La fidélité à la marque s'estompe dans les pays matures
Dans une étude mondiale, Ernst & Young souligne les différences entre consommateurs de pays matures, qui privilégient le prix comme critère d'achat, et ceux des pays émergents, qui restent influencés par la fidélité aux marques. Explications de Christophe Platet, associé d'Ernst & Young France.
Le consommateur est un caméléon, qui révolutionne les anciennes segmentations de marché, dites-vous dans cette étude réalisée dans 34 pays(1). Pourquoi ?
Les nouvelles technologies ont entraîné une mutation radicale du consommateur et de ses comportements. Elles n’ont pas seulement transformé les relations entre les marques et leurs clients, mais aussi les relations entre les consommateurs eux-mêmes. Avec les technologies digitales et mobiles, les nouveaux médias, le consommateur est devenu plus difficile encore à cerner et à satisfaire. Ses attentes sont souvent contradictoires : il achète de plus en plus en ligne, tout en recherchant le contact humain. Il demande des produits sur-mesure et des services personnalisés. Et c’est le même individu qui plébiscite des standards mondiaux [ndlr: comme Apple ou Coca-Cola], car il apprécie de pouvoir trouver les mêmes produits à l’échelle de la planète, à condition qu’ils puissent être customisés, pour lui.
Qu’est-ce qui différencie le consommateur des pays émergents de celui des pays matures ?
Dans les pays dits occidentaux, la crise financière et les incertitudes économiques de ces trois dernières années ont marqué les esprits. Alors que dans les BIRC (Brésil, Inde, Russie, Chine), par exemple, la croissance continue et la classe moyenne continue à s’enrichir. À Shanghai ou à Rio, les marques sont un moyen d’accéder aux modes de consommation occidentaux, une question de statut. Elles bénéficient d’un niveau d’attractivité et de fidélisation plus important. 40 % des Chinois, 34 % des Brésiliens et 32 % des Indiens estiment que la marque influence leur décision d’achat. Un taux qui tombe à 24 % en Europe.
Dans les pays matures, la fidélité à la marque s’estompe. Les consommateurs sont tiraillés entre brand loyalty et prix. Avec, globalement, des nuances selon les secteurs. Par exemple, les télécoms bénéficient d’un taux de loyauté (6,8 sur 10) plus élevé que les services financiers (4,8 sur 10). Les produits alimentaires et les boissons se situent à un bon niveau (6,6 sur 10). Les marques de voiture sont les seules à conserver un niveau de fidélité pratiquement uniforme, quelles que soient les régions du monde.
Elle est clairement emblématique de l’évolution des pays matures. Le pays a été fortement impacté par la crise. Et le consommateur se trouve face à une équation difficile à résoudre entre prix et marque. En revanche, l’influence des recommandations et des avis publiés sur les réseaux sociaux est moins importante que dans les émergents (15 à 20 % des consommateurs disent suivre ces indications contre 40% en Chine).
L’étude souligne l’avance prise par les pays neufs dans l’usage des nouvelles technologies et des achats on line…
Les consommateurs chinois en ligne, qui représentent 23 % des utilisateurs d’Internet dans le monde, achètent déjà 32 % de leurs produits sur le Web. L’Inde compte près de 1 milliard de possesseurs de téléphones mobile et se situe au troisième rang mondial par le nombre de ses internautes (100 millions).
L'étude fait tout de même ressortir une constante : au niveau mondial, le prix arrive toujours en tête des critères de choix, dans tous les pays.
C’est exact. Aux États-Unis, il est même devenu de bon ton dans les classes aisées de faire la chasse aux "good deals". La chasse aux bonnes affaires n’est plus un signe de pingrerie mais plutôt une preuve de bon sens. L’objectif consiste à trouver des produits de bonne facture à bas prix, en jouant sur tous les réseaux de distribution, y compris les réseaux alternatifs.
La nouvelle génération de consommateurs achète en ligne et dialogue sur les médias sociaux. Comment cela influence-t-il sa relation à la marque ?
On est passé d’une communication de masse à une communication plus personnalisée, sur Internet, les réseaux sociaux, les blogs… Notre étude montre que les consommateurs privilégient comme source d’information les contacts personnels (avec une note de 6,6 sur 10), devant les canaux on line (5,5) et les canaux traditionnels des médias print et électroniques (4,9). L’information est partagée et surtout utilisée rapidement, et elle a un impact direct sur les comportements d’achats. Il suffit qu’un client critique un hôtel ou un séjour sur un site comparateur, et la nouvelle se répand dans le monde entier. Le consommateur est en situation d’évaluation instantanée du produit, en positif comme en négatif. Pour les entreprises, cela représente une opportunité. Il faut alimenter en temps réel les services de R&D et d’innovation avec ces informations externes. Le consommateur doit être placé au cœur du jeu de construction du produit ou du service.
(1) Méthodologie : 24 405 participants dans 34 pays ont été interrogés sur les raisons qui motivent leurs décisions d'achat, leur fidélité aux marques, leurs modes de paiement préférés et les canaux de distribution qu'ils utilisent le plus souvent.
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