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Une pensée magique sur des plates-bandes rationnelles Harry Potter ne compte plus ses potes

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A force de vouloir tuer les ailleurs, d'imposer une mondialisation de rouleau-compresseur et d'uniformiser, le goût pour la magie, l'imaginaire et le merveilleux se rebiffe. Un petit passage en revue d'ouvrages qui analysent la portée psychologique du conte, son histoire et sa fonction sociale permettent de mieux comprendre ces deux phénomènes. Carole Réfabert de l'agence Scopes nous en explique les influences à venir sur la consommation. Au vu du best-seller de Loana, on pouvait être tenté de désespérer que la littérature demeure encore cette alchimie née d'un talent, d'une histoire singulière et d'une époque. Mais le succès de Harry Potter confirme que les exceptions culturelles ont de beaux jours devant elles.

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En cinq ans, plus de cent vingt millions d'exemplaires vendus dans le monde, des traductions en plus de cinquante langues, trois cents millions de dollars au box-office américain pour le premier film, tel est le score momentané de Harry Potter. Déjà, un deuxième film est annoncé pour 2002 et un troisième pour 2003, dont le scénario est en préparation. L'auteur des romans de la série en est à son cinquième et l'on prétend qu'elle a déjà écrit le dernier chapitre du septième épisode qui doit clore la saga. Joanne Kathleen Rowling est elle aussi entrée dans la légende. Et les noces d'Harry Potter et du marketing sont célébrées en grande pompe commerciale. « Il est vain de vouloir séparer le contenu de l'oeuvre de son emballage marketing. De fait, les deux aspects sont étroitement dépendants. Harry Potter est un livre écrit pour des enfants vivant dans une économie de marché pour lesquels la distinction entre objet de culture et objet de consommation n'a plus beaucoup de sens », estime le psychologue Benoît Virole*. Pourtant, avec des enfants qui lisent de moins en moins, dans une production littéraire qui oscille entre veine réaliste, imitation et mièvrerie, qui aurait pu parier sur la fortune d'une histoire de sorciers ? « Comme un monde souterrain qui n'attend que l'occasion d'être redécouvert et de nous enchanter, la féerie vit avec nous et nous accompagne, prête à nous séduire si nous nous laissons tenter par "le monde secondaire" du conteur, ce "sous-créateur" selon Tolkien. Celui-ci décrit le conteur comme le créateur d'un univers second qui nous invite à plonger avec lui, en acceptant les lois du merveilleux qui n'ont pas cours dans notre monde réel . Une invitation à la "créance" et non à la crédulité, un embarquement pour une île enchantée, pour la magie d'un monde qui jamais ne fut nôtre et qui pourtant toujours exista et existera », explique Olivier Piffault**, archiviste-paléographe, spécialiste du livre pour enfants. Les contes de fées répondent aux an-goisses des enfants. Ils initient ces derniers aux épreuves à venir et aux efforts à accomplir pour les surmonter. Ils les rassurent sur des passages difficiles en leur signifiant qu'ils ne sont pas les seuls à les traverser. C'est ce qu'avait démontré en 1976, dans son ouvrage "Psychanalyse des contes de fées"*** Bruno Bettelheim, spécialiste des enfants autistes. Comme le confirme Maria Tatar**, professeur à l'université de Harvard, « depuis quelques dizaines d'années, les pédopsychologues voient dans les contes de fées un formidable moyen thérapeutique susceptible d'aider enfants et adultes à résoudre leurs difficultés en réfléchissant sur les conflits incarnés dans ces histoires. En explorant le monde des fantasmes et de l'imagination, en allant jusqu'au bout de conflits anxiogènes, l'individu affronte ses peurs, les maîtrise et s'en libère. Plus globalement, la véritable magie du conte de fées réside dans sa capacité à transformer la souffrance en plaisir. En donnant corps aux fantasmes de notre imagination sous forme d'ogres, de sorcières, de cannibales et de géants, les contes de fées suscitent l'effroi pour le voir aussitôt vaincu par le plaisir de sa représentation. » Harry Potter peut être considéré comme un roman initiatique contemporain dont le but est l'accomplissement de soi. Il répond aux interrogations des préadolescents sur la construction de leur identité. Il reflète leur univers intérieur et leur permet de se situer dans le monde par rapport aux autres tout en affirmant leur individualité et leur singularité. Il leur facilite la transition entre immaturité et maturité. Mais de quelle étoffe littéraire Harry Potter a-t-il donc été tissé pour susciter tant d'enthousiasme ? « Mythologie grecque, récit biblique, histoire du monde, conte de fées... dans un univers où tout se spécialise et se morcelle, Rowling accomplit la prouesse d'unifier et de fusionner les grands récits de l'humanité. La cohérence de ses écrits permet de retrouver un savoir encyclopédique perdu et de se replonger dans une époque où l'on pouvait embrasser toutes les connaissances », analyse Isabelle Smadja dans "Harry Potter, les raisons d'un succès"****. Mais ce concert de béatifications unanimes ne pourrait-il laisser aucune place à la critique ? Ce n'est pas l'avis de Benoît Virole qui affirme : « L'incapacité de nos sociétés occidentales à pouvoir penser et donner une signification symbolique à la transition des âges a très certainement laissé libre un espace vierge sur lequel l'ouvrage de Rowling s'est déployé sans rencontrer d'obstacles. Potter y règne sans concurrent à ce jour. Un discours différent pourrait apporter d'autres réponses aux questionnements de l'enfance que celles de la bipartition du monde, de l'affrontement des forces antagonistes et du recours à la toute puissance ? » Il faudra donc attendre quelque sorcier. Une formule magi-que permettra sans doute de sortir de la quadrature du cercle vicieux de l'enfer de la pensée binaire... * " L'Enchantement Harry Potter, la psychologie de l'enfant nouveau", de Benoît Virole. Editions des Archives Contemporaines. ** in catalogue de l'exposition "Les Contes de fées" donnée à la Bibliothèque Nationale de France. Editions Seuil / Bnf. *** Editions Pocket. ****Editions PUF.

POUR CEUX QUI NE PERDENT PAS LEURS RÊVES DE VUE


«Les ados lorsqu'ils sont devenus adultes continuent de garder avec eux toutes leurs envies de mondes imaginaires. Avec les déclinaisons multisupports, films, jeux vidéo, produits dérivés, figurines, la boucle est bouclée. Ces synergies génèrent encore plus d'appétit, regardez toutes les sorties prévues : Star Wars, un nouveau Seigneur des anneaux, Hulk, Silver Surfer... tous les publics sont touchés : enfants, ados, familles. Et ce qui importe, c'est de continuer à pouvoir s'émerveiller », affirme Claude Aujaud, gérant de la boutique spécialisée Pulp's. Chez Starplayer, versée dans les jeux de figurines, de cartes et de plateaux, on jure surtout par Tolkien, le précurseur et l'auteur de référence. « L'univers de nos jeux s'inspire des mythologies, des légendes arturiennes, du médiéval nippon, de la Renaissance fantastique... Le Seigneur des anneaux, notre gamme phare en est à sa troisième édition. Nos clients sont des étudiants de milieu plutôt aisé. Mais le marketing a mis au point une vraie machine de guerre pour capter un public de plus en plus jeune et de plus en plus large. Le jeu consiste à les faire commencer avec Pokémon puis continuer avec Harry Potter pour les emmener vers Le Seigneur des anneaux. Et ça marche très bien », explique le responsable de la boutique.

 
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