour réconcilier marketing et développement durable au sein des organisations, l'ouvrage a l'ambition de présenter "Tout ce qu'il faut savoir pour ne pas se tromper". Construit comme un manuel pédagogique, l'ouvrage apporte des repères stratégiques et opérationnels aux responsables marketing pour intégrer les critères de durabilité à toutes les dimensions du marketing. Comment repenser l'off re dans une démarche d'éco-conception? Comment mieux répondre aux attentes des clients? Comment ajuster sa politique de prix? Une douzaine de chapitres fait le tour de la question. Le guide pratique du marketing durable par Karine Viel, éditions Comité 21, 347 pages, avril 2011.9 L'OPUS DU MBAUne vingtaine d'articles rédigés par 26 auteurs, experts universitaires pour la plupart, passe la fonction marketing au peigne fi n. S'adressant aussi bien aux étudiants en MBA, en école de commerce, en institut de gestion ou en troisième cycle universitaire qu'aux professionnels, MBA Marketing est la référence indispensable pour tous ceux qui veulent actualiser et approfondir leurs connaissances. MBA Marketing, "Tout ce qu'il faut savoir sur le marketing", ouvrage collectif, Editions d'Organisation, Eyrolles, 568 pages, octobre 2011.Quels ouvrages pour maîtriser l'histoire et les évolutions du marketing? Voici notre sélection de livres qui ont fait date, ainsi que les nouveautés à ne pas manquer.

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