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Comment le Big Quali sert les études marketing ?

Publié par Fiona Gentilleau le - mis à jour à
Comment le Big Quali sert les études marketing ?

À travers ces bonnes feuilles de l'ouvrage Big Quali, écrit par Daniel Bô, PDG et fondateur de l'institut d'études QualiQuanti, le lecteur découvre comment le Big Quali oeuvre pour le marketing afin de fournir des analyses poussées et exhaustives d'un concept, d'une thématique ou même d'une marque.

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Le Big quoi ? Le Big Quali ! Mais c'est quoi ? Pour faire simple c'est "une approche des études qui se veut omnisciente. C'est l'idée qu'on fasse le tour d'un sujet, qu'on veuille tout comprendre et tout décrypter. Ce sont des textes, photos, vidéos qui sont une matière extrêmement riche mais qui reste très peu utilisée", explique Daniel Bô, PDG et fondateur de l'institut d'études QualiQuanti. Pour mettre en avant cette méthodologie d'analyse, Daniel Bô, auteur du livre Big Quali qui sort le 19 janvier aux éditions Dunod, dévoile un ensemble de bonnes feuilles que la rédaction d'E-marketing.fr vous dévoile ici :

La durée d'interrogation des consommateurs

Le principe fondateur du forum quali online est le temps dont bénéficient les participants pour répondre aux questions posées. Chaque sondé passe 30 minutes à 1 heure par jour à répondre, depuis son propre terminal (ordinateur, mobile, tablette) et au moment de son choix. Les réponses s'étendent en conséquence parfois sur plusieurs paragraphes. Si on compare les différentes méthodes qualitatives, on voit que la quantité de réactions calculée en temps de réponse est beaucoup plus importante avec les méthodes auto administrées. Prenons différentes méthodologies compatibles avec un budget d'environ 12 000 euros. Pour ce budget, il est possible de faire deux focus groupes de 3 heures ou un forum online de 9 jours avec 12 personnes à raison de 45 minutes par jour, soit 72 heures au total.

Le macroscope pour décrypter les environnements complexes

Le livre de Joël de Rosnay Le Macroscope, Vers une vision globale, paru en 1975 défend l'idée d'une analyse systémique adaptée à l'observation des environnements complexes. L'approche macroscopique vise à analyser l'infiniment complexe. Pour atteindre la compréhension globale, il faut concilier vision au télescope de l'infiniment grand et vision au microscope de l'infiniment petit.

L'utilité des questions ouvertes

Lors de la phase terrain, les questionnaires trop mécaniques construits avec des tunnels de questions fermées enferment les interviewés et les mettent en position de robot. Ils suscitent des réponses machinales et superficielles. Pour bien fonctionner, le questionnaire doit au contraire donner envie au répondant de s'impliquer dans ses réponses et de s'associer à son expérience. L'alternance de questions ouvertes et de questions fermées représente un compromis idéal : l'interview donne un espace de liberté suffisant pour que le répondant puisse s'exprimer avec un minimum d'encadrement. La question ouverte humanise le questionnaire et donne le sentiment à l'interviewé que son point de vue est pris en compte.

"Chez QualiQuanti, nous utilisons justement les réponses de ces questions ouvertes car nous les posons et je l'explique dans le chapitre 'ouvrir les questions'. Le quali à grande échelle permet de balayer une masse de données. Accumuler les données qualitatives permet de généraliser des règles et de les associer à une vision en profondeur. L'enjeu aujourd'hui du big quali c'est d'exploiter l'ensemble de ces données sans se noyer dans ce flux énorme d'informations", confirme Daniel Bô.

La question ouverte est également un moyen très efficace pour évaluer l'implication des interviewés et écarter les répondants les plus laxistes. Les répondants peu impliqués se repèrent très facilement par le temps passé à répondre, le nombre de mots employés et le contenu des réponses. Ils adoptent un ton détaché, font des réponses similaires à plusieurs questions (ex : idem, pas d'avis, NSP, RAS...), sautent des questions et multiplient les réponses vagues. Ces réponses négligées polluent les enquêtes en ligne : elles doivent être évitées et, le cas échéant, éliminées. Cela peut conduire à supprimer 20% d'un terrain d'étude.

À l'inverse, un interviewé qui prend le temps de répondre aux questions ouvertes s'applique également à répondre aux questions fermées, dans un esprit de cohérence. En effet, c'est illogique pour un interviewé de consacrer du temps à des questions ouvertes et de bâcler les questions fermées. La réponse à une question ouverte peut prendre jusqu'à une minute trente là où une question fermée prend seulement quelques dizaines de secondes.

La découverte progressive et le bilan d'expérience

Dans un contexte où l'internaute est seul face à l'écran, il est crucial de le stimuler et de bien l'orienter. Pour élaborer des questionnaires semi-ouverts, il est intéressant de partir de l'expérience des entretiens semi-directifs avec l'objectif de les structurer. Cela passe par un format de questionnaire :

  • alternant questions ouvertes et fermées (possibilité de monter jusqu'à 25 questions ouvertes) ;
  • en entonnoir du plus large au plus précis en suivant l'entrée progressive de l'interviewé dans le sujet ;
  • avec des espaces au sein du questionnaire qui incitent au développement des réponses ;
  • en évitant d'induire la réponse par des questions trop orientées ou des séries d'items.

Le format des questionnaires online

Dans le paysage des questionnaires en ligne, on trouve principalement des enquêtes conçues comme une suite d'écrans, avec une seule question par écran ou un petit nombre de questions par écran. On accède aux questions les unes après les autres, sans possibilité de voir la question qui suit. Il est intéressant de s'interroger sur le bien-fondé de cette pratique.

On peut distinguer deux logiques de fonctionnement de l'interrogation :

  • le mode séquentiel, avec une question par page, sans dévoiler les questions qui suivent ;
  • le mode panoramique, où l'on donne à voir le questionnaire en entier (ou tout au moins on ne le cache pas).

Le mode séquentiel correspond au style oral, du déroulement dans le temps : dans les questionnaires en face-à-face ou au téléphone administrés par un enquêteur, l'interviewé découvre progressivement les questions. Le mode panoramique correspond au modèle des questionnaires auto-administrés papier, où les interviewés ont immédiatement une vue d'ensemble du questionnaire. Ces deux logiques construisent des modalités de repérage et d'orientation pour l'interviewé. Pour éclairer cette distinction, prenons la métaphore du labyrinthe et le mythe d'Icare. Prisonnier du labyrinthe-questionnaire, Icare a deux façons de se repérer :

  • soit il avance progressivement dans les couloirs, à partir de ce qu'il voit autour de lui. De même, dans le cas du questionnaire face-à-face ou téléphonique, l'interviewé est plongé à l'intérieur du labyrinthe, il avance à l'aveugle. Il ne voit pas les questions qui viennent, et ne retrace le fil (d'Ariane) de l'entretien que peu à peu ;
  • soit il vole au-dessus du labyrinthe, pour en acquérir une vision d'ensemble. Dans le cas du questionnaire auto-administré papier, l'interviewé acquiert d'abord une vision d'ensemble, comme s'il volait au-dessus du labyrinthe.

Les échelles d'observation de l'anthropologue Dominique Desjeux

Il est judicieux de regarder les décalages entre pratiques et représentations et de prendre en compte les contraintes matérielles (prix, temps, espace, objets), sociales (normes, apprentissage, rapports de pouvoir) et symboliques (identité personnelle et professionnelle). Innover c'est libérer le consommateur d'une ou plusieurs contraintes. Dominique Desjeux recommande de regarder la réalité avec des angles différents et de changer d'échelle d'observation. Il distingue les échelles :

  • macro-sociale des valeurs ;
  • méso-sociale des organisations ;
  • micro-sociale des acteurs sociaux en interaction ;
  • micro-individuelle du sujet et neurobiologique du cerveau.

C'est parce que la réalité change en changeant d'échelle qu'il faut être mobile avec des méthodologies adaptées à chaque découpage. L'échelle macro est celles des grandes valeurs collectives et des clivages sociaux que l'on trouve dans le enquêtes quantitatives : classes, genres, génération et cultures ethniques, politiques ou religieuses.

Sur le sujet de l'obésité, à l'échelle macro-sociale, l'obésité est corrélée avec la pauvreté. À l'échelle d'une famille pauvre, certains vont générer de l'obésité car c'est lié à leur système culinaire ou à l'interaction dans la famille. Selon l'échelle d'observation, l'analyste ne voit pas la même chose. Ce constat confirme l'intérêt d'une hybridation méthodologique. Il milite pour combiner quanti et quali, collectif et individuel, zoom arrière sur le secteur et zoom avant sur le produit, observation et interrogation, sémiologie et ethnologie, consommateurs et experts avec une capacité à associer des compétences interdisciplinaires. Avec un budget donné, il est préférable d'associer plusieurs méthodes plutôt que de tout investir dans un dispositif unique.

Un peu de théorie

L'aventure créative de la recherche ethnologique par Paul Willis

Paul Willis, dans son ouvrage Ethnographic Imagination, explique que les hommes ne cherchent pas seulement à survivre économiquement et matériellement mais aussi à donner un sens, une dimension symbolique (qui fonctionne aussi comme lien social) à leur existence. La matière sur laquelle on travaille étant symbolique et vivante, elle demande une démarche qui soit en affinité avec elle.

D'où l'importance :

  • d'étudier tout ce qu'il y a de "sensible" dans la vie humaine. Nos attitudes ne sont pas amorphes mais participent d'une stylisation de nous-mêmes : nous stylisons notre existence, notre mode d'être par nos comportements, notre façon de s'habiller, les gens avec lesquels nous sommes en relation, les lieux que nous fréquentons... De même que l'on regarde chacun des mots et chacun des éléments de ponctuation d'un poème, chaque détail de la vie, dans son insignifiance doit être dument observé, analysé, interprété et reçu en tant qu'élément signifiant ; il s'agit d'accepter que les choses sont plus complexes que l'apparence veut bien le faire croire, et que de multiples interprétations sont possibles. Tout comme un poème, la société ne construit pas son sens de manière directe et rationnelle, les métaphores et les sens indirects ont toute leur place dans la construction de sens et l'interprétation que nous devons faire de la société ;
  • de sortir de la dichotomie entre empirie et théorie pour créer des liens entre les concepts et le désordre du quotidien, et ce grâce à l'imagination ;
  • d'aboutir à un étonnement pour pouvoir apporter quelque chose de réellement nouveau. P. Willis appelle à aller sur le terrain en croyant des choses, et en étant prêt à bouleverser ces prénotions, pour élargir le champ des connaissances ;
  • de s'autoriser de perpétuelles mutations : il n'est pas mauvais signe de changer et changer encore et encore des définitions. Les questions posées par le terrain évoluent sans cesse, les réponses doivent donc elles aussi évoluer, c'est au contraire très bon signe d'avoir une théorie qui ne reste pas statique mais connaît une certaine dynamique.

Analyse de cas

L'analyse linguistique appliquée au lissage des cheveux

Lors d'une étude en France et en Angleterre sur la communication d'un produit de lissage des cheveux, nous avons mobilisé Charlotte Ribeyrol, normalienne, et maîtresse de conférences en littérature anglaise à Sorbonne Université, pour éclairer les différences d'appréciation entre les versions française et anglaise de l'argumentaire. Elle avait notamment apporté son expertise sur la traduction "cheveux souples, dociles pour longtemps" par "tamed, frizz-free hair for a long time". Pour Charlotte Ribeyrol, le mot "frizz" en français, est moins bien perçu qu'en Angleterre, où il s'agit du terme consacré pour parler des "petites boucles". "Frizzy", qui désigne le fait d'avoir de petites boucles, s'inscrit entre le mot "curly", (grosses boucles) et "wavy" (simples ondulations), le terme n'implique pas l'idée de cheveux difficiles à coiffer et possède des connotations positives car il évoque un côté mignon.

Le mot "docile" a des connotations sexistes, misogynes, en ce qu'il est applicable à la femme ; alors qu'en anglais, le mot "tame" prête moins à confusion car il est uniquement associé à l'animal. La métaphore est au contraire valorisée : le mot "tame" évoque l'idée que la femme possède une crinière à dompter.

La traduction de "anti-frizz" a donné lieu à deux expressions : "frizz-free" et "anti-frizz":

  • "Frizz-free" connote l'idée de libération, absente du préfixe latin " anti ". Les deux termes monosyllabiques qui présentent une allitération en "fr", sonnent comme une formule choc.
  • "Anti", possède des connotations négatives. Il est souvent associé à des termes politiques comme anti-liberalization ou anti-abortion et suggère l'idée d'opposition violente. Il connote même l'idée de destruction comme dans antibiotic. Accolé au nom du produit, il pourrait introduire l'idée d'un service faisant du mal aux cheveux, d'un produit agressif.

Le cadrage des livrables chez QualiQuanti

Nous avons défini une charte fondée sur des techniques journalistiques :

  • un titre informatif, un chapeau explicatif. Les slides hiérarchisent l'information : le titre donne le résultat, le sous-titre l'explicite et le reste de la slide l'illustre. La lecture rapide est facilitée ;
  • plusieurs niveaux de lecture, rapide ou en profondeur. Le rapport peut être compris en lisant simplement les titres qui s'enchaînent. Le reste de l'analyse permet de creuser des points particuliers ;
  • des visuels qui font sens. Nous privilégions des illustrations réalistes : photos issues de la veille ou des consommateurs, visuels de produits légendés, graphiques et schémas... ;
  • une transmission efficace de l'information via des techniques journalistiques. Chaque slide se concentre sur un résultat clé et va à l'essentiel. L'analyse reste concise, avec des mots précis et concrets.
  • les résultats phares mis en exergue. Illustrations et codes couleurs explicitent les éléments présentés. Les données clés et l'analyse en ressortent immédiatement.

Ces principes permettent à chacun de lire et de s'approprier facilement nos livrables. C'est aussi un cadre qui facilite le travail de rédaction.

Pour en savoir plus et se procurer l'ouvrage :

Le livre Big Quali - La puissance des études qualitatives à l'ère du Big Data est en vente à partir du 19 janvier 2022.

Son prix : 22 euros

Où le trouver : sur le site de la Fnac, chez Dunod.

 
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