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DossierL'affichage, résolument tourné vers les nouvelles technologies

Publié par Charlotte De Saintignon le

2 - L'avenir est au numérique

L'affichage est confronté à la crise mais le numérique pourrait l'aider à rebondir. Aéroports, gares, centres commerciaux : les panneaux numériques s'implantent partout et séduisent les annonceurs. Reste aux afficheurs à dénicher le bon mode d'interaction pour convaincre l'utilisateur.

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A l'instar des autres médias, c'est au tour de l'affichage d'entamer sa mue vers le numérique. Stations de métro, gares, aéroports et centres commerciaux sont déjà équipés d'écrans plats. " Nous sommes au début d'une nouvelle ère ", assure Philippe Baudillon, président de la filiale française de l'américain Clear Channel, deuxième major mondiale de la communication extérieure après JCDecaux. Et c'est peu dire : pas moins de 2 485 mobiliers digitaux ont déjà été déployés en France, pour un chiffre d'affaires, en 2012, de 53 millions d'euros nets, en hausse de 47 % par rapport à 2011. Et 2013 devrait suivre cette même trajectoire. L'Institut de recherches et d'études publicitaires (Irep) évalue les recettes de l'affichage digital à 10,6 millions d'euros au premier trimestre 2013, soit un résultat deux fois supérieur à celui de la même période en 2012. Les raisons de cette croissance ? " Ce nouveau média premium conjugue puissance, créativité, flexibilité spatio-temporelle et gestion dynamique en temps réel ou interactive ", résume l'Union de la publicité extérieure (UPE). Autrement dit, véritable "rich media" innovant, l'affichage digital devient attractif pour les marques qui en profitent pour investir massivement ce territoire et bénéficier de son potentiel d'efficacité. C'est le cas de Renault, pour qui l'afficheur JCDecaux déploie jusqu'à la fin de l'année un écran géant digital d'une surface de 17 m2 dans le hall 2 d'Orly Ouest. Une façon, pour le constructeur français, d'accroître au maximum sa visibilité. Mais surtout de cibler une population précise en fonction du lieu et de l'horaire, ce que ne permet pas le papier. " L'aéroport est un environnement premium avec une audience captive et de qualité ", explique Albert Asséraf, directeur général stratégie chez JCDecaux. Selon la régie, 93 % des passagers sur cet espace sont français et 64 % sont de CSP+. Renault n'est pas la seule marque à lorgner du côté des aéroports. JCDecaux en a bien conscience et n'hésite pas à transformer ces lieux de transit en de véritables écrins pour la publicité digitale. L'an dernier, pour le lancement du parfum La Petite Robe Noire de Guerlain (groupe LVMH), JCDecaux a mis en place un écran géant digital de 39 m2 dans le terminal 2, qui diffusait la publicité du parfumeur en plusieurs langues, dont le russe et le chinois, deux pays gros consommateurs de produits de luxe occidentaux.

Les majors se spécialisent

Cette faculté de JC Decaux à se plier en quatre pour les annonceurs dans les aéroports permet à la régie d'obtenir de bons résultats. Si le chiffre d'affaires du secteur du mobilier urbain - coeur de métier du groupe - affiche une baisse de 1 %, à 566 millions d'euros, sur le premier semestre 2013, celui du transport progresse de 2,8 % à 465 millions d'euros sur la même période, alors que le digital a généré 14 % du chiffre d'affaires de la division transports. Désormais, huit des dix plus grands aéroports opérés par JCDecaux disposent d'une offre numérique (700 écrans, rien que dans les aéroports français). Mais l'afficheur n'est pas le seul à déployer le digital sur un secteur précis. Après avoir signé des accords avec les principaux groupes d'immobilier commercial (Unibail-Rodamco et Klépierre), Clear Channel a installé son réseau d'affichage publicitaire numérique dans près de 100 centres commerciaux français. " Nous avons pour objectif de tripler le nombre de nos faces digitales dans les centres commerciaux pour atteindre 2 000 unités d'ici à 2016, avance Philippe Baudillon. Nous allons continuer d'essaimer dans les malls stratégiques et premium : 38 totems digitaux ont ainsi été installés pour l'ouverture, en octobre dernier, d'Aéroville (Roissy-en-France), le nouveau hub de communication et de consommation connecté. " Ce basculement vers le numérique dans les centres commerciaux s'explique aisément. " L'univers des centres commerciaux est un terrain exceptionnel, ajoute le p-dg de Clear Channel France. Il est plus facile de magnifier son jeu lorsque le terrain dans lequel on évolue présente de nombreux avantages : univers de consommation, audience qualifiée et réceptive aux messages des marques et aux promotions. "

De son côté, CBS Outdoor, le troisième acteur de l'affichage urbain, cherche aussi à entrer dans la danse. " Les trois grands secteurs de l'affichage numérique sont déjà occupés, constate Frédéric Herbreteau, directeur général commerce de CBS Outdoor France. Les centres commerciaux sont surtout l'affaire de Clear Channel, JCDecaux s'est orienté vers les aéroports et MédiaTransports vers les transports parisiens. " Alors à la question de savoir où la régie va planter ses panneaux numériques, l'intéressé répond : " Dans la rue. Nous privilégions un marché local, dans des villes de moins de 100 000 habitants. " Autrement dit, la régie partage ses écrans entre contenus serviciels pour la municipalité et annonceurs locaux. Le tout contraint par une législation plus restrictive que pour la publicité indoor : le décret relatif à la publicité extérieure pris en application de la loi Grenelle II oblige en effet à ne pas dépasser un format de 8 m2 pour les publicités numériques dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants.

Songer à l'usage fait par le consommateur

CBS Outdoor n'a toutefois pas dit son dernier mot. Pour maîtriser son avenir dans la publicité digitale, l'afficheur table sur l'interaction. " À condition d'y ajouter un enjeu créatif, ajoute Frédéric Herbreteau. Sinon la publicité digitale fera "pschitt". " Car pour lui, la technologie seule ne suffit pas : il faut d'abord songer à l'usage qu'est prêt à en faire le consommateur. Et de ce côté-là, le marché n'est pas totalement mature. Les conclusions de l'étude "Interactive Europe" dévoilées par CBS Outdoor au printemps dernier, à Londres, sont formelles : s'il est certain que l'Out-of-Home (OOH) s'inscrit progressivement comme un nouveau point de contact pour le commerce connecté (77 % des consommateurs déclarent avoir réalisé une action après avoir vu une publicité extérieure fin 2012, contre 70 % un an plus tôt), les systèmes d'interaction n'ont pas tous la même efficacité. Exemple : seuls 8 % des sondés (6 % fin 2011) connaissent la technologie NFC des téléphones, malgré l'important déploiement de cet équipement. Au final, le plus connu reste le QR Code (54 % de notoriété contre 40 % un an plus tôt), devant les codes promotionnels affichés (34 % contre 31 % fin 2011) et le contact tactile avec les panneaux (20 % contre 23 % pour la période précédente). Pour multiplier les chances de succès, certains expérimentent plusieurs technologies sur une seule campagne. C'est le cas de JCDecaux qui a transformé, en mai dernier, quatre abribus parisiens afin de permettre à chacun de voter pour son "parfum Häagen-Dazs le plus irrésistible" et de recevoir, dans la foulée, une récompense. La mécanique s'articulait autour de quatre séquences : le vote, sur un écran tactile intégré dans l'abribus, le scan d'un QR Code pour recevoir sa surprise (pour l'achat d'une boule de crème glacée, une boule offerte), le rendez-vous dans une boutique Häagen-Dazs pour en profiter et enfin, le partage de l'offre avec ses amis sur Facebook.

La rupture organisationnelle est clé

Dans cette course à l'interaction, Clear Channel a, lui aussi, mis le pied à l'étrier. Un mois après la campagne de JCDecaux pour Häagen-Dazs, la société a déployé, pour la sortie du film d'animation Moi, moche et méchant 2, une campagne personnalisée et géolocalisée d'affichage digital dans des centres commerciaux de cinq pays européens dont la France. En pratique, le dispositif fait apparaître les personnages du film, les Minions malicieux de Gru, tapant du pied avec impatience avant que l'utilisateur ne soit invité à les voir danser et jouer. Lorsqu'il est sollicité, l'utilisateur tape sa sélection et saisit son nom via un numéro spécial et quelques secondes plus tard, les Minions s'exécutent à l'écran, comme demandé, avec des remerciements nominatifs à l'égard du participant. Reste que ces stratégies de développement numérique impliquent de forts bouleversements en interne. " Un des facteurs clés du succès est la notion de rupture organisationnelle, assure Philippe Baudillon. Cela s'est traduit, pour Clear Channel, par la mise en place d'une équipe dédiée : un pôle commercial spécifique, un pôle innovation, un studio créatif, une structure médiaplanning, des services et études dédiés (eye tracking, insight, post-test) ". Frédéric Herbreteau constate qu'" avec ces nouvelles activités, on doit se substituer aux agences de publicité, on devient de véritables gardiens du temple ". Et cela coûte cher aux régies, sans compter l'achat d'un écran (10 000 euros en moyenne) et les pannes du matériel. Autant de contraintes qui freinent un peu plus les régies à basculer vers un affichage 100 % numérique. " Les investissements colossaux que le digital implique donne encore de beaux jours au papier ", confirme Frédéric Herbreteau. Et il n'est pas le seul à le penser. " Outre les lieux fermés comme les aéroports, l'avenir est à la cohabitation, avance Albert Asséraf. Remplacer toutes les affiches par des panneaux digitaux dans les espaces publics est impensable : il y aurait de la part du consommateur une saturation absolue. "

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Charlotte De Saintignon

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