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L'art de ne plus (trop) déléguer ses achats média

Publié par Mégane Gensous le

Certains annonceurs font le choix de reprendre la main, totalement ou en partie, sur leurs achats média. Une démarche permise par l'essor du programmatique. Quelles pistes pour faciliter la démarche ?

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Internaliser ses achats média : pourquoi ?

En 2016, les annonceurs français ont dépensé 31,9 milliards d'euros dans leurs dispositifs de communication (achats média, frais de fabrication et honoraires des agences) selon l'étude annuelle de l'IREP et France Pub. Pourtant, les recettes publicitaires de médias ne s'élèvent "qu'à" 13,3 milliards d'euros. Cette différence de l'ordre de 2,3 a plusieurs explications, parmi lesquelles une captation de la valeur de la part d'intermédiaires. En ligne de mire, les agences média, placées sous les feux des ­projecteurs avec une étude de l'ANA publiée en juin 2016 sur les commissions prélevées par ces dernières (jusqu'à 90 %). Une ­problématique de transparence qui a poussé le gouvernement à (enfin) publier un décret le 11 février 2017 pour réglementer ces pratiques, et qui remet sur la table la question de l'internalisation de l'achat média par les annonceurs. Une pratique portée par la démocratisation de l'achat programmatique (les investissements consacrés étant en hausse de 51 % sur l'année 2016 selon l'Observatoire de l'e-publicité réalisé par PwC pour le SRI et l'Udecam) qui, bien que complexe, automatise l'achat d'espace. Et justement, "il y a une volonté de la part des annonceurs de comprendre et d'apprendre vis-à-vis de l'achat programmatique", constate Franck Lewkowicz, directeur général de Quantcast, spécialiste du programmatique et de la mesure d'audience.

Autre explication à cette volonté d'internalisation, la data, "le nerf de la guerre" considéré comme l'or noir de la publicité et sur laquelle les annonceurs veulent reprendre la main. Enfin, car comme le rappelle Franck Lewkowicz, "l'outil n'est pas la finalité, l'objectif prioritaire pour les annonceurs, c'est d'apporter plus d'efficacité dans les campagnes". Selon une récente étude de la World Federation of Advertisers, 90% des annonceurs interrogés révisent actuellement leur façon de fonctionner pour satisfaire ces objectifs.

Traiter en direct avec les plateformes

Pour internaliser leurs achats média, les annonceurs ont le choix entre deux postures. Ou bien traiter l'achat média en interne, "mais les annonceurs à avoir opté pour cette solution en France se comptent sur les doigts de la main et certains même réfléchissent pour revenir sur cette décision", indique le directeur général de Quantcast. Ou bien d'internaliser uniquement les contrats avec les plateformes intermédiaires de l'achat média programmatique tout en déléguant l'opérationnel à des agences ou à ces mêmes plateformes. Pour cela, ces dernières se lancent dans une forme de conseil pour épauler les annonceurs qui souhaiteraient traiter en direct. C'est le cas notamment de Tradelab, une plateforme programmatique qui s'est d'abord construite sur son trading desk avant de réorienter son offre sur trois piliers : partage d'expertise stratégique et opérationnelle (veille, formation), partage technologique (développement de surcouches technologiques pour enrichir les DSP), et partage de data (grâce à sa propre base de données irriguée notamment par un partenariat avec Webedia, qui a pris une participation dans l'entreprise en 2015). De son côté, MediaMath, dont la clientèle s'équilibre entre agences et annonceurs, mise sur l'appropriation de son DSP par ses clients. Grâce à son fonctionnement en SaaS, la société créée en 2007 forme les utilisateurs pour qu'ils deviennent des "experts" de sa plateforme. L'o bjectif étant de réduire le nombre d'intermédiaires entre l'annonceur et les éditeurs, les plateformes de centralisation des achats média, à l'instar de TubeMogul, ont aussi leur rôle à jouer. Rachetée par Adobe fin 2016, la plateforme permet de gérer les achats média multi­formats (vidéo, social media) et multiécrans (desktop, mobile, télévision) et d'en mesurer les résultats.

Miser sur un environnement mutualisé

Audience Square est une place de marché programmatique créée en 2012 à l'initiative de 11 éditeurs actionnaires : Les Échos, le groupe Express Roularta, Libération, le groupe M6, le groupe Le Monde, NextRadioTV, le groupe Nouvel Observateur, Le Point, le groupe Prisma Media, le groupe CCM Benchmark et RTL Net. Ces derniers se sont réunis sur une seule et même plateforme pour commercialiser en programmatique des inventaires invendus (en direct), un mouvement lancé par les éditeurs pour les éditeurs. Audience Square donne ainsi accès à 250 sites média premium à travers des inventaires vendus par sous-familles de sites thématiques (B to B, beauté...), qui peuvent être affinées par du ciblage sociodémographique. Bref, " des marques média premium éditées par des éditeurs de confiance et de longue date, qui sont un bénéfice non négligeable pour les annonceurs ", selon son directeur général Erwan Le Page. Le recours à une place de marché est ainsi la garantie d'un contexte brand safe grâce à un environnement média de qualité et à une audience qualifiée. Sur ce marché, bien qu'un nombre croissant d'éditeurs se lancent dans l'aventure de la place de marché privée (Webedia Exchange, Melty AdMarket), Audience Square partage le haut du tableau avec La Place Média, lancée à la même époque par Amaury Médias, FigaroMedias, Lagardère Publicité, TF1 Publicité et France Télévisions Publicité. Les deux concurrents ont par ailleurs entamé une fusion en février 2017 dans un souci de simplification des achats média des annonceurs.

Se former à la complexité du programmatique

Avant d'internaliser l'achat média, ce sont l'expertise et les compétences que les annonceurs doivent internaliser. La formation est donc fondamentale dans ce processus puisque les annonceurs à posséder l'ensemble des connaissances nécessaires en interne sont encore peu nombreux. La réponse à cette problématique peut par exemple venir de la part des acteurs qui sont au quotidien en contact avec l'ensemble de la chaîne de la valeur de l'achat média, les agences. C'est le cas du groupe Havas, qui a lancé en mai 2016 le programme "100 % programmatique". Destinées à offrir aux 20 000 collaborateurs créatifs et média "les clés de compréhension de l'évolution de l'industrie et un langage commun", comme l'explique la knowledge manager Hanae Chino, les sessions de 10 semaines comportent 8 à 10 heures de leçons et d'interactions et sont disponibles pour trois niveaux d'expertise (fondamentaux, avancé, élite). La formation d'Havas s'adresse aussi aux clients annonceurs du groupe, bien ­qu'aucun ne l'ait encore suivie, et est ­également proposée dans une formation plus globale au digital, ce qu'Hanae Chino justifie par le fait qu'"avant de se former au programmatique, les annonceurs ont ­souvent besoin de revoir les fondamentaux du digital". Les acteurs technologiques du programmatique investissent également ce terrain, en plus de celui du conseil. MediaMath dispose par exemple d'un News Marketing Institute , institut de formation dispensant trois niveaux de certification et inclus dans son offre.

Centraliser les opérations chez les GAFA

Selon l'Observatoire de l'e-publicité réalisé par PwC pour le SRI et l'Udecam, en 2016, 80 % de la valeur du marché était captée par deux acteurs : Google et Facebook. Et pour cause, puisque l'essentiel des investissements des annonceurs se fait sur le search et le display social, que ce duopole américain domine. En plus de leurs formats publicitaires, les GAFA intègrent des métriques de mesure de la performance des campagnes dans leur offre à destination des annonceurs. DoubleClick by Google propose ainsi sur une seule et même plateforme d'automatiser les achats média sur différents canaux et supports (via DoubleClick Bid Manager), d'acheter des audiences en direct aux éditeurs (sur DoubleClick Ad Exchange) et bien sûr de gérer les campagnes de search (DoubleClick Search), ainsi que de mesurer l'efficacité de ces dispositifs de communication grâce à son Analytics 360 Suite. Même son de cloche avec Facebook Business qui dispose d'outils de mesure des audiences, de la conversion, ou encore de l'attribution de ses différents formats publicitaires (Canvas, Carrousel, vidéo) sur ses différentes plateformes (Facebook, Instagram). Ces environnements ont pour avantage d'être clés en main pour les annonceurs, qui peuvent traiter l'ensemble de leurs actions en direct et au même endroit... et pour inconvénient de renforcer l'hégémonie de Google et Facebook sur la publicité digitale au détriment des autres acteurs.

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