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[Enquête] Mais où est passé le juste prix ?

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[Enquête] Mais où est passé le juste prix ?

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5. Diluer les prix

Comment les marques s'arrangent-elles alors pour "faire passer" un prix et continuer à vendre malgré tout? En le diluant! Les Anglo-Saxons parlent de "downpayment". Soit une série de leviers qui ne brident pas le désir d'achat. Le différé ("Partez sans payer, votre compte sera débité dans 30 jours"), le paiement à tempérament ("en dix fois sans frais"), l'achat à crédit, la location, le leasing... demeurent des valeurs sûres pour continuer à vendre malgré la crise.

Aujourd'hui, et pour tous les produits, c'est l'abonnement qui fait recette. Les marques comptent ainsi sur une avance de trésorerie consentie par leurs abonnés, et évidemment sur un revenu récurrent. En outre, elles fidélisent à coup sûr, stimulent la consommation, collectent des données personnelles sur leurs clients et s'en servent pour appliquer une segmentation très pointue.

Dernier exemple en date, l'abonnement... brosses à dents! La marque Bioseptyl vient de se lancer dans cette voie. Le client reçoit, dans sa boîte aux lettres, tous les un, deux ou trois mois, une brosse à dents neuve. Après la presse, la musique, le téléphone, le transport, les chaussettes, les couches-culottes, l'eau minérale, les lentilles de contacts, le café... jusqu'où ira l'abonnement? Loin. 73?% des Français y croient, dont 61?% de jeunes (selon une enquête menée en mai?2014 par Ifop pour Zuora, spécialiste californien des solutions de paiement à l'usage).

La nouveauté réside désormais dans son exécution. "On parle de relationship business management (RBM), explique Philippe Van Hove, directeur Europe de Zuora. Les Français veulent un abonnement plus agile. Ils veulent mixer les offres, essayer de nouvelles choses. Bref, l'abonnement doit se rapprocher des standards du Net. Nous accompagnons les entreprises et les marques dans leur projet de bâtir des programmes plus agiles pour répondre à ces aspirations."

Avec le risque du désabonnement : s'il est plus facile de moduler cette consommation par souscription, il devient aussi plus aisé de se désinscrire. En effet, jusqu'alors, une certaine inertie s'installait entre la marque et ses abonnés. Le plaisir d'avoir le choix (et de céder à l'achat d'impulsion) était tout bonnement anesthésié. Le prix unitaire devenant de fait très flou, le ressenti prix sous abonnement était synonyme de quasi-gratuité. Combien nous coûtent, in fine, tous ces services auxquels nous sommes abonnés et que nous n'utilisons quasiment jamais ? Si le coût à l'usage se diffuse beaucoup (Autolib' ou Velib' en tête), c'est très souvent, au départ, un abonnement qui est souscrit (que l'on s'en serve ou pas).

Lisez l'interview de Delphine Dauge, directrice de Brandimage : " Le prix préempte le discours de la marque "

6. Scénariser le prix

Comprendre un prix est, nous l'avons vu, très complexe. Le voir relève de la psychologie et des émotions. Rouge. Noir. Jaune. Les couleurs pour exprimer un prix sont franches et toujours les mêmes. En rayon, on ne voit qu'elles. Une dramatisation qui accroche l'oeil en une ou deux secondes. Et pour que la main attrape le produit ou clique, les études montrent qu'il faudrait entre trois et sept secondes (c'est le fameux "first moment of truth", si difficile à comprendre).

La scénarisation du prix in situ (magasins et Internet) a bien plus d'impact que la publicité. S'agissant de produits de grande consommation, par exemple, augmenter ou réduire les prix de 5% a un effet sur le volume des ventes 10 à 20 fois supérieur à celui d'une hausse de 5% du budget publicitaire. Toucher le consommateur dans son irrationalité, c'est tout l'objet de l'exécution marketing des prix.

Le design prix s'attaquera donc en priorité à l'approche dite "value to customer". Soit le calcul du sacrifice économique qu'un client est prêt à consentir à un instant T pour se procurer un service ou un produit. La valeur perçue est centrale pour définir un prix jugé acceptable. Des secteurs entiers sont fragilisés par une valeur perçue erronée.

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter l'article suivant : Commerce et couleur : les règles d'une bonne entente.

La "fast fashion" (Primark, H&M etc.) a détruit la valeur perçue du prêt-à-porter par exemple. Entraînant une cascade de faillites mais aussi une baisse des ventes. Mais, pour ce secteur et pour tant d'autres, comme l'alimentaire, la qualité passerait devant le prix et constituerait le critère d'achat numéro un.

L'adage populaire "je n'ai pas les moyens d'acheter bon marché" résume très bien les stratégies RSE dont les marques se réclament toutes aujourd'hui. Augmenter ses prix peut envoyer un signal psychologique positif. La marque renforce son prestige et peut doper ses ventes. Actimel, par exemple, a augmenté ses prix en investissant le territoire de la santé et en devenant un alicament. Son positionnement, au départ, n'était pas le bon... d'une petite fiole de lait banale, elle est quasiment devenue un produit de santé.

Faire preuve de pédagogie en apportant du contenu est une bonne piste. Le prix juste existe. Dans une société de consomma­tion, en demande de transparence et de preuves, les marques honnêtes se repèrent très vite.

 
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Philippe Crouzillacq, Amelle Nebia et Maud Vincent

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