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[Saga] Ogilvy, the one

Publié par Mégane Gensous le - mis à jour à
Benoit de Fleurian, Emmanuel Ferry, Natalie Rastoin
Benoit de Fleurian, Emmanuel Ferry, Natalie Rastoin

À presque 70 ans, le réseau n'a jamais perdu de vue les valeurs de son fondateur. Style British, rôle des études et respect du consommateur sont ses maîtres mots.

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David Ogilvy, auteur de Confessions of an Advertising Man, Ogilvy on Advertising, mais aussi de Theory and Practice of Selling the AGA Cooker, continue d'écrire... même 18 ans après sa disparition. En 2017, le groupe Ogilvy & Mather Worldwide ajoute un nouveau chapitre, The Next Chapter, à l'histoire de l'agence ouverte le 1er septembre 1948 sur Madison Avenue. Une transformation qui passe par le désilotage des entités et des expertises, à l'instar de celle adoptée par la plupart des gros acteurs de l'industrie publicitaire française, et qui concerne l'ensemble des 450 bureaux d'Ogilvy dans les 130 pays où le réseau du groupe WPP est présent. Au 34 rue Marbeuf, siège parisien et hub européen, le nouveau virage a été abordé en mars 2017 avec la création d'une marque unique : Ogilvy Paris. Exit Ogilvy & Mather (publicité), Neo@Ogilvy (média) ou encore Ogilvy One (marketing relationnel), l'entité s'articule autour de quatre domaines de compétences : branding et publicité, réputation et influence, engagement et performance, ainsi que marketing, média et distribution.

Expertises transverses

"Nos clients achètent de l'intelligence, des idées et un saut créatif, mais aussi des domaines auxquels on applique ces compétences", explique Emmanuel Ferry, managing partner et head of branding & advertising, pour justifier la réorganisation des expertises. À l'heure où les agences de communication font face à une concurrence variée et de plus en plus puissante ("les cabinets conseil type Deloitte, les studios de production, mais aussi les groupes média tels que Vice"), la transversalité est donc de mise. Exemple avec les métiers de la création : "Il existe des créatifs social media, des creative technologists, des créatifs spécialisés dans la data, des UX designers, en plus des classiques directeurs artistiques et concepteurs-rédacteurs". Ainsi, la publicité ne représente plus aujourd'hui que 30 % du chiffre d'affaires, contre 60 % pour les activités qui touchent au secteur du digital.

Ogilvy Paris prévoit d'ajouter officiellement un cinquième pilier à son activité en juin prochain : le changement de comportement. "Le premier objectif de la communication, c'est de modifier les comportements des consommateurs ; or, les sciences comportementales sont sous-estimées depuis 15 ans", détaille Benoît de Fleurian, chief strategy officer. Parmi les annonceurs qui ont déjà eu recours à cette expertise, Nestlé fait appel à l'agence pour aider les parents à faire évoluer les comportements alimentaires de leurs enfants. Une sorte de retour aux sources pour Ogilvy, puisque "David Ogilvy est l'un des seuls, si ce n'est le seul grand créatif, à s'être jamais intéressé aux études", se souvient Natalie Rastoin, présidente d'Ogilvy Paris, et convaincue par le rôle de cet outil : "L'étude est l'alliée du créatif, il est nécessaire de tester des concepts différents, non pas pour se conforter mais pour apprendre".


Mad Men à la Scottish

Cette passion pour les chiffres lui vient d'une de ses nombreuses vies professionnelles. Car la carrière de David Ogilvy est pour le moins hétéroclite. Cet "Écossais d'origine, brillant mais dissipé, à la personnalité excentrique et au sale caractère", selon le portrait fait par Natalie Rastoin, qui l'a personnellement connu, s'est en effet fait un nom dans le marché des études américain en apprenant auprès du théoricien des sondages d'opinion George Gallup. À la fin des années trente, David Ogilvy rejoint la direction de l'Audience Research Institute, qui a démocratisé les études de marché empiriques pour les annonceurs. Par la suite, il est recruté par les services de renseignement britanniques à Washington pour sa connaissance des sondages. Pourtant, il a commencé par apprendre la cuisine dans la ­brigade de l'hôtel parisien Majestic, après une scolarité médiocre, avant de vendre des cuisinières AGA en porte-à-porte aux chefs écossais. Il vécut même au sein de la communauté amish, en Pennsylvanie.

Son entrée dans la publicité, il la doit à son frère, Francis Ogilvy, directeur de l'agence londonienne Mather & Crowther. Impressionné par ses performances dans la vente chez AGA, l'un des clients de l'agence, il le prend en stage en 1935 pour lui faire découvrir les différents départements de l'agence. Le jeune stagiaire se fait notamment remarquer en reprenant la toile Le Déjeuner sur l'herbe, d'Édouard Manet, toujours pour la marque suédoise d'électroménager. En 1938, alors directeur de clientèle, il s'envole pour New York "sur conseil de son frère qui veut qu'il aille voir ce qui se passe de l'autre côté de l'Atlantique, là où la publicité est en train de changer avec l'arrivée de la grande consommation", relate Natalie Rastoin. Lorsqu'il se décide à revenir dans le monde de la publicité en 1948, après ses expériences dans les études, c'est en lançant sa propre structure, filiale new-yorkaise de Mather & Crowther et joint-venture de l'agence londonienne S.H. Benson Ltd., et en débauchant le directeur de JWT Chicago, Anderson Hewitt. L'agence Hewitt, Ogilvy, Benson & Mather est née.

C'est avec sa publicité pour les chemises Hathaway que l'entreprise se fait connaître. Le message est respectueux, ce point étant l'un des plus importants. David Ogilvy est à l'origine de cette phrase devenue célèbre : "The consumer isn't a moron, she's your wife". La publicité à la sauce Ogilvy, c'est donc un savant mélange entre "respect de la vente, du consommateur et de la création", "une vision hyper moderne qui correspond à ce à quoi revient l'industrie en ce moment", commente Emmanuel Ferry. Une philosophie qui a convaincu, au lancement du bureau new-yorkais, d'importants annonceurs comme Dove, Shell, General Foods ou Rolls-Royce. Et qui est léguée à chaque nouveau talent, à travers le livret d'accueil The Eternal Pursuit of Unhappiness distribué lors des arrivées.


Un tout indivisible

"Nous racontons à chacun de nos collaborateurs l'histoire d'O gilvy et de son fondateur, en quoi sa culture structure notre système de pensée", précise Natalie Rastoin. Ce que faisait David Ogilvy lui-même. "Sa conviction était de créer une agence indivisible, il choisissait personnellement chacun de ses clients et des dirigeants d'agences Ogilvy", illustre Benoît de Fleurian. Il en a été de même pour l'ouverture du bureau parisien, confiée en 1972 à Michel Richardot.

Le réseau Ogilvy est pensé comme un tout "indivisible" depuis la fusion des agences londonienne et new-yorkaise sous le nom Ogilvy & Mather International à la mort de son frère en 1965. Ce qui est d'autant plus vrai depuis le rachat par WPP en 1989, qui, malgré des débuts difficiles en raison d'un problème de communication entre les dirigeants (David Ogilvy aurait qualifié Martin Sorrel de "minable petit comptable"), a donné à Ogilvy la force de frappe nécessaire à ses ambitions. Sans pour autant oublier ses racines : attaché à la France, le publicitaire y avait acquis le château de Touffou, dans la Vienne, en 1966, demeure dans laquelle il termina ses jours et qui continue d'accueillir les équipes d'Ogilvy pour des séminaires.


Chronologie

1935 David Ogilvy entre en stage dans l"agence Mather & Crowther dirigée par son frère Francis

1948 Création de la filiale américaine de l'agence de Mather & Crowther, Hewitt, Ogilvy, Benson & Mather

1963 Publication de "Confessions of an advertising man"

1965 Création d'Ogilvy & Mather International suite à la fusion des bureaux londoniens et new-yorkais

1972 Lancement de l'agence Ogilvy & Mather France par Michel Richardot

1983 Sortie de " Ogilvy on advertising "

1985 Ogilvy & Mather International devient Ogilvy Group

 
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