"Une relation sans émotion est une relation qui n'existe pas"
Lors des ateliers du Labo, Philippe Plantier, expert agréé par le ministère de la Recherche et de l'Enseignement supérieur en pilotage stratégique de la relation client, n'hésite pas à remettre en cause certaines modes et croyances. Dans la ligne de mire, notamment, le sacro-saint NPS.
Que peut-on dire aujourd’hui sur le niveau d’exigence des consommateurs ?
Il augmente de 5 % par an, environ. Autrement dit, pour maintenir un taux de satisfaction stable d’une année sur l’autre, l’entreprise doit faire des efforts à hauteur de 5 %. Et, contrairement à ce que certains peuvent croire, la satisfaction client ne se construit pas, mais elle se détruit. C’est au moment où le niveau de satisfaction est au maximum (en début de processus et souvent même avant la consommation du produit) que commence la destruction. Et c’est normal : car plus le client utilise le produit, plus il se rend compte de ses imperfections…
À quels niveaux se situent les taux de satisfaction ? Et les taux de fidélisation ?
Les taux de satisfaction client sont beaucoup plus élevés (entre 90 et 95 %) que les taux de fidélisation (entre 35 et 75 %). En tout état de cause, ce n’est pas à l’institut de sondage de dire quel est le taux acceptable, bon ou inacceptable, c’est à l’entreprise de le décider. Je constate aussi que les mesures que les entreprises effectuent aujourd’hui ne tiennent pas compte de l’émotion du client. Pourtant le client est un être humain, et il a des émotions. Une relation sans émotion est une relation qui n’existe pas.
Sur quels critères doit reposer le modèle d’évaluation de la satisfaction client ?
D’abord, il faut que le produit soit conforme à la promesse : fiabilité, prix, performance, etc. Sur ce premier niveau d’attente du client, l’entreprise doit obtenir un taux de satisfaction de 95 à 100 %.
Ensuite, l’entreprise doit satisfaire un 2e niveau d’attente : la possibilité de réaliser son achat. Cela passe, en premier lieu, par la disponibilité et l’accessibilité du produit. Là encore, l’entreprise doit obtenir un taux de satisfaction très élevé. Si une entreprise obtient des taux inférieurs à 90 % en matière de conformité, de disponibilité et d’accessibilité, elle doit vraiment se poser des questions.
Le 3e niveau d’attente, c’est l’assurance par le client d’être reconnu et compris. Cela passe par la carte de fidélité, les caisses prioritaires… tout ce qui relève de la sollicitude.
Enfin, le 4e niveau d’attente, c’est la confiance que la marque a instillée dans son positionnement et à travers son image. Pour obtenir un bon taux de satisfaction en la matière, il faut que toute l’entreprise et que chacun de ses salariés s’adaptent au client. La conformité, la disponibilité, la sollicitude et la confiance sont les quatre vecteurs de renforcement ou de détachement à la marque.
Comment obtenir de meilleurs taux de satisfaction pour chacun de ces vecteurs ?
Pour la conformité, il n’y a qu’une méthode : investir et se donner les moyens. Pour la disponibilité, il faut revoir les process. Pour la sollicitude, il faut développer les compétences des collaborateurs. En ce qui concerne la confiance, là, l’entreprise doit travailler sur le comportement de ses collaborateurs.
On parle aussi de la note de cœur, de quoi s’agit-il précisément ?
La note de cœur, c’est la satisfaction globale spontanée, autrement dit la capacité du client à pardonner la marque. Le client peut “pardonner” plusieurs fois, jusqu’au moment de la rupture, où l’entreprise va perdre le client, sinon pour toujours, du moins pour longtemps.
Vous avez un avis pour le moins mitigé sur le NPS, pourquoi ?
Le NPS est un indicateur prédictif de comportement qui a été créé en 2003. Le problème n’est pas le NPS en tant que tel, mais le fait que de plus en plus de spécialistes des études l’utilisent de manière quasi universelle, lui faisant, par là-même, perdre sa performance et, à terme, sa crédibilité. Je pense que le NPS n’est pas une mesure de la qualité de la relation client, c’est un indicateur prévisionnel du comportement de recommandation.
Quelles en sont les principales limites ?
Le NPS ne tient pas compte de l’intensité des propos. Il ne faut pas oublier que les opinions négatives s’expriment plus fortement que les opinions positives. Aucune mesure des recommandations négatives n'est proposée. En outre, certains clients peuvent ne pas être satisfaits et recommander avec clairvoyance la marque. Enfin, le NPS peut entraîner l’entreprise dans une démarche d’excellence non nécessaire puisqu'il élimine les “satisfaits”, qui doivent être la majorité des clients.
Du coup, vous avez mis au point votre propre échelle d’opinion…
Pour veiller à la prise en compte du positionnement dans le choix de l’échelle et des questions à poser pour mesurer la satisfaction client, nous avons déposé une échelle à six niveaux : décevant, médiocre ou insatisfaisant, satisfaisant, très satisfaisant ou excellent. Cette échelle permet de mesurer trois scores : satisfaction, performance différenciante et excellence. Le score de satisfaction est essentiel pour éviter la rupture et gérer la majeure partie des clients. Le score de performance différenciant doit être élevé sur les critères de positionnement de la marque et le score d'excellence sur les clients VIP à forte valeur ajoutée.
Présentation du Labo
Créé par Philippe Plantier, le Labo réalise toutes les prestations à l'exception du recueil. Parmi ses clients : ERDF, Mercedes, MMA, Club Med… Directeur d’études, Philippe Plantier a fondé et dirigé l’institut Agicom Études pendant sept ans avant de présider Cohesium Études et Conseil de 2006 à 2009.
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