DOOH : L'écran pub s'impose en haut de l'affiche
Au sortir de la crise sanitaire, le DOOH (Digital Out-Of-Home) poursuit sa progression en France dans un contexte marqué par l'inflation, les enjeux climatiques et la bataille des municipalités contre la publicité. Les acteurs de l'affichage numérique extérieur saisissent l'occasion pour se réinventer. Retour sur les principaux défis et tendances du secteur.
Je m'abonnePas moins de 45 %. C'est la part de Français qui apprécient de voir la publicité en affichage numérique (DOOH), selon une enquête menée en février 2024 par Cityz Media (anciennement Clear Channel). Dans l'Hexagone, les annonces publicitaires diffusées via ce média revêtent, d'après l'étude, un caractère moins parasitaire que lorsqu'elles sont diffusées à la télévision (36 %) ou sur le téléphone portable (27 %). Cette attraction s'est d'autant plus accentuée au sortir de la crise sanitaire. "La perception du DOOH s'est transformée depuis la pandémie, période durant laquelle la communication extérieure a été coupée de toutes ses audiences. Nous avons repris conscience de ce qu'est un média dans l'espace public, partagé par tous et de manière instantanée. Le DOOH recrée du lien et du commun", affirme Alban Duron, directeur marketing chez JCDecaux.
Et les chiffres confirment cette dynamique du Digital Out-Of-Home en France : 985 millions de spots ont été certifiés par l'Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias (ACPM) sur le premier semestre de l'année 2024. Un nombre en hausse de 40 % par rapport à la même période en 2023. Parmi les principaux annonceurs du média en France figurent Winamax (103,6 millions de spots au S1 2024), Évian (31 millions), Danone (29,7 millions), Netflix (27,5 millions) ou encore Coca-Cola (24 millions). Les recettes publicitaires du DOOH sont, aussi, au beau fixe : en hausse de 5,1 % en 2023, elles devraient grimper de 8,1 % d'ici les deux prochaines années selon le Baromètre unifié du marché publicitaire (BUMP).
Faire face au défi environnemental...
Malgré cet engouement, le DOOH fait aujourd'hui face à plusieurs défis importants. Le premier d'entre eux reste évidemment l'enjeu climatique. Ce média publicitaire est fréquemment pointé du doigt pour ses conséquences sur la planète. Un reproche que les acteurs du DOOH récusent : "Plusieurs enquêtes ont montré que le DOOH n'était pas aussi énergivore que ce que les préjugés le laissent parfois entendre", assure Thomas Allemand, VP adtech & supply chez Jellyfish. Selon une étude menée par KPMG pour l'Union de la publicité extérieure (UPE), la communication extérieure est, parmi les différents médias publicitaires, celui qui présente effectivement la plus faible empreinte carbone.
Le DOOH, spécifiquement, est près de 35 fois moins émetteur que le mailing, 6 fois moins que la télévision ou encore 2 fois moins qu'Internet. "La force de notre média est d'être visible, ce qui suscite de l'attention et parfois des questions de la part de nos parties-prenantes. Depuis 1964 et la création de l'entreprise par Jean-Claude Decaux, nous agissons pour un développement durable et responsable", indique, pour sa part, le directeur marketing de JCDecaux. Avec en ligne de mire l'objectif de neutralité carbone en 2050, le leader hexagonal de l'affichage extérieur espère réduire ses émissions de 60 % d'ici la fin de la décennie. Depuis 2019, JCDecaux est déjà parvenu à abaisser son empreinte carbone de 22 %. Cela passe, notamment, par l'innovation : "Nous investissons sans cesse pour améliorer la qualité de nos écrans en matière de matériaux, de technologies et donc d'empreinte environnementale. C'est de l'investissement au quotidien, mais la dynamique du média nous permet d'accélérer et de ne pas relâcher nos efforts", précise Alban Duron.
... et à la lutte contre la publicité dans l'espace public
Deuxième défi de taille pour le secteur : la lutte grandissante des municipalités contre l'affichage publicitaire dans l'espace public. Après Grenoble, de plus en plus de villes - à l'instar de Nantes, Bordeaux ou encore plus récemment Lyon - ont décidé de bannir la publicité dans les rues.
En 2015, Grenoble est devenue la première ville européenne à s'attaquer à la publicité dans l'espace public. Les messages publicitaires sont désormais bannis sur 90 % du territoire de la commune.
Même si ces décisions ne semblent pas être encore suffisamment nombreuses pour secouer le marché de l'affichage extérieur dans l'Hexagone, les acteurs du DOOH restent attentifs à cet enjeu : "Nous respectons ces choix. Une ville a tout à fait le droit de réfléchir et de modifier la réglementation locale. Nous devons, pour l'heure, continuer à faire de la pédagogie", confie le porte-parole de JCDecaux. Et cette stratégie a déjà porté ses fruits : "L'agglomération grenobloise est l'exemple emblématique de ce positionnement. Et pourtant, grâce à un travail de réflexion et de concertation, nous avons pu développer de nouveaux écrans publicitaires sur le réseau abribus-tramway de la ville (un nouvel accord a été trouvé entre le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération grenobloise et JCDecaux jusqu'en 2031, NDLR). Cela prouve bien que rien n'est impossible et qu'à force de pédagogie, nous pouvons faire bouger les lignes", poursuit-il.
L'essor du DOOH en magasin
L'affichage dynamique en magasin fait fi de ces différentes contraintes. Moins exposés à la lumière et aux aléas météorologiques que l'affichage dans l'espace public, les écrans placés en magasin, plus durables, laissent davantage place à l'innovation. "Pour dynamiser au mieux les allées commerciales, nous disposons d'une large gamme de supports médias. Et nous continuons d'innover pour l'enrichir avec de nouveaux formats comme le Top Banner", explique Nicolas Benoit, directeur général France d'In-Store Media, spécialiste du retail media. Déployé notamment aux États-Unis, cet écran horizontal de 1,2 mètre de long incliné vers le bas est généralement installé au-dessus des rayons. "C'est un format très intéressant, car il offre la possibilité à la marque de s'exprimer directement au sein du rayon sans pour autant l'encombrer", soutient-il.
Pour être au plus près des consommateurs, la régie publicitaire In-Store Media a développé le format Top Banner, un écran d'1,2 mètre de long incliné vers le bas qui est généralement installé au-dessus des rayons.
Le DOOH en magasin permet aux annonceurs de communiquer au plus près du consommateur et de mesurer l'impact direct de leur communication sur les ventes. "Forts de leurs audiences massives et qualifiées, les acteurs du retail media ont non seulement pour vocation de faciliter la conversion d'un achat, mais aussi d'agir en amont, dans la phase de recherche d'un client, sur la notoriété et la considération d'un produit", indique Retailink, la régie publicitaire de Fnac Darty. "Qu'il s'agisse de campagnes en national, multilocal de branding ou de drive-to-store, le DOOH reste le média du dernier mètre avant l'achat", complète Mélanie Marie, head of sales de la plateforme du DOOH programmatique Displayce, dans un communiqué. Et comme l'explique Thomas Allemand (Jellyfish), le ciblage est donc aussi grandement facilité lorsque le DOOH est au service du retail media : "Nous apercevons une émergence du DOOH sur la partie retail, car cela permet de toucher des audiences spécifiques, que ce soit en grande surface, mais aussi au sein d'enseignes plus spécialisées comme des salles de sport ou des garages. Cela représente un atout indéniable pour les marques", assure-t-il.
L'accélération du programmatique
Un ciblage d'autant plus efficient si une couche de programmatique (qui permet l'automatisation de l'achat et de la mise en place des campagnes) complète le dispositif retail media. En plus des données contextuelles (géolocalisation, météo...), la data transactionnelle détenue par les acteurs du retail représente effectivement un levier particulièrement efficace pour les marques et les agences médias. Illustration avec le partenariat conclu, à la fin de l'année 2023, entre JCDecaux, Displayce et l'expert du retail media Unlimitail. En s'appuyant sur les données de comportement d'achat anonymisées de plus de 400 magasins Carrefour, cette nouvelle offre permet de diffuser "des campagnes dynamiques dans les magasins les plus affinitaires, aux meilleurs moments de fréquentation de ceux-ci, et en fonction de la consommation de chaque produit", comme le précise JCDecaux.
Plus généralement, une montée en puissance dans l'Hexagone du DOOH programmatique est identifiable depuis quelques années. Alors qu'un tiers des annonceurs français a inclus une dose de programmatique dans ses plans média, les dépenses liées à ce procédé émergeant devraient augmenter de 30 % dans les 18 mois suivant la fin de l'année 2023 (source : VIOOH). "Pour JCDecaux, l'accélération du programmatique représente un enjeu très important", confie Alban Duron.
Une publicité pour une marque de boissons rafraîchissantes sous temps maussade et pluvieux ou pour une plateforme de streaming sous un grand soleil ? Selon le directeur marketing de JCDecaux, la flexibilité du programmatique - qui prévient ce type d'incohérence publicitaire - est un atout loin d'être négligeable pour les annonceurs : "L'efficacité de la communication extérieure digitale repose sur différents triggers, dont les conditions météorologiques. Grâce au programmatique, nous pouvons privilégier, en temps réel, la diffusion d'une campagne plutôt qu'une autre, notamment en fonction de la météo." Cette flexibilité ne s'arrête pas à ce facteur. La communication des concurrents, la tenue d'événements particuliers ou encore l'actualité chaude... Les phénomènes sont nombreux à pouvoir nécessiter l'adaptation en temps réel de l'affichage publicitaire. D'où l'intérêt du programmatique !
La régie publicitaire DooH it - intégrée au groupe La Poste - a récemment dévoilé DigiCab, une solution d'affichage dopée à l'IA destinée aux VTC et aux taxis.
Quand le DOOH cède aux sirènes de l'IA
Ces derniers temps, qui dit innovation dit souvent intelligence artificielle. L'affichage digital ne fait pas exception. La régie publicitaire DooH it - intégrée au groupe La Poste - a, par exemple, récemment dévoilé DigiCab, une solution d'affichage dopée à l'IA destinée aux VTC et aux taxis. "Lorsque le client monte à bord, un écran installé devant lui analyse, en quelques secondes, son profil (genre, âge, traits du visage...) pour un ciblage optimal. Grâce à une base de données composée de plusieurs millions de visages, notre intelligence artificielle détermine ensuite le contenu publicitaire qui sera diffusé pendant le trajet", explique Mikael Bes, cofondateur et P-DG de la start-up. L'expérience ne s'arrête pas là : "Les annonceurs peuvent ainsi capter l'attention des consommateurs pendant un long moment. Ils ont même la possibilité de profiter de ce temps pour proposer un système d'échantillonnage à bord du véhicule", ajoute Mikael Bes. Déployée auprès de 1 400 chauffeurs dans l'Hexagone, cette solution présente un volume mensuel de 16 millions d'impressions.
Le DOOH comme "complément d'audience" pour Perrier
Avec près de 5 000 écrans activés et plus de 22 millions de spots diffusés sur le premier semestre 2024, Perrier investit le DOOH depuis une dizaine d'années. "Ce canal de communication représente un très bon complément d'audience sur une cible jeune, urbaine au sein d'univers affinitaires et puissants. Il permet notamment de capter les cibles au coeur des lieux de vie des consommateurs en jouant sur l'impact et la qualité de diffusion", indique Sophie Jean Jarry, directrice des marques d'eaux gazeuses chez Nestlé Waters. Bien que les campagnes de Perrier ne soient "pas pensées en amont avec du DOOH", plusieurs de ses avantages poussent la marque à continuer d'investir dans ce média : "L'étendue et la diversité de l'offre en France, son dynamisme marché d'année en année, sa souplesse et son efficacité en font un média apte à être référencé et travaillé sur mesure pour les campagnes Perrier", précise Stéphanie Biremon, lead France Nestlé chez Openmind (GroupM), l'agence chargée de la stratégie média de Nestlé. De plus, "le DOOH jouit d'une complémentarité naturelle avec les autres médias traditionnels, comme la télévision, puisqu'il permet de toucher une autre cible et de travailler le renfort géographique", estime Valérie Bichebois, directrice du pôle affichage chez GroupM.