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Quel rôle pour le marketing dans le secteur IT ?

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Quelle place a pris la fonction marketing et le chief marketing officer au sein des entreprises de l'IT ? Les CEO de Devoteam, SugarCRM, Aragon-eRH, IBM, Easyvista et Mediatech-cx témoignent en partenariat avec le CMIT.

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Stanislas de Bentzmann, CEO et cofondateur de Devoteam

Le B2B, la fin d'un univers clos

"Au début des années 2000, la vision stratégique du marketing dans l'univers du B2C était déjà plus qu'évidente. Dans nos entreprises B2B, nous pensions continuer à vivre avec nos propres règles, nous nous sentions dans une sorte d'univers clos, dans un marché protégé. Aujourd'hui, c'est terminé, le B2B a intégré cette boucle. Avec la formidable montée en puissance de l'outil marketing et des réseaux sociaux, nous avons été les témoins du morcellement des grands vecteurs de communication qui touchent à présent le B2B. Aujourd'hui, absolument tous les acteurs sont visibles. Par acteurs, j'entends les fournisseurs, les partenaires, mais aussi les clients. Chacun a son rôle à jouer dans la diffusion de l'image d'une marque [...] Le marketing a définitivement dépassé sa fonction centrale d'administration de l'image [...] De la place marginale qui était la sienne, le marketing touche à présent tous les niveaux de la stratégie, jusqu'au client, en passant par l'équipe dédiée au commerce. Notre CMO siège à présent au Comex, nous avons étoffé les équipes et créé des postes clés pour que le marketing puisse interagir avec tout l'écosystème et atteindre tous les canaux depuis la cellule exécutive."

L'indispensable polyvalence du Directeur Marketing

"Selon moi, le CMO doit pouvoir aider le CEO à définir sa stratégie. Et pour parvenir à jouer ce rôle, il doit maîtriser une vue d'ensemble de tous les aspects de l'entreprise jusqu'à l'exécutif. Il doit être à la pointe de l'expression des besoins et des usages. Il doit aussi être au fait des mécanismes psychologiques de la communication, que ce soit avec les clients, mais aussi lorsqu'il est question de la communication interne avec les collaborateurs. Chez Devoteam, cette forte polyvalence s'illustre entre autres par le fait que le Marketing est partie prenante dans la promotion de l'image de l'entreprise et travaille étroitement avec la DSI, les RH, les Sales..."


Fabrice Prugnaud, Senior Vice President & General Manager SugarCRM

Le marketing de demain est data-drivé

"C'est simple, lorsque je reçois des appels marketing, je raccroche systématiquement. La plupart des sociétés d'aujourd'hui sont restées sur les mêmes schémas marketing des années 2000. Aujourd'hui, on parle de plus en plus d'Account Based Marketing parce que désormais, il nous faut du concret et du ciblage. Le marketing du futur doit donc se personnaliser et se perfectionner dans le Big Data, et même être en mesure d'endosser un rôle prédictif. Par exemple, quand on analyse le vivier de leads générés en dix ans, la machine doit être capable de sortir le profil du client idéal (ICP) et de dire qu'avec tel profil, la probabilité de clôturer tel business est de tel pourcentage.

Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer l'axe créatif car ce n'est pas le marketing automation qui va répondre à cet aspect. L'humain et sa créativité ont toujours leur mot à dire et l'automatisation permet de laisser tout le loisir à l'Homme de laisser libre cours à sa créativité. Avec un ami vidéaste, on a eu l'idée un peu téméraire d'envoyer une petite vidéo sur la vision SugarCRM et sur pourquoi il fallait travailler avec nous. On a personnalisé l'introduction de la vidéo en prenant en compte les data de notre CRM et sur les 40 vidéos envoyées, 38 ont été génératrices de leads. Le marketing du futur, c'est ça : du concret, du prédictif mais surtout avec une touche créative !"

Le CMO doit aussi endosser un rôle éducatif

"Le CMO se doit de déployer l'étendue de ses ressources mais il est essentiel qu'il englobe les autres forces de la société. Lorsque j'ai débuté ma carrière, mon manager a voulu mettre en valeur le travail de mon équipe : " ce n'est pas mal pour des petits pois ". La directrice financière a rétorqué que " Sans les petits pois que nous sommes, votre soupe ne serait que de l'eau claire ". Je n'ai jamais oublié ses mots. Que l'on perde ou que l'on gagne, on le fait ensemble et on apprend ensemble. Parce que le CMO doit aussi endosser un rôle éducatif et de coaching auprès de ses équipes."



Isabelle Saffar, Directrice Générale Aragon-eRH

Du marketing direct au marketing automation

"Le recours au marketing direct, c'est la garantie d'avoir une approche individualisée mais surtout un moyen d'avoir une réponse immédiate du client, et donc de la matière prête à l'emploi pour mesurer ce résultat. Les moyens de communication ont évolué en même temps que les technologies mais l'objectif est resté le même. Ainsi, l'entrée en scène du digital et la transformation fulgurante qu'il a exercée sur le monde du marketing et sur l'ensemble de la société n'a jamais ébranlé l'objectif premier auquel doit répondre le marketing. En réalité, le digital et l'utilisation omnicanal des réseaux sociaux a perfectionné l'approche marketing puisque des outils tels que LinkedIn ou Twitter permettent de mesurer l'image et la notoriété d'une marque - le marketing mesure aussi l'abstrait et c'est là toute sa puissance. Le marketing de demain, avec des technologies aussi fascinantes que le machine learning et l'intelligence artificielle accentueront davantage ce rôle d'outil de mesure que revêt le marketing."

Le pouvoir du Why ?

"J'admire infiniment toute la vision de Simon Sinek - développée dans ses TED mais aussi dans son livre, Start with Why. Toute action doit toujours commencer avec un " pourquoi ". Trouver le " pourquoi " permet de répondre au " comment " , au " quoi " et au " quand ", mais aussi de révéler des objectifs. C'est précisément cette vision que nous défendons chez Aragon-eRH. Pour que ce fondement s'épanouisse, nous misons sur 5 axes fondamentaux. Le premier levier touche à la proposition de valeur avec toute la question de notre positionnement qui s'accompagne de la création de fiches produit, de plaquettes, etc."


Nicolas Sekkaki, CEO France IBM

Une orientation marketing qui se cherche encore

"Si je repense au marketing d'il y a 15 ans, je me souviens d'une fonction très structurée, voire cloisonnée, assortie de beaux goodies, mais qui restait tout de même en retrait. Aujourd'hui, le rôle du marketing est devenu beaucoup plus prégnant. Désormais, c'est toute une considération en amont et en aval qui démarre par la réflexion autour de la stratégie éditoriale, les actions à effectuer, leur suivi et sur la gestion de données toujours plus personnalisées. Il ne s'agit plus seulement de faire une campagne marketing avec une segmentation de clients traditionnels puis de passer à une autre, c'est un véritable continuum que je constate depuis ces 15 dernières années. Ce phénomène est tout à fait révélateur du changement culturel qui habite la sphère marketing. Mais la véritable évolution réside dans le passage entre le marketing produit et le marketing d'usage. Ce n'est plus le produit qui va fidéliser le client mais l'expérience qu'il vivra auprès de la marque. Or, il est beaucoup plus complexe de présenter l'expérience client et les nouveaux usages que de présenter et mettre en valeur un produit parce que cela revient presque à passer de l'objectivité à la subjectivité."

Le CMO d'aujourd'hui, un agent du changement

"Chez IBM, le marketing siège au Comex. Ainsi, j'attends du marketing d'être véritablement présent à mes côtés pour transformer l'entreprise dans son image mais aussi dans son positionnement. (...) Dans ce nouveau paradigme, je trouve que la dualité entre le marketing et les commerciaux n'a pas lieu d'être. En réalité, c'est la tête pensante du business qui doit raisonner marketing et non l'inverse. (...) Ce n'est pas le soi-disant manque de synergie entre le marketing et les commerciaux qui constitue le véritable problème, c'est le manque de précision dans le ciblage du marketing. (...) À titre personnel, je suis convaincu que les acteurs des technologies ne sont pas voués à être des commerciaux mais plutôt des marketeurs. On est dans un monde où les révolutions technologiques sont toujours plus pointues et rapides que cela en devient rapidement incompréhensible. Le marketing accompagne et rend accessible passerelles entre des mondes qui n'interagissent pas ensemble naturellement. Chez IBM, c'est l'une des feuilles de route que j'ai donnée au marketing. (...) L'organigramme du Club Med donne une bonne synthèse de ce qu'on attend d'un marketing évolutif. La direction informatique a la caractéristique singulière de porter trois casquettes qui n'ont de prime abord, pas grand-chose en commun : le marketing, le digital et la DSI. On est là en présence d'un marketing qui se donne les moyens de se digitaliser et d'inventer les usages grâce aux possibilités du système d'information. À l'inverse, le SI soutient une logique de parcours clients et de marketing digitalisant. Les passerelles se créent et on assiste à un éloquent modèle de décloisonnement et d'évolution."


Jamal Labed, Cofondateur & COO Easyvista

Vers une casquette technicofinancière du marketing ?

"J'en viens de plus en plus à penser que le business d'un éditeur SaaS dépend aujourd'hui moins de la partie technique que du marketing. Aujourd'hui, nous disposons d'une équipe marketing de quinze personnes et on y consacre près de 10% de notre CA : c'est un service résolument stratégique ! Notre équipe marketing est organisée en marketing corp (basée aux US) et de marketing régionaux (dans chacun des pays). De mon point de vue, on ne fait plus ce métier comme on le faisait il y a tout juste 5 ans, la donne a radicalement changé, notamment et essentiellement sous l'impulsion de la transformation digitale : le marketing se rapproche très fortement du business et nous abandonnons progressivement les approches volumes pour des campagnes plus qualitatives. (...) Pour moi, le marketing est porteur de trois missions distinctes mais à la fois très complémentaires. D'abord l'awareness, qui développe et contribue à faire connaître la marque. Ensuite vient la lead generation dont le rôle se positionne sur l'alimentation des commerciaux en leads toujours plus qualifiés, pour qu'au moins 30% des leads du business puissent provenir du marketing. Enfin, la communication financière a toute sa place puisqu'elle se décline dans les huit pays dans lesquels nous sommes présents."

Un marketing produit trop faible en France dans le software ?

"La fracture entre le marketing et le business est encore trop prégnante. D'un côté, le marketing est jugé coupable de ne pas générer assez de leads de qualité et de l'autre, le commerce est pointé du doigt parce qu'il ne traite pas les leads. C'est cette vision caricaturale que nous devons absolument effacer. Le marketing doit dorénavant faire partie intégrante du business et les deux services doivent s'aligner autour de la stratégie. L'enjeu demeure encore complexe, mais nous sortons de plus en plus de ce fonctionnement en silo. En premier lieu, le marketing se tourne vers le commerce pour collaborer sur les objectifs et les cibles. Ensuite, il s'agit de faire en sorte que les profils qui qualifient les leads soient intégrés à l'équipe marketing. Bien entendu, il ne suffit pas de sortir ces grands principes et d'attendre que ça se réalise tout seul. Tout mon travail consiste à construire la vision commune et de détruire les silos. La tâche est loin d'être aisée, mais à partir du moment où nous partageons la vision stratégique, nous avançons logiquement plus vite. La mise en place de l'Account Based Marketing a par exemple permis de rapprocher considérablement nos équipes. L'autre élément moteur de ce rapprochement est d'avoir des équipes marketing qui sont passées par la vente et qui possèdent ainsi une culture élargie des sujets business. En revanche, je considère le marketing produit comme le parent pauvre de la discipline. D'ailleurs, on trouve très peu de profils qui ont cette compétence sur le marché. Si sur le territoire français on a trop peu de leaders du software, c'est parce que notre marketing produit n'est pas à la hauteur. Notre culture d'ingénieur nous amène à penser, à tort, qu'un bon produit doit savoir se vendre seul. Je trouve qu'en France nous avons un retard considérable sur le sujet et c'est très regrettable."


Hervé Cébula, CEO et fondateur Mediatech-cx

Un marketing aux multiples facettes

"La fonction s'est diversifiée, étoffée, pour devenir un véritable pont entre la stratégie et l'opérationnel. Et la montée en puissance du digital a joué un grand rôle dans ce développement. Auparavant, le marketing était très fortement associé aux points de vente ou encore au packaging. Aujourd'hui, il s'affirme également comme le nouveau liant entre des équipes qui ont parfois des maturités très différentes sur le sujet. Le changement réside dans le fait que toutes les entreprises, même en B2B, sont véritablement au contact des clients et c'est sur ce nouveau paradigme que la discipline a un rôle évident à jouer. Il est donc aussi question d'un rééquilibrage vers un marketing résolument stratégique.

Pour notre métier tourné vers l'IT, les enjeux sont très spécifiques. Nous vendons exclusivement du software auprès de décideurs des Grands Comptes. La publicité ne peut donc pas être notre seul cheval de bataille, puisque nous sommes sur des cycles de décision très réfléchis. Notre marketing va surtout se matérialiser, d'un côté sur des événements propriétaires ou de marché et de l'autre, sur du contenu pour le blog dont on fait la promotion, par exemple, via notre blog et/ou sur les réseaux sociaux. Tout ça avec l'objectif d'accélérer la Lead Generation. Au sein de l'entreprise, la fonction du marketing est désormais devenue un rouage essentiel."

Du Chief Officer Marketing au Chief Revenue Officer ?

"Chez Mediatech-cx, nous avons une instance " management team " et le marketing y a évidemment une place de choix. Mais dans l'ensemble, nous restons sur une organisation très classique : le marketing fait de la lead generation, les leads sont intégrés dans Salesforce pour alimenter les commerciaux et régulièrement, les équipes partagent leurs feedbacks respectifs sur les campagnes. Le marketing est la pierre angulaire pour nourrir les commerciaux en continu. À notre manière, nous oeuvrons pour éviter les silos, nous avons déjà une ressource partagée, un inside sales qui fait le lien entre les deux équipes. Et à l'avenir, cela ne semble pas insensé de penser qu'une fonction, comme celle de Chief Revenue Officer vienne chapeauter le Business Development, réunion des Ventes et du Marketing.

Je ne détiens pas la vérité pour le futur. En revanche, il est certain que le marketing continuera à se rapprocher des ventes et que l'intelligence artificielle ainsi que le machine learning vont contribuer à un meilleur ciblage et à une meilleure personnalisation des actions. Le défi pour le CMO de demain sera d'assumer cette polyvalence, mais aussi d'être capable de représenter l'entreprise. Il doit également être compétent pour piloter la création des contenus, coordonner l'événementiel, manager les équipes, etc. Enfin, si le CMO a pour ambition de devenir CEO, il devra aussi développer ses compétences financières, parce que l'argent restera toujours le nerf de la guerre et affirmer sa capacité à avoir et faire partager une vision, ainsi qu'à embarquer les équipes !"


La rédaction

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