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Jouer sur le passé, une stratégie marketing gagnante

Publié par Barbara Haddad le - mis à jour à
Jouer sur le passé, une stratégie marketing gagnante

Marketing de la nostalgie ou tendance vintage, les marques fouillent dans leurs archives pour relancer des produits ou licences phares de leur histoire. Elles espèrent ainsi traverser les âges et devenir des noms transgénérationnels.

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Il n'est pas rare de voir dans les rayons des vêtements, des jouets ou encore des produits alimentaires que l'on a connus dans notre enfance. Tantôt relancés à l'identique, tantôt remis au goût du jour, ces produits inspirés d'hier envahissent notre quotidien : la boisson Tropico, les Polly Pocket et les pyjamas et tee-shirts à l'effigie de Bambi ou d'autres héros Disney. La marque Speedo a d'ailleurs lancé cet été deux collections de bain pour enfants et adultes qui surfent sur cette tendance de la nostalgie du consommateur. La première, en partenariat avec Disney, propose des maillots de bain pour femmes avec Ariel la petite Sirène ou Mickey et Minnie et la seconde, plus rétro, s'inspire des modèle phares australiens des années 60/70 : "Avec ces collections Disney ou Rétro, nous faisons revivre des modèles ou des personnages iconiques qui suscitent l'émotion chez les consommatrices mais nous les réactualisons avec de nouvelles matières et des échancrures moyennes qui conviendront à un grand nombre de femmes", explique Isabelle Quiriet, directrice Shopper Marketing Europe du groupe familial Pentland (marques Speedo, Ellesse etc.).


Vintage, marketing de la nostalgie ou rétro-Marketing ?

" Les marques font appel à différents codes du passé : le vintage, le rétro-marketing ou le marketing de la nostalgie. Chacun correspond à une démarche marketing différente ", précise Aurélie Kessous, professeur des universités à l'IAE Aix-Marseille et spécialiste du rétro-marketing. Pour l'universitaire, le vintage n'est en rien une démarche marketing, mais le geste de consommateurs qui veulent favoriser une forme d'économie circulaire : " Le vintage consiste à réutiliser des objets existants que l'on va recycler, réparer plutôt que jeter. " Lorsque les marques surfent sur la fibre nostalgique qui sommeille en chacun de nous, elles vont plutôt chercher à commercialiser des produits neufs qui nous fleurent bon le passé " afin de raviver des sensations et des émotions positives que nous avons vécues autrefois ". Enfin, le rétro-marketing consiste lui aussi à nous faire acheter du neuf qui nous rappelle des produits d'antan, mais " la marque y ajoute une touche d'innovation. C'est le cas, par exemple, de la New Beetle de Volkswagen ou des nouvelles Mini créées par BMW", explique-t-elle. Dans le secteur du jouet, la recette fonctionne bien. En témoignent les récents succès des figurines Power Rangers ou Action Man, très en vogue dans les années 80 et aujourd'hui offertes à leurs têtes blondes par d'ex-enfants devenus parents. Franck Mathais, fondateur de Franck & Partners et porte-parole) JouéClub, analyse ces succès: " En réactualisant des jeux qui ont été à la mode des années plus tôt, on fait vibrer la fibre nostalgique des adultes, ce qui suscite l'émotion et donc favorise l'adhésion à la marque. "

Mais pourquoi un tel engouement pour ces produits nostalgiques ?

"En activant son passé, la marque bénéfice d'un véritable avantage concurrentiel, remettant sur le marché un produit que les consommateurs connaissent déjà. Elle aura donc probablement moins d'efforts à déployer pour les convaincre. Certains fans pourront même se transformer en véritables ambassadeurs ", analyse Alexandra Vignolles, directrice de la pédagogie et de l'Innovation à l'Inseec Business School et auteure du livre Nostalgie et comportement du consommateur- Editions EUE." "Il y a aussi un avantage économique à relancer des produits en les modernisant : bien souvent on constate une montée en gamme, comme s'ils prenaient de la valeur", complète Aurélie Kessous. Du côté des consommateurs, deux facteurs sont en jeu. Cela peut-être le côté régressif de la nostalgie ("c'était mieux avant") qui vient activer notre part d'adulescent. Les adultes, comme les enfants, prennent alors plaisir à visiter les parcs d'attraction, porter des vêtements à l'effigie des personnages et ramener quelques souvenirs et objets de décoration. C'est ce qui a, par exemple, motivé l'enseigne Sushi Shop à monter un dispositif complet autour de la licence Tetris : "Ce jeu parle à de nombreuses générations, ce qui fait écho à notre concept de restaurant qui attire aussi bien des jeunes adultes, que des familles ", confie Yaël Toledano, directrice marketing et communication.

Pour les consommateurs, cela peut être aussi une volonté de transmission de souvenirs, de valeurs. Les parents deviennent alors prescripteurs auprès de leurs enfants. C'est ce qui se joue par exemple, lors des rentrées pour les cartables Tann's, nés en 1978. " La marque entretient un lien fort avec les parents soit parce qu'ils ont eu un cartable Tann's dans leur enfance, soit parce qu'ils auraient souhaité en avoir un", déclare Christophe Rault, président du groupe Aliseo, qui a relancé la marque il y a quelques années. La marque propose aujourd'hui plus de 250 produits différents pour la rentrée des classes, renouant ainsi avec ce qui déjà, dans les années 80, faisait son succès : proposer de nombreuses variations d'un modèle iconique. L'objet devient l'occasion de partager en famille des anecdotes et participe à la création de repères communs. C'est la raison pour laquelle la marque de jeux Educa Borras lance, pour cette fin d'année, le jeu de société " Génération Souvenirs, le jeu des grands enfants nés avant l'an 2000 ". Tout y est nostalgique : de la boîte en fer qui rappelle celle des biscuits de nos grands-mères, aux cartes des joueurs qui sont en forme de blousons iconiques des années 80. Il y a même des défis intégrant des jouets de notre enfance comme une puce sauteuse ou une main collante (fournis dans le jeu). Les parents se remémorent le passé grâce aux questions tandis que les enfants découvrent et s'imaginent quel était le quotidien de leurs parents lorsqu'ils avaient leur âge. Il y a donc une forte dimension de partage transgénérationnel", argumente Franck Orlando, directeur commercial France Belgique pour Educa Borras.


Comment peut-on rappeler le passé ?

D'autres catégories de produits misent sur le marketing de la nostalgie. " Dans la mode, c'est un phénomène récurrent et certains créateurs peuvent puiser leur inspiration dans des époques relativement lointaines, comme les années 60 avec le célèbre maillot de bain ceinturé d'Ursula Andress", observe Cécile Vivier-Guerin, directrice marketing du Salon International de la Lingerie . Dans d'autres secteurs, comme le jouet, il est difficile de remonter plus loin qu'aux années 80. Mais dans tous les cas, diverses exigences sont de mise. Primo, une remise aux normes actuelles : normes sécuritaires, technologiques, réglementaires, stylistiques... En outre, "la marque doit avoir un certain nombre d'années d'antériorité - une dizaine a minima - pour pouvoir plonger dans son passé", précise Alexandra Vignolles, spécialiste du marketing de la nostalgie. La marque de jouets Brio parle, elle, d'héritage, qu'elle entretient depuis 135 ans "Nous combinons tradition et modernité dans chacun de nos jouets ", estime Sabrina Astre, responsable marketing de Brio France. Prenons l'exemple du labyrinthe en bois inventé par Brio en 1947. A l'origine, il n'était qu'un support ludique destiné à rééduquer les poignets de patients victimes de fractures ou de traumatismes. Avec le temps, il est devenu un jouet à part entière, qui plus est un blockbuster de la marque, " figurant dans le top 10 des ventes et agrémenté de nombreuses options ajoutées au fil du temps", précise-t-elle. Une start-up peut, elle aussi, faire le pari de relancer une marque ou un objet tombé en désuétude. C'est le cas de Laurent Caillet, entrepreneur dans l'âme et fondateur des boutiques " Bonendroi " qui, à la sortie d'une brocante a eu l'idée de relancer la célèbre carafe ronde de nos cantines. La société, qui a misé sur du " made in France ", a dû recréer des moules car tout avait disparu. Les matières et les proportions ont aussi été revues pour que la carafe soit conforme aux normes actuelles mais aussi plus légère et lavable au lave-vaisselle. " L'objet attire aujourd'hui aussi bien des adultes nostalgiques que la jeune génération, qui adhère au design sans avoir connu le produit originel ", indique Ulrich Quehen, responsable commercial de La Carafe.


La stratégie marketing construite sur la nostalgie n'est pas réservée qu'au produit !
L'appel à des références du passé peut aussi avoir une déclinaison en communication digitale ou physique. C'est le parti-pris qui a été choisi par l'agence Heaven pour la campagne #ScoreAMillion mise en place à l'occasion du lancement des éditions limitées MILLION & LADY MILLION de Paco Rabanne. La marque a noué un partenariat avec NAMCO, détenteur de la licence du jeu PAC-MAN. "Nous avons ensuite entièrement recréé le jeu, avec un game design inspiré des éléments graphique de MILLION. L'objectif était de toucher à la fois une cible millennial férue de jeux en ligne et une cible plus âgée qui retrouve son enfance", détaille Nicolas Cancel, directeur des opérations chez Heaven. Plusieurs contenus additionnels ont été créés dont un film' full 3D, des stories et une lense Snapchat. Des bornes types arcade ont même été installées à la gare Saint Lazare et dans un pop-up store dans le Marais à Paris.

Enfin, il est à noter que le vintage touche aussi les médias : le film Mais où est donc passé la 7ème compagnie, diffusé le jeudi 4 juillet 2019 sur TF1 a rassemblé 4,7 millions de téléspectateurs, soit une part d'audience de 25,4 % et des séries comme Colombo (TMC) ou la petite maison dans la prairie (6ter), maintiennent depuis 2016, des taux de pda entre 2,1 et 3,5% (Source : Médiamétrie - Médiamat). Alors ce mouvement de nostalgie vers le passé s'essoufflera-t-il ? "Probablement pas, puisqu'il est aussi facilité par le numérique et notamment la rediffusion en TV ou sur YouTube des films, séries et dessins animés qui ont bercé notre jeunesse", conclut Franck Mathais. Il semblerait même que cela touche aussi la marque Apple, qui réfléchirait, selon une rumeur à revenir au logo arc-en-ciel !

 
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