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R pour Resistance marketing

Publié par JEAN BAPTISTE VALLET le | Mis à jour le

A force d'être suivi, mesuré, disséqué et parfois agressé commercialement par la marque, le consommateur risque de se sentir oppressé. Peut-être est-ce le moment de réfléchir à un nouveau marketing qui respecterait la vie privée du consommateur : le " resistance marketing ".

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Si, dans les années 70, le marketing était la recherche de carrefours d’audience, si, dans les années 80 le marketing a travaillé la niche, si, dans les années 90, le marketing devait générer de la fidélisation, avec les potentialités qu’offre Internet, le marketing des années 2000 s’est individualisé: connais ton consommateur pour lui pousser la bonne offre au bon moment, et l'orienter vers l'acte d'achat.

On est désormais dans le Match-marketing où l’objectif est de mesurer la cible pour bien la comprendre, et définir des actions qui lui donneront envie de déclencher l’achat.

1. «Big Brother is watching you » *

Pour ajuster leurs offres, les marketeurs « trackent » leurs cibles. Mais, en quelques années, nous sommes passés d’un simple « tracking » physique sur Internet à un tracking biométrique, comportemental, psychologique...qui fiche partout l’individu pour l’identifier totalement.

Quels que soient les progrès engendrés dans la connaissance du consommateur, cette tendance conduit nécessairement à l'omni-surveillance. Chacun d'entre nous est maintenant suivi à tout moment, n’importe où, sur n'importe quel appareil.

Dans le même temps, alors que le tracking se répand à travers les objets connectés, la culture web évolue vers l’omni-transparence, bien aidée en cela par les grandes plates-formes qui façonnent l’internet. Ces Google, Facebook, Twitter (et consorts) qui favorisent l'exhibitionnisme online, et incitent l’individu à renoncer à une partie de son intimité pour obtenir la reconnaissance de la multitude.

2. «Le choix de l'humanité oscille entre liberté et bonheur et pour la plus grande majorité de l'humanité, le bonheur, c'est mieux » *

Toujours plus suivis et contrôlés, les individus n'ont plus le choix qu’entre deux stratégies: une offensive où l’on multiplie ses identités et où l’on joue sur le multi-profilage pour confondre les trackers... et une défensive, plus toxique, visant à détruire les tenants de l'omni-surveillance.

Traditionnellement, les e-pirates et les hackers ont conduit cette stratégie de défense en attaquant des marques (Sony, Mastercard…) qui portaient atteinte à la neutralité du web ou qui le dévoyaient.

Mais avec le développement des technologies de suivi comportemental, ces groupes marginaux pourraient bien être rejoints par un nombre croissant de consommateurs indignés par la violation de leur vie privée et l'utilisation de leurs données personnelles.

Ainsi, le jour où les individus sentiront que la marque restreint leur liberté, qu’elle les oppresse – et ce, quel que soit le montant de la promotion pushée sur son smartphone - ce jour-là, il y aura un rejet de la marque et de son marketing par la multitude. Problème: ce jour-là ne semble plus si fictif.

Pour nous, décideurs marketing, une question se pose désormais: Comment utiliser les outils numériques pour à la fois être compétitif et développer les ventes sans toutefois trop irriter les consommateurs?

3. «Les conséquences de tout acte sont incluses dans l'acte lui-même » *

Rappelons-nous les médias sociaux il y a 4 ans. Les premières motivations pour s’inscrire sur un réseau social étaient la coopération et l'amitié. On voulait retrouver un vieux copain, partager des moments de vie avec ses amis, rester en contact avec ses proches. Maintenant, les plateformes sociales sont devenues des marchands de profils, et Facebook devient chaque jour un peu plus suspect.

Mes élèves (22-28, Bac+5, CSP+, urbains) sont en plein dans cette suspicion. Ils ont tendance à se désinscrire des réseaux sociaux, notamment de Facebook, ne partagent plus de contenus privés, ne « likent » plus les pages des marques, ne publient plus de photos parce qu'ils savent que leurs contenus vont être scrutés, et qu’ils joueront au final contre eux. Je ne parle même pas de leur niveau d’«engagement»…

On en conclut qu’un consommateur qui se sent traqué par la marque développera une certaine réticence à cette marque.

C'est pourquoi je crois qu’il y a un nouveau marketing à proposer. Un marketing qui reviendrait à l'essentiel: plus simple, quoique toujours axé sur le consommateur, mais un marketing qui prendrait en compte la possible résistance des consommateurs aux interférences du marketing digital.

Un marketing qui exploiterait les potentialités de chaque média, mais avec une éthique de protection de la vie privée.

Un marketing qui précisément surferait sur le besoin de confidentialité de l’identité du consommateur, et offrirait de nouveaux territoires de liberté online.

Exactement ce qu’a proposé Free (qui a tout compris) en installant un filtre anti publicitaire sur sa Freebox.

Dans ce cas précis, Free a fait du « resistance marketing » : la marque a créé un service qui a exploité la résistance de ses cibles aux outils de marketing digital, et faisant, s’est valorisée par rapport à la concurrence.

En 2013, le nouveau marketing est un marketing qui a intégré la résistance, l’a dépassée et repensé le mix, en utilisant le meilleur de la technologie pour créer de l’affinité avec le consommateur.

<p>Diplom&eacute; de SciencesPo, de l''ESCP et de la London School of Economics, JB Vallet a travaill&eacute; pour la DG [...]...

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