"Belle marque" : entre mythe, perception et promesse
La notion de "belle marque" fascine autant qu'elle interroge. Loin de se limiter à l'esthétique ou à la notoriété, elle s'impose aujourd'hui comme un objet d'étude à part entière, révélant les aspirations, les fractures et les mutations de notre société de consommation. C'est ce que met en avant l'étude inédite menée par Viavoice pour Zmirov Communication, enrichie d'une analyse sémiologique de Luca Marchetti, spécialiste des industries culturelles et du branding.

"La marque est une créature symbolique, constituée de signes, de mots, d'idées et de valeurs", annonce Luca Marchetti. Dès lors, la "belle marque" ne saurait se résumer à une question de design ou de visibilité. Elle renvoie à une expérience globale, à une réputation, à une cohérence et à une capacité à incarner des valeurs en phase avec les attentes de ses publics. À l'instar d'une "belle personne", la "belle marque" attire, séduit, rassure et fidélise, non seulement par ce qu'elle propose, mais par ce qu'elle représente et promet.
Les Français unanimes sur les fondamentaux... mais divisés sur la perception
L'étude Viavoice révèle que 89 % des Français associent une belle marque à une réputation solide et positive, 87 % à des produits ou services de haute qualité, et 85 % à une accessibilité et à des valeurs claires. L'expérience client, la capacité à tenir ses promesses et la cohérence dans le temps apparaissent comme des critères centraux.
Mais derrière cette apparente unanimité, l'étude met au jour d'importantes divergences générationnelles. Les 25-34 ans n'hésitent pas à qualifier Shein, AliExpress ou Temu de "belles marques" pour leurs prix bas et leur agilité numérique, reléguant la réputation ou l'histoire au second plan. À l'inverse, les plus de 65 ans plébiscitent Miele, Chanel ou La Laitière, marques patrimoniales synonymes de fiabilité et de constance : 96 % d'entre eux placent la réputation au sommet des critères.
La beauté d'une marque, une construction subjective
La beauté d'une marque, selon Marchetti, "Touche plus à son image qu'à son identité" et dépend du regard porté par chaque génération, chaque catégorie sociale. Pour les jeunes, l'émotion, l'expérience, le rêve ou même un beau logo (82 % des 18-24 ans) priment souvent sur la réputation. Pour les seniors, la fiabilité, la qualité et l'histoire restent essentielles.
Cette diversité de perceptions révèle l'évolution des attentes : la "belle marque" n'est plus une vérité universelle, mais une construction culturelle, affective et contextuelle. Elle doit refléter les aspirations de chacun, qu'il s'agisse de statut, d'accessibilité ou de plaisir instantané.
Quatre univers symboliques de la "belle marque"
L'étude distingue plusieurs univers de belles marques :
- L'excellence statutaire : des marques de luxe ou patrimoniales (Chanel, Louis Vuitton, Miele) qui conjuguent héritage et innovation.
- La fiabilité premium : des marques technologiques ou automobiles (BMW, Samsung, Sony) synonymes de performance et de confiance.
- Le réconfort accessible : des marques du quotidien (Deliveroo, Coca-Cola, Netflix) qui cultivent une relation émotionnelle et s'intègrent parfaitement aux usages numériques.
- L'ultra-accessibilité décomplexée : des plateformes digitales (Shein, Temu, AliExpress) qui misent sur l'immédiateté, les petits prix et la variété, séduisant une clientèle jeune et mobile, peu sensible à l'éthique ou à la réputation.
Les ingrédients d'une "belle marque" en 2025
Au-delà des perceptions, l'étude dresse le portrait-robot de la "belle marque" contemporaine : elle doit conjuguer réputation, qualité, expérience client, accessibilité et valeurs affirmées. Des marques comme BMW, La Roche Posay, Levi's, Adidas, Evian, Leroy Merlin ou Doctolib arrivent en tête dans leur secteur, chacune incarnant à sa façon ces critères d'excellence.
Mais la fidélité des consommateurs dépend désormais de la capacité des marques à répondre à des attentes multiples et mouvantes : engagement sociétal, respect de l'environnement, soin des salariés, proximité émotionnelle, mission claire... Autant de leviers pour construire, au-delà du mythe, une réalité tangible et durable.
Loin d'être un simple label, la "belle marque" reflète la complexité des désirs contemporains. Elle doit savoir rassurer sans figer, innover sans trahir, séduire sans tromper. En somme, elle est à la fois promesse et perception, mythe et réalité, miroir de nos aspirations individuelles et collectives.
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