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Publicité en ligne : Combattre les robots, ou comment régler un problème à 8 milliards d'euros !

Publié par Ari Levenfeld le | Mis à jour le

D'après les prévisions de l'IAB (Interactive Advertising Bureau), la fraude publicitaire aurait coûter aux marques la bagatelle de 8 milliards d’euros en 2014. Et ce n'est pas tout ! Entre 25 % et 50 % des investissements publicitaires online pourraient être gaspillés en impressions qui ne seront jamais vues par des internautes*.

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En quoi consiste la fraude publicitaire en ligne ?

Dans un contexte marché où les investissements basculent massivement du offline vers le online, avec une montée en puissance de la publicité programmatique (qui devrait passer de 28 % en 2013 à 65 %-75 % des investissements en 2017 d'après IDC), rien d'étonnant à ce que les cybercriminels, attirés par cette manne, se soient perfectionnés dans l'art de berner les annonceurs. Toutefois, plusieurs questions subsistent : comment opèrent-ils, et surtout, comment les annonceurs peuvent-ils s’assurer du retour sur investissement de leurs dépenses publicitaires ?

Dans le cadre d’une campagne publicitaire classique, une publicité est publiée sur un site puis vue par un internaute. La valeur ou le prix de cette impression dépend du type de public interagissant avec le site en question et de sa pertinence pour l'annonceur. On parle de fraude publicitaire lorsque des individus créent des programmes destinés à simuler du trafic sur des sites fantômes en vue d’amener les annonceurs à leur acheter des impressions publicitaires qui ne sont vues par aucun internaute. L’arnaque impact directement les annonceurs concernés, mais également l’ensemble de l’écosystème publicitaire. L'activité générée par ces robots fausse en effet les statistiques d’engagement mesurées d'après la navigation des internautes, minant par la même occasion la valeur des inventaires.

Comment ça marche ?

Appelons notre pirate M. Dupont et suivons-le dans ses malversations. Après avoir créé un site baptisé money4mee.com, M. Dupont l'enregistre auprès d'un ad-network qui vend des inventaires via un ad-exchange. Personne ne visite réellement le site money4mee.com, mais M. Dupont y voit l'opportunité de capter des revenus publicitaires moyennant un investissement minimal. Il commence donc à vendre des espaces publicitaires sur son site.

M. Dupont développe ainsi un programme informatique imitant le comportement des internautes, ouvrant des milliers de fenêtres sur des navigateurs envoyant vers money4mee.com sur de nombreux ordinateurs. Si M. Dupont n'est pas un expert du codage, il peut louer (ou acheter) un robot en ligne aussi facilement qu'une voiture, et pas uniquement par le biais de réseaux darknets : il lui suffit d'effectuer une recherche Google ou de se rendre sur un site d'enchères populaire. Le logiciel créé ou loué par M. Dupont reproduit ensuite le même schéma à l'infini, ouvrant de nouveaux navigateurs web et créant toujours plus de robots différents qui surfent sur Internet et qui finissent tous, tôt ou tard, par visiter le site money4me.com.

Les annonceurs croient alors identifier des internautes visitant plusieurs sites jugés dignes d'intérêt, dont money4mee.com. Pensant avoir affaire à un site de confiance, ils enchérissent sur des inventaires et distribuent des impressions aux robots. Résultat des courses : M. Dupont a été rémunéré et les annonceurs font chou blanc car, en réalité, aucun internaute n'a jamais interagi avec le site money4mee.com.

Et même si l'ad-network ou l'ad exchange détecte la fraude et décide d'exclure M. Dupont de son inventaire, ce dernier peut tout à fait réapparaître quelques heures plus tard sur le même ad-exchange par le biais d'un autre site fantôme (moremoney4mee.com) animé par d'autres robots.

Ce problème ne se limite pas aux inventaires de longue traîne dont personne n'a jamais entendu parler. Les cyber-fraudeurs sont rusés et personne n'est à l'abri. Les programmes qu'ils utilisent cliquent sur toutes sortes d'impressions, qu'elles soient placées sur des sites très fréquentés ou sur des sites factices tels que money4mee.com.

Naturellement, le scénario exposé ci-dessus n'est qu'une des nombreuses stratégies existantes. Les méthodes de fraude varient et les fraudeurs ne cessent d’alterner différentes stratégies et techniques pour imiter les comportements humains.

Combattre les bots

Certaines sociétés sont très actives dans la lutte contre la fraude. Début 2014, Google a ainsi fait l'acquisition de spider.io, une entreprise spécialisée qui avait identifié une fraude ayant fait perdre 6 millions de dollars par mois aux annonceurs. Facebook a, de son côté, poursuivi en justice Martin Grunin, un jeune homme de 22 ans accusé d'avoir détourné 360 000 dollars grâce à un système de fraude publicitaire particulièrement sophistiqué.

Les technologies d’achats publicitaires évoluent également afin d’endiguer ce phénomène. Il est en effet possible aujourd’hui d’écarter des inventaires suspects en amont des campagnes, en distinguant automatiquement le comportement humain de celui d’une machine. Deux exemples simples : les humains règlent leurs achats en ligne par carte de crédit, pas les bots, et les véritables internautes ne visitent pas des dizaines de milliers de sites chaque jour sur des périodes très courtes. Les solutions anti-fraude croisent ainsi intelligemment de nombreuses données pour détecter les comportements suspects.

De plus, un nombre grandissant d’acteurs se mobilisent en vue d’offrir une meilleure visibilité sur les campagnes grâce à des outils permettant de surveiller, comparer et identifier le niveau de qualité des impressions et du trafic. Des initiatives comme le recueil de principes anti-fraude publié récemment par l'IAB (Interactive Advertising Bureau) visant à fournir une base de travail de référence à l'ensemble du secteur, montrent également que les choses évoluent dans le bon sens.

Alors que les investissements en publicité en ligne s’apprêtent à atteindre les 137,53 milliards de dollars dans le monde en 2014, il n'est guère surprenant que les fraudeurs essaient de grappiller leur part du gâteau. Il est encourageant de constater que la problématique de la fraude publicitaire commence à attirer l'attention qu'elle mérite. J'espère que cela incitera l'ensemble du secteur à engager une action concertée pour mettre un terme au gaspillage des budgets.

 

* Source : The Association of National Advertisers

Ari Levenfeld

Ari Levenfeld

Directeur de la qualité et de la confidentialité des inventaires

Directeur de la qualité et de la confidentialité des inventaires chez Rocket Fuel, acteur majeur du RTB dans le monde....

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