[Les convictions de... ] Stéphane Martin, Directeur général de l' ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité)
Dans cette émission, Stéphane Martin, DG de l'ARPP revient sur les grands enjeux du marché publicitaire, sur les missions d'accompagnement de l'ARPP. Il partage également une campagne qui l'a marqué récemment et quelques conseils...
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Pouvez-vous, au préambule, nous présenter l'ARPP et nous détailler vos grandes actualités du moment ?
Stéphane Martin : L'ARPP, l'Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité, qui portait jadis le nom de BVP, Bureau de Vérification de la Publicité, existe depuis 90 ans. C'est plus qu'une instance d'autorégulation d'une profession, mais celle d'une chaîne de valeur d'une profession, annonceurs, agences, conseils, jusqu'à tous les supports de diffusion, y compris les plus récents qui vont être les plateformes ou les créateurs de contenus, les influenceurs. Notre mission est d'aider les acteurs à codifier des règles, il y en a 31 à date, qui sont issues elles-mêmes de transposition et d'ajustement avec le code de la Chambre de commerce internationale qui existe depuis 1937 et évolue (nous en sommes à la 11ème version).
Au sein de notre conseil d'administration, on trouve quatre collèges, les annonceurs, les agences, tous les médias, et un collège ouvert à la société civile, c'est-à-dire composé d'associations. Cette disposition de concertation avec la société civile est vraiment ontologique à ce qu'est une autorégulation, qui doit être, certes, celle de la profession, mais ouverte aux attentes de la société. Nos métiers sont toujours évolutifs, puisqu'à l'origine, en 1935, c'était de loin la presse qui était le premier média publicitaire, même s'il y avait déjà de la publicité au cinéma, en affichage et à la radio. Bien sûr, ensuite, c'est la télévision qui est devenue le premier support publicitaire, mais longtemps après, surtout en France, une télévision publique qui ne s'est libérée qu'à partir des années 80, mais c'est devenu le premier média. Et dorénavant, on sait que c'est le numérique, le digital, avec toutes ces grandes variations, du search jusqu'aux influenceurs qui est devenu le premier support publicitaire.
L'IA est bien sûr aussi déjà investie par l'autorégulation dans les règles. La responsabilité demeure toujours, à un moment ou à un autre, à la marque, à l'agence, à tous ceux qui sont dans cette chaîne de valeur de l'autorégulation depuis 90 ans et qui s'adaptent à la technologie tout en gardant son grand principe stratégique qui est de protéger le consommateur, l'informer loyalement, et aussi de protéger la liberté de communiquer et de créer. Ce sont ces deux jambes qui sont notre ADN depuis l'origine.
Quels sont vos objectifs prioritaires dans les mois et années qui viennent ?
Stéphane Martin : Les objectifs prioritaires sont évidemment faits dans le cadre de notre gouvernance. Nous avons une haute personnalité indépendante qui préside l'autorégulation. C'est l'ancienne ministre Christine Albanel depuis bientôt 2 ans. C'était avant un ancien ministre aussi, François Daubert, ou avant Dominique Baudis. Volontairement, la profession a toujours voulu mettre à la tête de son autorégulation une personnalité qui n'est justement pas issue de la profession. De même, nous avons des instances qui viennent enrichir le dispositif de l'autorégulation, un conseil de l'éthique avec Dominique Volton le chercheur à sa présidence, un conseil paritaire avec des associations qui le président et un jury de déontologie publicitaire... Ce dispositif doit s'adapter à l'évolution que nous connaissons depuis 30 ans qu'il y a de la pub sur le digital ! Évidemment, c'est la volumétrie qui pose de vrais enjeux pour tout le monde. En termes d'accompagnement, parce que notre premier métier est de conseiller avant diffusion [...]
La question des règles à respecter s'est très vite posée par exemple avec les influenceurs, les créateurs de contenu. Il faut rappeler que les créateurs de contenu, les influenceurs, ne sont pas dans un autre monde. Que les mêmes règles s'appliquent. Et notamment, la première des règles, c'est la transparence. Le fait de dire qu'il y a une collaboration commerciale ou pas associée à un contenu est la première loyauté que l'on doit aux consommateurs. C'est pour cela que nous avons mis en place un certificat de l'influence commerciale responsable.
Nous avons près de 2 150 certifiés. C'est sur le site de l'ARPP. Cela permet aux influenceurs certifiés, mais aussi, aux marques, aux marketeurs, de savoir que s'ils travaillent avec ces influenceurs, ils sont formés aux différentes règles, y compris bien sûr sur les sujets des enjeux climatiques par exemple, de représentation, et ils savent aussi qu'ils sont contrôlés. Cette année, grâce à nos développements basés sur l'IA, nous allons auditer 400 000 contenus d'influenceurs...
Vous avez mené la première étude avec France Pub relative à l'investissement des annonceurs locaux et nationaux en marketing d'influence. Cette étude reconstitue les investissements nets des annonceurs en marketing d'influence sur la base de données collectée en 2022, 2023, 2024. Quel bilan tirez-vous de cette étude ?
Stéphane Martin : On constate toujours et c'est un peu normal que certains acteurs ont tendance à gonfler les chiffres... En France, nous avons la chance d'avoir un outil marché reconnu, l'outil France Pub, qui est fait par la profession, pour la profession ! Cet outil vise à interroger directement les marques pour savoir quelle est la place de l'investissement en influence dans leurs investissements digitaux globaux. Les chiffres sont publiés, publics. En 2024, le marché de l'investissement des annonceurs dans l'influence est de 519 millions d'euros. Cela représente 5 % des investissements globaux en publicité digitale. Ces chiffres sont en forte progression sur deux ans. Il y a peut-être quelques grandes stars qui vont avoir des gros budgets, mais en fait on voit que, grosso modo, l'investissement dans l'influence d'une marque sur une année va se situer entre 10 000 et 50 000 euros.
La taille globale du marché est très significative, mais le budget de la publicité en radio se situe à plus de 800 millions d'euros. A noter également, en moyenne seul 6 % du contenu créé par des influenceurs fait l'objet d'une collaboration commerciale.
Quel est le défi majeur auquel doit faire face le marché de la publicité aujourd'hui selon vous ?
Stéphane Martin : Le défi, c'est l'IA. Avec le sujet de l'IA générative, nous sommes sur quelque chose qui impacte directement l'accompagnement que l'on doit aux salariés de nos filières. Quand l'informatique est arrivée il y a 50 ans, il fallait se former aussi. On sait bien que le telex a disparu, remplacé par le fax et ensuite par l'email. Il y a toujours eu des évolutions et le numérique a beaucoup changé la conception des messages publicitaires eux-mêmes. Il faut aussi être raisonnable car une IA utilisée en permanence va faire exploser tous les efforts qui ont pu être faits de décarbonation et de numérique responsable... Il y a une conduite du changement à faire, qui dans les autres évolutions technologiques, était peut-être moins rapide.
Revenons à l'inspiration. Pouvez-vous nous partager une campagne qui aurait particulièrement retenu votre attention ? Laquelle et pourquoi ?
Stéphane Martin : Je crois qu'il faut saluer, comme cela a été fait aux Cannes Lions, la campagne d'AXA pour laquelle l'agence Publicis a obtenu un prix Titanium, c'est-à-dire le maximum possible ! Cette campagne parle des violences conjugales et est très émouvante.
C'est une communication qui amène du changement. C'est aussi le rôle de la publicité de faire changer les regards. Et le talent de la création publicitaire et du marketing est d'être très subtil pour y parvenir...
Quelle "best practice" partageriez-vous aux CMO qui construisent leur campagne de communication dans un marché en perpétuelle crise ?
Stéphane Martin : Le conseil, c'est de faire preuve de bon sens et d'être conscient de l'intelligence des récepteurs. En étant conscient de l'intelligence du récepteur, cela permet souvent d'imaginer dans son plan marketing et sa communication des pistes créatives intéressantes. Bien sûr l'autorégulation fixe des cadres, des bonnes pratiques, des alertes qui sont parfois perçues comme étant subtiles mais qui répondent aussi à des grands enjeux sur le développement durable, la diversité, etc. Il faut aussi éviter de tomber dans un monde de bien-pensance.