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Quand le sport se fait glamour

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Longtemps restées sur la touche, les femmes sont désormais chouchoutées par les marques de sport qui voient en ce segment un véritable relais de croissance. Pour les séduire, plus question de cosmétique : désormais, il faut conjuguer mode et technicité.

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Que l'on soit fan de tennis ou pas, impossible d'être passé à côté des tenues des Maria Sharapova, Vénus Williams, Maria Kirilenko et autres tenniswomen lors du dernier tournoi de Roland Garros. Coupes sexy et matières confortables… le tennis est un modèle d'harmonie entre mode et technicité. Mais ce qui est vrai depuis un moment pour les stars des filets l'était beaucoup moins pour les sportives du dimanche. Jusqu'à ce que les marques fassent de ces dernières leur cible privilégiée. Car sur le marché du sport, c'est bien le segment de la femme qui tire la croissance avec une augmentation annuelle de 5 % en volume, selon NPD Sport Tracking Europe. Pour l'instant, le cabinet évalue la part des femmes à 36 % d'un marché estimé à 4,6 milliards d'euros (8,8 MdE si l'on rajoute les équipements, FPS- Observateur Cételem), mais l'augmentation à la fois de leur pratique sportive et de l'offre mise à disposition par les marques devrait booster ce segment.

Désormais, près de 80 % des femmes pratiquent un sport (fitness, running, danse ou natation pour la plupart) et sont prêtes à investir pour trouver l'équipement adéquat… Autant dire qu'« il s'agit là d'un relais de croissance phénoménal », souligne Lucien Boyer, Dg d'Havas Sport. Résultat : les marques de sport se lancent tous azimuts dans la création de gammes féminines. Lignes de raquettes, skis, vélos, surfwear et tenues de golf… Tout se décline au féminin. Mais plus question de duper les consommatrices avec de la simple cosmétique. Aujourd'hui, la femme ne veut plus choisir entre performance et esthétisme.

Certains équipementiers l'ont bien compris, à l'image de Dynastar qui a fait du segment un axe de croissance stratégique. Fin 2001, le fabricant de ski, alors en difficulté, crée la surprise en lançant une gamme conçue spécifiquement pour les femmes baptisée Exclusive. « Des skis roses, il en existait déjà, explique le directeur marketing de Dynastar Jean-Renaud Daniel,61mais on restait dans le décor et l'entrée de gamme. Nous, nous avons réalisé une étude sur la morphologie féminine qui nous a permis de développer toute une collection prenant en compte, avec un design tendance, la position différente des femmes sur les skis. Nous étions les premiers. » Cinq ans plus tard, le succès de la gamme a fait des émules chez les concurrents et dans les autres sports, à l'instar du tennis. Prince a, par exemple, lancé en février dernier sa raquette Pink (voir Marketing Magazine n°105). Et le fabricant de raquettes Head, a annoncé récemment le lancement d'une gamme, Airflow, « réalisée par et pour les femmes avec un grip ergonomique spécifique », selon Bruno Lenglart, directeur général Head France.

Marque et créateur, le nouveau couple à la mode

Dans le textile également, longtemps, les marques n'ont juré que par les hommes. Une erreur alors que la tendance sportswear prenait de plus en plus d'importance et que la femme souhaitait garder un minimum d'élégance même en plein effort. Certaines marques ont tout de même été précurseurs comme Dorotennis créée en 1977, ou dans l'outdoor, Quiksilver suivie par Rip Curl, qui ont respectivement lancé Roxy et Rip Curl Girl dès le milieu des années 90. Adidas développe également des produits spécifiques depuis vingt ans mais, jusqu'à récemment, le côté mode n'était pas toujours au rendez-vous.

Les années 2000 changent la donne. En 2002, Yohji Yamamoto signe la ligne Y3 avec la marque aux trois bandes. Trois ans plus tard, c'est la styliste très tendance Stella McCartney qui s'allie avec Adidas et porte le nouveau concept de la marque : le “prêt-à-sporter”. Une collection qui s'étoffe un peu plus chaque année (les deux partenaires viennent de signer un contrat de dix ans) et qui influence l'ensemble du segment, explique Virginie Ginsbourger, responsable marketing et communication femmes chez Adidas : « L'esprit de Stella McCartney se retrouve dans les autres produits, notamment avec la gamme Adilibria qui déclinera, à partir de l'automne, la collection de l'année précédente à un prix plus accessible.» Il faut dire que si la ligne de la créatrice ne compte que pour une part négligeable des ventes - elle est distribuée dans vingt-cinq points de vente sélectifs et reste 30 % plus cher que les autres articles -, la part de marché du textile femme pour Adidas a augmenté de 40 % depuis son lancement…

Autre marque a avoir adopté cette stratégie de partenariat : Puma, qui s'est associé avec Alexander McQueen et Christy Turlington pour développer des collections où les matières et les détails en font de véritables produits hybrides, à la croisée du sport et de l'urbanwear. Mais aussi Lacoste qui s'est allié avec le designer Cristophe Lemaire, venu de chez Thierry Mugler, pour lancer une collection tennis “preppy pop”. Stratégie inverse chez Nike, qui a lui aussi investi le créneau avec sa marque Nike Women lancée il y a quatre ans. Fabienne Mottier, responsable marketing femmes Nike France, insiste sur le fait que « tout le design est réalisé en interne, mais que la marque part parfois de vêtement issus de la mode pour en faire des versions sport, comme le corset lancé cette année, et travaille sur le nombre de collections à l'image des chaînes de vêtements ».

Le match prêt-à-porter/prêt-à-sporter

Car c'est bien là le nouvel enjeu : jouer sur le terrain de la mode en général et plus seulement sur celui du sport. « Leurs adversaires s'appellent aussi bien H&M que Zara ou Vanessa Bruno, souligne Gilles Raison, responsable marketing du pôle sport chez PPR (Citadium et Made in Sport). Certaines marques gèrent naturellement leur collection comme le prêt-à-porter, d'autres jouent plutôt sur les artifices de livraisons… » Et aujourd'hui, rares sont les marques de haute couture qui n'ont pas investi le marché : Chanel, Armani, Versace, Prada… toutes ont leur ligne “sportive” même si le mot est parfois banni de leur vocabulaire comme chez Rykiel Karma Body & Soul. Des mélanges de genre qui ont également révolutionné la distribution du secteur femme. Premier à avoir accompagné le mouvement, le magasin de sport/sportswear parisien Citadium qui a consacré dès 2002 un étage entier à la femme. Suivi l'an derniers par Les Galeries Lafayette du boulevard Haussmann, puis par Sport 2000 qui affirme aujourd'hui travailler le côté féminin pour ses nouveaux concepts comme Mondovelo… Et en septembre prochain, le premier magasin entièrement dé-volu au sport au féminin, Attractive, ouvrira aux Halles.

Mais les grandes enseignes spécialisées qui dominent encore la distribution à plus de 50 % restent tout de même un peu à la traîne face à l'offensive du prêt-à-porter. «Les marques ont encore des difficultés à trouver des distributeurs qui leur permettent d'exprimer leur concept femme, notamment parce que cela demande plus d'espace, explique Gilles Raison. Les consommatrices veulent qu'on leur signifie par un merchandising spécial que l'offre est féminine.» Décoration assurée par Jean-Charles de Castelbajac pour Lafayette Sport, grosses fleurs et renouvellement très régulier des corners de marques chez Citadium, large espace consacré à la femme dans le Nike Store des Champs Elysées ou boutiques tout en courbes et en couleurs pour Lacoste…

Les marques soignent leur image sur le point de vente. Pour autant, les Français ne sont pas encore allés aussi loin que les Anglais ou les Américains. Outre-Manche, les boutiques Sweaty Betty présentent des tenues de fitness, de danse ou de yoga dans des échoppes aux couleurs blanches et roses, aux éclairages doux et aux cabines spacieuses… Un concept qui a largement inspiré les fondateurs d'Attractive. Ces derniers ont décidé de faire de leur magasin un croisement entre une salle de danse et une boutique de lingerie où les femmes trouveront des articles grandes tailles ou pour femmes enceintes, des grandes marques ou des plus confidentielles et des collections exclusives.

Une étendue de choix qu'on rencontre encore difficilement ailleurs. « Les grandes chaînes ne répondent pas suffisamment vite à l'évolution du marché, analyse Bruno Lalande, directeur de TNS Sport. Elles ciblent le mass market quitte parfois à oublier les femmes qui sont pourtant prescripteurs des achats de toute la famille (elles constituent 70 % de la clientèle) et dépensent globalement plus pour leur habillement que les hommes. » Reste que le budget sport, malgré sa progression notable, est encore loin d'être prioritaire pour les femmes. Selon une étude TNS Media Intelligence/TNS Worldpanel “Djeun's wear”, le sport compte pour 49 % des dépenses textiles des garçons contre 25 % des filles de 8 à 19 ans, sachant que les marques internationales remportent haut la main les suffrages des premiers quand les jeunes filles se tournent davantage vers les marques Décathlon.

Communication : les marques passent à l'offensive

Avec des produits plus modes mais aussi plus chers, les marques de sport ont donc dû massifier leurs investissements communication sur le segment femme. Les chiffres donnés par l'agence de piges publicitaires Yacast sont éloquents à ce sujet. Alors que les dépenses des marques de surfwear telles que Quiksilver, avec Roxy, et Rip Curl, qui communiquent depuis longtemps en presse féminine, restent plus ou moins stables entre 2004 et 2005, elles explosent pour les marques comme Adidas et Nike Women. La marque aux trois bandes aurait ainsi investi 2,22 ME en 2005 contre 102 800 E en 2004, une hausse expliquée en grande partie par le lancement de la collection Stella McCartney, « fer de lance de la communication d'Adidas et l'une des quatre stratégies majeures de la marque », selon Virginie Ginsbourger.

Même état de fait pour Nike Women qui a déboursé 1,14 ME en presse féminine l'an dernier contre 64 626 E en 2004 (en plus de Nike France). Depuis cette année, la marque à la virgule a également décidé de communiquer en télé sur sa marque Nike Women avec des spots remarqués faisant intervenir la danseuse Sofia Bottela. Un bon pari selon Lucien Boyer, « En valorisant la danse pour ses campagnes publicitaires, Nike ne s'y est pas trompé ; cela lui a permis à la fois d'élargir son propos en sortant de la performance pure, tout en restant axée sur le sport.» Dans ses spots, la marque intègre ainsi parfaitement la philosophie sportive des femmes : loin d'être attirées par la compétition et les résultats, elles y voient davantage un moyen de liberté et de bien-être.

Quant à Puma, qui a, comme ses concurrents, consacré le gros de son budget communication au football dans la première moitié 2006, elle devrait investir massivement sur les femmes au second semestre pour rétablir un semblant d'équilibre… Buzz, déjeuners de filles, soirées people dans des lieux branchés ou cours de sport…, les marques vont chercher les femmes sur leur terrain, alternant entre opérations sportives et mondaines pour élargir leur audience. Certaines vont ainsi jouer sur l'initiation à un sport comme Nike et ses cours de ragga jam dans les clubs de gym partenaires, grands magasins et dans la rue. Rip Curl organise depuis trois ans un grand tour d'Europe des plages pour donner aux filles des cours de surf, de djumbé et de respect de l'environnement.

Quand Dynastar verse un peu de paillettes pour toucher le grand public : la marque a ainsi choisi le top model Estelle Lefebure comme ambassadrice de sa gamme Exclusive, fabriqué des skis personnalisés pour des stars comme Zazie et développé un mini site internet pour présenter sa gamme mais aussi suivre la skieuse Laurence de La Ferrière et donner des conseils bien-être ou fitness… En tout, 60 % du budget communication de Dynastar est octroyé à la gamme féminine qui compte pour seulement 25 % des ventes… Un mélange de strass et d'effort porté par la vague des sportives dont le physique et la personnalité les ont emmenées au-delà de leur sphère. Dernière représentante emblématique, Laure Manaudou, la championne de natation qui s'affiche ce printemps et jusqu'en 2009 avec le maroquinier Lancel.

Femmes et sport : un duo gagnant pour la presse magazine

Symbole de la tendance, la presse magazine féminine se met au sport et vice versa. En novembre dernier, le très branché et très parisien Jalouse éditait un numéro spécial sport où les tenues Dior et Nike se mariaient en couverture… Un concept impensable il y a quelques années seulement. Quelques mois plus tard, c'est au tour de Muteen de proclamer en une de son numéro spécial Glisse : “Sport et Glamour, c'est possible”. Deux exemples parmi d'autres tant la presse féminine s'est emparée du phénomène. De l'autre côté, le bastion de la presse sportive semble avoir cédé aux sirènes de la femme…

L'an dernier, L'Equipe lançait ainsi le pendant féminin de L'Equipe Magazine en collaboration avec Elle. Tous les six mois, L'Equipe féminine propose portraits, dossiers, pages conso, people, bien-être, nutrition…, un véritable féminin aux accents sportifs… Un concept également développé par le gratuit Sport qui publie un Sport model tous les trimestres. Un produit d'appel pour ce journal lu par 25 % de femmes. « Sport model correspond à une attente des lecteurs mais c'est aussi une réponse au marché publicitaire. Beaucoup de marques qui ne communiquaient pas sur le segment femme le font aujourd'hui… », avoue Bruno Breton, Dgd à l'éditorial.

 
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Béatrice Héraud

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