DossierLe drive tiendra-t-il ses promesses ?
La France, grâce au drive, renoue avec l'inventivité dont elle avait fait preuve en créant les formats grands magasins ou hypers. Leur nombre (+ de 2 000) dépasse désormais le nombre d'hypers. Avec un taux de pénétration de 15%, leur potentiel de croissance est le plus dynamique. Décryptage.

Sommaire
- Drive : les promesses d'un commerce hybride
- Très chers "shop drivers"
- Où en sont les marques nationales ?
- Un e-merchandising à inventer d'urgence
- Baromètre d'influence sur le drive
- Le drive se dote d'un comparateur
- Description en images
- Infographie : le drive, une affaire qui roule
- Tribune libre : Le drive a-t-il besoin d'une loi ?, par Valérie Piotte (Publicis Shopper)
- Le drive, avant tout, une réponse aux attentes des consommateurs
- Le drive, un modèle économique fragile
- Le drive, une arme concurrentielle pour les enseignes
- Vers une sélection naturelle ?
- Le drive et le "click & collect" séduisent enseignes et clients
- Les principaux enseignements de cette analyse
- Le parc de drive arrive à saturation dans les GSA
- Et la rentabilité ?
- Le drive gagne la distribution non alimentaire
- Les pure players investissent la sphère physique
- Plus d'un produit sur deux vendu dans le drive est une MDD
- Prospective : le drive de demain
1 Drive : les promesses d'un commerce hybride
Ceux qui possèdent une voiture le savent : le samedi, c'est souvent le jour du plein d'essence au centre commercial le plus proche. On attend en regardant les litres et les euros défiler... et, depuis peu, notre oeil est attiré par des affichettes qui fleurissent autour de la pompe. Le mot "drive" est omniprésent. On ne peut pas y échapper ! La fulgurance du format questionne. La France comptait 871 unités fin 2011, contre 2 030 aujourd'hui. Il y a désormais, en France, plus de drives que d'hypermarchés (1). " Cette croissance est mécanique, souligne Valérie Piotte, directrice générale de Publicis Shopper (nouvelle filiale de Publicis dédiée à l'écosystème retail (2)). Les enseignes se livrent à une course à l'ouverture. Le modèle va atteindre sa maturité, car la pression concurrentielle du drive est désormais identique à celle des autres formats. "
Alors, déjà terminée la folie drive ? La partition a, pour l'heure, été jouée plutôt en solo par la grande distribution, qui a les moyens (la connaissance client) et la force de frappe (un excellent maillage du territoire) nécessaires à faire prospérer le modèle. Olivier de Panafieu, directeur associé du cabinet de conseil en stratégie Roland Berger, qualifie cela de " miracle économique pour un canal de vente physique ". La contribution du drive à la croissance du chiffre d'affaires d'Auchan et d'E. Leclerc est de 76 % pour le Nordiste et de 32 % pour le Breton (3). Le chiffre d'affaires du modèle (+2 milliards d'euros en 2012) devrait tripler à l'horizon 2015, et 5 millions de Français plébiscitent déjà cette nouvelle façon d'acheter (4). Le potentiel de croissance du drive (modèle hybride entre l'e-commerce alimentaire, qui n'a jamais décollé, et les hypermarchés, entrés en désamour) n'est pas un mirage. Ce qui va changer en 2013, c'est la montée en puissance des marques, jusqu'alors en retrait face à des MDD dominantes. Car pour les industriels aussi, les courses à emporter sont une manne.
2 Très chers "shop drivers"
Avec un panier moyen 2,5 fois supérieur à un chariot d'hyper, les "shop drivers" ont un profil très intéressant pour tous les acteurs en présence (enseignes, marques, cabinets de conseil, instituts d'études, etc.). 43 % d'entre eux ont un profil CSP+ et 71 % vivent dans un foyer de trois personnes ou plus. Ils disent aussi vouloir "utiliser ce service plus souvent" dans les prochains mois. Et l'essayer, c'est l'adopter, puisque le taux de fidélité est (encore) très haut. En effet, 97 % des clients restent après un seul essai. Car c'est "un gain de temps", "c'est pratique" et "ça fait faire des économies", disent 20 % des drive addicts (5). " Ce sont des achats rationnels, raisonnés et intelligents. De plus, l'effet nouveauté de ce canal joue à plein ", explique Valérie Piotte (Publicis Shopper). Enfin, ces "grands consommateurs" ont la sensation (à 73 %) de gagner du temps... C'est partiellement faux. En réalité, le temps de courses est peu ou prou le même qu'en hyper : 45 minutes pour le drive et 42 pour un hyper classique. L'utilisateur ne retient que le retrait, qui dure en moyenne huit minutes. Il ne comptabilise pas le temps passé sur son ordinateur à construire sa liste (24 minutes) et le temps du trajet d'environ 13 minutes (4). En réalité, le retrait s'effectue en sortant du bureau, car le dépôt est sur le chemin de la maison (62 %)... " Nous avons noté que ces consommateurs fréquentent en moyenne quatre circuits différents de distribution, contre trois pour les non-utilisateurs. Le drive est le cinquième circuit pour eux, précise Olivier Blanchet, directeur de BVA In Vivo. Si 99 % d'entre eux fréquentent encore un hyper ou un super, ils sont 72 % à s'y rendre moins souvent. " Pas encore de réel cannibalisme, donc.
" L'engouement et l'adhésion au modèle réconcilie les Français avec les courses, analyse Clémence Sanlis, directrice de l'institut ID MAP, qui a mené une étude de marketing prospectif. Avec ce canal, on ne se défausse pas, on ne fuit pas ses responsabilités de consommateur. On est malin. "
Le drive est devenu, en seulement 18 mois, le modèle de courses préféré des Français après le marché et le petit commerce (6). D'ailleurs, des initiatives fleurissent ça et là. C'est le cas du premier Sushi Drive (par Eat Sushi, le troisième acteur français du segment), qui a ouvert en périphérie de Bordeaux en janvier dernier. Toujours à Bordeaux, le premier Drive Fermier a ouvert en novembre. Des agriculteurs girondins, déjà adeptes de la vente directe, se sont fédérés pour développer un modèle unique de circuit court de produits frais locaux.
" Le modèle est en construction, observe Élisabeth Exertier, directrice de Retailexplorer (ex. Lesitemarketing) et directrice du club retail à l'Adetem. Le commerce organisé a été pris de court par l'engouement des consommateurs. Le drive est encore un terrain en friche. " Mais, après cette phase d'émerveillement et de fidélisation, les clients continuent d'évoluer (plus vite que les marques et les enseignes) et sont demandeurs de marques, d'innovations, d'étonnement. Car la grande distribution, plutôt seule aux commandes depuis deux ans, se contente parfois de faire un"copier-coller" de l'offre catalogue hyper sur un site dédié. Ce qui pose la question de la pérennité du modèle (voir Marketing Magazine de décembre/janvier 2012, "Les clients drive sont demandeurs de marques").
Les MDD sont même surreprésentées : 43,4 % contre 30,7 % en hypers et 33,6 % en supers(3). De fait, les catégories qui se vendent le plus (dans le jargon de la distribution, on les nomment les "obligées") sont des pondéreux de fond de placard : eau, lait, papier toilette, lessive, conserves, boissons, pâtes. Ces articles nourrissent le drive à hauteur de 59 % et sont souvent des MDD qui ne rapportent pas grand-chose aux enseignes. Seul le frais est véritablement intéressant. " Ce ne sont pas les marques propres qui pérenniseront le modèle, estime Valérie Piotte (Publicis Shopper). Malgré leur montée en gamme, leur capacité d'étonnement est plus limitée que celles des marques nationales. Or, les clients du drive sont de bons clients, en attente de premium et d'innovation. "
3 Où en sont les marques nationales ?
Une cinquantaine de grandes marques ont pris la question au sérieux. Procter & Gamble a créé, le premier, il y a moins de deux ans, une cellule dédiée rattachée au trade. Dans la foulée, des géants tels que Danone, Nestlé, Unilever, Kraft Mondelez, Coca-Cola et L'Oréal ont entrepris des réflexions pour ne pas subir le diktat des enseignes. " Certains category managers ont désormais des objectifs drive, constate Élisabeth Exertier (Retailexplorer), mais des freins existent, et ils sont avant tout humains. Car une seule et même personne, aussi compétente soit-elle, ne peut pas penser en cinq formats différents en même temps. Les category managers disent manquer de temps pour analyser les données clients. "
En effet, si les marques réfléchissent et travaillent sur ce nouveau canal, tout cela a un coût... et qui va payer ? " Les marques ne sont jamais d'accord pour financer la rentabilité des enseignes ", poursuit Élisabeth Exertier. Pourtant, un imprimé publicitaire vient d'arriver dans les boîtes aux lettres de Seclun (Pas-de-Calais), signé Leclerc Drive. Il est financé par une quinzaine d'industriels, dont Herta et Reckitt. Elisabeth Exertier poursuit son raisonnement :" Si le drive fidélise, il n'est pas rentable en l'état. Intermarché l'a confirmé publiquement. En effet, les frais de retrait, s'ils sont gratuits pour le client, ont un coût pour l'enseigne, évalué entre 10 et 12 euros. "
4 Un e-merchandising à inventer d'urgence
Mais faut-il réellement une offre spécifique pour le drive ? Quelques très rares marques travaillent sur une offre "drive only" pour le packaging pondéreux (sur l'alcool, avec Kronenbourg, notamment), qui pourraient se présente sous la forme d' "hyper méga packs". C'est sans doute en travaillant sur cette question du packaging que les marques parviendront à étonner. Si l'accueil et la livraison sont appréciés, la mise en avant des produits, le choix ou encore la navigation entre les univers catégoriels restent à améliorer. Le linéaire virtuel n'a décidément pas trouvé son modèle côté design.
" L'omniclient est plus avancé que son enseigne. Pour lui, peu importe les canaux, pourvu qu'il ait le bon produit au bon moment, affirme Olivier de Panafieu. L'expérience e-shopping n'est toujours pas au rendez-vous. C'est encore un grand chantier que devront mener de concert les marques et les enseignes. "
Les pure players de l'e-commerce conseilleront-ils les géants de la grande distribution sur ce petit miracle économique qu'est le drive ?
(1) Sources croisées : Parabellum et Kantar Worldpanel.
(2) Rendez-vous en avril avec "La zone de chalandise numérique". La rencontre drive aura lieu fin juin 2013.
(3) Source: Kantar Worldpanel, novembre 2012.
(4) Source BVA In Vivo, la filiale grande conso de l'institut, février 2013.
(5) Source : BVA In Vivo. Méthodologie : 950 utilisateurs du drive, dont 450 "addicts". Terrain effectué durant la semaine du 26 novembre 2012.
(6) Source: Ifop.
La fulgurance du modèle drive questionne. Mais les "shop drivers", devenus accros, attendent déjà des innovations. En moins de deux ans, le modèle serait-il déjà dépassé ?
Lire aussi : Régies digitales : Comment trouver le bon mix ?
5 Baromètre d'influence sur le drive
Publicis Shopper & Retailexplorer ont, pour Marketing Magazine, réalisé cette étude le 28 février 2013 avec le Panel Dialog.
1 968 consommateurs ont participé, dont 48,8 % d'utilisateurs du drive. 61 % des répondants sont des femmes et la majorité des participants est âgée de 28 à 35 ans (48 %). 42 % du panel ont des revenus annuels situés entre 25 et 50K€.
La bonne idée : les promotions saisonnières. Au printemps, c'est traditionnellement la période du grand ménage. En page d'accueil de son site, Auchan Drive met en scène une sélection de produits ménagers.
de goûter pour les enfants sur les points de retrait de Chronodrive. Un onglet "Quais" sur le site signale l'événement physique, relayé par un habillage des bornes de retrait. Le CRM permet de connaître très précisément la structure d'un foyer. Un échantillon bien ciblé lors de l'ouverture du carton sera vécu par le consommateur comme une gratification.
Publicis Shopper & Retailexplorer ont, pour Marketing Magazine, réalisé cette étude le 28 février 2013 avec le Panel Dialog.
6 Le drive se dote d'un comparateur
Il y a désormais plus de drives que d'hypers en France. 2 200 exactement, comptabilisés à ce jour (Kantar World Panel). Et d'ici à fin 2014, le cap de 3 000 devrait être dépassé. Modèle hexagonal également : les comparateurs de prix... En effet, 92% des internautes utilisent au moins un comparateur par an. La création d'un nouvel outil dédié au drive s'imposait. " Monsieur Drive permet de répondre à une recherche croissante de maîtrise des dépenses" explique Karine Brana (ex. Catalina), présidente de la start-up, " les achats alimentaires représentent 13% du total des dépenses d'un foyer et c'est un poste sur lequel les français comptent bien économiser."
Ce nouveau comparateur est une photographie en temps réel de l'offre drive de 5 enseignes : Auchan Drive, Carrefour Drive, Leclerc Drive, Le drive Intermarché et Courses U. Soit 1 600 points de retraits. En quelques clics on peut donc comparer le prix de ses courses dans les supermarchés drive près de chez soi, de son lieu de travail ou de son lieu de villégiature. " L'économie sur un panier moyen de 100€ est en moyenne de 10%" poursuit Karine Brana "soit 500€ économisés sur un an de courses".
Le comparateur est en fait un interface marchand qui bascule directement sur le site drive des enseignes. C'est un outil d'acquisition rt de fidélisation de clientèle. Le modèle économique de cette start up sera pérennisé par de la publicité de marques nationales ou de MDD. "La première campagne est prévue au cours du mois de juin" poursuit la présidente qui promet de veiller au "syndrome Las Vegas"soit un site qui ne soit pas truffé de publicités invasives. L'objectif de Monsieur Drive est de séduire 1 million d'internautes cette année soit 1 utilisateur de drive sur 5.
7 Description en images
Les Français sont fans de comparateurs. Le dernier en date, Monsieur Drive, vient nourrir cette propension très hexagonale. Ce nouvel outil est le premier assistant de courses du modèle. Il compte séduire 1 million de shopdrivers d'ici à fin 2013.
8 Infographie : le drive, une affaire qui roule
Quelles sont les raisons qui conduisent les Français à choisir le drive ?
Quels sont les types de drive ?
Qu'est-ce que le picking, et comment l'optimiser ?
Autant de questions qui trouvent leur réponse dans l'infographie ci-dessus...
Source : http://www.keyneosoft.com/fr/infographie-drive-picking
Huit Français sur dix sont à dix minutes d'un drive depuis leur travail ou domicile : c'est l'une des données à retenir de l'infographie présentée par Keyneosoft. L'éditeur de solutions d'aide au shopping propose un tour d'horizon des chiffres du marché du drive, des consommateurs et des enjeux.
9 Tribune libre : Le drive a-t-il besoin d'une loi ?, par Valérie Piotte (Publicis Shopper)
Sylvia Pinel, ministre du Commerce, annonce un projet de loi pour réguler l'ouverture des drives. Modèle non soumis à date aux règles de la LME sur l'urbanisme commercial. En effet, non considérés comme des surfaces marchandes, mais comme des entrepôts de retrait, l'ouverture des drives échappe au long process d'autorisation d'ouverture des surfaces marchandes de plus de 1 000m2, nécessitant l'accord de la commission départementale d'aménagement commercial.
Est-ce pour cette seule raison, de vide réglementaire et législatif, que le nombre de drives s'est démultiplié en France à la vitesse de l'éclair pour atteindre 2 400 points de vente drive à fin avril 2013 ?
10 Le drive, avant tout, une réponse aux attentes des consommateurs
Le drive a conquis en 4 ans, 5 millions de ménages et 3% de part de marché. Croissance exceptionnelle, révolution dans le secteur de la distribution, le drive est avant tout une réponse aux attentes des consommateurs. En phase avec les nouvelles habitudes de shopping notamment avec l'augmentation du commerce on line, le consommateur français trouve également dans le format drive une réponse à deux considérations majeures et conjoncturelles : le gain de temps (pour 89% d'entre eux - source Kantar Worldpanel, décembre 2012) et la maîtrise de son budget (pour 63% d'entre eux). L'offre des enseignes qui garantit le même prix qu'en magasin et la gratuité des frais de livraison sur le drive contribue pour beaucoup à l'intérêt de ce format. S'y ajoute sans doute un désamour des courses, considérées comme une corvée par 60% des français (TNS Sofres).
11 Le drive, un modèle économique fragile
Néanmoins ce sont ces mêmes raisons qui attirent le consommateur, qui font du drive un modèle économique fragile. En effet, offrir le service de la préparation est synonyme de perte de valeur pour les enseignes. Et ce d'autant sur des formats " solo " (drive non accolé à un magasin) où les frais d'investissement, d'aménagement et d'actions de recrutement coûtent chers. Une des réponse des enseignes à ce dilemme économique est aujourd'hui de proposer un assortiment réduit, de grossir le nombre de références de marques propres (MDD) dans l'assortiment et de moins jouer qu'en hyper, la carte promotionnelle, ce qui ne correspond pas forcément aux attentes des clients (78,4% des clients du drive trouvent qu'il n'y a pas assez de promotion et 80% aimeraient y trouver plus de nouveaux produits - Publicis Shopper, Dialog Conso, mars 2013). Risque de frustration et de perte de certains clients à considérer ?
À date les chiffres sont plutôt à la croissance, croissance naturelle car les drives investissent encore des zones non couvertes et donc à fort potentiel de recrutement.
12 Le drive, une arme concurrentielle pour les enseignes
En effet, les enseignes continuent leurs ouvertures de drives, malgré leur équilibre économique incertain. C'est un moyen pour elles de ne pas perdre de part de marché face à leurs concurrents, voire de faire de la croissance (30% de la croissance de Leclerc venait des formats Drive en 2012 - source Kantar Worldpanel). Concurrence, car le drive cannibalise en partie l'hyper et l'ouverture d'un drive d'une enseigne concurrente à proximité d'un hyper peut être fatal à celui-ci, sur sa part de marché. C'est donc la course aux ouvertures, avec des stratégies différentes selon les enseignes.
Néanmoins force est de constater que les résultats des drives sont disparates et que le réalisme économique fera entendre raison, il y aura très probablement et très rapidement, des fermetures de drives dans certaines régions. L'arrivée des comparateurs de prix spécifiques à ce format devrait encore exacerber la concurrence commerciale et faire gagner non seulement les mieux placés en termes de prix, mais également en termes d'offres, de services, d'animations.
13 Vers une sélection naturelle ?
La sélection naturelle des drives devrait donc bientôt avoir lieu. A-t-on donc besoin d'une loi qui régule l'ouverture de ces formats ? N'est-ce pas trop tard quand d'ici fin 2013, on annonce plus de 3 000 points de vente drive et qu'il ne restera plus trop de zones commerciales vierges de ce format ?
Ou alors cette loi de régulation vise-t-elle plus à introduire la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) dont les drives sont exonérés à date ? Auquel cas, il est évident que cela aura comme conséquence de grever une équation économique encore non résolue. Rappelons également que le drive est aujourd'hui pourvoyeur d'emplois (plus de 7 000 équivalents temps plein en 2012, selon les calculs d'Olivier Dauvers).
Attendons donc de voir les propositions et les motivations de la ministre sur le sujet pour débattre. Mais il serait dommage de freiner le développement de ce format de commerce, vraie réponse aux attentes des consommateurs, d'autant plus dommage que le drive représente l'innovation majeure du commerce alimentaire depuis la naissance de l'hyper il y a 50 ans ! Ce ne serait pas vraiment encourageant pour l'innovation et l'évolution du commerce dans notre univers connecté...
Sylvia Pinel, ministre du Commerce, annonce un projet de loi régulant l'ouverture des drive, non soumis à date aux règles de la LME sur l'urbanisme commercial. Que faut-il en penser ? Valérie Piotte, directrice générale de l'agence Publicis Shopper, avance quelques éléments de réponse.
14 Le drive et le "click & collect" séduisent enseignes et clients
XERFI vient de publier une étude "Drive et retrait en magasin - Parts de marché, trafic en magasin, fidélisation, etc. : quels objectifs et opportunités pour les enseignes alimentaires et non alimentaires ?" L'auteur, Arnaud Dessimond, synthétise ci-dessous les principaux point saillants (étude complète de 180 pages)
15 Les principaux enseignements de cette analyse
D'après les experts de Xerfi, la part des ventes en ligne dans la consommation des ménages atteindra 5,7 % en 2015 (soit 68,7 milliards d'euros), contre 4% en 2012. Et si les 10 premiers pure players français de l'e-commerce trustent 70 % des ventes en ligne, les enseignes traditionnelles sont de plus en plus nombreuses à franchir le pas. En 2012, près de 70% des 90 principales chaînes de distribution française (tous secteurs confondus) avaient ainsi lancé un site marchand, selon Xerfi. Elles ont en particulier adapté leur offre en proposant des services de drive et retrait en magasin.
Poids des ventes en ligne dans la consommation des ménages // Unité : part en % de la consommation des ménages
Sources : Traitement, estimation et prévisions Xerfi / Sources : FEVAD, INSEE - 201316 Le parc de drive arrive à saturation dans les GSA
Principal facteur de croissance de l'e-commerce alimentaire, le drive reste la priorité des grandes surfaces alimentaires (GSA). La majorité d'entre elles ont créé ce service pour occuper le terrain. En 2012, le drive a largement dépassé les 2 milliards d'euros anticipés par la plupart des observateurs. Et en février 2013, le nombre de points de click & collect était supérieur à 2 100 unités. Exemple emblématique de la croissance effrénée du drive en France, Le Groupement E. Leclerc vise 400 unités fin 2013 contre 300 en février de la même année.
Ce système de distribution présente des avantages pour les GSA et les consommateurs. En effet, le drive est un moyen pour les clients de mieux contrôler leur budget dans un contexte économique difficile et de gagner du temps. Les GSA bénéficient de leur côté d'une règlementation plus souple que pour les surfaces commerciales et d'une plus grande facilité de développement avec un coût moindre que pour les magasins physiques.
17 Et la rentabilité ?
Cependant, la situation des drive de GSA est loin d'être idéale. Les sites ne sont pas forcément rentables, d'autant que la majorité des enseignes proposent ce service gratuitement. Par ailleurs, la répartition des drive est très hétérogène dans l'Hexagone. Certaines régions comme la Bretagne sont suréquipées. Enfin, le risque de cannibalisation est élevé surtout pour les grands hypermarchés. La clientèle ciblée est la même (jeunes familles urbaines) et le nombre de produits disponibles dans les drive ne cesse d'augmenter. Pour améliorer la rentabilité des drive, les GSA introduisent constamment de nouvelles MDD (30% des références aujourd'hui). Certaines enseignes tentent de réagir en créant un concept différent. Début 2013, Auchan a lancé Arcimbo, un concept qui rassemble un Auchan Drive, un supermarché alimentaire et un webstore Grosbill, filiale e-commerce du groupe, spécialisée dans les produits high-tech.
Pour autant, les GSA sont aujourd'hui confrontés à un dilemme : parts de marché vs profitabilité du concept. Un ajustement de la croissance à la réalité du marché semble indispensable à moyen terme. Les experts de Xerfi tablent d'ailleurs sur un arrêt de la hausse du nombre de drive alimentaires d'ici à 2015.
18 Le drive gagne la distribution non alimentaire
Aujourd'hui, le drive et retrait en magasin ne se limitent plus aux GSA. La plupart des enseignes de distribution non alimentaire (prêt-à-porter, électronique grand public, ameublement, optique, végétaux d'intérieur, fournitures de bureau, etc.) disposent de leur propre service. Il s'agit pour les marques de fidéliser le consommateur en l'accompagnant tout au long de son processus d'achat et surtout de multiplier les occasions de rencontre et de générer du trafic en magasin. Depuis 2012, l'enseigne Morgan propose aux consommateurs de retirer leurs commandes internet en boutique : six mois après la mise en place du dispositif, 30 % des achats effectués en ligne étaient retirés en magasin.
19 Les pure players investissent la sphère physique
Si les entreprises traditionnelles sont nombreuses à se lancer dans la vente en ligne, l'inverse est également vrai. En effet, certains pure players (Materiel.net, Grosbill.com, Cdiscount ou encore Showroomprive.com) créent des points de rencontres physiques. D'une part, les marques cherchent à renforcer l'expérience d'achat du consommateur en lui apportant des conseils et des services additionnels (SAV,...). D'autre part, ces implantations physiques permettent d'accroître le rayonnement de la marque. Cependant, certains pure players font marche arrière à l'image de Pixmania qui a fermé ses 10 points de vente.
En 2012, près de 70% des 90 principales chaînes de distribution française avaient leur propre site marchand, selon Xerfi. Elles ont en particulier adapté leur offre en proposant des services de drive et retrait en magasin. Le nombre de points de click & collect est désormais supérieur à 2100 unités.
20 Plus d'un produit sur deux vendu dans le drive est une MDD
Dans son baromètre mensuel sur les MDD (cf Numéro 168 page 24), IRI fait un zoom sur les MDD dans le e-commerce GSA sur le premier trimestre 2013.
Le poids des MDD dans le e-commerce GSA est nettement plus élevé que dans les magasins physiques.
Leur part de marché dépasse 40% en valeur et même 50% en volume.
Plus d'un produit sur deux vendu dans le e-commerce est donc un produit à marque de distributeur. Ce phénomène de surreprésentation des MDD est général, à l'exception des bières Il est très prononcé sur l'ensemble des produits frais. La part de marché en valeur des MDD dans le e-commerce GSA est ainsi de 62,6% dans les surgelés/glaces (vs 50,7% en hyper/super), 53,5% en frais libre service (vs 41,8%), 38,1% en épicerie salée (vs 29,6), 35,5% en hygiène (vs 21,7%)...
Cependant, même si les MDD sont structurellement forte dans ce circuit nouveau et très dynamique, leur part de marché recule aussi dans le drive et pratiquement au même rythme que dans les magasins physiques : -0,4% en valeur (contre -0,5% pour les hypers/supers) et -0,4% en volume (contre -0,5% pour les hypers/supers).
Selon le baromètre IRI/Marketing Magazine, la part de marché des MDD dans le e-commerce GSA dépasse les 50 en volume et 40% en valeur.
21 Prospective : le drive de demain
" Derrière l'appropriation rapide et plutôt inattendue du drive, nous voulions en estimer le potentiel. Prendre du recul sur cette rupture marchande. En effet, depuis les années cinquante et la naissance du supermarché, jamais l'écosystème du commerce alimentaire n'avait été aussi innovant ", commente Clémence Sanlis, directrice d'ID MAP.
Des insights consommateurs utilisateurs de ce format seront réunis dans un book concept qui sera présenté lors d'une conférence organisée par ID MAP fin avril 2013. " Notre projet a abouti à la conclusion que le drive n'est ni l'extension du commerce en ligne ni l'hybridation du commerce physique, mais qu'il porte en lui la promesse d'un modèle en phase avec les valeurs sociétales que sont la liberté, l'autonomie, l'efficacité dans l'immédiateté." L'agence a livré à Marketing Magazine, en avant-première, quelques extraits du book concept, encore en gestation éditoriale. En voici trois :
* Des box services du quotidien : pressing, cordonnier, points relais et me^me distribution automatique. C'est dans l'esprit des conveniences américains ou des combini japonais.
* Des opérations éphémères: marques invitées en pop up stores. Il peut s'agir d'opérations saisonnières menées par l'enseigne elle-même, visant à privilégier une entreprise locale. C'est une forme de commerce libre et itinérant.
(*) Méthodologie : projet de prospective en cocréation avec des designers et des consommateurs. Ateliers de sept heures menés en janvier 2013, avec dix consommateurs utilisateurs du drive et âgés de 30 à 55 ans. Tous ont benchmarké en amont d'autres drives que le leur. Les ateliers étaient challengés par des stimuli préparés par les designers.
Au-delà de l'engouement suscité par le format drive, l'institut ID MAP (Dragon Rouge) a mené une étude d'anticipation marketing* inédite.
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