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Les parentaux, une famille médiatique en pleine évolution

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Le trio maman-papa-bébé n'a plus que de lointains rapports avec celui de nos parents. Une situation que doit gérer la presse parentale sur le plan éditorial, mais aussi publicitaire. Les marques ayant toujours tendance à s'adresser prioritairement à la mère dans son acception la plus primaire.

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Des pères qui se promènent fièrement avec leur nourrisson en kangourou sur le ventre, des grands-parents qui surveillent les devoirs au retour de l'école, des mères, ou pères seuls qui courent récupérer le petit dernier chez la nourrice. Le spectacle de la rue dit mieux que n'importe quelle étude sur l'évolution permanente de la Famille. Des foyers monoparentaux à la revendication d'une homoparentalité, la notion même de parents sort des frontières traditionnelles. Dans ce bouleversement sociétal, la seule personne qui garde (pour l'instant ?), son identité est le bébé. « La famille change, mais c'est l'enfant qui fait la famille, plus que le couple », estime Francesca Colin, directrice de groupe commercial dans le pôle des “Féminins étapes de vie” d'Interdeco. Un enfant suivi pas à pas dans son environnement par les magazines parentaux, une famille qui essaye de coller au plus près à ces évolutions. « On doit faire état des phénomènes de société suffisamment à temps, sachant toutefois qu'on ne peut pas être précurseur à la manière des magazines de société engagés », explique Catherine Salés, directrice de la rédaction de Famili durant trois ans, avant de prendre tout récemment la même fonction à la tête d'Avantages. Nos lectrices sont concernées directement par des situations de divorce, de familles recomposées, etc. Car, même si la maternité est un peu une bulle, elles ne vivent pas totalement dans une bulle. »

Des parentaux proches des féminins


De magazines centrés sur le bébé, ils ont ainsi progressivement élargi leur ligne éditoriale à tous les domaines de la vie familiale, à une cadence qui s'est accélérée depuis deux ou trois ans. Chez Interdeco, en charge de la régie de Parents, Enfants et Top Famille, on a d'ailleurs troqué le terme de “parentaux” contre celui de “féminins familiaux”, une appellation marketing qui illustre la volonté d'intégrer la maternité dans une vision globale de vie de femme, vie de couple, vie de famille, vie professionnelle. Elle traduit une évolution éditoriale entamée il y a deux ans par Parents, qui a féminisé sa formule en la rendant plus haut de gamme, en donnant plus de place au visuel et en optant pour un traitement de l'information qui accompagne et valorise la femme. « Parents garde le côté expert qui en a fait un titre de référence, mais dans un traité moins injonctif et plus ouvert sur les différents types de familles», indique Francesca Colin. Le mensuel d'Hachette Filipacchi Médias suit également l'enfant jusqu'à six ans, contre deux ans auparavant via la rubrique “Age par Age”, pour répondre aux attentes des familles ayant plusieurs enfants. Comme les féminins, Parents s'est également lancé dans le format pocket, proposé parallèlement à sa formule habituelle et vendu 1,80 euro contre 2,20 euros. Enfant Magazine a également mis le cap sur plus de féminité en 2003, tandis que Top Famille fermait la boucle en novembre dernier en revenant avec un dos carré, un nouveau format, de nouvelles rubriques et systématiquement une maman en couverture. Son positionnement plus féminin, plus conso est véhiculé par le sommaire en quatre parties “Top Infos” de 0 à 12 ans, Nos enfants et nous, Le temps des loisirs, Bien vivre, tous les aspects de la vie d'une femme: beauté, cuisine, déco.

Les pères, les grands oubliés des parentaux ?


Si ce virage négocié vers une féminisation accrue semble logique au regard de l'évolution de la vie des mères, cette évolution semble toutefois laisser sur le bord de la route un membre important de la famille, le père. Les 61% de pères qui ont pris leur congé parental dès l'année suivant l'entrée en vigueur de la loi de 2002, par exemple, sont, en effet, toujours les parents pauvres de la presse parentale. « Il faut tenir compte de la structure d'audience d'une presse qui est achetée quasiment à 100 % par les femmes et lues à 80 % par les mères, déclare Vincent Soulier, directeur du marketing du groupe Marie Claire. Ce qui ne veut effectivement pas dire que l'information éducative ne fait pas son chemin, mais l'homme se contente de quelques clés et réagit plutôt en situation de difficulté. » Ce dernier rappelle toutefois que « Famili a été le premier à valoriser le rôle du père dès son lancement en 1993, en consacrant un article aux nouveaux pères, mais aussi en le faisant figurer parmi les photos de couverture, ce qui était iconoclaste à l'époque. » Le mensuel intègre, par ailleurs, depuis deux ans, une rubrique baptisée Paroles de pères, animée par Christophe Quillien, auteur “Du guide de survie du père célibataire”, et lui-même papa d'une fille de 8 ans et d'un garçon de 6 ans, autour de thèmes comme “Bébé arrive comment vous rendre utile”, “Assister ou non à l'accouchement”, “Peut-on être père un week end sur deux ?”, etc. Chez Bayard Presse, Enfant Magazine a consacré l'an dernier un numéro spécial au papa, une première pour le titre, tandis que « Top Famille parle beaucoup plus au père en tant que partie prenante depuis un an », dixit Francesca Colin. Mais, dans l'ensemble, cette présence paternelle demeure très marginale. « Les lectrices ont une attitude ambiguë dans le sens où si elles souhaitent cette présence, elles ne veulent pas non plus qu'elle soit très importante. On est toujours dans la notion de mère surpuissante », raconte Catherine Salés. Et Pascale Pommier de Santi, qui vient juste de la remplacer à la direction de la rédaction de Famili d'ajouter : « Quand les femmes achètent un parental, elles ont immédiatement besoin de s'y identifier. Le père n'est pas leur priorité, elles laissent simplement traîner le magazine si elles estiment qu'un sujet peut l'intéresser.» Des avis que ne partagent pas Frédéric Ragot qui estime, au contraire, que le père a un rôle complet à jouer dans l'éducation de l'enfant, raison pour laquelle ce jeune père, ancien journaliste sportif, a créé en mai dernier le magazine mon papa. « J'ai commencé à y réfléchir à la naissance de ma fille, il y a quatre ans, en lisant les parentaux et en constatant qu'on ne s'adressait jamais à moi, explique-t-il. J'ai voulu le positionner dès le départ dans l'univers de la presse parentale et non dans celui des magazines masculins ; car il a véritablement sa place comme complément des titres existants. » Aider sa femme à surmonter le baby blues, apprendre à changer bébé, gérer l'argent de poche ou consoler un premier chagrin d'amour, sont quelques-uns des sujets abordés par ce trimestriel dont Frédéric Ragot attend les résultats du troisième numéro pour passer ou non à la périodicité bimestrielle. S'il reconnaît que « mon papa est surtout acheté par les mères, car le linéaire presse parentale est peu fréquenté par les pères qui n'y trouvent pas d'offres qui leur corresponde vraiment, on sait qu'on est là pour défricher le terrain et on espère pouvoir s'installer dans la durée.» Le groupe Bleucom, éditeur de Neuf Mois, Maman ! et 1.2.3 Baby, avait également dans ses cartons un projet totalement dédié sous le nom de Papa Magazine. « Si la cible du futur papa est claire, le lectorat est d'abord féminin, note Pascale Costa, éditeur des titres. En voulant le commercialiser, nous avons constaté qu'il n'y avait pas de retour suffisant pour le financer. » Le groupe s'est finalement replié sur un dossier spécial dans les pages de Neuf Mois. « Nous abordons régulièrement le sujet dans Neuf Mois, plus occasionnellement dans Maman !, car les questions sur la paternité sont plus aigues avant la naissance », estime Pascale Costa.

La publicité reste majoritairement sexiste


La prise en compte de cette cible se heurte également aux freins du marché publicitaire. Quand on regarde la répartition des secteurs annonceurs, on constate, en effet, qu'ils sont toujours axés sur la mère et son enfant. L'an dernier, le tiercé gagnant des 3 317 pages de publicité (+ 0,3 % selon TNS Media Intelligence) se composait à 22 % d'Alimentation, à 15 % d'Hygiène-Beauté et à 13 % de Distribution (hypers-supers et magasins de puériculture). On est encore très loin d'imaginer, voire un jour figurer une annonce de Nivea For Men dans un magazine parental, même si Jean-François Pascal, directeur du marketing, note en souriant que, « compte tenu de l'évolution du nombre de foyers monoparentaux, cela peut me donner des idées.» On est toujours plutôt dans le cas de figure d'un Mixa pour qui « la mère est l'humus de la marque,» dixit le service de communication. « Avant même de penser à la cible des pères, notre problématique est d'abord de désenclaver nos titres, de les “déghettoiser” dans l'esprit du marché de la seule cible des femmes enceintes, estime de son côté Francesca Colin. C'est d'ailleurs pour cela que, depuis trois ans, nous mettons également en avant trois niveaux de discours féminins, celui des mères après la naissance, des femmes qui souhaitent renouer avec la séduction et des chefs du foyer responsables des achats.» Un discours marketing notamment véhiculé par l'offre “Esprit de famille” qui réunit commercialement Parents, Enfant Magazine et Top Famille pour légitimer l'offre par rapport à la presse féminine sur les campagnes beauté, alimentation, entretien, transport. Chez Famili, Vincent Soulier met en avant « la caution de Marie-Claire et les liens privilégiés que le groupe entretient avec le secteur de la Beauté qui explique le fait que nous soyons les premiers à avoir convaincu ce marché ».

Amorce d'un nouveau discours publicitaire S


i mon papa a plutôt bien démarré son lancement en bénéficiant de campagnes de marques de grosse puériculture comme Bébé Confort ou Graco, de laits comme Gallia ou d'alimentation infantile comme Blédina, les annonceurs se font aujourd'hui plus rares. « Pour l'hygiène et le soin masculin, par exemple, on nous dit que l'image du papa renvoie une image féminine qui ne cadre pas avec les hommes musclés mis en scène par les marques de cosmétiques ou de parfums, raconte Frédéric Ragot. Plus généralement, si les annonceurs trouvent le concept intéressant, le père n'a jamais été vraiment une cible publicitaire et ne l'est toujours pas. » Peu osent, en effet, s'adresser directement au père si ce n'est de manière humoristique, et à la télévision seulement, à l'image du film Eveil de Lactel qui montre un père faisant le gâteux devant son bébé. En cela, une marque comme Peaudouce est clairement l'exception qui confirme la règle. Dans l'univers très cadré des couches, la marque franco-française de Kimberly Clark est, en effet, la seule du genre à mettre le père en scène au même titre que la mère. Une stratégie lancée il y a un an avec un repositionnement qui s'est également matérialisé par un concept de couches illustrées autour du thème des “Moments magique en famille”. On voit ainsi sur les packagings un père en situation de change de son bébé, un visuel également repris en TV mais aussi en presse parentale féminine et masculine. « A la différence de Pampers, qui vise les mères perfectionnistes, nos marques s'adressent aux mères pragmatiques, explique Cédric Bachellerie, directeur marketing hygiène bébé de Kimberly Clark. Les produits Huggies concernent les mères et femmes à la fois tandis que ceux de Peaudouce s'adressent plus aux femmes qui sont mères avant tout, très axées sur la cellule familiale, qu'elles n'envisagent qu'au sein d'une relation à trois, dans laquelle le père a pleinement son rôle à jouer.» KCC France, pour qui l'hygiène bébé représente 36% des 283 millions d'euros€ de chiffre d'affaires global, a d'ailleurs réalisé une étude sur les pères qui sera utilisée en communication.

Le marché vote toujours et d'abord pour la mater familias


C'est du côté de la télévision uniquement(France Télévisions, M6 et TF1) qu'il faudra, en revanche, se tourner en mai prochain pour trouver une publicité mettant en scène un père. “Un bobo, un bisou, un Mercurochrome” est le slogan de la campagne des Laboratoires Mercurochrome dans laquelle un papa vient chercher son fils à l'école et, le voyant légèrement blessé au coude, lui met le dernier pansement de la gamme. « Le scénario que nous avons conçu en interne d'un père descendant de sa voiture, un portable à la main, passait même mieux auprès des mères car il montre un père disponible, qui sait se dégager de son travail sans s'en isoler tout à fait, mais pour mieux assumer sa part dans la responsabilité des tâches», raconte Bedros Sarkissian, chef de marque chez Juva Santé. On l'aura compris, ces exceptions mises à part, le marché vote toujours et d'abord pour la mater familias. Dans ce contexte, on peut relever l'intérêt du parti pris par la marque de cadeaux de naissance Sucre d'Orge de s'adresser aux grands-parents ! En ouvrant Notre Temps daté mars, on pourra, en effet, voir un publi-reportage dans lequel “Jocelyne, grand-mère de Mathilde et Gabriel” explique pourquoi elle ne s'est jamais trompée en offrant des vêtements ou des articles de puériculture de la marque. Cette campagne, conçue par Business, relaye dans le titre ainsi que dans Madame Figaro et les trois parentaux gérés par Interdeco le premier film TV de la marque diffusé sur les chaînes herziennes du 9 au 20 février dernier (55 spots). « Les marques enfants qui ont souvent des petits budgets ciblent d'abord utile, c'est-à-dire la mère, remarque Eric Bousquet, patron de Business. Mais Sucre d'Orge étant une marque de cadeaux de naissance, il nous a semblé intéressant de nous adresser aux grands-mères en allant dans un segment de presse où les marques enfants ne sont pas présentes.»

 
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Léna Rose

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