CMO : quels profils... pour quels salaires ?
Les fonctions marketing et communication contribuent plus que jamais à la transformation des entreprises. Les équipes doivent faire preuve de compétences techniques, analytiques et comportementales de plus en plus pointues qui, pour certaines au moins, se traduisent sur les rémunérations.
Data, acquisition, influence, impact, réputation... Ces leviers, devenus stratégiques dans un univers de plus en plus concurrentiel, appellent de nouvelles compétences chez les équipes marketing et communication des entreprises. Dans la première édition du CMO Profiles, observatoire des évolutions du marketing réalisé par l'Adetem avec BVA et publié en juin 2022, 42 % des Chief Marketing Officers (CMO) considèrent que la fonction marketing est devenue plus importante avec la crise sanitaire et 76 % estiment avoir un rôle à fort impact sur le business. 53 % trouvent que les ressources et les moyens à leur disposition sont toutefois insuffisants pour accompagner les transformations en cours...
Sur les postes de middle management, deux types de compétences sont très recherchés : celles qui tournent autour du marketing acquisition (qui mettent en oeuvre des stratégies d'Inbound marketing, de référencement...) ou de l'analytique, ce qui inclut des web analysts, à même d'analyser le retour sur le trafic des sites web, des digital analysts et autres data analysts. "Les profils qui font appel à des compétences techniques sont sur-sollicités et les candidats le savent. Sur certaines fonctions, on n'arrive pas à trouver de candidats, car on n'en forme pas assez", note Aurélie Bomel, experte en recrutement sur les fonctions digital, web marketing et e-commerce à la division Sales & Marketing de Michael Page. Dans son étude rémunération 2023, le groupe note que les experts du marketing digital (développement web, data sciences et gestion de contenus) continueront d'être très sollicités l'an prochain. Tout comme les profils très spécialisés du webmarketing : account manager e-commerce, bid manager, content strategist, lead generation manager et product owner.
Le marketing digital sous tension
"La tendance est au marketing efficace pour générer du lead et de les transformer en clients. Le terme de growth hacker, qui était plutôt utilisé dans les start-up, se voit aujourd'hui plus fréquemment en marketing", poursuit Jacques Froissant, directeur général du cabinet Altaïde. La tension sur les compétences en marketing digital se ressent sur les rémunérations : "Les postes de data marketing, d'inbound marketing ou de marketing automation sont un peu sur-payés. Avec le ralentissement de la croissance, les entreprises vont être un peu plus regardantes sur les salaires, qui ont pas mal augmenté en 2021 et encore au début de 2022", avance-t-il.
Plusieurs tendances se dessinent chez ces professionnels : "Les candidats aux profils très techniques ont moins envie d'être cantonnés à une seule tâche et cherchent des postes plus généraux. Parfois, avant le salaire, ils regardent la liberté qu'offre l'entreprise sur les possibilités de télétravail ou la flexibilité pour organiser leurs horaires. Plus ils sont geeks, plus ils veulent travailler chez eux. Les entreprises ont souvent du mal à le comprendre...", remarque Aurélie Bomel. Si les jeunes entrent souvent dans une grosse équipe marketing via un sujet ou une compétence spécifique, les bons profils digitaux évoluent assez rapidement. "Mais si quelque chose ne leur plait pas dans leur poste, ils sont désormais prêts à bouger. C'est un réflexe que l'on voyait moins il y a trois ou quatre ans", ajoute Jacques Froissant.
Diversité des expériences
"Le CMO est devenu un super directeur marketing"
Devenue multidisciplinaire, la direction marketing gère, selon l'organisation de l'entreprise, des data scientists - la compétence data est devenue un minimum exigé -, des équipes études, expérience client, parfois la RSE... "Le CMO est devenu un super directeur marketing, en charge de la transformation de l'entreprise car le marketing impulse et influe dans toutes les directions", observe Maya Henni, directrice conseil, projets & partenariats au sein du cabinet Exolys. Les passerelles entre secteurs d'activité constituent, selon elle, un bon moyen pour apporter du sang neuf aux équipes : "Rester en mono-secteur n'apporte pas grand-chose de neuf. Particulièrement dans le marketing, un bon CV se construit par la diversité des expériences. Quelqu'un qui a un bon socle saura s'adapter et faire profiter l'entreprise de ce qu'il a vécu et expérimenté ailleurs." Les parcours construits étape par étape sur différents aspects de la fonction ouvrent des perspectives d'évolution. "Après avoir travaillé sur la transformation de l'entreprise, un CMO peut viser des postes de direction générale. Bien plus que par le passé, le dg de demain est issu du marketing", affirme Maya Henni. A l'image d'Isabelle Herman, nommée directrice marketing de KFC en 2020 et directrice générale de l'enseigne en septembre 2022.
Chez les directeurs de communication également, les profils aux expériences variées sont appréciés. "Dans les grands groupes, ils gèrent de grosses structures, des budgets importants et sont très exposés. Tout cela implique une maturité, un savoir-faire métier et fonctionnel qui s'acquiert en se frottant à différents environnements", assure Yann de Kersauson, directeur associé du Groupe Arthur Hunt. Dans sa chasse aux talents, il est sensible aux profils hybrides, qui sont passés en agence et en entreprise, savent que la communication doit obéir à des règles de profitabilité et booster le business. "Les profils idéaux ont touché aux différentes facettes de la communication dans une logique de business partner. Par exemple avec des candidats qui sont passés chez l'annonceur - et ont forcément travaillé avec des prestataires -, qui connaissent les codes de l'entreprise et la complexité administrative, mais aussi la dynamique, la réactivité et les besoins de l'agence", résume-t-il.
Bien moins pénuriques que les profils marketing, les postes de communication sont majoritairement des profils féminins. "À partir d'un certain niveau de séniorité, à compétence égale, un employeur sera sans doute davantage sensible à une candidature féminine. Ces postes sont aussi une manière de féminiser le Comex, témoigne Yann de Kersauson. Un grand groupe qui veut sécuriser une dircom qui a fait ses preuves dans une entreprise du CAC 40 devra lui proposer des niveaux de rémunération de Comex."
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En entreprise comme en agence, l'influence fait partie des compétences les plus demandées post-Covid. Sur ces fonctions de communication institutionnelle, les candidats doivent maîtriser l'édition, la relation presse, toutes les facettes de l'événementiel, parfois la publicité, comprendre les leviers des affaires publiques pour faire des plaidoyers... Ils se recrutent par exemple dans des profils ScPo ou école de commerce qui ont passé 5 à 10 ans en grande agence. Les compétences en com interne et marque employeur, mais aussi tout ce qui tourne autour de l'engagement et de l'impact sont très recherchés. Sans oublier la communication financière, qui reste un pilier du métier.
Fourchettes de rémunérations sur les postes marketing et communication (en K€, brut annuel fixe)
Béatrice Grenade (Bel) : « Le CMO nouvelle génération doit développer un hyper-savoir »
Dans quelle mesure l'intitulé de votre poste illustre la transformation de la fonction marketing ?
Peu de gens réalisent à quel point l'environnement est devenu complexe et expose chaque individu à de nombreuses dimensions à la fois. Réunir la somme des connaissances disponibles pour prendre la bonne décision dans un monde très changeant et multifacettes devient extrêmement difficile. La data permet de développer des hypothèses, de prétrier le champ des possibles et aide à la décision. Être capable de l'utiliser partout et à bon escient augmente la puissance des gens qui décident et exécutent. Le CMO nouvelle génération doit avoir cette compétence et développer un « hyper-savoir » pour s'ouvrir à l'extérieur, aller chercher dans l'entreprise la valeur ajoutée auprès de profils très pointus dans leur domaine et connecter ces expertises les unes aux autres. Il est aussi essentiel par l'état d'esprit qu'il peut insuffler dans l'entreprise pour faire face à la complexité et la rendre abordable.
Votre parcours diversifié vous aide-t-il à vous projeter dans cet « hyper-savoir » ?
Avoir pour soi-même cette approche expérimentale permanente aide à trouver des solutions qui n'émergent que par l'expérience et en s'ouvrant à ce qui se passe partout. Mon parcours a souvent été considéré comme « instable ». Depuis quelque temps, il est devenu plus attractif - certains disent même « précurseur » - car le monde a changé. Toutes les entreprises ne sont pas encore convaincues de l'importance de ce type de profil mais c'est en train de bouger. Sous la contrainte du marché, beaucoup s'interrogent sur leur manière de fonctionner et de s'organiser.
Réfléchissez-vous différemment à la manière dont vous faites évoluer vos équipes ?
Absolument. Chez Bel, la transformation a commencé par le marketing avec des équipes aux compétences fortement renforcées sur les hard skills et avec des personnes aux postures très humaines, capables de transmettre une expérience. Un marketeur doit comprendre le consommateur et les problèmes des gens dans l'entreprise pour qu'ils soient à même d'apporter des solutions au consommateur. Il faut travailler toutes ces dimensions en même temps.
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