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[Tribune] Marketing : Less is More

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[Tribune] Marketing : Less is More

En cette période encore bruissante de la COP21, Gildas Ricordel (Twinings) s'interroge sur la responsabilité des marketeurs en matière d'environnement, exemples de marques à l'appui.

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Je fais partie d'une génération qui a grandi dans la logique du toujours plus, toujours mieux, des produits offerts, des cadeaux à tout va, puis du jetable et de l'obsolescence programmée. En tant que marketeur, j'ai ensuite été formé à l'impératif d'impact en rayon, souvent synonyme d'ajout de matière non indispensable destiné à améliorer la tenue du produit et/ou à accroître sa surface d'exposition.

Une opportunité à saisir

Certes les préoccupations environnementales se sont amplifiées depuis le milieu des années 2000, laissant apparaître des initiatives très positives (comme en atteste le livre blanc Réussir avec un marketing responsable), mais elles restent souvent vécues comme une contrainte, non prioritaire, au sein des équipes marketing.

Et s'il s'agissait d'une opportunité que nous n'aurions pas encore saisie ?

Nous avons la responsabilité des produits que nous mettons sur le marché et avons donc la possibilité de piloter la réduction de leur impact sur la Terre que nous laisserons à nos enfants. Cette dimension pourrait non seulement faire partie intégrante des objectifs marketing, mais elle devrait surtout devenir l'une des toutes premières sources d'attrait pour cette fonction, en particulier pour les nouvelles générations.

J'ai lu récemment le livre(1) d'Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia [marque américaine de vêtements de loisirs NDLR] et pionnier de l'économie responsable, et j'ai été interpellé par une citation qu'il emprunte à Saint-Exupéry : " Il semble que la perfection soit atteinte non quand il n'y a plus rien à ajouter, mais quand il n'y a plus rien à retrancher "(2).

La quête de sobriété serait donc compatible avec celle de la perfection ?

Intuitivement, j'aurais pensé l'inverse, en référence aussi à l'univers du luxe, qui a fait de l'emballage et du suremballage l'une de ses marques de fabrique.

Respect de l'environnement, luxe et qualité

Après réflexion, je conçois que la recherche de nouvelles matières et de nouveaux formats, plus respectueux et plus épurés, puisse également servir la différenciation et l'attrait du produit, et donc sa performance.

Yvon Chouinard cite l'exemple de vêtements dont il a, dès le début des années 90, fait supprimer l'emballage alors que son concurrent les conditionnait dans de belles boites métalliques. Tout le monde prédisait une chute des ventes mais elles ont en réalité progressé de 25% la première année, le consommateur ayant désormais la possibilité de juger par lui-même la qualité du produit.

La nouvelle signature de la marque d'hôtels haut de gamme LUX " lighter, brighter " traduit bien aussi cette idée que le luxe peut passer par plus de légèreté, plus de simplicité. C'est en s'allégeant du superflu que l'on touche à l'essence même du produit.

Le deuxième point qui a retenu mon attention est l'impératif que s'est fixé Patagonia de délivrer systématiquement la meilleure qualité, afin que l'utilisateur puisse conserver son vêtement le plus longtemps possible. En allant sur son site, vous pourrez constater que la marque va encore plus loin, en incitant également les utilisateurs à faire réparer leurs vieux vêtements : " if it's broke, fix it ! ". À nous marketeurs, qui cherchons sans cesse à développer l'engagement et la fidélité de nos consommateurs, quel meilleur levier que celui-là ?

A moyen terme, le modèle pour les marques de grande consommation sera certainement, pour les produits qui s'y prêtent, de mettre à disposition des consommateurs d'une part un contenant durable de qualité - du type coffret ou flacon - reprenant les codes la marque, et d'autre part un circuit d'approvisionnement en vrac, par le biais de magasins, de drive ou de livraisons collectives.

Le dernier point que je souhaitais soulever est celui des matériaux ou ingrédients. Il y a plus de 20 ans que Patagonia a pris la décision de ne plus utiliser que du coton biologique, afin de lutter contre l'utilisation outrancière de pesticides et l'appauvrissement des sols. Évidemment, cela s'est traduit à court terme par un impact négatif sur leur P&L (pertes et profits). Mais d'autres marques ont suivi - partiellement - cette démarche, faisant progressivement diminuer le prix du coton biologique. Nous interrogeons-nous suffisamment sur la nature et l'impact des composants que nous utilisons ?

Je suis convaincu que nous avons la possibilité de changer les choses, plus rapidement. Le jour où chaque marketeur cherchera à réaliser le meilleur produit AVEC le moindre impact environnemental, et se donnera les moyens de convaincre les décideurs de son entreprise de la positivité de cette démarche, au-delà du simple de la seule dimension environnementale, nous aurons fait un pas de géant.

Ce processus s'accélérera dès lors que les marques les plus audacieuses auront décidé de se lancer, de manière forte et sincère, initiant ainsi une nouvelle façon de faire du Marketing.

(1) Livre Let my People Go Surfing : The Education of a Reluctant Businessman, traduit en français aux Éditions Vuibert (2006) : Homme d'affaires malgré moi, confessions d'un alter-entrepreneur.

(2) Extrait de Terre des Hommes, Antoine de Saint-Exupéry.

Gildas Ricordel est Strategy Marketing Director chez Twinings. Il a débuté sa carrière chez Danone produits frais et compte 15 années d'expériences marketing & vente sur des marques grande consommation.

 
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