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Les nouveaux mots qui font le marketing

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"C'est Koi ce mot ?" est la nouvelle rubrique que vous avez découvert dans Marketing en 2014. Bertrand Chovet, directeur général d'Interbrand Paris, y dévoile des néologismes dont l'écosystème marketing raffole. Révisions.

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Décembre : Artketing

L'inauguration de la fondation Louis Vuitton relance le débat sur l'éternel mariage entre marques, mode et art. Tendance amorcée déjà depuis plusieurs années, et particulièrement prisée dans le secteur du luxe, l'"artketing" consiste en l'appropriation et en la réutilisation de l'art par les marques. De la collaboration d'artistes allant de Takashi Murakami pour les sacs Louis Vuitton à Jeff Koons pour les champagnes Dom Pérignon, en passant par les entreprises de mécénat de la Fondation Cartier ou encore la démarche de la marque de streetwear Volcom avec ses "featured artists" (John Baldessari, Ozzy Wright...), les manifestations de l'"artketing" sont diverses.

Il s'agit pour les marques de faire oublier l'univers marchand et les problématiques mercantiles qui leur sont liées, au profit d'une dimension fondamentalement artistique et premium. L'"artketing" offre à la marque un ancrage culturel ainsi qu'une dimension aspirationnelle forte et statutaire. Les bénéfices rationnels sont relayés au second plan, au profit de cette valorisation culturelle qui permet aux marques d'accentuer considérablement leur visibilité et leur attractivité.

Désormais, l'art peut s'exposer en vitrine comme à l'intérieur des boutiques. Mécénats, partenariats, commandes et expositions sont autant d'occasions pour les marques de placer le processus de création et la vision artistique au coeur de leur stratégie et de leurs dispositifs. L'"artketing" est devenu un enjeu stratégique pour les marques, en même temps qu'un facteur de différenciation, essentiel dans un environnement à la fois ultra-concurrentiel et saturé. Pour les artistes, c'est également l'occasion de toucher de nouveaux publics... via les marques.

Novembre : Me-cosystème

En technologie comme en biologie, l'écosystème est l'environnement où prennent place les interactions entre les éléments qui l'habitent. Aujourd'hui, le "me-cosystème" redéfinit cette notion. En ne plaçant plus les interactions au coeur de ce modèle, mais l'individu. Nourri par les données que produisent les consommateurs, ce nouveau paradigme considère la "vraie vie" de l'individu, afin de proposer des expériences, produits et services plus pertinents.

Certaines marques l'ont bien compris: il s'agit de réduire l'écart qui peut exister entre une entreprise et son client final, pour proposer des expériences qui sont en accord complet avec lui. Le "me-cosystème" permet de créer des expériences de marque plus sociales, multisensorielles, capables d'intégrer nos interfaces, nos objets connectés, nos logiciels et nos données personnelles.

Ainsi, Prizm, un lecteur audio intelligent, matérialise les goûts musicaux, apprend à les découvrir et les exploite de manière intelligente. L'idée est simple : un appareil qui puise la musique dans vos services en ligne, en fonction de vos goûts, mais aussi du contexte dans lequel vous vous trouvez. À l'aide d'un sonomètre, l'appareil comprend si vous êtes en train de partager un moment à plusieurs, si vous êtes seul, si vous dînez... L'apprentissage se fait au fur et à mesure : l'utilisateur peut en effet "aimer" ou non les morceaux suggérés par la machine, pour proposer une sélection plus pointue à chaque usage. Alors que les consommateurs réclament plus de transparence quant à l'exploitation de leurs données, une utilisation admise et intégrée dans les expériences de marques serait-elle la solution ?



Octobre : Wackaging

Néologisme issu de "wacky" - un peu fou - et de packaging. Il y a une quinzaine d'années commençait l'histoire des smoothies Innocent. Des fruits pressés qui n'allaient pas tarder à envahir les rayons des supermarchés. Leurs particularités ? Des produits naturels et un packaging qui s'accompagne d'un ton de voix direct, familier, presque aguicheur. Le "wackaging", ou "wacky packaging", est né.

À l'opposé des informations formelles présentes sur les packagings traditionnels, le "wackaging" crée une proximité entre la marque et le consommateur. En s'adressant à lui directement à travers des jeux de mots, des directives plutôt légères, parfois infantilisantes. Les marques de consommation parlent à leurs clients comme à leurs meilleurs amis.

Une tendance née au Royaume-Uni, avec Yorkie et sa barre chocolatée interdite aux filles ou encore Tyrrells, Ella's Kitchen ou Fresh & Naked, qui n'hésitent pas à s'approprier cette posture. Les acteurs sont encore un peu timides en France, mais certains osent (enfin) adopter le"wackaging". En témoigne le succès des packagings Monoprix, par exemple.

Les marques passent du monologue au dialogue, à l'expérience collective, mais aussi à l'expérience personnalisée et théâtralisée. En engageant les consommateurs a` un niveau personnel et en s'adressant à eux comme à des individus, les entreprises ont transposé une stratégie presque exclusivement réservée aux médias sociaux à un support parfois oublié : le packaging. Mais pour une expérience "wackaging" réussie, il est important pour les marques de rester authentiques. À utiliser avec modération et un certain talent..


Septembre : Fauxsumerism

De plus en plus de jeunes consommateurs s'adonnent au fauxsumerism, contraire du consumérisme. Une tendance qui consiste à faire semblant d'acheter, notamment par un lèche-vitrines physique ou virtuel - NDLR : une sorte de "dèche-vitrine(1). Selon une étude réalisée par The Intelligence Group(2), un tiers des jeunes gens estime que parcourir un étalage ou un site de vente en ligne les comble davantage qu'acheter réellement un produit ou un service - une sorte de jeu de rôle, en somme.

Un frison recherché et provoqué, qui n'est pas comblé par l'acte d'achat lui-même mais par le jeu du choix. En témoignent les paniers des sites d'e-commerce, plus facilement analysés que ceux des magasins physiques : le consommateur-internaute peut passer des heures à sélectionner avec soin ses produits préférés, puis quitter le site web pour passer à autre chose. Il s'agit, ainsi, pour les marques de relever un nouveau challenge : comment, au-delà du désir et de la curiosité, transformer véritablement l'envie en achat ? Dans une société ultra-connectée, devenue prudente, il faut repenser l'essence même de la consommation. Si l'engagement des publics est devenu indispensable pour les marques, il n'est désormais plus suffisant.

(1) Néologisme inventé par Clément Ghys - Libération.

(2) Un cabinet de veille et de tendances qui publie quatre fois par an les rapports "Cassandra" sur la société de consommation.

Juin - Juillet - Août : Mychiatry

Il est loin, le temps où Bridget Jones notait dans son journal sa consommation de cigarettes quotidienne. Après le "quantified self", l'heure du "mychiatry" a sonné. La technologie surveille toutes les courbes de nos vies. Elle calcule le temps passé à dormir, manger, courir ou travailler. Mais si, jusqu'alors, les applications visaient surtout à surveiller la santé physique des utilisateurs, il s'agit aujourd'hui d'améliorer leur bien-être mental. La tendance "mychiatry" (contraction de "my" et de "psychiatry") se profile.

Elle se concentre sur deux types de consommateurs : ceux pour qui la santé mentale est un terrain sur lequel ils tentent de surpasser leurs pairs, et ceux pour qui elle offre un soulagement contre les pressions de la vie. Cette nouvelle forme de relation entre la marque et le consommateur se traduit par l'invention de produits qui décryptent nos humeurs. C'est le cas du casque audio japonais Mico, qui adapte les morceaux de musique en fonction de votre état nerveux, ou encore de la manette PIP, qui aide les joueurs à se détendre en envoyant des vibrations calmantes.

Les maques capitalisent de plus en plus sur ce besoin de bien-être psychique. Même si elles ne sont pas toutes en mesure de s'appuyer sur la technologie, elles peuvent néanmoins s'approprier ce territoire, notamment dans leurs stratégies de communication. Il s'agit pour elles d'affirmer leur "bienveillance", en sortant du fonctionnel. C'est aller bien au-delà des besoins premiers des clients. KitKat, par exemple, avec ses "no wi-fi zones" installées à Amsterdam et à Amstelveen, propose des instants de tranquillité aux amateurs de barres chocolatées.

Mai : Escargoter

Pour la Semaine de la langue française 2014, les internautes ont élu le néologisme "escargoter", signifiant prendre son temps. Le mot témoigne d'une réalité sociétale que les marques doivent comprendre : le client ne veut plus être pressé. Autrefois moment convivial, propice aux découvertes et utile, le shopping est aujourd'hui vécu comme une corvée. Les initiatives se sont multipliées au cours des dernières années pour permettre au consommateur d'écourter ce passage obligé : drives, courses en ligne, profusion de concepts "minute" et autre "bars à"... Autrement dit, "Vite, vite, vite !".

Or, la vraie solution n'est pas de proposer une alternative au magasin. Mais de sublimer l'expérience en point de vente, pour que le consommateur puisse à nouveau profiter de ce moment. L'enjeu pour les marques ? Faire d'un lieu de passage un endroit de plaisir, qui provoque la curiosité, pour attirer le consommateur, et mise sur l'interaction, pour le retenir. Il s'agit de créer des moments uniques, inédits et inattendus.

Nike et ses cours de fitness du Nike Town de Berlin, Selfridges et son Festival of the Imagination, ou encore la Fnac, avec ses espaces dédiés à la lecture (livres et BD) ont bien compris la nécessite de coconstruire une expérience engageante, de proposer autre chose que l'achat lorsque le consommateur se rend en point de vente. Celui-ci expérimente ainsi une autre relation au temps et peut réellement "escargoter" en magasin.

Avril : Tasksumers

Les marques fortes se doivent d'être réactives, à l'écoute du marché, de leurs clients, et des besoins de ceux-ci. Surtout dans un climat économique particulièrement tendu. Certaines l'ont bien compris. Afin de réinventer une consommation engageante pour leurs clients, elles ont fait naître un nouveau type de consommateurs : les "tasksumers" (contraction des mots anglais "task" et "consumers"). Ces individus sont missionnés par les marques pour réaliser des microprojets, en échange d'une rémunération. Cette pratique se décline aujourd'hui de plus en plus afin d'engager au maximum le consommateur.

Ainsi, Walmart songe, par exemple, à récompenser ceux de ses clients physiques qui seraient prêts à livrer leurs courses aux autres personnes ayant passé commande sur Internet. Un moyen de maximiser les trajets et d'intégrer le client dans la stratégie de l'entreprise. Certaines marques en font même leur raison d'être, à l'image de Foap. Cette application iPhone est une banque d'images qui permet aux utilisateurs de gagner de l'argent en vendant les photos prises depuis leur téléphone. Une pratique qui bénéficie aux "tasksumers", mais aussi aux marques, lesquelles évitent d'engager des dépenses trop importantes pour réaliser ces petites tâches indispensables.

Les entreprises anticipent ainsi les besoins de leurs clients et répondent à leurs désirs. Une forme de délégation du pouvoir de la marque vers ses clients. Combien pour ma contribution ?

Mars : Fomo

En 2013, le Yolo ("You only live once"). En 2014, le Fomo. Cette nouvelle tendance 2.0 est l'acronyme de "Fear of missing out", en français, "la peur de manquer quelque chose". La crainte de rater quelque est avant tout alimentée par les réseaux sociaux. Ces derniers nous servent d'agenda, proposant toujours plus d'opportunités : événements, sorties, soirées, lancements... Que faire face à cette multiplicité de possibles ? Beaucoup choisissent de rester les yeux rivés sur leur écran, en quête du statut ou du tweet qui les mènera à l'occasion à ne pas manquer.

Pour une marque, il s'agit de rester à l'écoute de ses publics : c'est en étant réactive qu'elle peut enrichir sa pertinence. En proposant une offre que le consommateur ne pourra pas manquer, une "exclusivité", et en s'adressant à lui via un réseau privilégié, la marque s'assure une conversation à valeur ajoutée.

Burger King l'a bien compris : en ouvrant son restaurant à Saint-Lazare un jour avant la date annoncée, la marque s'est assuré une conversation sociale hors de commun (plus de 10 000 tweets en une journée(1)). Elle a ainsi fait des envieux... et a suscité une certaine incompréhension face à un tel engouement.

Cependant, il ne s'agit pas de tomber dans la surenchère et la surinformation. Une offre forte est avant tout une offre claire et différente. Une marque doit savoir rester fidèle à sa proposition, à ses valeurs et elle doit résister à la tentation de séduire à tout prix. C'est ainsi qu'elle sera plus forte et parfaitement entendue par les consommateurs. Si toutes les occasions sont à saisir, le risque est de ne pas réussir à choisir.

(1) Étude Sysomos

Février : Shwopping

Technique marketing en vogue pour relancer les ventes, le "shwopping" propose aux clients de rapporter leurs produits usagés en magasin pour les échanger contre des nouveaux. C'est une expérience responsable et amusante. Rencontre judicieuse entre le "shopping" et le "swapping" ("échanger" en anglais), le "showpping" permet de contrer une consommation intensive, au profit d'actes responsables : le recyclage, la customisation et la récupération. Parce que 95 % des produits qui sont jetés chaque jour pourraient servir à nouveau, les enseignes de distribution prennent les devants et incitent les consommateurs à s'engager en les récompensant.

Marks&Spencer, par exemple, propose de rapporter les vêtements qui ne sont plus portés dans des Shwop Drop Box. Ikea, avec Seconde Vie, offre à ses clients la possibilité, selon l'état de leurs meubles, de les rapporter, customiser, brocanter, donner ou recycler. H&M, en partenariat avec I:Collect, recycle les vêtements usagés, toutes marques confondues. Puma, avec son programme Bring Me Back, permet aux consommateurs de déposer chaussures et vêtements usagés dans les boutiques. Les dons sont alors triés (selon 400 critères) pour garantir un résultat zéro déchet.

L'avantage, pour le consommateur ? Un nouveau meuble, un bon d'achat ou une carte cadeau. Et pour l'enseigne ? Elle crée du flux dans ses points de vente. La collaboration entre la marque et le consommateur permet de sortir d'une relation marchande pour avoir ensemble un impact positif sur le monde.

Bertrand Chovet, DG Interbrand Paris

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