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Tout projet rédactionnel est le fruit d'une intuition , Axel Ganz

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Lancement des quinzomadaires en presse télé, projet en presse féminine. Vingt-cinq ans après son arrivée en France, Prisma Presse donne un coup d'accélérateur à son développement. Et réaffirme, par la voix de son président, Axel Ganz, une volonté constante : innover pour conquérir des marchés “saturés”.

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Lors de l'arrivée du groupe en France, vous avez dit que le vrai patron du groupe Prisma, c'est le lecteur. Vingt-cinq ans plus tard, cette affirmation est-elle toujours une réalité ?


C'est tout à fait vrai. Nous travaillons pour le lecteur. Nous ne faisons pas de journaux pour nous, ni pour les journalistes, même si nous y prenons plaisir. La destination finale de nos magazines, ce sont les lecteurs, donc nous les écoutons.

Et le marché publicitaire ?


Le marché publicitaire est choisi d'emblée au moment de la définition du créneau ou du concept. Si nous créons un féminin haut de gamme ou de grande diffusion, le marché publicitaire est préconditionné par le choix du concept. Ensuite, nous nous adressons aux lecteurs, et c'est là où nous rejoignons les intérêts des publicitaires.

La réactivité, qui a longtemps caractérisé le groupe Prisma, apparaît moins évidente ces dernières années. Comment l'expliquez-vous ?


C'est vrai, nous avons lancé moins de titres pendant quelques années. C'est une raison à la fois interne et externe. D'une part parce que je me suis beaucoup occupé de l'international, donc j'étais moins présent. Même si ce n'est pas moi qui fais les journaux - ce sont mes équipes - je suis l'ultime responsable. Je dois, en effet, être proche des investissements importants pour les justifier. L'autre raison, c'est la saturation du marché. Il fallait donc que nous réfléchissions à de nouvelles directions. Néanmoins, malgré le ralentissement du marché, c'est tout de même nous, avec National Geographic, qui avons lancé le plus grand succès de la presse magazine durant cette époque. Aucun autre titre n'a eu une diffusion supérieure à la sienne. Le lancement de National Geographic a fait 300 000 exemplaires au premier numéro. L'an dernier, nous avons pris la décision de renouer avec une croissance accrue telle que nous l'avons connue durant les deux premières décennies de présence sur le marché

N'avez-vous pas l'impression que vous personnalisez le groupe Prisma qui, sans vous, se fait moins percutant ?


Non. Les lancements supposent de forts investissements. Nous avons investi 20 millions d'euros pour lancer Télé 2 Semaines. Je veux donc être là. En France, on personnalise les choses plus qu'ailleurs. Mais chez Prisma Presse, nous avons une organisation très claire et nous la respectons. Cette organisation est construite autour des pôles éditoriaux, où les éditeurs sont responsables de leurs produits. Cette maison peut donc fonctionner au quotidien sans moi. Mais, lorsqu'il s'agit de gros investissements, que je dois justifier, j'ai évidemment mon mot à dire. Si ça ne marche pas, c'est moi le responsable.

Les titres que vous avez repris rencontrent plus de difficultés que ceux créés au sein du groupe. Comment l'expliquez-vous ?


C'est normal et nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. Lorsque vous reprenez un titre, il y a forcément des difficultés, c'est un phénomène très simple. Chaque titre, chaque maison a sa culture, et lorsque vous opérez une fusion ou une acquisition, vous fusionnez des gens qui ont des habitudes, des modes de vie différents et qui font des produits différents. Ensuite, cela dépend également de la santé du titre. Lorsque le titre acheté est un succès, vous laissez faire. En revanche, lorsque le titre va mal, vous devez faire le nécessaire pour le rentabiliser. Et en général, c'est un processus difficile. Vous devez changer les équipes, les dirigeants, vous devez donner de nouvelles orientations et c'est là qu'apparaissent les difficultés. Nous en avons connu avec VSD parce que c'était un titre à forte personnalité avec une culture spéciale qui n'était pas du tout celle de Prisma Presse. Nous avons aussi eu de bonnes intégrations avec les titres Cuisine (Guide Cuisine, Cuisine Actuelle, et Cuisine Gourmande) à l'époque, parce que ce sont des produits moins complexes. Je préfère, bien évidemment, les lancements pour des raisons simples. Là vous définissez votre concept, vous déterminez d'emblée vos équipes, vous pouvez les former, tout est nouveau.

Donc, dans l'avenir, vous vous intéresserez moins aux reprises ?


Nous ferons ce qui est bon pour la société, acquisitions ou lancements. Mais aujourd'hui, il y a peu de choses à acheter et, par ailleurs, lorsque vous achetez, le prix est souvent très élevé parce qu'il y a peu de créations réussies. L'offre et la demande font ce marché. Cela étant, s'il y a quelque chose de stratégique à acheter, nous examinons le dossier comme nous l'avons toujours fait pour les acquisitions majeures. Après, nous ne passons peut-être pas à l'acte, car nous estimons que le prix, comparé aux risques, aux difficultés d'intégration, n'en vaut pas la peine. C'est un choix économique. Femme n'a pas été un exemple réussi, nous pouvons en parler d'une manière très décontractée, ce qui prouve que nous pouvons aussi nous tromper ! Le problème a été de vite trouver une équipe capable de faire vivre ce titre. C'est là que nous avons échoué, nous n'avons pas trouvé le management créatif pour le faire.

Quel enseignement avez-vous tiré de cet échec ?


C'est toujours le même : si on n'a pas les gens compétents, il ne faut pas le faire. C'est pourquoi je ne lancerai jamais un titre sans avoir les équipes dont je suis sûr, ou du moins dont je pense qu'elles ont une forte probabilité de réussite. Lorsque vous achetez un titre, vous n'avez ni le choix, ni le temps de chercher longtemps les équipes compétentes. Vous devez avoir quelqu'un pour le faire. Lorsque vous créez un titre, vous cherchez, cela peut prendre trois mois ou six mois, ensuite seulement vous démarrez. C'est la grande différence.

Justement, pouvez-vous nous en dire plus sur le lancement du nouveau féminin ?


Non, pas dans l'immédiat. Nous n'avons pas vraiment commencé. Je peux juste vous dire qu'il faut penser à une nouvelle génération de titres pour les jeunes filles qui, dans cinq ans, vont entrer dans l'âge adulte. Elles auront d'autres besoins que ceux des femmes auxquelles nous nous adressons partiellement aujourd'hui. Nous sommes un des leaders de la presse féminine, il est donc normal que nous nous occupions des tendances et des courants qui vont voir le jour d'ici à quelques années.

Au-delà du département études, comment êtes-vous organisés pour suivre ces courants et tendances ?


Selon une définition très personnelle, le processus de création est soumis aux évolutions suivantes. D'abord nous vivons dans ce monde au quotidien, nous évoluons en permanence. Nous connaissons les marchés et les titres. Ensuite, dans chacun de leurs domaines, nos rédacteurs et rédactrices en chef connaissent leurs environnements concurrentiels et les tendances. A un moment donné, nous pouvons penser qu'il y a une place dans un segment C'est donc une intuition, basée sur l'observation permanente du marché et le travail quotidien. Après, on vérifie, on regarde des études de comportements, on se pose des questions sur la manière dont les gens vivent, passent leur temps, consomment. On essaie de valider cette intuition qui, dès qu'elle est un peu concrétisée, devient une idée. Lorsque l'on a vérifié l'idée, on se dit là on essaie ensemble. Ça vaut peut-être la peine d'investir un peu d'argent pour former une petite cellule de rédaction : cela devient un projet. A partir de ce moment, nous faisons un plan hypothétique d'investissement sur plusieurs années pour voir si un tel produit serait viable. Cela ne sert à rien de lancer une jolie maquette s'il n'y a pas vraiment de marché. Au moment où l'idée passe au stade de projet, il faut examiner le potentiel du marché. C'est là où l'intuition rejoint le marketing. Mais tout projet rédactionnel est avant tout le fruit d'une intuition.

Que vous testez comment ?


Au début, vous ne pouvez rien tester, un produit rédactionnel ne peut être testé qu'à partir du moment où vous avez quelque chose à soumettre, idéalement une maquette avec du texte. Les lecteurs ou les focus groupes ne vous diront jamais ce qu'il faut faire. Il faut leur soumettre quelque chose pour qu'ils puissent s'exprimer, réagir. Les chiffres ou les caractéristiques socio-démographiques, seules, n'ont pas de sens. Prenons le marché de la presse féminine : nous cherchons à détecter les besoins, les attitudes, et à comprendre les attentes et les comportements d'une jeune femme d'aujourd'hui. Si aujourd'hui, nous lancions Femme Actuelle ou Prima, ce serait évidement un autre produit que celui que nous avons lancé il y a vingt ans. La question à laquelle nous devons répondre est “en quoi serait-il différent ?”. Les études nous aident à y répondre, mais cela ne suffit pas à faire un journal. Pour cela, il faut les traduire de façon créative. C'est à nouveau un travail intuitif basé sur la connaissance du marché et appuyé par des études. Après, nous développons un prototype dans lequel le côté artisanal intervient. Quel ton donner au journal, quelles images choisir, quel typo utiliser ? Et tout cela par rapport au contenu. Lorsque l'on a réalisé toutes ces étapes et que le magazine est prêt, alors, on va en réunions de groupes pour soumettre le projet sous forme de maquette aux lectrices. En général, les réunions de groupes fonctionnent très bien avec des nouveaux produits, elles fonctionnent moins bien avec les existants

Pourquoi ?


Les gens connaissent ces produits ou titres trop bien. Ils ne les jugent jamais d'une manière totalement négative, mais ils peuvent être moins impliqués. En revanche, si vous injectez dans un environnement concurrentiel un nouveau titre, ils réagissent. Et c'est souvent formidable d'observer le degré d'approbation et de spontanéité.

Que pensez-vous de l'arrivée massive des gratuits sur le marché ?


Nous ne faisons pas de gratuit, car je pense qu'un bon travail rédactionnel a une valeur et le lecteur devrait payer pour cela. La presse a deux jambes : la diffusion et la publicité. Maintenant, s'il est possible d'offrir de la qualité rédactionnelle en marchant sur une seule jambe, pourquoi pas ! Si ces éditeurs réussissent et peuvent être bénéficiaires, c'est bien. Mais je ne souhaite pas faire de la presse gratuite. Je souhaite que nous fassions les meilleurs produits rédactionnels, les plus puissants, les plus innovants. Pour cela, il faut de l'argent, et les deux sources de revenus. Vous ne pouvez pas faire, à mon avis, la qualité attendue si vous n'avez que 50 % du potentiel de revenus.

Avec des titres comme Capital ou Géo, vous disposez de plates-formes de marque que vous avez assez peu exploitées. Pourquoi ?


Nous ne l'avons tout simplement pas encore fait suffisamment. Jusqu'à présent, la situation économique nous permettait de faire des titres seulement. J'avais l'habitude de dire, autrefois, qu'un petit titre demande autant de travail qu'un grand, alors faisons des grands ! Dans des marchés saturés, ce principe n'est plus applicable de la même manière et nous recherchons bien sûr des sources de revenus complémentaires qui vont des hors-séries aux produits dérivés en passant par le merchandising. Heureusement, nous avons des grandes marques qui sont des réserves de développement rentable pour le futur. C'est donc une question de timing.

Avec Télé 2 Semaines puis TV Grandes Chaînes, vous avez mis à l'honneur les quinzos. Cette périodicité sera-t-elle étendue à d'autres segments de presse ?


En Allemagne, beaucoup de féminins sont des quinzos. Ce rythme pour magazines télé s'est installé depuis longtemps ; il y a environ dix ans. Mais, en France, nous ne savons pas encore si la formule est valable pour d'autres titres, d'autres marchés.

De l'Allemagne sont aussi arrivés les formats pockets. Allez-vous vous y convertir ?


Nous les testons pour Shopping, je ne sais pas encore si c'est une bonne chose ou pas. Pour les jeunes femmes, pour les “teenagers”, cela paraît bien. Mais faut-il en faire la norme ? Je ne le pense pas, d'autant que le grand format est plus valorisant pour la publicité. Le format doit s'adapter aux contenus et à la cible.

Depuis quelques semaines, les éditeurs se sont lancés dans une stratégie de prime. Allez vous suivre cette tendance ?


Non, si l'on peut l'éviter, car c'est une spirale infernale. Donner des cadeaux aux lecteurs ne correspond pas à notre philosophie d'éditeur. Notre volonté est de créer de bons contenus et donc d'investir dans les rédactions pour vendre nos magazines au bon prix sans artifice.

Parcours


Parcours 66 ans, marié, un fils. 1963 Correspondant à Paris de l'hebdomadaire allemand Bunte (groupe Burda). 1970 Responsable des titres féminins du groupe Bauer. 1978 Fonde et dirige la filiale française de Gruner + Jahr. 1991 Membre du Directoire de Gruner + Jahr, en charge de l'ensemble des filiales internationales du groupe tout en conservant ses fonctions de directeur gérant de Prisma Presse Snc. Depuis le 1er janvier 2004, il se consacre aux deux principales filiales du groupe, Prisma Presse et G + J USA Publishing.

Prisma Presse


l Filiale française de Gruner + Jahr, premier groupe de presse magazine en Europe, détenu à 74,9 % par le groupe Bertelsmann et à 25,1 % par le groupe Jahr, Prisma Presse édite 19 titres et diffuse près de 270 millions d'exemplaires. Le groupe détient 18,3 % du marché hexagonal de la presse magazine France (n°2 du marché). En 2003, le chiffre d'affaires brut du groupe s'est élevé à 540,6 millions d'euros dont 30 % réalisés par la publicité. (Secodip 2003)

 
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Propos recueillis par Léna Rose et Rita Mazzoli

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