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Quand le monde virtuel influesur le nomadisme physique

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Depuis près d'une décennie, le monde des médias affine sa réflexion sur les phénomènes de la mobilité. Passé l'effet de mode, le nomadisme implique une rupture dans les comportements des consommateurs et dans leurs rapports au temps. Ces évolutions comportementales sont notamment corrélées avec les avancées technologiques. Cependant, le nomadisme reste un phénomène difficile à déterminer quantitativement, mais très lié aux notions de communauté, de déstructuration du temps, de mode de vie. Des considérations qui dépassent la sphère médiatique.

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Réduction du temps de travail, télétravail, téléphonie mobile, Interne... Autant de phénomènes liés, de près ou de loin, à la mobilité des consommateurs qui impliquent une réflexion avancée de la part des médias les plus concernés : affichage traditionnel ou transport, radio et presse de voyage notamment. Certes les gens se sont toujours déplacés, mais le nomadisme et ses différentes composantes sont désormais pris en compte de manière plus pointue dans les argumentaires médias. C'est surtout une brèche dans laquelle ils se sont engouffrés pour s'ouvrir des marchés porteurs. « La mobilité a fait naître de nouveaux marchés », constate Danielle Cassan, directeur du marketing de Metrobus. La déferlante (relative) des produits nomades est due à l'exploitation du phénomène par les marketeurs. La demande a créé l'offre, et non l'inverse. Le fait que le déplacement soit de moins en moins perçu comme une contrainte rend cette offre d'autant plus efficace. « Le déplacement n'est plus vécu comme un temps perdu, mais comme un acte positif, estime Florence Bureau, directeur marketing de Dauphin. Les tendances sont à la prépondérance des déplacements pour l'achat et le loisir. Il existe aussi une tendance à l'allongement des distances. » Si la mobilité n'est peut-être pas un mode de vie véritable, il contient une dimension comportementale et sociétale importante qui dépasse l'approche purement quantitative. « Nous sommes face à une acception qui renvoie à la notion de tribu, au déplacement physique permanent », souligne Bruno Marzloff, fondateur de Media Mundi. Toutefois, la mobilité ne recouvre pas une seule et immuable réalité.

LE DÉVELOPPEMENT DE LA MULTIMODALITÉ


Différents types de mobilité coexistent et chaque consommateur passe de l'un à l'autre indifféremment. A la mobilité du quotidien, essentiellement liée au travail, s'ajoutent la mobilité des loisirs, la mobilité de la consommation. La fréquence et la durée de chaque déplacement sont différentes, les distances très variables ainsi que les modes de transports. La multimodalité des transports devient une tendance lourde. Surtout dans les grandes aires urbaines. Du déplacement pédestre au métro, en passant par l'automobile ou le bus, les choix de transports sont multiples. Une étude menée par Ipsos-Esop en 1997 pour Métrobus, montrait qu'à Paris, les individus utilisaient 1,52 mode de transport par déplacement. Cette valeur est très liée à l'offre de transport. Dans le même temps, à Nice, les individus n'utilisaient que 1,11 mode par déplacement. « Le phénomène qui se développe est l'hypermobilité et la multimodalité », note Christine Jourdan, directrice du marketing de France Rail Publicité. La question du temps devient également cruciale. De plus en plus, la notion de temps de déplacement remplace celle de la distance. Cette tendance est aussi induite par la réduction du temps de travail, la flexibilité du travail, ou à l'externalisation de certaines fonctions dans l'entreprise. « Nous passons d'un marketing de l'argent à un marketing de l'espace-temps » annonce Jean-Louis Laborie, vice-président Europe d'Optimum Media Direction. Dans l'absolu, le consommateur voudrait consommer les produits qu'il veut, quand il le veut et où il le veut. Ce qui constitue une destructuration du temps dans son approche traditionnelle. « La notion de nomadisme ne peut se réduire à la mobilité physique, mais inclut un regard sur la gestion du temps et des itinéraires. La flexibilité et la mobilité impulsées par l'entreprise ont conduit les individus à reconstruire leur temps. Auparavant, la société avait une organisation du temps plus collective », résume Bruno Marzloff. Essentielle dans tout approche médiaplanning, la définition des cibles traditionnelles est-elle remise en cause par le phénomène du nomadisme ? L'étude budget-temps du CESP a constitué une première approche de la mobilité et de ses rapports avec les médias. « Dès 1992, on avait identifié des comportements en rupture avec les cibles habituelles, se souvient Jean-Louis Laborie. Par exemple, 12 à 14 % des ménagères de moins de 50 ans avaient un comportement plus proche de celui des cadres. Ces femmes étaient des ménagères, mais avaient des activités non commerciales. »

UNE NOUVELLE APPROCHE DU CIBLAGE


Une première ouverture que Bruno Marzloff a emprunté pour définir les différents types de comportement de la population nomade. « Les variables dont le marketing s'est emparé pour décrypter et prédire les comportements des consommateurs perdent un peu de leur pertinence au profit du temps », estime-t-il. L'étude Parcours a ainsi défini deux principaux types de nomades, les transhumeurs et les baladeurs. Les premiers sont notamment hyperactifs, utilitaristes et soucieux de leur organisation. Les seconds sont plus flexibles et opportunistes. Une approche qui ne va pas sans susciter de questionnements. « Je me porte en faux sur une typologie qui viserait à classifier les consommateurs selon leur mobilité, affirme François Bellanger, directeur de Transit Consulting. Aujourd'hui, ce n'est plus discriminant et il est très difficile de segmenter. Il y a surtout des instants où le consommateur est réceptif à une offre. Tout le monde est nomade à un moment de sa vie. » Si chacun est plus ou moins un nomade qui s'ignore, les plus grands mobiles constituent a priori une cible très recherchée. « La mobilité est un critère en soi qui est corrélé à des critères classiques », remarque Danielle Cassan. CSP +, actifs, urbains, âgés de 25 à 49 ans, tels sont la plupart du temps définis les nomades. Ils constituent donc une cible publicitaire parfaite. Reste à savoir si cette définition est vraiment exacte ou si elle est utilisée car elle met en avant une sorte de cible idéale. La plupart des enquêtes médias comprennent désormais des questions liées à la mobilité. Même si la prise en compte de ce phénomène reste surtout qualitative. Tranches d'âges, revenus et professions conservent donc leur aspect incontournable. « La mobilité est plus adaptée à un discours et un service à apporter au consommateur que sur la segmentation », estime François Bellanger. « Le nomadisme est plus un phénomène de sentiment d'appartenance très transversal et un état d'esprit que la constitution d'une cible », ajoute Florence Bureau. Pour certains types de nomades, comme les voyageurs aériens (voir encadré), il est toutefois plus facile de déterminer un profil précis. La problématique de mobilité devient toutefois de plus en plus présente, notamment dans l'esprit d'un nombre croissant d'annonceurs. « On pourrait être tenté de prendre le critère de mobilité comme un critère sociodémographique classique, analyse Eric Elan, directeur marketing d'Europe Régies. Par exemple, les grands mobiles vont écouter la radio moins longtemps mais plus souvent. »

UNE ÉVOLUTION LIÉE AUX ANNONCEURS


La prise en compte de la mobilité chez les annonceurs n'est pas récente. La grande distribution utilise depuis longtemps la notion de zone de chalandise et le géomarketing, notamment pour sa communication directe. De même, les secteurs dont l'activité est directement liée à la mobilité sont relativement avancés dans le domaine. « Les études de mobilité sont depuis longtemps utilisées par le secteur du transport. Elles s'affinent au fil du temps, les travaux sur les zones origines - destinations se sont notamment améliorées », précise Christine Jourdan. Les médias n'ont donc pas joué un rôle éminemment précurseur sur le nomadisme, mais ont plutôt pris le train en marche. En plein développement, les produits dits "nomades" ont aussi eu besoin de communiquer auprès d'une cible concernée au premier chef par leur offre. Ordinateurs portables, téléphones mobiles et produits alimentaires à consommer en se déplaçant ont fleuri ces dernières années. Cependant, le nomadisme, état d'esprit et attitude, concerne aussi la relation du consommateur à la marque. « Il existe aussi un nomadisme transversal, la fidélité du consommateur est remise en cause », explique Jean-Louis Laborie. Cette problématique concerne toutes les marques qui placent, tout du moins dans le discours, la relation client au coeur de leurs préoccupations. Dans une société où la concurrence et l'information se développent, le nomadisme est renforcé par des évolutions technologiques en pleine accélération. Des évolutions à court terme qui ont souvent tendance à dépasser les prévisions. Qui aurait pu prévoir, il y a seulement trois ans qu'Internet concernerait 15 % de la population des 15 ans et plus au premier trimestre 2000 (selon l'étude 24 000 Multimédia Médiamétrie/ISL) ? De même, en annonçant en avril 2000, une offensive d'envergure sur le WAP, France Télécom démocratise un support qui s'adresse par essence aux nomades. Itineris compte ainsi conquérir 1 million d'utilisateurs réguliers de l'Internet mobile en un an.

LE GRAND SAUT DU NOMADISME VIRTUEL


Nous entrons donc de plain-pied dans l'ère du nomadisme virtuel. « Les effets technologiques sont considérables, souligne Jean-Louis Laborie. Il faut appréhender leur influence. L'achat à distance va, par exemple, avoir une influence sur le comportement des consommateurs. Les gens vont reconstruire le nomadisme dans la gamme d'outils mis à leur disposition. » Les interrogations demeurent nombreuses sur la façon dont la mobilité statique va modifier la mobilité physique. Et les réponses encore difficiles à trouver et probablement erronées. Toutefois, si la mobilité ne devrait pas diminuer quantitativement, elle devrait subir d'importantes modifications. « Nomadisme virtuel et mobilité physique font bon ménage, déclare Bruno Marzloff. Les communications à distance ne se substituent pas aux déplacements physiques. Plus on est mobile, plus on en appelle aux nouvelles technologies de communication à distance. » Les taux d'équipement des grands mobiles en termes de téléphonie mobile ou d'Internet sont supérieurs à la moyenne. Mais la démocratisation en route devrait lisser les comportements de l'ensemble de la population. Toujours est-il que cette intrusion du virtuel change quelque peu la donne des médias traditionnels. Jusqu'à peu, télévision, presse, radio étaient disponibles sur un seul support. Désormais, le maître mot est convergence. Ce qui implique de nouveaux réflexes de la part des consommateurs et des médias. Chaque média de contenu éditorial prend position sur le Web et se prépare à entrer, quand ce n'est pas déjà fait, sur le WAP. Les différents groupes deviennent multimédias. « L'offre média est partout de plus en plus vaste et de meilleure qualité, note Sandrine Leard-Mettetal, directeur des études et du marketing de RCI. Notre valeur ajoutée auprès du marché publicitaire est d'assurer un moment avec une cible captive, disponible et réceptive. » Si la maîtrise du support devient difficile, la maîtrise du lieu reste essentielle. Et les lieux de transit restent des espaces de communication fort prisés. « L'aéroport est un lieu de consommation privilégié pour beaucoup de marchés avec un comportement spécifique des consommateurs », explique Christian Camus, directeur marketing d'AP Systèmes. La maîtrise des flux et parcours des passagers constituant une valeur ajoutée sur les opportunités de consommation. En multipliant les opérations événementielles dans les gares, aéroports, métro, les annonceurs ont cerné tout l'intérêt d'une stratégie conjointe média - hors média. Les frontières traditionnelles deviennent ténues. « Il faut travailler la créativité média, souligne Jean-Louis Laborie. Cela devient décisif. Il s'agit de lier la création du message et la création du média. » Dans tous les lieux de transit, le développement des services est un enjeu stratégique. La RATP poursuit par exemple une politique active d'installation de bornes Internet dans ses stations. « Les lieux de transit deviennent des lieux de contact », explique Danielle Cassan.

UTILISER UN LIEU ET UN CONTEXTE


Lieu de transit individuel, l'automobile est aussi un espace privilégié pour la communication radio. Avec des comportements d'écoute très liés à la mobilité. Périodes d'écoute privilégiée en semaine, la tranche 7 - 9 heures, et à degré moindre, la tranche 17 - 19 heures. Les annonceurs utilisent aussi massivement les périodes de transhumance vers les hypermarchés pour toucher les clients potentiels dans leur véhicule. L'affichage transport trouve naturellement un renforcement de son positionnement dans la croissance supposée du nomadisme. L'affichage traditionnel y trouve aussi son compte. « Il existe un vrai contexte de réception dans la rue, estime Florence Bureau. L'affiche trouve son contexte rédactionnel dans le plaisir de se déplacer. » La sensibilité des médias au nomadisme devient palpable dans leur offre commerciale. Le géomarketing constitue le point d'appui de cette démarche pour les réseaux d'affichage. Il convient aussi d'affiner la connaissance de cette population nomade. « Nous allons développer un système d'audience adapté à l'aéroport », annonce Christian Camus. Les comportements évoluant relativement vite, sans remettre en cause la grande tendance mobile, la prudence reste de mise quant aux applications concrètes de l'offre destinée à toucher les nomades. « Il faut comprendre et analyser le phénomène, mais ne pas aller trop loin dans la démarche produit », précise Christine Jourdan. Beaucoup de choses restent toutefois à faire en termes d'offre média. « Nous allons probablement adapter notre offre en fonction de la durée du vol, déclare Sandrine Leard-Mettetal. De même, les télévisions de bord sont de plus en plus segmentées et déclinées en fonction du type de voyage. » Le champ d'expérimentation du nomadisme reste donc ouvert et les possibilités offertes sont multiples. Les médias, comme les services, demeurent aux prémices d'une évolution sociétale renforcée par les bouleversements qu'implique la technologie sur la vie quotidienne.

L'aéroport, univers de consommation privilégié


A partir des études SIMM Secodip 99, Parcours 2 Media Mundi et des données fournies par les Aéroports de Paris, AP Systèmes a mis en exergue les particularités de profil des voyageurs aériens. Actuellement, 9,3 % des Français prennent l'avion plus de 6 fois par an et 29 % l'ont pris au moins une fois ces deux dernières années. Le but poursuivi par AP Systèmes consiste à modifier l'image traditionnelle des voyageurs aériens, cadres supérieurs masculins de 40 à 50 ans avec un pouvoir d'achat élevé. Le profil du voyageur aérien est en fait plus diversifié, 30 % des passagers sont des femmes, 32 % ont plus de 50 ans et 50 % voyagent pour raisons personnelles. « La cible des voyageurs aériens est plus large qu'on ne le pense généralement, souligne Christian Camus, directeur marketing d'AP Systèmes. Ils sont surconsommateurs sur beaucoup de marché et conçoivent l'aéroport comme un espace plutôt ludique... » Concernant les médias, les voyageurs aériens sont de gros lecteurs de magazines et de quotidiens. Ils écoutent davantage la radio que la moyenne de la population et ils regardent beaucoup moins la télévision. L'aéroport est en tout cas un espace en mutation. Outre la croissance prévisionnelle du trafic qui assure une augmentation naturelle de l'audience, les temps d'attente devraient augmenter. En Europe, le retard des vols devrait aussi augmenter du fait de la saturation du trafic pour atteindre 31 % en 2000 (Source : DGAC, AEA). Ce qui implique une nécessité d'accroître l'offre de services dans l'aéroport. Le développement des commerces dans l'aéroport devrait ouvrir de nouveaux marchés de consommation, qui sont - hors parfum, tabac et alcool - encore sous-exploités.

 
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Philippe Chesnaud

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