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Le magasin (ré)enchanté

Publié par Christelle Magaud le | Mis à jour le
Le magasin (ré)enchanté

Plus beau, plus digital, décliné en cross canal, surfant sur la vague du local, le merchandising effectue sa mue avec succès. Une évolution drivée par l'avènement du commerce en ligne. Le merchandising joue habilement sur son offre unique et réenchante l'achat en magasin.

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Pas moins de 75 % des décisions d'achat sont prises en point de vente. « C'est acquis et démontré, affirme Frédéric Pérodeau, délégué général de l'Institut français du merchandising (IFM). Avec la montée des achats sur Internet, faire la différence en magasin s'avère plus que jamais primordial. D'où l'importance du marketing en point de vente. Car la différenciation ne se fait plus grâce au prix, à la promotion ou même au produit. Le seul facteur sur lequel agir reste la politique de distribution, au sein de laquelle figure le merchandising. »

En boutique, le client peut toucher, tester les produits, ce que le canal on line, bien entendu, ne permet pas. C'est précisément là que le magasin physique doit se distinguer d'Internet, « ce qui passe par un merchandising poussé à fond, comme dans le dernier concept Darty, installé à Beaugrenelle », déclare Éric Carabajal, directeur de Popai France, qui regroupe les acteurs de la PLV.

L'établissement de 2 000 m2 présente un nouveau mobilier permettant aux clients de manipuler et de tester une grande partie des produits exposés à l'air libre. Quant à l'espace cuisine, le plus grand de l'ouest parisien, avec 16 modèles présentés sur près de 300 m2, il a été conçu pour permettre aux clients qui le souhaitent de réellement se mettre aux fourneaux. « Et donc de vivre une vraie expérience shopping ! », affirme le dirigeant.

Tout le travail consiste alors à modifier le parcours client. Comme dans le tout nouveau concept Marionnaud des Champs-Élysées. « Ce magasin, vitrine de Marionnaud dans le monde, doit constituer la quintessence de l'esprit de l'enseigne : une expérience d'achat ­mémorable autour d'un parcours sensoriel inédit et d'une offre de service exceptionnelle », commente Eileen Yeo, codirectrice générale en France de l'enseigne. L'invitation au voyage a lieu grâce à un mobilier évoquant un appartement : mezzanine, tables de maquillage comme des coiffeuses, petit salon, escalier monumental enveloppé de métal violet, lustre à pampilles qui rappelle les flacons de parfum...

Tranformer le point de vente en parcours sensoriel

Le temps des boîtes en carton en rayon est bien terminé. On le voit, les retailers eux-mêmes créent leurs propres univers expérientiels, pour stimuler les sens du consommateur. « Nous assistons à des réflexions en profondeur sur les formes, les couleurs, les matériaux, les lumières dans les boutiques », souligne Éric Carabajal. Mais toute modernisation entraîne un coût et la tendance actuelle serait plutôt à l'habillage grâce à des éléments de décoration (mobilier modulable, supports muraux flexibles, etc.). Cela, afin de minimiser les investissements. Pour autant, l'innovation reste de mise, comme l'illustre l'exemple de Grand Optical, dont le merchandising a été retravaillé par l'agence Market Value. « Nous avons juste créé une clé d'entrée stylistique à l'intérieur de la catégorie. Par exemple, pour les lunettes hommes, nous avons sous-segmenté avec les profils "fashion", "design", "iconique" ou encore "daily", décrit Philippe de Mareilhac, CEO de l'agence de design Market Value. À côté du linéaire, des iPad invitent à répondre à quelques questions pour découvrir à quel profil correspond le consommateur. Ensuite, ce dernier n'a plus qu'à se diriger vers le style de lunettes qui lui correspond. » Simplicité et rapidité, les deux exigences du "nouveau" consommateur sont ainsi respectées.

Quand le merchandising devient digital

Mais il faut évoluer avec son temps. Et l'heure est au numérique. « Le merchandising doit aujourd'hui utiliser la technologie pour stimuler l'acte d'achat », affirme Éric Carabajal (Popai). Place, donc, aux écrans, bornes, tablettes... Dans le magasin Sport Check, situé à Toronto, on compte jusqu'à 140 écrans ! Avec, cerise sur le gâteau, des vendeurs connectés qui peuvent en prendre le contrôle à distance afin de montrer des contenus spécifiques aux clients. Cela impressionne les clients et le business est bien réel : ainsi, la vente des produits mis en avant sur le Virtual Footwear d'Adidas augmenterait de 500 % !

Autre innovation, celle de la table interactive. Certains commerces de chaussures ou de lingerie ont ainsi introduit dans leur point de vente des tables tactiles, qui permettent aux clients d'obtenir d'un simple contact du doigt la pointure du modèle, les couleurs, les visuels et les tarifs. L'usage de la borne pour passer commande et payer directement a tendance à se généraliser. À bon escient, comme le démontre l'exemple de McDonald's qui constate, par son biais, une augmentation de 20 % des transactions et un panier supérieur. « Attention toutefois à la surenchère, avertit Éric Carabajal. Trop de technologie tue le commerce. Ainsi, une étude Harris(1) démontre que certaines nouveautés, comme le Tweet Mirror et les QR codes, passaient mal auprès du grand public.»

Aussi, la technologie doit être judicieusement utilisée et, dans tous les cas, servir la relation client. On parle alors de merchandising relationnel. « Le magasin doit s'organiser pour que le client, qui s'est déplacé, se repère immédiatement et trouve ce qu'il cherche ou ce qui est susceptible de lui plaire », confirme Philippe de Mareilhac (Market Value). Des nouveautés, comme le cintre électronique de C&A, peuvent constituer de bons outils d'aide à la décision. En effet, figure dessus le nombre de likes de chaque vêtement présenté, avec une réactualisation constante. Aux vendeurs d'utiliser à bon escient cette information pour, par exemple, classer les vêtements par popularité afin de mieux aiguiller le consommateur. « Lego, avec la Digibox qui procède à des démonstrations en réalité augmentée, facilite aussi la perception du produit et donc la prise de décision du consommateur », ajoute Philippe de Mareilhac.

Digital, relationnel... le merchandising évolue encore et ajoute une nouvelle corde à son arc : l'intelligence. Illustration avec les nouvelles étagères mises au point par la firme américaine Mondelez. Elles révolutionnent la mise en rayon en supermarché grâce à des détecteurs installés dans les rayons, où sont disposés les produits des marques du groupe. Un système de reconnaissance faciale identifie l'âge et le sexe du consommateur intéressé. Ces données sont instantanément transmises à la marque, qui réagit avec un coupon de réduction ou une offre de pub personnalisée. Aussi innovantes soient-elles, ces nouveautés ne suffisent pas, à elles seules, à convaincre le client cible. Un bon complément pourrait être le cross merchandising.

Les grandes surfaces mixent leurs univers pour surprendre les clients

Des expériences ont bien été menées au fil du temps, notamment dans les hypermarchés. Qui se souvient de l'initiative de Système U, qui avait placé des sex toys dans les rayons dédiés à l'hygiène féminine ? Ou de Carrefour qui, en Argentine, avait disposé les cravates dans le linéaire vin ? Et des glaces Häagen Dazs à côté des DVD ? Des tests rapidement écourtés. « Pourtant, aujourd'hui, on revient à cette formule qui consiste à placer des produits complémentaires les uns à côté des autres », note Valérie Renaudin, maître de conférence à l'université Paris-Dauphine et coauteur d'un ouvrage(2) consacré à ce sujet. Une démarche facilement mise en place sur le Net, mais qui semble également avoir un avenir en point de vente. « Le dernier hypermarché Auchan, ouvert à Aéroville, a d'ailleurs complètement innové sur ce point en mixant beaucoup de ses univers. Dans la foulée, et sous la pression du made in France et du retour au local, le geomerchandising s'est également généralisé. » Les enseignes adaptent ainsi la présentation de l'offre en magasin en fonction des particularités de la zone de chalandise. « Justement, nous préparons en ce moment un corner régional pour Carrefour », indique Philippe de Mareilhac.

Finalement, malgré toutes ces innovations, les fondamentaux du merchandising de demain ressembleront à ceux d'hier. Les professionnels utiliseront simplement de nouveaux outils modernes, en phase avec les nouveaux moyens de communication. Quelle pourrait être alors la forme la plus aboutie ? Un merchandising ultra-personnalisé qui ferait que le consommateur n'aurait même plus à toucher, essayer... Il serait scanné des pieds à la tête et se verrait automatiquement proposer le bon produit. Bientôt une réalité ?

(1) En octobre 2013, Popai France a révélé, lors du Club ­Marketing@Retail, les résultats d'une étude réalisée par Harris Interactive sur les innovations et les techniques commerciales plébiscitées par les consommateurs.

(2) Merchandising : du category management au e-marketing, 7e édition, Vuibert.

 
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