Marketing one-to-one : le Viagra des 4 P
"Je vous connais, dites-moi ce que vous voulez, je le fabriquerai et je m'en souviendrai la prochaine fois" : de quoi revitaliser les 4 P chers à Kottler ! Sur ce principe, le one-to-one fait petit à petit son chemin en France. Dominique Beaulieu, directeur marketing de Valoris, entame ici une série d'articles destinés à mieux appréhender les fondements, le fonctionnement et les enjeux du "1 : 1".
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« Les clients sont tous les mêmes ! » Ce cri du cœur de la vendeuse excédée
illustre au contraire à quel point il est difficile de satisfaire les besoins
spécifiques de chaque client. Les exigences nouvelles et changeantes du
consommateur, le manque d'homogénéité dans l'accueil que lui réserve
l'entreprise, la distance et la baisse de fréquentation de certains points de
vente compliquent encore l'exercice. Les grandes banques de dépôts, par
exemple, se sont rapprochées physiquement du client en multipliant les
guichets. De nouvelles formes de commerce, comme la banque directe, expliquent
maintenant que la véritable proximité nécessite une disponibilité 24 h/24, 7
J/7, sonnant le glas du "bon sens près de chez vous". Au moment où la
concurrence s'exacerbe, où les produits se standardisent et où la clientèle
devient planétaire, le besoin de relais relationnels fortement différenciants
se fait crûment sentir. Dès lors, l'enjeu du one-to-one (1 : 1) devient simple
: traiter différemment des clients différents.
La révolution copernicienne
Des générations de marketeurs ont été bercées, à
l'apogée du marketing de masse, par la dictature des 4 P (Produit, Prix,
Publicité, Promotion). Le produit imposait sa loi au marché. Se faisant plus
vive, la concurrence a conduit des bataillons de statisticiens à découper en
strates toujours plus fines des groupes de populations au comportement supposé
homogène. Aujourd'hui, le Client revendique un statut de "consommacteur". S'il
semble qu'au Royaume-Uni, on change plus souvent de femme que de banque,
l'époque de la fidélité aveugle est révolue dans la plupart des secteurs
d'activité. L'entreprise "client-centrique" devra trouver des produits pour ses
clients plutôt que des clients pour ses produits.
Sortir de l'aquarium
Certaines entreprises agissent comme un poisson rouge
qui chercherait de nouveaux territoires en tournant dans son aquarium, toujours
étonné de ce qu'il rencontre. Le marché qui compte, celui de demain, reste à
inventer. Comment découper en parts un marché qui reste à créer ? Parlons donc
de "parts de marché potentiel"... Et de "parts de clients" en privilégiant les
ventes additionnelles destinées à nos propres clients avant d'aller en
conquérir de nouveaux. Alors qu'il est cinq fois plus coûteux de gagner des
clients que de les fidéliser, les entreprises consacrent paradoxalement six
fois plus d'argent en conquête qu'en rétention. Parce que fidéliser un client
s'apparente à la quête du Graal... Seule une interaction régulière permet
d'acquérir une connaissance intime de ses goûts et de son environnement, afin
de le satisfaire durablement. Cette relation d'apprentissage constitue dès lors
un puissant instrument de fidélisation. Au bout de six mois, un supermarché
pourra commencer à dresser la liste de vos courses de la semaine. Plus
l'implication du client dans sa relation sera forte, plus la barrière sera
haute pour nos concurrents.
L'idip à la poursuite des 4 p
L'IDIP, c'est l'Identification, la Différenciation,
l'Interaction et la Personnalisation de masse. Parce que le client est plus
volatil, sollicité, exigeant, planétaire, il doit être identifié
individuellement et différencié à partir de ses besoins. Il faut ensuite
interagir avec lui : on ne devine plus le comportement des clients en fonction
des CSP ou de segments réducteurs, on interagit individuellement avec ceux que
l'on a sélectionnés, en conservant la mémoire de cette relation : achats
présents/passés, désirs d'achat, achats de la communauté qui leur ressemble.
Enfin, il faut personnaliser au moindre coût l'offre de produits ou de
services. L'idée n'est pas de reléguer au second rang le produit ou les
processus, mais de partir du besoin individualisé de chaque client pour
concevoir le produit et les services associés. Par ailleurs, le 1 : 1 ne tue
pas le marketing de masse. Seuls les clients porteurs de la plus grande valeur
pour l'entreprise font l'objet d'une individualisation de l'offre. Enfin, le 1
: 1 n'est pas seulement une démarche marketing. Il conduit l'ensemble des
départements de l'entreprise à se centrer sur la problématique client
(production, logistique, facturation...). Encore méconnu en France, rendu
possible par les bases de données performantes, les réseaux mondiaux et la
multiplicité des canaux d'interaction, le 1 : 1 affectera profondément la façon
de conquérir et de fidéliser ses clients, distributeurs, partenaires...
employés et électeurs. Dans le prochain numéro de Marketing Magazine : "Nous
n'avons pas les mêmes valeurs !"
Le cas Levi's :
Dans cinquante magasins, Levi's propose à ses clientes des jeans sur mesure. A partir de treize mesures, la commande est saisie sur ordinateur et immédiatement répercutée aux usines de Cincinnati. Là, une chaîne de fabrication unique assemble 430 modules pour confectionner 10 000 jeans différents. Ces pantalons seront livrés 15 jours plus tard. Résultats : un jean vendu 30 % plus cher, des ventes en croissance de 90 %, plus de stocks en magasin, une logistique légère et pas d'ourlet à faire. Tout le monde y trouve son compte !