DossierL'avènement du marketing 3.0
Marketing 1.0 : hors du produit, point de salut. 2.0 : cibler le consommateur à tout prix. La tendance actuelle est à l'humanisation de la marque et à la création de valeur. Le marketing 3.0 devient collaboratif et s'appuie sur les avancées technologiques, notamment le neuromarketing.

Sommaire
- Vers un marketing de l'expérimentation permanente ?
- Un contexte inédit et mouvant
- Un besoin urgent de transparence
- Les chemins de la reconquête
- L'action marketing passe au temps réel
- [Vidéo] Bruno Teboul, Université Paris-Dauphine : "La proche révolution du marketing 3.0"
- Petit abécédaire du neuromarketing appliqué aux études
- Les outils du neuromarketing
- Neuromarketing contre marketing du neurone
- Un outil parmi tant d'autres
- Le neuromarketing, un nouveau cadre théorique pour de meilleures pratiques
- Mieux comprendre le comportement du consommateur
- Quelques mots sur les auteurs
- Ces méthodes qui bouleversent les études marketing
- S'impliquer dans l'expérience
- Aller au-delà des mots
- EmoScale, le logiciel qui révèle les émotions des consommateurs
- [Vidéo] Gabriel Kepeklian, Atos : l'avènement du Web sémantique
1 Vers un marketing de l'expérimentation permanente ?
"L'imprévisible? C'est un événement qui fait date, comme le 11 septembre ou Fukushima. Et les événements de ce type sont de plus en plus fréquents", lance Michel Hébert, consultant en marketing et président de No-Logic Consulting. Mais comment prévoir l'évolution des marchés et de la situation économique lorsque l'avenir du monde lui-même semble incertain? "Quand on affirme que le monde est imprévisible et que les prévisions sont fausses, que devient le business plan? Quel sens prend-il? Comment l'établir?", questionne le consultant. L'institut Limelight Consulting a mené en 2012 une étude pour No-Logic consulting sur le thème "les entreprises face à l'imprévisible"(1), dont les résultats sont éloquents: pour 65% des entreprises sondées, l'imprévisible devient le défi numéro 1. La prise de conscience a eu lieu. Elle ne sera pas sans conséquences pour les marques et leur direction marketing.
2 Un contexte inédit et mouvant
Avec le changement climatique et la diminution des réserves de ressources naturelles, l'émergence des Brics, la crise financière et l'explosion du modèle capitaliste, le monde a basculé du XXe siècle dans le XXIe. Ces bouleversements chamboulent l'économie, les entreprises et la vie quotidienne, et affectent les consommateurs. En France, observe Babette Leforestier, directrice des études documentaires chez TNS Sofres, "les grandes tendances sociologiques qui influent sur la consommation sont le vieillissement de la population, la poussée de comportements conservateurs et la baisse du nombre de personnes par foyer, qui se traduit par des comportements plus égoïstes et, enfin, la paupérisation". La crise est majeure, le retour de la croissance une espérance de plus en plus illusoire. Pour 2013, les observateurs s'attendent au pire. Hausse du chômage, précarisation du travail, augmentation du budget des dépenses contraintes - logement, énergie, impôt -, les revenus s'effritent. Et pas seulement pour quelques mois. "De nouvelles valeurs apparaissent, analyse Emma Fric, directrice de la recherche et de la prospective chez Peclers Paris, agence conseil en tendances. Le consommateur est en quête de sens." Les angoisses liées à la situation politique, économique, environnementale montent. Babette Leforestier enfonce le clou: "Le marché est saturé. Les très riches consomment, les ménages aisés, qui pourraient consommer, n'en ont plus envie et les autres n'en ont pas les moyens." L'hyperconsommation a vécu.
3 Un besoin urgent de transparence
Comment, dans ce contexte, ressusciter l'envie de consommer des produits inutiles? Première piste, jouer la transparence. L'idée n'est pas neuve, mais la tendance se confirme. "Beaucoup de marques s'inscrivent dans des stratégies durables, commente Emma Fric, car les consommateurs sont attentifs à la qualité de vie, aux concepts de cité verte. La demande d'éthique et d'engagement est forte."
Deuxième piste, les marques doivent se réapproprier leur espace médiatique et géographique. Les consommateurs, qui ont pris la parole via les réseaux sociaux, ont un train d'avance. "Ils contournent les marques, prennent les choses en main et changent leur vie", précise Emma Fric. Tandis que le marketing ne sait toujours pas exploiter les données issues des réseaux sociaux... À peine les marques parviennent-elles à assurer une présence digitale, à réunir des fans et à choyer quelques ambassadeurs. La cocréation, inspirée par le Web 2.0? "Ce n'est qu'un alibi de communication, lâche Brice Auckenthaler, cofondateur de Tilt Ideas, conseil en innovation, marque et prospective. Il sert davantage aux marques à s'exprimer qu'à véritablement réinventer l'offre." Pour répondre au besoin de transparence, les marques doivent se montrer à l'écoute des besoins, alors que les outils du social CRM n'existent pas encore. Sous les yeux des marketeurs impuissants, les informations s'amoncellent dans de gigantesques entrepôts de données. Et ce n'est pas tout: les marques voient leurs territoires géographiques menacés. "Nous entrons dans l'ère de l'Asie, annonce Emma Fric (Peclers Paris). Attention, ce ne sont plus les marques occidentales qui partent à la conquête des nouveaux marchés, mais les marques asiatiques qui s'installent dans les pays occidentaux et s'imposent comme marques globales." Dans l'électronique, c'est un fait établi avec Samsung, mais le phénomène s'amplifie, avec Uniqlo dans l'habillement par exemple... Et ce ne serait qu'un début.
Marques globales, consommation locale? Le GloCal est né. "Ce n'est pas antinomique, estime Emma Fric. Nous vivons dans un monde de convergence, où l'accès à la culture de l'autre est facilité et où nous assistons en même temps à la résurgence de la culture tribale." Exit le mass market, les consommateurs sont séduits par la production locale, les produits de niche. Et le consommateur affirme son individualité. Dans sa quête d'épanouissement, il s'extrait des comportements normatifs. Famille recomposée, abolition de la frontière entre la sphère privée et la sphère professionnelle: il bouscule l'ordre établi. Demain, grâce à la science, qui décrypte le génome humain, il ne devrait pas tarder à exiger des produits correspondant à son patrimoine génétique. À son contact le marketing doit apprendre à cibler l'individualité tout en orchestrant un marketing social.
4 Les chemins de la reconquête
Le marketing s'oriente vers une meilleure connaissance de ses cibles. "Il répondra à des attentes de plus en plus disparates ainsi qu'à des cibles de plus en plus éloignées", confirme Yves Krief, président de Sorgem, institut d'étude de marché. Pour alimenter son analyse, il a besoin d'études de fond. L'expertise sectorielle se développe. "L'oreille des marketers va se faire plus attentive à ce que disent les études, annonce l'expert. En apportant des informations structurantes, elles réduisent la complexité." Les entreprises d'envergure mondiale, devenues globales, cultivent de multiples approches locales. Et des conflits internes apparaissent, qui opposent la vision des filiales locales, pilotées par des marketers locaux, à leurs directions mondiales. Pour l'instant, les cabinets d'étude "embarqués dans ce genre de conflit, répondent à la demande en fournissant des éléments différenciés", confie Yves Krief. Les études de fond, mixant les approches qualitative et quantitative, devraient aboutir à une combinatoire capable de guider le marketing. En s'appuyant sur une meilleure connaissance des cibles, le marketing pourrait bien reprendre les opérations en main et réinvestir l'espace laissé vacant. C'est du moins l'avis de Brice Auckenthaler (Tilt Ideas): "Le next marketing sera push et proposera de véritables services aux consommateurs." Dans le cas contraire, l'expert ne donne pas cher de la peau des marques, qui risqueraient de ranimer la défiance. Elles n'auraient donc plus d'autre choix que de répondre aux désirs d'efficacité.
"Le concept de marque service se dessine, remarque Babette Leforestier (TNS Sofres), avec des marques qui rendent réellement service au client. Les exemples abondent, celui de Nike, avec ses chaussures qui enregistrent les performances, est le plus flagrant." Ce positionnement n'est pas sans conséquences organisationnelle et fonctionnelle. Le job du directeur marketing évolue. "Les business schools seraient bien avisées d'en tenir compte, glisse Michel Hébert (No-Logic Consulting), qui appelle à un Grenelle de l'enseignement marketing et communication." Pour lui, les filières d'enseignement devraient s'intéresser à la "glocalisation", à la sincérité dans la communication, au design thinking ou encore à la flexibilité et à la mobilité stratégique. Car il devient urgent de former les esprits qui conduiront le marketing de demain. "Le directeur marketing sera soit directeur marketing et communication - il veillera à la bonne gestion de la marque -, soit directeur marketing et commercial - il pilotera alors la marque en restant connecté avec le terrain et les équipes de vente", estime Brice Auckenthaler. Avec le push, le directeur marketing change de posture et s'érige en gardien du temple, garant de la mission de la marque et de la cohérence des offres. Gestionnaire du portefeuille clients et prospects et technophile averti, il pilotera sa base de données CRM, reliée à tous les points de contact, et surveillera les analyses fournies par le datamining.
5 L'action marketing passe au temps réel
Au-delà de la fonction marketing, c'est l'organisation de l'entreprise qui mute. "Face à l'imprévisible, martèle Michel Hébert, il faut instiller de la souplesse dans le business plan, avec des portes de sortie et des réserves budgétaires au cas où les prévisions seraient fausses." Et contourner le problème, en recourant à des méthodes scientifiques et en initiant - à l'image d'un Google-un marketing de l'expérimentation permanente pour ouvrir de nouvelles voies. Le temps du marketing se modifie alors que l'action marketing se déroule désormais en temps réel. Pour le président de No-Logic Consulting, le marché - hier autoroute - ressemblera de plus en plus à une piste du Paris-Dakar. La carte de navigation est incertaine, mais il s'agit toujours d'une course: les marques concurrentes doivent arriver à temps pour ne pas être éliminées. "Paradoxalement, s'enthousiasme Michel Hébert, l'imprévisible peut être bénéfique, pour peu que nous parvenions à réintroduire de l'opportunisme et de l'intuition au sein des entreprises." À penser les organisations pour laisser place à l'imagination. À passer du "bien vu" au "vu autrement", grâce au mélange des compétences et au brassage des idées. Les grandes réussites marketing n'ont-elles pas une belle dose de flair à leur origine? Steve Jobs avec Apple, Pierre Lescure avec Canal Plus, etc. D'Afflelou à Starbucks, les exemples sont légion. L'avenir, c'est maintenant.
En mal de repères dans un monde instable, les marques apprennent la souplesse pour répondre aux incessantes mutations de leurs écosystèmes. En disséquant les tendances actuelles, les prospectivistes dessinent pour elles le visage du marketing et des marketeurs de demain.
6 [Vidéo] Bruno Teboul, Université Paris-Dauphine : "La proche révolution du marketing 3.0"
Doctorant et enseignant à l'Université Paris Dauphine et auteur du livre "L'Absolu Marketing", Bruno Teboul était sur le Salon T2M le 13 juin 2013 pour partager avec emarketing.fr sa vision de l'avenir du marketing.
Il nous explique quelles sont les tendances du marketing qui émergeront ces prochaines années: Web 3.0, le neuromarketing ou encore le big data...
Doctorant et enseignant à l'université Paris Dauphine et auteur du livre "L'Absolu marketing", Bruno Teboul était sur le salon T2M pour partager sa vision de l'avenir du marketing et du Web 3.0.
7 Petit abécédaire du neuromarketing appliqué aux études
Les neurosciences ont progressé de manière importante depuis le début des années deux mille. Le neuromarketing n'est que l'arbre qui cache la forêt des multiples applications qui en découlent. Médecine, apprentissage, justice, aide aux personnes atteintes d'un handicap, les enjeux liés aux neurosciences sont majeurs pour les sociétés contemporaines. Comme tout progrès scientifique, il bouscule les habitudes et contient les germes de sa contestation, qui passe notamment par les enjeux éthiques. Les neurosciences proposent des outils de mesure du système nerveux de plus en plus accessibles pour suivre, entre autres, l'activité cérébrale. Elles permettent notamment de mesurer les émotions, conscientes et non conscientes, en dépassant les limites d'un recueil déclaratif par questionnaire. Or, l'importance des émotions dans la prise de décision est reconnue depuis de nombreuses années. Elle est, plus récemment, mise à l'honneur par le courant montant de la pensée économique qu'est la "behavioral economics" (économie comportementale), Daniel Kahneman, prix Nobel, et Dan Ariely (professeur de psychologie et d'économie) en tête. Les marketeurs s'en inspirent: ils tentent d'intégrer les émotions pour mieux comprendre le comportement des consommateurs. évolutions des neurosciences mérite que soit posée la question de l'association entre ces deux univers.
8 Les outils du neuromarketing

Toute émotion ressentie provoque des réactions cérébrales et corporelles, conscientes ou non. Et ce, via des afflux sanguins dans certaines zones du cerveau, la transpiration, les contractions musculaires, l'accélération du rythme cardiaque ou, de manière plus visible, les expressions du visage. Les mesures des manifestations cérébrales sont dites centrales tandis que celles de l'activité corporelle sont qualifiées de périphériques. Les valeurs issues de ces mesures ne sont pas bonnes ou mauvaises en elles-mêmes. Elles ne font qu'expliquer le phénomène observé.
- Les mesures centrales appliquées au marketing sont au nombre de deux. - L'IRMF (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle), ou scanner, permet de disposer d'une cartographie détaillée du cerveau, et donc des zones qui s'activent en cas d'exposition à un stimulus, quel qu'il soit (publicité, emballage, dégustation, etc.). Certaines recherches suggèrent que chaque zone du cerveau est attachée à une émotion ou traduit une attention, une activation des sens (olfactif, visuel...), une mémorisation... Plusieurs travaux indiquent néanmoins que de nombreux autres facteurs doivent être pris en compte, comme la séquence d'activation des zones et leur simultanéité.
- L'EEG (électroencéphalographie), casque à électrodes posé sur la tête, permet également de mesurer l'activité cérébrale, mais de manière beaucoup plus superficielle. Une plus forte activité du côté gauche ou droit du cerveau distinguerait les émotions positives des émotions négatives, tandis que, de manière plus consensuelle, l'activation des ondes alpha et bêta fournit une mesure de l'attention portée au stimulus.
- Les mesures périphériques sont plus nombreuses. Seules les principales sont présentées ici.
- L'EDA (Activité électrodermale) mesure la microtranspiration par la conductance cutanée, au moyen de deux électrodes posées sur les doigts. Une augmentation de la transpiration traduit un engagement émotionnel, indépendamment de sa valence (sens positif ou négatif de ce qui est ressenti).
- L'ECG (électrocardiogramme) mesure le rythme cardiaque. Il est souvent associé à des mesures de température et de respiration. Il mesure l'engagement émotionnel et sa valence, selon et les techniques associées.
- L'EMGF (électromyographie faciale) mesure les pré-tensions des muscles du visage à l'aide d'électrodes. Selon les muscles activés,

- zygomatiques et/ ou corrugateurs -, il permet de déterminer la valence de l'émotion. Sur le même principe, le décodage facial analyse les mouvements du visage via un expert ou un logiciel. A condition qu'ils soient visibles (sourire, froncements de sourcils), cette méthode permet de déterminer la nature de l'émotion ressentie (joie, tristesse, etc.).
9 Neuromarketing contre marketing du neurone
Il existe deux enjeux associés au neuromarketing. Le premier est celui de la recherche académique, le second celui des professionnels des études et du marketing. Pour la recherche, le neuromarketing est utilisé afin d'éclairer sous un nouveau jour l'impact du marketing mix et le comportement du consommateur Cela va plus loin pour les professionnels, qui souhaitent pouvoir mesurer l'émotion ou l'attention portée à un stimulus donné: publicité, concept, packaging, dégustation... De nombreuses publications scientifiques permettent d'établir que le neuromarketing apporte des connaissances supplémentaires sur les effets du marketing mix et le comportement des consommateurs. Du côté des pratiques professionnelles, le neuromarketing tient-il ses promesses? Tout dépend de celles qui ont été faites. Avoir un regard critique sur ce que peut ou ne peut pas réaliser le neuromarketing, en l'état des connaissances actuelles, est indispensable pour qui souhaite l'utiliser Le mythe du bouton d'achat, véhiculé par certains professionnels, est dévastateur Non, il n'y a pas de zone qui s'allume dans votre cerveau lorsque vous achetez un téléphone portable. Oui, une émotion positive vous attirera plus vers une tablette de chocolat. Lachèterez-vous pour autant? De même, un stimulus doit susciter l'attention. Mais que signifie une forte attention sur un emballage? Un intérêt ou une mauvaise compréhension? Le neuromarketing permet d'observer les émotions et l'attention, c'est indéniable. Mais seules, ces mesures restent difficiles à interpréter En revanche, associées aux traditionnelles méthodologies d'études, elles apportent un réel complément d'information. Par exemple, en démontrant que malgré l'émotion positive suscitée par la publicité, la mémorisation de la campagne n'est pas à la hauteur des attentes. Ou encore: le pack suscite de l'attention et le questionnaire montre clairement que le bénéfice produit n'est pas compris.
- Un regard éthique
Au-delà de l'information apportée par les outils neuroscientifiques, les questions d'éthique sont primordiales. Ethique professionnelle, liée à l'opportunité d'utiliser ces outils pour certaines problématiques. Tant dans la finalité de l'objet de la recherche que dans la légitimité de l'outil utilisé. Est-il acceptable de mobiliser des IRM pour des études marketing, alors que l'attente pour passer une IRM médicale est de 30 jours? De même, le rapport coût /bénéfice, qui arbitre entre le risque pour la santé des participants et les enseignements attendus de la recherche, est-il toujours favorable? Ethique sociétale, dès lors que les neurosciences donnent accès à des informations que le participant n'a pas envie ou pas conscience de partager Que ces informations soient en rapport ou non avec l'étude réalisée, comme la santé du participant. La protection des données privées est ici en jeu. Enfin, le neuromarketing pose la question du librearbitre de l'individu: le consommateur est-il maître de ses décisions ou influençable? En France, le législateur a commencé à s'emparer du sujet: "Les techniques d'imagerie cérébrale ne peuvent être employées qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou dans le cadre d'expertises judiciaires" (Loi n°2011-814 du 7 juillet 2011 - article 45). Elles sont autorisées dans le reste de l'Europe. Leur utilisation peut cependant poser des cas de conscience. Par exemple, si une tumeur cérébrale est détectée au cours d'une IRM réalisée pour tester une publicité. Les mesures périphériques sont moins polémiques, car "elles ne lisent pas dans le cerveau". Ce que ne font pas non plus les mesures centrales, mais cela est sujet à controverse. De plus, alors que l'imagerie cérébrale n'en est qu'à ses débuts, les données qu'elle propose sont souvent soumises à une interprétation. Les neuroscientifiques admettent humblement qu'ils sont encore loin d'avoir percé les mystères du cerveau, mais qu'ils progressent. Finalement, le domaine où cette discipline est le plus facilement accepté est celui de la prévention et de la santé publique. En aidant à identifier les mesures les plus appropriées pour inciter les automobilistes à conduire prudemment et les jeunes à ne jamais commencer à fumer, le neuromarketing rendrait service à la collectivité.
Au final, on peut donc affirmer que le neuromarketing est utile. Par sa capacité à mesurer les émotions et l'attention, il peut apporter un complément d'information qui aide à affiner la décision marketing. Mais pour le mettre en oeuvre, certaines précautions sont à prendre.
10 Un outil parmi tant d'autres
Pour ne citer qu'eux, l'Esomar (European society for opinion and market research) et l'ARF (Advertising research foundation), suivies par nombre de professionnels, recommandent de l'utiliser en complément d'études classiques, mais jamais seul. Le neuromarketing mesure une réaction que seule l'étude traditionnelle peut expliquer, grâce à un profil d'image, par exemple. Les mesures fiables de l'émotion et de l'attention sont connues. Elles ont fait l'objet d'articles scientifiques publics. Il ne faut pas hésiter à s'y référer pour comprendre les mesures qui sont proposées. Enfin, il faut s'assurer de la compétence et du sérieux du prestataire. Des organisations peuvent y aider, et il ne faut pas hésiter à s'en rapprocher pour en savoir plus. Au niveau international, l'Esomar et la NMSBA (Neuromarketing science & business association) ont édité des documents utiles et accessibles. En France, l'Adetem a créé un club Neurosciences et marketing, qui propose de réfléchir et d'échanger sur le sujet.
Le neuromarketing fait le buzz. Après les États-Unis, il débarque en Europe. Avec son lot de pourvoyeurs et de détracteurs, il ne laisse pas le monde des études indifférent. Quels en sont les véritables enjeux? Le point avec Étienne Bressoud, de BVA.
11 Le neuromarketing, un nouveau cadre théorique pour de meilleures pratiques
Messieurs, votre besoin d'estime et de statut est mieux satisfait si vous êtes au volant d'une Porche 911 Carrera 4S rutilante que si vous conduisez un vieux break Toyota Camry décrépit qui compte 300 000 km au compteur. Vous vous en doutiez ! Mais saviez-vous que votre taux de testostérone augmentera au volant de la première voiture alors qu'il diminuera au volant de la seconde ? Les neurosciences permettent d'observer et de mesurer de nombreux principes marketing comme celui-ci, de manière objective.
En revisitant tous les aspects du comportement du consommateur et du mix marketing, à la lumière des expériences neuroscientifiques, ce livre ouvre de nouvelles pistes de réflexion sur les pratiques marketing. Par exemple ? La notion de personnalité de marque est une métaphore utile. Il n'en reste pas moins que la représentation mentale d'une marque est plus proche de celle d'un objet que de celle d'un être humain : "je suis sincère" n'active pas la même région cérébrale que "Sprite est sincère".
12 Mieux comprendre le comportement du consommateur
Le neuromarketing permet-il de tout savoir et de tout maîtriser ? Même les neurologues sont modestes sur ce qui leur reste à apprendre du fonctionnement du cerveau. Les méthodologies d'étude traditionnelles fournissent déjà des réponses tout à fait pertinentes à de nombreuses questions marketing. Il convient donc de voir les neurosciences comme un outil complémentaire qui peut, dans certains cas, apporter des réponses difficiles à obtenir par questionnement.
La mesure des émotions fait partie des problématiques marketing qui peuvent profiter des apports des neurosciences. En mesurant l'émotion suscitée par un logo de marque par questionnaire et par des mesures physiologiques (activité électrodermale), BVA et Change ont confirmé que l'émotion ressentie, automatique, diffère de celle que le consommateur déclare, rationalisée. Pour autant, un type d'émotion n'est pas mieux que l'autre. Les deux apportent des informations complémentaires, qui amènent des actions marketing distinctes : si votre concurrent suscite une émotion ressentie, plutôt fondée sur les habitudes, bousculez les règles du jeu pour sortir le consommateur de ses automatismes et (re)donner de la visibilité à votre marque.
13 Quelques mots sur les auteurs
Bertrand Roullet et Olivier Droulers sont enseignants-chercheurs à l'université et ont exercé des fonctions marketing en entreprise. En plus de cette vision professionnelle et académique, Olivier Droulers est également docteur en médecine et a exercé plusieurs années. Tous deux ont créé des cours de neuromarketing dans différentes universités et ont réuni, en 2008, de nombreux chercheurs européens pour un premier colloque à la Sorbonne sur le sujet.
Et si le neuromarketing ne se limitait pas à l'IRM, à l'EEG et autres acronymes barbares ? Bertrand Roullet et Olivier Droulers cherchent à nous convaincre, avec succès, qu'il s'agit d'un nouveau cadre théorique, ouvrant des nouveaux modes de pensées.
14 Ces méthodes qui bouleversent les études marketing
Les neurosciences et l'économie comportementale permettent de décrypter les émotions pour mieux comprendre le processus de décision d'un consommateur profondément irrationnel. "Ces approches révolutionnent les études", a déclaré Éric Singler, directeur général de BVA, lors d'une conférence proposée à l'occasion de Printemps des études, organisée en avril dernier, sur "Ces autres approches qui enrichissent les études". Elle a eu lieu avant l'intervention de Lalin Anik, spécialiste américain de l'économie comportementale qui travaille avec Dan Ariely à la Duke University. BVA vient de lancer un programme de recherche expérimental en magasin avec Dan Ariely et son équipe.
"Les humains ne sont pas rationnels ", a rappelé Lalin Anik, en citant l'exemple d'une étude internationale sur les dons d'organe. L'objectif était de savoir comment améliorer ces dons. L'étude a révélé qu'un seul mot dans la formulation de la question (avec intonation positive ou négative) faisait grimper, voire doubler les taux de réponse positive. Autre exemple (extrait d'un ouvrage de Dan Ariely(1)): une proposition d'abonnement pour "The Economist". Avec une version on line à 59 dollars, une print à 125 ou les deux pour 125 dollars. La majorité a choisi la troisième offre (logique, l'abonnement internet étant considéré comme gratuit). En parallèle, un test mené avec seulement deux offres, off +Web et on line seule, l'offre on line seule arrive en tête des préférences! "Les gens ne savent pas ce qu'ils veulent", déclare Lalin Anik. Même constat sur les emballages de produits, entre la mention "10 % de matières grasses" ou "90 % sans matières grasses", qui crée davantage l'adhésion. "Les choix obéissent à des réactions émotionnelles", insiste Lalin Anik. Du pain bénit pour les marketeurs!
Approche différente avec KP/AM: le cabinet de conseil propose aux marques d'analyser en profondeur les verbatims de leurs clients, des lettres de réclamations aux e-mails entrants, en passant par le contenu des forums et les échanges téléphoniques. KP/AM s'appuie sur une forte expertise dans le domaine des sciences du langage. "?Ces données non structurées, qui émanent de consommateurs, clients, citoyens, des idées exprimées en toute liberté, sans biais, représentent un corpus linguistique très intéressant", explique Laurent Garnier, directeur général de KP/AM. L'institut quantifie les données, les trie, les analyse, fait ressortir les insights qui ont du sens et qui sont collectivement partagés et identifie les attentes des consommateurs. Depuis cinq ans, KP/AM a analysé 2 millions de verbatims.
15 S'impliquer dans l'expérience
Pour Nicolas Jaries (ex-Opinion Way), qui vient de créer Neo Positive, "il ne faut pas chercher à connaître seulement les attitudes et les comportements, mais les expériences". Ce militant d'un marketing positif estime que "l'expérience du vrai permet d'aller au-delà du questionnement. Ainsi, les techniques de coaching placent l'interviewé dans une démarche cocréative". Nicolas Jaries a justement travaillé avec Isabelle Fabry, directrice générale d'ActFuture.com, pour mettre au point des études atypiques mixant quali, démarches créatives, coaching, hypnose... Ce travail de R & D a permis de dégager, pour les éditions Atlas, des "moteurs d'engagement" dans les collections. "Nous avons utilisé une méthode de semi-hypnose fondée sur la régression vers l'enfance, explique Isabelle Fabry. L'idée est de voir jusqu'où vont les émotions et les souvenirs, pour en tirer des insights de réancrage par rapport aux collections Atlas." Deux expériences ont été menées dans ce cadre par Isabelle Fabry: l'une a été réalisée sur une personne passionnée de nains de jardin et l'autre sur une personne qui racontait un voyage au Maroc.
Le lâcher prise est aussi à l'origine de l'expérience de questionnement narratif menée par Nicolas Jaries auprès d'un collectionneur de montres de luxe. "Les rencontres qui durent une heure et demie, se font sans guide, en laissant se dérouler le fil rouge de l'expérience, affirme Nicolas Jaries. Ce procédé permet de travailler sur les freins et les points d'engagement. C'est particulièrement intéressant sur des sujets intimes."
16 Aller au-delà des mots
Mais, comme le note Nicolas Jaries, "l'hypnose et la pratique narrative ne sont que des moyens qui permettent d'aller chercher des insights personnels quali en profondeur. Ces techniques, plus proches du coaching que de la psychothérapie, peuvent être aussi utilisées en animation de groupe". L'animation des focus groupe, c'est justement un des sujets de prédilection de Laure Boisier, directrice études qualitatives de Lb Qualitative Research.
Démonstration on live lors de la conférence au Printemps des études: le sketcheur professionnel Matt Lawrence a dessiné sa perception des différentes interventions et de l'assistance. Résultat, les images enrichissent au fil des minutes les prises de paroles et permettent de rebondir. "Très utilisé dans les pays anglo-saxons, le sketching permet d'aller au-delà des mots, de stimuler des focus groupes de façon plus interactive qu'avec des photos", insiste Laure Boisier. Les avantages du sketching sont nombreux: le dessin révèle des insights plus aboutis qu'avec des mots, c'est un langage international, il permet d'aborder des thèmes tabous dans certains pays, l'annonceur repart avec des documents additionnels... "Matt dessine des émotions", résume Laure Boisier.
Aller plus loin dans la délivrance d'informations personnelles, dévoiler une autre facette de soi, rebondir sur des émotions... Incontestablement, ces approches nouvelles sont complémentaires des méthodes d'études classiques. Dernière approche relevée au Printemps des études: celle de la société anglaise BrainJuicer (qui a ouvert un bureau en France). Ce pionnier de l'utilisation des "behavior economics" dans les études fait intervenir des jeux et des clowns.
(1) Cf. C'est vraiment moi qui décide??, de Dan Ariely, Flammarion.
Économie comportementale, coaching, hypnose, sketching, analyse des verbatims... Ces nouvelles approches des études permettent d'aborder des sujets intimes et de générer des insights émotionnels. Révélations sur ces approches atypiques au Printemps des études.
17 EmoScale, le logiciel qui révèle les émotions des consommateurs
Lire dans les pensées des consommateurs... Ce n'est pas de la science-fiction mais bel et bien le concept du logiciel EmoScale. Pour pouvoir révéler les émotions d'un consommateur vis-à-vis d'une campagne, le testeur est équipé d'un casque sans fil "EEG", autrement dit un appareil permettant de réaliser des encéphalogrammes, afin de mesurer l'activité électrique de son cerveau. Sans danger, il ne s'agit que de capteurs et la personne ne sent absolument rien. Elle est ensuite invitée à regarder des vidéos (publicités, séries d'images, présentations commerciales...). Ses réactions sont aussitôt enregistrées grâce au casque relié à un ordinateur.
Le logiciel EmoScale affiche la courbe des émotions telles que l'engagement, la frustration ou encore l'excitation. L'analyse en temps réel, visuelle et facile à interpréter, permet de valider ou de concevoir un message plus facile à comprendre et à mémoriser pour le consommateur. Contrairement à un sondage traditionnel, pouvant être biaisé par les conventions sociales, cet outil propose d'améliorer sa communication et de faciliter ainsi considérablement les actes d'achat. "Que répond-on généralement au serveur d'un restaurant quand il demande comment s'est déroulé le repas ? On répond souvent par la positive par réflexe, car on n'a pas envie de se lancer dans le risque d'une argumentation, c'est ce qu'on appelle prendre le chemin du moindre effort. À coup sûr, on risque de ne jamais avoir une réponse fiable. C'est tout ce manque de fiabilité et d'objectivité qu'EmoScale résout", explique Fabrice Meuwissen, fondateur et dirigeant d'ObviousIdea.
Les retours des premiers clients ont démontré la nécessité de deux modes de distribution pour répondre aux besoins de tous les utilisateurs. Ainsi, la solution est disponible en deux versions : une version "do-it-yourself", pour laquelle EmoScale vend un pack comprenant le matériel, la licence logicielle et la formation. Les agences de communication doivent ensuite recruter leur panel et faire passer les tests ; et une version Saas/ cloud qui permet, quant à elle, de confier la réalisation de son étude à EmoScale pour qu'elle procède elle-même à l'analyse du message. Dans ce cas, EmoScale recrute le panel, fait passer les tests et renvoie les résultats sur sa plateforme en ligne.
Révéler les émotions des individus pour permettre aux professionnels de s'assurer que leurs produits ou services suscitent le désir... Telle est l'ambition d'EmoScale, innovation fondée sur les dernières recherches en neuromarketing et développée par la start-up toulousaine ObviousIdea.
18 [Vidéo] Gabriel Kepeklian, Atos : l'avènement du Web sémantique
Parmi les thèmes du salon T2M, figure le Web sémantique. Gabriel Kepeklian, responsable R&D chez Atos, travaille sur Datalift, un projet qui consiste à rendre des données hétérogènes interopérables : il s'agit de "sémantiser" les données pour permettre des interconnexions entre elles. Les API permettent, ensuite, de bâtir des applications telles que l'intégration dans les cartes IGN, des données de l'Insee.
Interview réalisée par Jérôme Bouteiller, directeur des rédactions de NetMediaEurope.
Responsable R&D chez Atos, Gabriel Kepklian travaille sur la plateforme Datalift. Il s'agit de rendre des données hétérogènes interopérables pour les croiser. Les applications sont nombreuses, notamment dans le géomarketing et l'analyse des réseaux sociaux.
Sur le même thème
Voir tous les articles Marques