Luxe et low cost sur la même longueur d'onde
Chic et cheap partagent désormais leurs codes et leurs habitudes. Résultat? Le consommateur n'arrive plus à se repérer dans un monde où les cartes sont de plus en plus brouillées.
Le milieu de gamme est dans l'impasse. Tandis que le luxe continue d'attirer le consommateur et que le low cost séduit grâce à ses promesses autour des prix, le mid-market cherche encore et toujours son salut. La polarisation du marché sur les extrêmes favorise leur association. Ce qui remet en cause l'ordre établi. Les récentes utilisations de codes similaires ne font que renforcer ce phénomène. Désormais, le luxe se brade lorsque le bas de gamme se montre plus attrayant. « Le premier, dans une logique de trading down, devient plus accessible et s'attaque à de nouvelles cibles. Le second mise sur le trading up, monte en gamme, ajoute de la poésie, de l'humour et de l'esthétisme à sa formule », explique Monique Large, directrice des études chez Dezineo, commentant l'étude Luxe&Low qu'elle a pilotée.
Car voilà, l'avènement d'une société hédoniste influence les consommateurs qui éprouvent un désir croissant d'avoir leur petite part du luxe. En outre, il est devenu courant pour les marques de luxe de déstocker. Sans la moindre pudeur. A l'instar des diamants ou des perles de culture vendus sur des sites en ligne. Air France révise, quant à elle, sa copie pour stopper l'hémorragie en faveur des compagnies low cost. A contrario, les marques ambassadrices du low cost s'allient au prestige, comme le fait depuis plusieurs années H&M en collaborant avec des créateurs.
Bref, la confusion des genres s'installe: le luxe s'en remet au marketing quand le low cost ne se contente plus de s'inscrire au service du pouvoir d'achat. Il se réinvente, étoffe son approche et s'éloigne de sa sphère initiale pour proposer du service «plus». Difficile alors pour le consommateur de s'y retrouver. D'autant que la rencontre de deux univers - que pourtant rien ne prédestinait à partager le moindre élément stratégique - semble se produire. Si le prix constitue un des principaux points sur lesquels se différencient les deux genres, la valorisation des services, l'excellence, la valeur du temps, l'abondance, la cible, la distribution ou encore la communication s'entremêlent afin de faire preuve de créativité.
La question du prix
En période de crise, le consommateur se montre plus que jamais attiré par des prix bas. Et ceci ne concerne pas uniquement les personnes les moins favorisées. En effet, 77 % des consommateurs fortunés pensent que le luxe est moins prioritaire dans la situation économique actuelle (source: Luxury Institute, 2009). Le «bling bling» et l'ostentatoire sont entrés en disgrâce. Dès lors, les marques ont trouvé leur salut en soldant. Et tant pis pour les puristes qui prétendent que luxe et rareté sont synonymes. Ainsi, la créatrice Norma Kamali a pris le parti de faire défiler indistinctement les modèles qu'elle dessine pour Walmart et ceux de sa marque premium. De même, Marc Jacobs a créé Marc by Marc Jacobs pour donner accès à la marque à davantage de personnes. Des accessoires à 2 Euros sont proposés. Une rupture avec le concept originel du luxe! Dans l'automobile, même Rolls Royce se lance et sort la «baby Rolls». On assiste aussi au mouvement inverse, puisque la Fiat 500 est passée du statut de populaire à celui de chic et cher. Et va même jusqu'à rendre hommage à Ferrari avec un modèle baptisé 695 Tributo Ferrari.
La question de la communication
Les marques qui s'expriment ont envie de prendre le contre-courant des conventions. Le parfum Wode by Boudicca donne des frissons! Sa campagne met en scène la fragrance. Mais sa couleur bleue véhicule une ambiance sanguinaire et morbide. De son côté, Mauboussin a ouvert, en juin dernier, une boutique dans le quartier de Ginza à Tokyo. A cette occasion, la marque a offert à 5 000 clients un diamant de 0,1 carat. En outre, le luxe devient discret et nombre d'enseignes proposent, à l'instar de celles de la Galerie du Métropole à Monaco, de ne plus sigler les sacs. Le low cost aussi veut surprendre. Aussi McDonald's a-t-il organisé une vente caritative de gants Duckie Brown inspirés de ceux de Ronald McDonald.
La question de l'excellence
Aujourd'hui, le low cost ne veut plus être synonyme de mauvaise qualité. Aussi sa communication s'applique à démontrer son application en la matière. Et explique que ses tarifs sont le fait d'une standardisation de l'offre et d'économies d'échelle. Uniqlo appartient à ce courant. A l'inverse, le luxe revendique son droit à l'imperfection. Ainsi, l'hôtel Rough Luxe de Londres propose une nouvelle expérience. Aucun objet n'est neuf, chacun a une histoire. Le lieu possède une âme. Et le client entre dans l'univers de la marque.
La question du temps et de l'abondance
Dans le luxe, ces temps-ci, les lancements se succèdent sur un mode de temps courts. Le flashstore Gucci Icon-Temporary en est une illustration. Ouvert en octobre dernier à New York pour deux semaines seulement, il met en avant les baskets Gucci Ronson. Il sera déplacé en décembre à Miami. A l'autre bout de l'échelle, Ikea fait durer le plaisir et vient de souffler les 30 bougies de Billy, sa célèbre étagère. L'abondance constitue aussi un élément fort du luxe. Mais l'évolution est de mise et même Van Cleef & Arpels suggère à ses clients de réutiliser leurs pierres.
La question des services «plus»
Plutôt que de baisser ses prix, le luxe propose des services additionnels. Les croisières Crystal ont souhaité inclure dans leur forfait l'accès aux boissons et autres services à hauteur de 2 000 Euros par couples. Le haut de gamme se différencie ainsi du low cost qui facture chaque complément. Dans cette optique, Ryanair envisage de faire payer l'accès aux toilettes. Son confrère British Airways facture 50 livres sterling la réservation des places au niveau des issues de secours. Et pour garantir le prix le plus bas, certains acteurs font travailler le consommateur. Ainsi ING Direct propose à ses clients de devenir les gestionnaires de leur propre compte.