[Médias en Seine] Comment se fabrique l'information ?
A l'occasion de la 7ème édition du festival Médias en Seine, organisé par franceinfo et le groupe Les Echos-Le Parisien le 14 janvier, une table ronde réunissant des journalistes de renoms a permis une plongée dans la fabrique de l'information. Quels moyens s'imposent ? Quelles conditions pour diffuser une information fiable ? Quel modèle économique ? Etat des lieux en public.
![[Médias en Seine] Comment se fabrique l'information ?](https://cdn.edi-static.fr/image/upload/c_lfill,h_245,w_470/e_unsharp_mask:100,q_auto/f_auto/v1/Img/BREVE/2025/1/466544/medias-seine-comment-fabrique-information-LE.jpg)
Baptisée « making of » pour une approche au plus près des coulisses, la table ronde sur la fabrique de l'information a fait le plein dans l'auditorium de la Maison de la Radio. Réunissant Agnès Vahramian, directrice de franceinfo, François-Xavier Lefranc, président du directoire de Ouest France, Christophe Jakubyszyn, directeur des rédactions des Echos, Anne-Claire Coudray, rédactrice en chef à TF1 et Victor Castanet, journaliste d'investigation, le sujet suscite plus que jamais l'intérêt à l'heure de la prolifération des fausses informations et autres viralités malsaines sur les réseaux sociaux. Hiérarchie et choix éditoriaux, course au scoop, vérification des faits, innovations, relation avec l'actionnaire... Comment se construit l'information que nous consommons au quotidien ?
Chacun s'est attaché à rappeler le « contrat » qui le lie avec son audience. À TF1 (150 journalistes), le JT « est un espace dépolitisé où l'on n'est pas obligé de choisir son camp en permanence. Plus calme que les chaînes d'info en continu, il donne du sens », a expliqué la présentatrice des JT du week-end. À franceinfo, la priorité revient aux « faits bruts ». « Nous sommes sur le terrain, le service public en a les moyens et nous décryptons l'info en direct pour aider les auditeurs à se faire une opinion. Nous disposons d'une agence de presse en interne qui vérifie les informations », a détaillé Agnès Vahramian, nommée à la tête de la station en septembre 2024.
Investir dans les rédactions
Côté presse écrite, Christophe Jakubyszyn, directeur des rédactions des Echos (groupe LVMH), aime à rappeler que fabriquer de l'information nécessite avant tout des moyens (250 journalistes composent la rédaction du quotidien économique). « Une rédaction indépendante, c'est une rédaction qui dégage une rentabilité. Pour cela, la confiance avec les lecteurs et les actionnaires est essentielle ». Ouest France, titre leader de PQR, tient son indépendance de son statut singulier. « Pas d'actionnaire, mais une association à but non lucratif (l'Association pour le soutien des principes de la démocratie humaniste) qui garantit notre indépendance. La confiance se construit grâce à notre investissement dans nos 780 journalistes salariés qui ont du temps pour enquêter, produire des reportages, être au plus près des gens », a déclaré François-Xavier Lefranc.
Le prix de l'indépendance
Une temporalité, le temps long, qui conditionne le travail d'investigation de Victor Castanet, prix Albert Londres (auteur de « les Ogres » et « les fossoyeurs ») pour qui réaliser une enquête peut prendre 2 ou 3 ans. « Mon éditeur me donne alors des « à-valoir sur droits d'auteur » me permettant de vivre et de couvrir mes frais. La confiance que je dois établir, c'est celle qui me lie aux témoins, aux différentes sources... Y a-t-il un business model pour financer cela ? Je ne crois pas », a expliqué Victor Castanet. « À l'heure où le public est informé par son téléphone portable, ce que fait Victor Castanet, c'est de la plus-value journalistique », a commenté Agnès Vahramian. Et le public en redemande. « Les magazines produisent désormais des documentaires. Les documentaires deviennent des films qui pourraient prendre place dans les salles de cinéma. Les journaux télévisés développent des formats de 10 minutes maintenant. Ce qui était quand même impensable Travailler au long cours, c'est ce que nous essayons de faire modestement à franceinfo, mais c'est absolument vital pour la survie de nos médias. » L'accélération de la circulation de l'information et des images qui circulent sur les réseaux sociaux, impliquent la mise en place de dispositifs spécifiques dans les médias. « Cela a complexifié le travail des journalistes. Nous avons développé un algorithme pour vérifier les dates de première diffusion des vidéos sur les réseaux sociaux. Et nous jetons la moitié des vidéos qui nous parviennent à la rédaction. Au-delà de les vérifier, nous devons détricoter les fausses informations. Il faut revenir sur les images et les contextualiser. Les téléspectateurs nous le demandent », détaille Anne-Claire Coudray.
Le rôle des actionnaires
Interrogé sur d'éventuelles pressions exercées par son actionnaire sur la rédaction, Christophe Jakubyszyn, (ex-TF1, BFM, Le Monde) a rappelé « qu'une période d'apprentissage entre l'actionnaire et la rédaction s'impose. Même si aux Echos, nous avons signé une charte éthique avec notre actionnaire. Nous sommes en accord sur la mission de notre journal. Notre journal, défend l'économie de marché. Moi, je suis là pour défendre une rédaction qui m'a choisie. Je suis un peu entre le marteau et l'enclume, ce n'est pas simple mais c'est stimulant ». « Mon actionnaire, c'est moi ! », s'est amusé Victor Castanet. Les pressions, il connaît. Non pas celles de propriétaires d'un média mais de dirigeants dénoncés dans ses enquêtes. « On a voulu acheter mon silence », déclare celui qui a accepté de publier une série d'enquêtes dans Paris Match après s'être assuré de conserver sa liberté éditoriale.
Sur le même thème
Voir tous les articles Événement