[tribune libre] Innovation : comment développer des idées gagnantes ?
Comment développer des innovations porteuses de croissance ? Tactique N°2 : mettre le véritable insight consommateur au coeur de la démarche d'innovation
Je m'abonneDans le premier de notre série d'articles consacrés, à l'innovation, Stéphane Marcel (*) rappelait la nécessité de discipliner la phase initiale, en étudiant l'ensemble des besoins des consommateurs sur un univers donné. A l'issue de cette première phase nous avons identifié les besoins - non ou mal satisfaits - ainsi que les principales caractéristiques qui en font des zones d'opportunité : on connaît dès lors l'aire de jeu, on sait où chercher, et c'est évidemment essentiel. Mais ce serait une erreur de croire qu'on peut dès à présent se mettre à rechercher des idées.
En effet, ce n'est pas tout de connaître les besoins, encore faut-il trouver comment les adresser, comme le dit la langue anglaise d'une expression difficile à traduire, mais qui dit bien ce qui reste à faire : trouver l'ouverture pour y répondre.
On se convaincra de cette nécessité en constatant que neuf fois sur dix, les besoins essentiels sont déjà connus. S'il suffisait donc de connaître les besoins, quelqu'un y aurait déjà répondu ! Il devient clair alors, qu'il faut imaginer "où", dans le champ des pratiques, des offres, des frustrations et des désirs, inscrire une réponse à ce besoin.
Pour le dire différemment en utilisant une analogie : Quand on connaît le besoin, on sait ce qu'on cherche et où le trouver; mais on ne possède pas l'instrument capable de faire apparaître la possibilité d'une réponse. On est dans la même position que celle de physiciens de l'infiniment petit qui, pour prouver l'existence d'une particule, doivent s'en remettre à l'observation de phénomènes qui la postulent : comme eux, nous devons faire apparaître l'invisible.
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Pour passer du besoin à l'idée capable de répondre à ce besoin, il nous faut un instrument médiateur, capable de révéler l'invisible ; et ce médiateur, c'est l'insight.
Techniquement, l'insight se définit comme l'articulation de trois éléments - une vérité consommateur, une motivation et un obstacle- qui révèlent un espace vacant, un point jusque-là resté aveugle dans la réalité vécue du sujet.
Un exemple : à partir du besoin de "se sentir assuré contre le chômage, avec les incertitudes et les dangers propres à l'époque", un assureur pourrait tout inventer... et donc ne rien inventer de très pertinent. Il en va autrement avec l'insight suivant construit avec les trois éléments : "aujourd'hui les trajectoires professionnelles ne sont plus rectilignes (vérité) et pour rester dans le coup, il faudrait anticiper et saisir les opportunités qui se présentent (motivation), mais justement par les temps qui courent, on hésite à prendre des initiatives et à se montrer audacieux (obstacle)".
Dans la trame du vécu, l'insight révèle un espace de déboîtement ou de jeu, où peut se loger la possibilité d'une proposition ainsi que le levier pour l'inventer et la communiquer.
Nous conclurons à ce stade que pour trouver des idées vraiment pertinentes et incrémentales, il faut commencer par trouver les espaces vides et les points aveugles d'où celles-ci peuvent émerger.
L'étape de recherche d'insight accomplie (Insightment), nous serons en mesure de chercher les idées nouvelles, capables de répondre aux besoins et de générer de la croissance. Mais là encore quelques règles sont à suivre pour éviter les approximations (trop fréquentes) d'un brainstorming sauvage.
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Bien générer des idées, c'est déjà rassembler la diversité des compétences requises en fonction du cas (marketing, R&D, recherche, communication, experts divers...) et ce, dans les bonnes proportions.
Bien générer des idées, c'est encore confier la responsabilité de l'animation (de la facilitation disent les Anglo-saxons pour marquer la différence avec l'animation classique), à quelqu'un qui maîtrise les techniques créatives et la dynamique propre aux communautés créatives éphémères. Car comme en tout, il faut ici aussi "un peu" de savoir-faire.
Bien générer des idées, c'est enfin prendre le temps nécessaire et manifester l'implication indispensable pour aller au bout d'un processus long : deux jours, en tout cas pas moins d'un jour plein pour la recherche d'idées ; mais du temps aussi en amont et en aval, pour nourrir les échanges nécessaires à tout processus de co-création véritable. Du temps, une denrée bien rare ces deniers temps, mais ô combien bien investie dans cet exercice.
En conclusion, rappelons que la (bonne) créativité, comme à peu près toute démarche heuristique, suppose, selon nous, réflexion, technicité et discipline. Pour certains, cela peut paraître antinomique avec la créativité. Et pourtant... A l'issue de l'exercice de créativité, nous obtenons en général un nombre limité mais très abouti d'idées-concepts qu'il va falloir ensuite sélectionner et optimiser. C'est le propos de l'étape suivante d'un processus d'innovation gagnant.
(*) cf. Parole d'Expert (publiée dans le N°165 du mois de mars de Marketing Magazine) par Stéphane Marcel, Managing Director Innovation & Consumer Understanding de TNS Sofres
Bio
Michel Reynard, 64 ans, a plus de 20 ans d'expérience dans les études qualitatives.
Directeur du pôle Services chez Ipsos Insight, il a rejoint TNS Sofres en 2002 pour fonder le Département Quali-stratégique. Il a accumulé une large expérience dans de nombreux secteurs et problématiques et peut se prévaloir d'une collaboration constante avec SFR qui s'étend sur une quinzaine d'années. Michel Reynard dirige l'unité O3 depuis 2010. Cette Business Team O3 offre une palette d'expertises dans le domaine des études qualitatives et stratégiques ayant pour caractéristiques de mettre en synergie trois métiers : études qualitatives (30 personnes, consumer et services...), créativité (l'équipe Idea Architects réalise des missions de co-création dédiées à la génération d'Insights et de nouveaux concepts produits/services/ communication) et planning stratégique (études desk, benchmark, études documentaires, dont le fameux Marketing Book...).