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R…& Cie ? Ou le grand leurre des marques relationnelles

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En confondant fidélité et fidélisation, les marketeurs n'ont-ils pas tout simplement fait disparaître la relation entre la marque et ses acheteurs ?

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Nous sommes encore en début d'année. Alors rêvons un peu. Imaginons que, cette année, on vous offre une “jolie petite somme d'argent” pour votre cabinet de consulting. Génial, non! Mais comment gérer cette somme, comment passer de La Poste ou de la banque de proximité au “private banking” ? Dès la vente de votre petite affaire publiée, le sous-directeur de la célèbre R…&Cie, banque d'investissements vous appelle et se propose de venir chercher le chèque pour «ne pas perdre une minute de placement». Cela vous change évidemment de votre banque de quartier où vous ne voyez jamais personne et où “votre”conseiller est toujours en congé-formation ou vient d'être muté. Vous définissez rapidement votre profil, “entre les deux” pour ne pas prendre trop de risques et pour profiter des “opportunités de marché”. Prudent, vous voulez placer un quart de la somme en assurance vie, synonyme pour vous de prudence. Tout sera géré au mieux de vos intérêts sans que vous ayez à vous en occuper, puisque vous avez signé un mandat de gestion. En un an, vous allez connaître ce qu'est une vraie “marque relationnelle” avec conseiller et suivi personnalisés. L'assurance vie est placée pour moitié en fonds de la nouvelle économie qui s'écroulent à la première tempête boursière. Le vol de chéquier chez l'imprimeur de votre banque, qui ne vous avertit pas et qui vous laisse gérer les déboires avec les commerçants ainsi escroqués, le placement dans toutes “valeurs-gogos” du moment et deux rendez-vous seulement avec votre conseiller personnel qui vous explique que vous avez de la chance, car la bourse s'est écroulée de 33 % et que vous n'avez perdu que 29,8%… de votre capital.

Fidélisation égale commercialisation


Cette marque, on ne plus relationnelle, est en fait gérée selon les mêmes normes “industrielles” - avec ses “produits-maison”, ces MDD de la banque -, que toutes les autres banques et que tous les distributeurs de grande consommation. Votre conseiller personnel n'est finalement qu'un pion, un chef de produit comme un autre, qui a trop de clients, peu d'autonomie et qui répond, d'abord, aux objectifs de son entreprise sans se soucier de la relation avec son client. La banque privée ne fait pas mieux que votre banque de quartier qui, depuis longtemps, a industrialisé sa relation client au travers de “campagnes de promotion” pour placer les produits du moment, mais qui, le reste du temps, ne veut surtout pas vous voir. Les banques ont alors inventé le “multicanal”, c'est-à-dire le “débrouille-toi toi-même” et la relation à sens unique lorsque le banquier le souhaite pour vous vendre “le produit du moment” ou pour corriger votre propension au découvert bancaire. Comment en est-on arrivé là ? Par une mutation profonde venant de la logique de la grande consommation. Les directeurs marketing sont interchangeables et passent de la distribution aux produits de grande consommation et aux services en appliquant partout les mêmes méthodes, la vente de produits packagés. En agissant ainsi, la banque - et dans ce cas la banque privée, ce qui est un phénomène contre-nature - est passée, selon les termes de Stéphane Corre, directeur marketing et communication de Bred Banques Populaires, d'une “logique de métier à une logique de produits”. La banque est désormais disponible “sur étalage” (pardon, en multicanal!). Il faut se servir tout seul et, rencontrer un conseiller qui suit votre dossier est aussi difficile à la banque que chez Carrefour ! La marque relationnelle est un leurre car les métiers n'existent plus. Seuls les hommes peuvent développer une relation. La logique de produits conduit aux techniques de CRM coûteuses et peu fidélisantes. Seul l'humain peut développer de la fidélité. Les techniques marketing ne développeront que de la fidélisation, c'est-à-dire de la commercialisation… Avec la disparition des métiers, c'est la disparition de la relation qui a été conduite. Marque et relation sont ainsi entrées en opposition, voire en affrontement, même si les mots sont répétés à l'envie. g.lewi@bec-institute.com

 
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par Georges Lewi, directeur général du BEC-institute (centre européen de la marque)

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