E-marketing.fr Le site des professionnels du marketing

Recherche
Magazine Marketing

Quelle place laisser à la fille indigne du marketing?

Publié par le

Au Moyen Age, on l'aurait nommée «la gueuse», tant elle en fait voir à ses parents qui pensaient l'avoir éduquée dans les meilleurs principes marketing. De nos jours, on peut aisément la traiter de «fille indigne et rebelle du marketing». Vous l'avez aisément reconnue, c'est la marque!

Je m'abonne
  • Imprimer
Procter & Gamble a souhaité étendre le champ d'action de la marque, mais les clients de Mr Propre n'ont pas suivi.

@ Procter & Gamble France

Procter & Gamble a souhaité étendre le champ d'action de la marque, mais les clients de Mr Propre n'ont pas suivi.

Elevée dans le giron des directions marketing, entretenue par la communication comme une diva, la marque fête sa première réussite en s' évadant, en prenant son indépendance et en faisant tout le contraire de ce que ses marketeurs de parents attendaient. Elle se considère comme appartenant «à son public, à ses consommateurs» et n'en fait qu'à sa tête, comme une vulgaire cabotine. Voyez Monsieur Propre, ses parents voulaient, pour arrondir leurs fins de mois, lui faire nettoyer les voitures; eh bien, elle a refusé tout net! Voyez Safran, à peine née, elle crée de la zizanie entre ses parents! On pourrait multiplier les exemples de la tendance à la liberté des marques qui, dès qu'elles ont un brin de succès, laissent au vestiaire les projets des parents pour mener un destin indépendant. «Mes» étudiants du Master Pro «Marketing et stratégies de marques» du Celsa (Paris IV Sorbonne), à qui j'expliquais cette inquiétante tendance «libertaire», furent alors pris d'angoisse. Que feront-ils plus tard? Comment s'occuper de marques si démonstratrices d'ingratitude? Quelle place trouveront-ils dans les entreprises avec ce diplôme certes appré cié, mais concernant un sujet aussi fugace?

Et ils ont bien raison car, au-delà de la plaisanterie, la place de la marque dans l'organisation et celle des «brand managers» est un sujet important et compliqué posé à un service commercial. Déjà, définir la place de la marque est une véritable gageure. Où placer le centre de la valeur d'une organisation? Les brevets sont en R&D. Mais la marque? Au sein du marketing, elle s'échappe sans cesse, réinventant ses propres règles, comme celle du «prix premium», souvent garant de volumes importants. Avec une marque forte, baisser les prix fait souvent diminuer les volumes, comme si le marketing «classique» avait perdu «sa» boussole! Au sein de la communication, elle la dépasse de deux têtes! Au sein des finances, ces messieurs font mine de la «snober»! En lieu et place de la direction générale, ce serait peut-être lui faire trop d'honneur!

Si la «chose» (la marque) n'a pas sa place, si elle est partout et nulle part, où se cache alors son «gardien et dresseur»? Au sein du marketing, il devient rapidement schizophrène, coincé entre une marque qui échappe aux règles et une structure qui applique à la lettre les recettes «qui marchent».

Georges Lewi (BEC-institute):

«Les marques réinventent sans cesse de nouvelles règles en termes de marketing, finance, communication.»

Alors la place du «brand manager»?

Dans la cellule communication, il n'en maîtrise que l'écume! Si c'est le boss lui-même qui s'en occupe, il n'en a pas toujours le temps. Alors son «gardien», le brand manager, devient, comme «sa» marque, un électron libre. Mais son pouvoir ne repose alors que sur sa capacité à convaincre que sa protégée est l'actif essentiel de l'entreprise et qu'il faut la vénérer, la servir. La marque tient dans l'entreprise le rôle de l'artiste dans la société: sans lui, l'humain disparaît. Mais sa présence complique souvent les choses. Car sa place est également mal définie! Créateur de valeur «malgré lui», il dérange mais on ne lui a pas trouvé de substitution.

Comme la marque! Mes étudiants du Celsa ont raison de s'inquiéter, un actif sans place définie est souvent perçu comme un danger. Il va falloir trouver une place à la marque et aux «brand managers» si nos entreprises veulent continuer à développer le concept de création de valeur!

Erratum

Dans l'article du mois dernier de Georges Lewi, il a été écrit que Nespresso est la réunion de Krups et de Nestlé. Ce qui n'est pas le cas. Nespresso appartient à 100% à Nestlé et a comme partenaires pour ses machines Krups, Magimix, Siemens...

GEORGES LEWI, DIRECTEUR GENERAL DU BEC-INSTITUTE, CHARGE D'ENSEIGNEMENT A LA SORBONNE (CELSA) ET A HEC

 
Je m'abonne

Georges Lewi

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles