Confirmation du Stop Pub : les leçons à tirer de l'expérimentation Oui Pub
Faute d'une réelle amélioration pour l'environnement, l'expérimentation Oui Pub s'achève, non sans dommages pour les commerces locaux. Ceux-ci pourront compter sur le retour du Stop Pub et le géomarketing pour relancer leur communication locale.

Lancée suite à la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, l'expérimentation Oui Pub devait lutter contre le gaspillage et la pollution générés par la distribution d'imprimés publicitaires sans adresse (ISA), en inversant le principe du Stop Pub : elle n'était désormais possible qu'auprès des foyers ayant demandé de manière explicite à recevoir des prospectus via l'apposition d'un autocollant "Oui Pub" sur leur boîte aux lettres.
Cette expérimentation s'achève ce 1er mai 2025 dans les 14 territoires où elle était menée, sans que le gouvernement n'ait estimé opportun de la généraliser à l'ensemble du territoire. En effet, l'ADEME, qui pilotait l'expérimentation depuis mai 2022, n'a pas été en mesure de prouver qu’un moindre recours au papier entraîne une baisse de la pollution.
Certes, les collectivités volontaires (syndicats de gestion des déchets dans la plupart des cas) pour participer à l'expérimentation ont pu se réjouir de la baisse des volumes de papier à traiter et recycler - le tonnage a diminué de 22,5% à 70,8% selon les zones -, mais c'était sans compter sur une baisse naturelle des volumes nationaux et sur le report des investissements publicitaires vers le numérique, qui ont annulé en partie les gains pour l'environnement. Regarder cette expérimentation uniquement avec le prisme de la réduction des déchets est une erreur et pose le problème de l’équité de la communication locale.
Peu favorable pour l'environnement, pénalisante pour le commerce
"Vaut-il mieux utiliser du papier, dont le taux de recyclage dépasse les 75%, ou favoriser le numérique, dont l'empreinte en France a doublé en deux ans selon l'ADEME*, et alors qu'on a du mal à traiter les déchets électroniques ?", demande Arnaud Dubin, directeur commercial et marketing associé de Pub Audit, spécialiste du géomarketing, et animateur du Cercle d'Alliés, un regroupement informel de plusieurs acteurs de la filière papier.
Il ajoute : "Au-delà de la baisse des volumes de prospectus, et donc de matière première pour le papier recyclé, l'expérimentation Oui Pub a eu un impact néfaste sur l'ensemble d'une filière qui a déjà entamé depuis longtemps sa transition environnementale."
Compte tenu des difficultés à distribuer les prospectus de manière rentable dans les zones d'expérimentation, et en anticipation d'une éventuelle généralisation du dispositif, sans oublier les opérations de greenwashing menées par certaines enseignes, les investissements publicitaires réalisés au profit de l'ISA ont nettement reculé ces dernières années, fragilisant l'ensemble de la filière : producteurs de papier, imprimeurs, distributeurs et, in fine, les enseignes de distribution.
Or, si le gouvernement n'a pas généralisé Oui Pub, c'est aussi pour tenir compte d'un "contexte de transition déjà à l'œuvre en matière de publicité", alors que l'utilisation en bonne intelligence du numérique et du papier permet de concilier diminution de l'impact environnemental et performances publicitaires. "Tout basculer sur le digital pour des raisons environnementales n'a pas de sens, contrairement à l'utilisation du digital, et surtout de la data pour adopter une approche géomarketing et limiter la distribution des ISA aux foyers les plus susceptibles de convertir", rappelle Arnaud Dubin, qui encourage les enseignes à adopter un mix-média varié afin de toucher l'ensemble de leurs cibles et de répondre à leurs différents objectifs de communication.
Une expérimentation également défavorable aux consommateurs
Reste qu'en digitalisant leurs investissements publicitaires, "les magasins physiques se sont privés d'un média efficace, le papier, enrichissant les GAFAM, qui captent ainsi la moitié des investissements de ces commerces de proximité. Ces derniers font alors face à la concurrence d'acteurs digitaux globalisés ultra low-cost comme Shein ou Temu, sans grand résultat pour générer du trafic en point de vente et recruter de nouveaux clients", explique Loïc Verley, Directeur Général de Pub-audit. À la baisse de l'efficacité des investissements des enseignes et la fragilisation d'un canal de communication local et souverain s'ajoute aussi une perte pour les consommateurs, toujours à la recherche de moyens de comparer efficacement les offres et promotions dans un contexte de crise du pouvoir d'achat.
Ainsi, l'ISA est le support publicitaire favori des Français selon les baromètres réalisés depuis 2022 par Toluna pour le compte de Pub Audit : 55% d'entre eux le juge utile, alors qu'il est le seul média à dépasser la barre des 50% d'opinions favorables. Une réalité confirmée par une autre étude menée par LSA/Mediaposte, selon laquelle l'ISA distribué en boîte aux lettres est le support le plus utilisé pour découvrir de nouveaux commerces, devant le bouche à oreille. Préserver ce canal est donc vital, d'autant plus que les Français aiment ces commerces de proximité : 97% des consommateurs sondés par LSA/Mediaposte indiquent les fréquenter, y compris chez les plus jeunes, avec 88% des moins de 35 ans qui s'y rendent de manière hebdomadaire. Seul frein à cette fréquentation : le prix, cité par deux tiers des sondés. Or, dans ce contexte, 20% des Français sondés par Toluna déclarent plus utiliser les catalogues et prospectus qu'auparavant pour réaliser leurs achats.
La fin de Oui Pub entraîne un retour au dispositif Stop Pub, au grand soulagement des enseignes et des professionnels de la communication locale qui vont pouvoir à nouveau utiliser à son plein potentiel ce média de proximité, souverain et surtout efficace qu'est l'imprimé sans adresse. Un média que le Cercle d'Alliés veut désormais moderniser : "Nous travaillons à la mise en place d'une mesure de qualité de la distribution commune à tous les acteurs du marché qui garantira le respect du Stop Pub, la limitation du gaspillage et la distribution dans de bonnes conditions, afin d'assurer aux annonceurs de la visibilité, et aux régulateurs l'observation des réglementations en place", explique Arnaud Dubin, qui aura considéré cette expérimentation comme une opportunité d’évolution. Malgré son impact néfaste sur la filière, l'expérimentation, et les conclusions de l'ADEME, auront permis, on l'espère, d'en finir avec les idées reçues sur le prospectus.
*de 17 à 29,5 millions de tonnes équivalent CO2 par an selon un avis de l'ADEME publié en janvier 2025.
Rédigé par Pub Audit