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Marketing client : l'essai n'est pas encore transformé

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Quel est l'impact de l'arrivée du marketing client dans les entreprises ? Ses effets sont-ils à la hauteur des investissements et des attentes ? Des réponses, plutôt mitigées, à travers une étude réalisée par Valoris, en partenariat avec Marketing Magazine.

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Quel bilan tirer de la mise en pratique des concepts et des outils du marketing client ? Quelle efficacité leur accorde-t-on ? Quels en sont les leviers réels ? Où se situent les zones de progrès ? Quelques-unes des questions auxquelles cette étude, menée par Valoris auprès d'une cinquantaine d'entreprises, s'est attachée à apporter des réponses concrètes. Une étude essentiellement qualitative, puisque menée par interviews en face-à- face, et dont les résultats en pourcentages sont donc à considérer surtout comme des indicateurs de tendances. Des résultats qui s'appliquent à tout type d'entreprise, puisque l'étude ne fait pas ressortir de différence flagrante entre B to C et B to B. Si les objectifs de la fonction marketing client recouvrent toutes les phases du relationnel (de la conquête à la reconquête en passant par l'up et cross selling, la fidélisation et la rétention), les entreprises mettent avant tout l'accent sur la conquête de nouveaux clients ; une attitude logique compte tenu du durcissement des marchés et de la nécessité d'améliorer leurs marges.

Des dysfonctionnements à tous les niveaux


D'une façon générale, plus de la moitié des entreprises sont aujourd'hui insatisfaites des performances actuelles des différents leviers de la fonction marketing client et se plaignent de dysfonctionnements. Des priorités d'optimisation apparaissent donc dans plus de 70 % des cas. A côté de l'introduction de la vision client, au niveau de l'organisation marketing et du pilotage de la performance client, ces priorités sont particulièrement manifestes en ce qui concerne la connaissance client, le dispositif d'interaction, avec la nécessité d'intégrer les canaux, mais aussi “l'outillage”, avec le besoin de faire aboutir les projets en cours. Autre constat, qui peut être en partie explicatif de ce qui précède : les directions “orientées client” (support/SAV client, relation client... et même marketing opérationnel) sont encore sous-représentées dans les entreprises par rapport à celles du marketing “classique” (direction marketing produit, de la communication, des études...). « En fait, commente Manuel da Rocha, Partner chez Valoris, compte tenu de la multiplication des silos d'expertise dans les entreprises, la relation client est en grande partie gérée par la direction générale. Ce qui n'est pas sain, parce que ce n'est pas son rôle et parce que, derrière, on trouve alors des techniciens sans pouvoir. » Si la force principale des organisations marketing est celle de la compétence des individus qui les composent, leur faiblesse majeure se situe dans une position jugée comme “satellite” par plus de 40 % des interviewés. “ Ce constat, dérangeant, estime Valoris, souligne le manque d'alignement des entreprises sur une réelle logique client et leur focalisation, probablement encore excessive, sur des problématiques produits.” Par ailleurs, s'il existe dans 70 % des entreprises un plan marketing stratégique et un plan marketing opérationnel, ou encore un plan de contacts dans plus de 60 % des cas, on ne trouve que dans moins de 50 % des cas un plan marketing relationnel. La cohérence de la planification n'étant perçue que par 12 % des interviewés, ce qui, selon Manuel da Rocha, « est un facteur de non-qualité et en tout cas significatif des ruptures de la chaîne des valeurs dans les entreprises ».

Données : une qualité et une exploitation moyennes


Si la connaissance client fait l'unanimité autour de sa, future, dimension patrimoniale, à aujourd'hui une entreprise sur deux seulement considère que l'information client est gérée comme un patrimoine. L'utilisation partagée des données apparaît notamment comme un point d'insatisfaction. La collecte de cette information s'effectue majoritairement par le biais du dispositif d'interaction, devant le recours à des sources externes, deux processus encore perfectibles. Avec pour résultat une note moyenne de qualité du patrimoine d'information de 2,3, sur une échelle de 1 à 4. Une note qui s'explique principalement par des lacunes organisationnelles : absence de certaines données (concernant en particulier les deux axes prioritaires d'acquisition : attentes, besoins et attitudes des clients, et informations économiques), multiplicité des acteurs concernés, dispositif de collecte incomplet et absence d'un référentiel unique. La situation n'est guère meilleure en ce qui concerne le niveau d'exploitation des informations client, avec une note de 2,4 (toujours sur une échelle de 1 à 4). Et, si le patrimoine d'information est aujourd'hui exploité à des fins opérationnelles (ciblage, segmentation, politique commerciale, GRC...), les ambitions des entreprises portent davantage sur des finalités plus stratégiques : segmentation stratégique, gestion de la performance client, de l'innovation...). Par ailleurs, l'information économique du client apparaît encore sous-exploitée. Ce qui, au final, donne un niveau de qualité des pratiques d'analyse lui aussi "moyen" avec une note de 2,5. Si la quasi-totalité de l'échantillon a recours à des études marketing, le niveau d'articulation de ces études avec les analyses sur base client reste lui aussi médiocre ; seulement 13 % des études étant intégrées. Au final, note Valoris, “collecte et exploitation des données souffrent d'un manque d'intégration entre le front et le back-office”.

Les réseaux physiques : clé de voûte de l'interaction


En ce qui concerne maintenant le dispositif d'interaction client, l'étude montre, en premier lieu, une méconnaissance importante des volumes d'activité : 80 % des interviewés ne connaissant pas le nombre de contacts entrants et sortants, plus de 60 % leurs tendances d'évolution ... Et pourtant, les volumes de contacts, et principalement par téléphone et e-mail, sont sur des trends de progression forts. Avec, sur le parc client, une tendance au maintien des campagnes de masse parallèlement à la montée en puissance d'opérations plus ciblées. Qualité du contact, dans près de 60 % des cas, personnalisation et réactivité, dans près de 50 %; apparaissent comme les principaux axes de progrès prioritaires en matière de contacts. L'analyse des dispositifs d'interaction en place fait en outre ressortir deux phénomènes majeurs : les réseaux physiques (vendeurs, distributeurs) restent le fer de lance de l'activité commerciale, aussi bien au niveau du contact que de la vente, et les réseaux électroniques (Internet, centres d'appels) apparaissent plus comme des outils de gestion des relations avec les clients existants. Et, si la performance du réseau physique constitue la principale force du dispositif d'interaction, sa principale faiblesse réside dans des approches multicanal encore mal maîtrisées. Au niveau du pilotage du dispositif d'interaction, si les indicateurs d'activité sont considérés comme majeurs, les axes de travail prioritaires portent sur les indicateurs économiques suivis de ceux de satisfaction client. Plus globalement, les priorités des entreprises portent avant tout sur l'amélioration de l'intégration avec la base de connaissances, l'amélioration du pilotage opérationnel des canaux et de l'intégration des canaux entre eux. Quant au pilotage de la performance client, on notera l'absence, chez près de 70 % des interviewés d'un compte d'exploitation client, et dans une même proportion, l'existence d'un plan marketing stratégique orienté produit/service et non client. Les indicateurs utilisés étant, par ailleurs, essentiellement axés sur la rentabilité économique à court terme.

Front et back-offices en cours “d'outillage”


En ce qui concerne ce que Valoris nomme “l'outillage” du marketing client, l'analyse de l'existant montre que les différents applicatifs aussi bien pour le front et le back-offices sont principalement en cours de déploiement. Si l'ensemble des éléments sont majoritairement là, de fortes évolutions sont encore à venir, notamment au niveau du dispositif de gestion multicanal, du référentiel client... pour le front, et de l'intégration back end - front end, et de la base de connaissances pour le back-office. Meilleure organisation marketing/vente, capacité à se différencier, dynamisation de la performance commerciale sont les principales forces du marketing , perçus par les interviewés. Alors que c'est la complexité de sa mise en œuvre qui apparaît comme sa principale faiblesse. En tout cas, les niveaux d'impact apparaissent, selon Valoris, comme “paradoxaux” pour des projets étiquetés marketing/vente. En effet, ils n'ont aujourd'hui qu'un impact faible sur deux dimensions clés de l'avantage compétitif : le renforcement des marques et celui des promesses délivrées. En revanche, leurs impacts internes sur les organisations, les processus et l'outillage, apparaissent élevés. « Mettre l'entreprise en marche dans le sens du client apparaît comme une démarche compliquée, conclut Manuel da Rocha. La plupart des structures, qui génèrent leur propre complexité, s'y prêtent mal, et la culture produit reste dominante. Et l'on confond souvent l'aspect opérationnel, qui consiste à gérer un relationnel, et l'aspect stratégique, qui consiste à gérer un capital client. La relation client n'est qu'un outil mais, si elle n'a pas de cadre, elle n'a pas de sens. Or, la fonction marketing stratégique semble avoir été oubliée. Pour réfléchir, il faut remonter d'un cran. »

L'axe managérial : un axe de progrès


l « Si les entreprises sont devenues beaucoup plus professionnelles dans la gestion de leurs clients, on constate qu'elles n'ont encore mis en place d'offre globale qui “sature” les besoins d'un client, constate Hervé Drevot, Partner chez Valoris. Il existe des améliorations techniques, mais on note un déficit stratégique. C'est à la direction générale et à la direction marketing de donner l'impulsion. Et, si l'on veut aller plus loin, il faut appréhender les choses de manière transversale. Ce qui est très lié aux hommes. Il y a eu beaucoup d'investissements technologiques, mais ceux effectués dans le domaine de la formation, de l'évolution des comportements, restent faibles. Il faut faire des efforts pour investir dans l'infrastructure, pour passer d'une logique de mobilisation par rapport à des résultats court terme à une mobilisation autour du client. Les acteurs du marketing, du commercial, de la relation client doivent travailler davantage en synergie. Tous au service du client. Sachant que, si l'on veut améliorer la qualité de l'offre, des messages marketing, cela passe par un accompagnement du terrain. L'écoute du client nécessite aussi le renforcement de la mobilité intérieure entre vente et marketing. »

Méthodologie


Etude réalisée par Valoris auprès des directeurs marketing de 50 entreprises (moitié B to C, moitié B to B ; groupes majeurs et entreprises de taille moyenne), appartenant à tous les secteurs significatifs de l'économie. Entretiens en face à face, de 2 heures, réalisés entre décembre 2003 et février 2004.

 
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François Rouffiac

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