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Qui sont les responsables études?

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La première enquête UDA/TNS Sofres, sur la fonction études en entreprise, confirme certaines idées reçues mais apporte un panorama très riche sur une fonction et un service méconnus. Une vraie expertise métier, une fonction valorisée et influente... Et si le blues des responsables études n'était qu'une légende?

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Comment sont organisés les services études des entreprises? Quelles sont les principales attentes des responsables des études, moins connus que leurs homologues en instituts? Quelles relations entretiennent-ils avec les autres services de l'entreprise? Cette première grande enquête intitulée Panorama de la fonction études* a été réalisée pour l'UDA par TNS Sofres auprès d'un échantillon de 251 personnes travaillant dans un service études (dont 138 responsables). Les résultats ont été présentés lors de la Journée nationale des études de l'UDA le 25 janvier dernier. «Cela faisait longtemps que nous voulions dresser un panorama de la fonction études chez l'annonceur, explique Françoise Renaud, directrice marketing et innovation de l'UDA. L'enquête s'articule autour de cinq thèmes: l'état d'esprit, le portrait du responsable études, le fonctionnement du service, les pratiques d'achats et les attentes. Le premier constat de l 'étude, c'est qu'il n'y a pas un manque de reconnaissance mais de nouveaux besoins. » Même si certains services s'amenuisent (61 % des budgets sont réajustés). Le périmètre d'action du service études est organisé par pays (40 %), par pôle ou direction (17 %) ou par entreprise (15 %), parfois par marque (9 %) ou business unit (8 %). La fonction est rattachée à la direction marketing (55 %), contre 28 % pour la direction générale (40 % pour les entreprises de moins de 500 salariés) et, plus rarement, à la direction de la communication et à la direction commerciale (8 % chacune). Il peut y avoir plusieurs services études dans l'entreprise (49 %). Le service études est influent: il est le plus souvent (49 %) à deux échelons du principal décideur. Les études sont de plus en plus stratégiques: pour 40 % des interviewés (51 % en grande consommation), les responsables études travaillent sur la connaissance des comportements des consommateurs, qui permet d'identifier des insights, et de faire des recommandations stratégiques au service de toutes les directions de l'entreprise. « Nous avons connu trois phases d'évolution. Avant, le service était en relation avec les demandeurs et les instituts. Il était dans la connaissance. Après, son influence est allée au-delà du marketing. On nous a ensuite intégrer la connaissance des consommateurs », dit Pascale Zobec, responsable des études marketing de la Française des Jeux, présidente de la commission études de l'UDA et représentante d'Esomar. Environ 12 % des responsables sont au stade de l'anticipation stratégique. « La fonction études est très intégrée dans l'entreprise et nous réalisons de plus en plus d'études insight », note Didier Witrowski, directeur études et arguments d'EDF, dont le service est rattaché à la direction de communication. « Nous sommes de plus en plus questionnés sur des problématiques de stratégies », déclare également Michel Rogeaux, expert au sein de l'équipe sensory & behavior science de Danone Research. La fonction études est reconnue lorsqu'elle dépend de la direction marketing ou de la direction générale. « Il n'est pas toujours évident d'être rattaché à la direction de communication et nous manquons de légitimité », reconnaît Didier Witrowski. Cependant, 65 % des interviewés estiment que leur service a une influence grandissante, malgré un pessimisme sur l'avenir du budget (21 % des sondés envisagent une baisse, contre 25 % une hausse).

Le service études compte en moyenne quatre personnes, et 7 % des services en ont plus de onze. « Mais il faut faire attention à certains secteurs comme en téléphonie qui intègrent le CRM dans les études », note Pascale Zobec.

L'exemple de Pascale Zobec (Française des Jeux): « Nous avons un rôle d'intermédiaire entre le marketing et les instituts. »

Pascale Zobec, 53 ans, est l'exemple type des responsables études qui ont fait toute leur carrière au sein de la même entreprise. Après des études en contrôle de gestion, elle entre à la Française des Jeux où elle exerce, pendant dix ans, son métier d'origine avant de passer au marketing comme chef de produits. Tapis Vert est son premier lancement. Elle assure par la suite le développement de l'activité grattage (lancement du Millionnaire en 1991). Et, en 1997, elle crée le service études. Un service qui, 14 ans après, compte quatre chargés d'études et réalise près de 100 études par an ; les études marketing représentant environ 85 % de l'activité. Dans un marché de jeux d'argent concurrentiel, la Française des Jeux a une avance certaine en marketing, l'innovation étant dans les gènes de l'entreprise. Le service études travaille pour toutes les entités de l'entreprise. Il est transversal aux quatre grands pôles (Stratégie/PMC2/Finance et Informatique). La Française des Jeux (qui ne dispose pas de panel) travaille avec une trentaine d'instituts (mais une douzaine se partagent 80 % du chiffre d'affaires études) et procèdent régulièrement à des mises en concurrence. « Le demandeur de l'étude est associé à toutes les phases de l'étude, du brief au résultat et même au choix du fournisseur. Notre rôle constitue à guider les demandeurs afin de bien formuler leur problématique et de lui fournir les moyens d'y répondre », explique Pascale Zobec.

Françoise Renaud (UDA):

« Les responsables d'études ne s'endorment pas sur leurs acquis, mais montrent au contraire leur capacité à adapter leurs méthodes Ils privilégient l'analyse et la qualité de l'exécution. »

Méthodologie

Enquête réalisée on line du on line du 22 novembre au 3 décembre 2010 sur des fichiers de l'UDA, TNS Sofres et GAD (1 000 personnes au total). Typologie: les grandes entreprises sont plus nombreuses (62 % ont plus de 2 000 salariés et 16 % un chiffre d'affaires de plus de 1 milliard d'euros). Les entreprises travaillent pour plus de la moitié à la fois en B to C et B to B. Les secteurs d'activités sont cohérents avec le poids des secteurs du Syntec Etudes Marketing et Opinion.

Une femme expérimentée

« Pas de surprise sur le portrait du responsable études », reconnaît Françoise Renaud. C'est une femme (à 59 % pour les responsables et 67 % pour l'ensemble des répondants), de plus de 40 ans (38 % des responsables), exerçant cette fonction depuis plusieurs années (28 %, 10 ans et plus; et 26 %, de 3 à 5 ans) et issue d'instituts (55 % y ont déjà travaillé). En revanche, comme le note Stéphane Marcel, directeur marketing et développement de TNS Sofres, «la fonction revêt des réalités multiples. Nous avons eu la confirmation de la passerelle entre annonceurs et instituts, mais aussi de la diversité car beaucoup de responsables viennent d'autres services. » En effet, 32 % ne viennent pas directement des études.

Question salaires, la moyenne annuelle brute n'est pas éloignée de l'enquête Maesina International Search sur la fonction de chargé d'études: 77,3 kEuros pour le responsable études et 67,5 kEuros pour l'ensemble des interviewés, avec des variations selon l'âge (38 kEuros pour les chargés d'études moins de 30 ans, 103 kEuros pour les plus de 50 ans) et la taille de l'entreprise.

L'exemple de Sophie Michel (Lesieur): «En institut, même si vous avez une bonne relation avec votre client, vous êtes moins impliqués dans le process.»

Sophie Michel, diplômée d'un DESS marketing, commence sa carrière dans les études à la Sofres et rejoint, en 1996, le groupe Yves Rocher avant d'entrer, en 2002, chez Lesieur (groupe Saipol). Là, le service études dépend de la direction marketing et travaille avec le département commercial et international. Outre Sophie Michel qui gère la préconisation médias et les relations avec Carat, une autre personne s'occupe des panels, un poste junior, tremplin pour celui de chef de produits. Lesieur fait appel à Nielsen pour les panels distributeurs et Kantar Worldpanel pour ceux des consommateurs; cela représente 10% du budget marketing. Lesieur réalise une cinquantaine d'études par an. En quanti, il travaille avec une dizaine d'instituts et environ la moitié en quali. «Nous mettons en compétition deux/trois instituts de façon ponctuelle. Nous avons l'avantage d'être indépendants de toute uniformisation internationale, dit Sophie Michel. Chez Lesieur, il y a une vraie curiosité d'apprendre. Je rédige le brief et je le fais valider par l'équipe marketing. Le service études est la mémoire de l'entreprise; c'est aussi un garde-fou en matière budgétaire. » Quant à l'avenir professionnel de Sophie Michel, elle «n'exclut pas de retourner en institut même si on n'est moins intégré aux décisions stratégiques que chez l'annonceur.»

L'exemple de Olivier Nicolas (Crédit Immobilier de France): «Les responsables études pâtissent de la désaffection des élites.»

Après un DESS de gestion internationale, Olivier Nicolas, 43 ans, commence aux études média chez Motivaction avant de passer par les études médicales chez ACS. Il rejoint ensuite Gfk où il s'occupe durant deux ans de Danone à l'international puis «passe de l'autre côté», aux études du Crédit Lyonnais. En 2003, il entre au Crédit Immobilier de France pour créer la fonction études marketing et en être le responsable. Explication de ce transfert institut/annonceur: «Je ressentais la frustration classique des professionnels en instituts qui estiment que les tenants et les aboutissants des dossiers leur échappent. »
Son périmètre englobe à la fois les études, la veille, l'analyse, le datamining, le géomarketing, la segmentation client... «Je gère également à côté une fonction d'animation des clients en cours de fidélisation», note Olivier Nicolas. Le Crédit Immobilier de France réalise une dizaine d'études par an. Parmi celles-ci: un baromètre bimestriel avec Audirep sur les intentions d'acquisitions d'emprunts des foyers, des études sur les conditions d'octroi des crédits (avec BVA en 2009), des études en multisouscription comme celle de Dafsa... « Nous faisons des appels d'offres deux fois sur trois, explique Olivier Nicolas. L'avantage ici est que les études ne sont pas cloisonnées. Un des seuls moyens pour valoriser les études: associer les méthodes entre elles. »
L'avenir? «Il me serait difficile de retourner en institut où le métier est davantage celui d'un technico-commercial», répond Olivier Nicolas, en ajoutant «La voie normale chez l'annonceur est de passer au marketing opérationnel. »

Une trentaine d'études par an

Hors panels, un service études réalise en moyenne 29,5 études par an. La majorité des chargés d'études (53 %) travaillent sur tous les types d'études: 20 % par type (quali vs quanti, ad hoc vs panel) et 15 % par catégorie de produits/services. Parmi les différents types d'études, 91 % des services réalisent au moins occasionnellement des études de compréhension des marchés (98 % en grande consommation) . Suivent les études d'image, de marque, de tracking, les études de communication publicitaire et les études d'innovation (test de concept, d'offres, de pack, trade off). 43 % des dépenses concernent des études récurrentes (baromètres, panels) , 35 % des études tactiques et 22 % des études stratégiques.

Le budget moyen d'une étude est de 31 kEuros. Parmi les responsables des services, 61 % disposent de la totalité du budget études de l'entreprise. La moyenne du budget annuel études (pour 2009) est de 1,3 MEuros (1,9 pour la grande consommation et 1,7 pour les entreprises de plus de 500 salariés) . Pour ceux qui ne disposent pas de la totalité du budget, la moyenne est d'un peu moins de 700 kEuros. La répartition selon les différentes méthodologies est homogène: 28 % des dépenses pour les études quanti ad hoc, 23 % pour les études quali, 22 % ex aequo pour les panels et les études quanti récurrentes (baromètres) .

Exemple de Hélène Coric (Heineken): « Notre réputation est d'avoir des briefs très complets et d'être très exigeants.»

Hélène Coric, 39 ans, d irectrice du département études & planning stratégique de Heineken. EM Lyon, elle a démarré chez Secodip (devenu Kantar Wordpanel) en 1996, puis a rejoint l'équipe ad hoc de Gfk avant d'être appelée en 2000 par Heineken. Aujourd'hui, elle dirige un service de huit personnes, qui englobe les deux activités de la société: Heineken Entreprise (leader en France en chiffre d'affaires sur le marché de la bière) et France Boissons (leader de la distribution de boissons sur le circuit hors domicile). Une fonction qui s'est élargie au planning stratégique (Competitive Intelligence) et, depuis un an, au suivi de la performance commerciale dans chacun des réseaux (business analyse).
Le service est organisé en deux pôles: trois personnes sur les problématiques marketing et quatre sur les réseaux. «Le chargé d'études est très investi dans les marques et forme, avec le chef de produits, un vrai tandem. Nous sommes un hub au sein de l'entreprise», explique-t-elle. Poids lourd dans les études, Heineken réalise une cinquantaine d'études ad hoc par an. En panel, la société travaille avec SymphonyIri et Kantar Worldpanel et, en ad hoc, avec quelques instituts «fidélisés» (Repères, TNS Sofres, Kaliwatch, Audirep...). «Tous les trois, quatre ans, nous revoyons les méthodologies et lançons un appel d'offres», note Hélène Coric. Retourner en institut? Pourquoi pas. Accéder à un comité de direction? Hélène Coric n'exclut pas non plus de se tourner vers un poste à l'international ou le conseil en analyse stratégique.

Des partenaires privilégiés

Qui rédige les briefs études? Selon l'enquête, le service études (dans 65 % des cas), le service demandeur (12 %) et les deux conjointement (23 %). Des briefs qui sont, logiquement, réalisés par le service études (84 %), avec le service demandeur (12 %). Qui choisit les études? Dans 84 % des cas, c'est le service études. Quant à la base de données répertoriant toutes les études réalisées, elle existe dans 64 % des services études et elle devrait se développer. La fonction exige d'être impliqués (toujours pour 69 %) et synthétiques (62 %) . Par ailleurs, 52 % des synthèses sont réalisées par le service études alors que ces derniers ne font que 13 % des présentations des résultats, lesquels reviennent logiquement aux instituts (30 %). Enfin, 65 % des responsables réalisent au moins occasionnellement leurs études par eux-mêmes. Et 46 % font appel à des free lance (un business qui échappe aux instituts) .

Le service études travaille à 89 % avec des partenaires privilégiés: en moyenne cinq fournisseurs en quali et six en quanti. La moyenne en fournisseurs en 2009 étant de 9,3. «Nous parlons de partenaires et non de fournisseurs, note Delphine Duran Lesecq, global consumer insight leader chez Newell Rubbermaid.

Travailler avec un institut, c'est travailler avec une personne». Une confirmation heureuse du côté humain et intellectuel du métier!

Stéphane Marcel (TNS Sofres):

«Nous avons été agréablement surpris par la valorisation de la fonction et son influence au sein de l'entreprise.»

Qualité, analyse et recommandation

83 % des études influencent sur les décisions stratégiques. Et 78 % permettent de prendre des décisions. Parmi les quatre critères les plus importants d'un institut d'études, celui de l'analyse est cité en premier (24 % et 64 % au total), suivi de la capacité à s'adapter aux méthodologies (17 % et 44 %), de la qualité des études mises à disposition (15 %, 41 %) et de celle des rapports (4 % et 36 %). La notion de qualité /prix n'arrive qu'en cinquième position, ce qui montre bien, insiste Françoise Renaud, que « les études ne sont pas seulement un centre de coûts ». Surprise pour TNS Sofres sur la place de l'expertise marketing (seulement 23 % sur le total), mais les responsables études sont spécialisés en marketing et ils n'ont pas besoin obligatoirement d'apport dans ce domaine. Dernier point: le on line. Les interviewés estiment que le quanti on line va se développer (84 %) contre 65 % pour le quali on line. «En ce qui concerne les études on line, cela semble un acquis pour le quanti mais pas en quali. Même si cela va se développer, le métier a besoin de réassurance vis-à-vis à des méthodes on line», exprime Françoise Renaud. Parmi les opportunités de développement, l'innovation est primordiale (73 %), suivie du ROI (54 %) et du management de la marque (53 %). Le développement durable et les attentes en matière de RSE n'atteignant que 11 %! Il est, par ailleurs, encore des secteurs (comme les RH) où les études n'ont pas encore acquis leurs lettres de noblesse. Tout un potentiel de développement pour les responsables études comme les instituts.

 
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Catherine Heurtebise

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