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Les médias nationaux à la recherche de proximité

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A l'ère du marketing relationnel et du one-to-one, certains médias nationaux développent leurs implantations locales. Que ce soit dans un but d'amélioration de l'audience ou dans un but commercial, la présence en région est à l'ordre du jour. Sachant qu'il existe une réserve de croissance du marché publicitaire local qui n'a pas encore véritablement été attaquée par les grands supports hexagonaux. Cependant, la concurrence avec les médias locaux s'avère réelle.

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A l'instar des investissements globaux, les investissements publicitaires locaux ont connu une forte croissance en 1999. Selon l'étude France Pub, les budgets destinés à toucher des cibles locales sont passés de 53,6 milliards de francs en 1998 à 60 milliards de francs en 1999. Soit une progression de 12 %. Dans le même temps, les dépenses publicitaires totales ont progressé de 6,9 %. Alors que les dépenses des annonceurs sont estimées à 176 milliards de francs, la part des dépenses locales représente donc plus d'un tiers du marché. 42 % de ces dépenses sont réalisées par des annonceurs nationaux et 58 % par des annonceurs locaux. Même si ces sommes incluent les investissements hors-médias, le potentiel de développement est bien réel sur le marché local. Une constatation que certains ont déjà faite depuis un certain temps. Ainsi, le groupe Hachette-Filipacchi décline depuis une dizaine d'années quelques titres en région. Ils sont aujourd'hui au nombre de 8 à avoir des encarts publicitaires locaux (Paris Match, Télé 7 jours, Elle, Le Poin...). « Il y a eu une volonté du groupe de décliner au régional car le marché commençait à être intéressant », commente Roland Deponge, directeur commercial France d'Hachette-Filipacchi Régions. Il s'agissait aussi d'un marché sur lequel la presse magazine était très peu présente. De même, la structuration progressive des radios FM en réseaux nationaux a augmenté considérablement leur poids sur les marchés publicitaires locaux. « Il existe environ 20 000 marques en France susceptibles d'annoncer, on va chercher le potentiel en local », explique Jean-Charles Mathey, directeur général de Régie Networks, régie qui gère la publicité locale et extra locale des stations du groupe NRJ. Le maillage progressif du territoire par les réseaux a légitimé leur démarche auprès des annonceurs locaux pendant que la notoriété des stations allait croissant. Les acteurs locaux, longtemps négligés, sont désormais de mieux en mieux appréhendés par les médias nationaux. La volonté d'implantation en région correspond également à une certaine modification des comportements des annonceurs. « Nous sommes dans une période où les annonceurs et leurs clients ont besoin de repères et de proximité, note Anne-Claire de la Vigerie, directrice générale d'Emap Media. Le besoin d'appartenance à une région est fort, mais parallèlement, il y a un désir d'ouverture sur l'extérieur. » La présence des grands médias sur des territoires plus réduits est aussi liée à la découverte d'un potentiel d'annonceurs nationaux probablement mal exploité par méconnaissance du terrain. « Nous sommes persuadés que de plus en plus de sièges sociaux en province sont amenés à faire du national », observe Jean-Charles Mathey. Si la décentralisation se développe, les médias possédant la meilleure expertise territoriale détiendront un avantage concurrentiel non négligeable par rapport aux nouveaux arrivants « Sur les budgets nationaux, la présence en région permet de détecter des annonceurs qu'on détecterait beaucoup moins facilement autrement », précise Jacqueline Chaillot, directrice du développement et des régions d'Emap France. Différentes approches de la publicité régionale, ou plus locale, se font jour. Certains annonceurs en fonction de leurs zones de chalandise font exclusivement de la communication de proximité. D'autres sont des annonceurs nationaux et utilisent les décrochages locaux afin d'effectuer des surpressions régionales liées aux spécificités de consommation de leurs produits. Enfin, les régions peuvent servir de tests à des campagnes nationales, notamment en radio et en presse magazine.

DES ORGANISATIONS COMMERCIALES DIVERSES


Toutefois, l'aspect publicitaire n'est pas obligatoirement prédominant dans le choix de décrochages régionaux ou locaux. La Tribune, par exemple, a développé des éditions sur des grandes zones. Après l'introduction successive de pages régionales en Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes, grand Sud-Ouest et grand Ouest, le quotidien économique devrait lancer une nouvelle édition dans le grand Est au second semestre. La page culture présente dans l'édition nationale fait place à une page d'actualité économique régionale sur les zones concernées. Face aux coûts de fabrication d'une seule page, avec 1/4 de page de publicité au maximum, la rentabilité publicitaire n'est pas l'objectif principal poursuivi. « Ces éditions régionales sont favorables à l'image et à la diffusion du journal », explique Laurent Mercier-Ythier, directeur de la publicité régionale de La Tribune. Cette implantation de pages régionales n'est probablement pas étrangère à la progression de diffusion du quotidien sur les zones concernées, avec des surdiffusions atteignant 30 %. Inclus dans les missions assignées à France 3, les programmes régionaux sont aussi un formidable atout pour l'audience de la chaîne qui réalise la plupart de ses meilleurs scores entre 19 heures et 19 heures 30. Les actualités régionales concernent même des zones de plus en plus réduites. « La volonté de France 3 est d'offrir plus de proximité, ce qui se traduit par des décrochages de plus en plus locaux, souligne Laurent Vaneson, directeur de la publicité régionale de France Télévision Publicité. Nous avons la même volonté en termes de publicité. La légitimité de France 3 en région vient de l'information. » Les décrochages de M6 sont, eux, exclusivement éditoriaux, la chaîne n'ayant pas l'aval du CSA pour diffuser des écrans publicitaires régionaux. Chaque support impliqué localement ou régionalement a mis en place une organisation commerciale adaptée à sa problématique média ou à sa couverture. Entre externalisation et internalisation, les alternatives sont multiples et dépendent aussi de raisons historiques. Ainsi, Emap a profité des bureaux régionaux dont disposait IP pour la commercialisation de Top Santé et Télé Star, pour organiser son offre régionale lors de la reprise de ces titres. Le groupe possédait auparavant un bureau à Lyon qui gérait les budgets nationaux en région. L'offre Télémap (Télé Star et Télé Poche) a ainsi une déclinaison régionale. Outre deux bureaux Emap à Lyon et Lille, la commercialisation est confiée à des régies extérieures animées par Emap Régions. De son côté, Interdeco a intégré la publicité régionale, avec 8 bureaux et 60 commerciaux en province. Europe Régies a fait un choix se situant entre les deux situations, avec à la fois des bureaux 100 % intégrés et des partenariats menés avec des acteurs bien positionnés dans certaines régions, comme Ouest-France. Filiale à 99 % de NRJ, Régie Networks, implantée à Lyon, dispose d'une direction commerciale nationale et a repris des régies de franchisés. « Entre national et local, il s'agit de deux métiers différents. Nous disposons de 300 vendeurs contre 70 au national. Le local nécessite beaucoup plus d'affinité avec les annonceurs », explique Jean-Charles Mathey.

LE POIDS D'UN MÉDIA NATIONAL


Dans un souci de renforcement de la proximité, France Télévision Publicité a aussi restructuré son approche de la publicité régionale. Jusqu'en 1998, la publicité se déclinait sur des grandes régions qui ont été séparées suivant le découpage des régions administratives, même si subsistent six directions régionales. « Grâce à ce nouveau système, on s'adresse à des annonceurs de plus petite taille, mais aussi à de gros annonceurs pour qui notre découpage ne correspondait pas aux zones de chalandise », explique Laurent Vaneson. Entre un souci de rentabilité, qui peut empêcher de descendre trop bas dans les strates territoriales, et un souci de proximité, qui oblige à coller le mieux possible aux problématiques des annonceurs, l'arbitrage est essentiellement lié à la taille du marché. Quitte à se passer de quelques budgets potentiels. « Nous n'avons pas les banques en réseau par exemple, car leurs zones de chalandise ne correspondent pas à nos zones de diffusion », avoue Laurent Mercier-Ythier. Reste que la présence des grands médias en région offre des opportunités nouvelles de communication pour les annonceurs locaux ou extra locaux. Avec des moyens et des approches différentes des vecteurs qu'ils utilisent habituellement. « Nous apportons l'assurance d'un réseau au niveau des informations marketing, affirme Jean-Charles Abeille, directeur du réseau d'Europe Régies Régions. Un réseau peut garder la spécificité de l'expertise au niveau local en étant positionné au niveau national. » La marque nationale est censée garantir une qualité de service et de conseil bénéficiant de la puissance d'un grand média. « Au niveau de l'audience, la radio locale peut parfois avoir une image de fiabilité un peu relative, la force d'un réseau est de pouvoir apporter une caution », poursuit Jean-Charles Abeille. D'ailleurs, le rôle des médias est un peu différent à un échelon plus réduit. « Il y a un aspect de conseil auprès des annonceurs en région qui n'existe pas à Paris. Le rôle d'apport d'informations est important », analyse Jacqueline Chaillot. « Ce qui manque en région est une véritable politique médiaplanning, ajoute Roland Deponge. Dans les deux ans à venir, nous voulons mettre en place des outils pour valoriser la presse magazine. » En testant une offre média couplant Télé 7 jours et TV Hebdo sur les régions PACA et Sud-Ouest, Interdeco mise sur la puissance pour séduire les annonceurs.

UN BESOIN DE NOTORIÉTÉ


L'offre régionale des grands médias demeure parfois méconnue, d'où un besoin pédagogique et un potentiel de prospection à développer. La plupart des médias présents en région n'ont pas encore atteint leur efficacité maximale. « On est encore dans une phase de valorisation du média », souligne Jean-Charles Abeille. C'est également le cas pour les magazines dont l'offre publicitaire en région est parfois négligée et ne vient pas spontanément à l'esprit des annonceurs. « La presse magazine a une offre assez courte alors qu'elle garde ses spécificités en région », regrette Anne-Claire de la Vigerie. Cependant, le marché n'est pas extensible à l'infini. « On a créé un marché mais il arrive vite à saturation, les budgets régionaux sont étroits », constate Laurent Mercier-Ythier. Toutefois, les coûts d'accès aux grands médias sont raisonnables. Surtout pour des médias très coûteux dans l'imaginaire des petits annonceurs. Les tarifs sont calculés en fonction de l'audience ou de la diffusion sur les zones concernées. Ce qui, suivant les régions, rend leur accès sans rapport avec une campagne nationale. Et les coûts fort variables selon la puissance des supports. « Une campagne nationale commence souvent à 500 000 F, alors qu'une campagne locale peut débuter à quelques milliers de francs, explique Jean-Charles Abeille. Il en faut beaucoup pour rentabiliser l'activité. » De même, la télévision conserve l'image d'un média cher alors que la concurrence entre les producteurs et les évolutions technologiques a sensiblement diminué les coûts de fabrication d'un spot. « Sur une petite région, une campagne de 15 jours pour un spot de 15 à 20 secondes peut coûter 50 000 F, le ticket d'entrée sur une région plus importante est inférieur à 100 000 F », affirme Laurent Vaneson. Les réflexes des annonceurs restent toutefois très orientés vers les supports qu'ils connaissent le mieux, en particulier la presse quotidienne régionale. Celle-ci, en simplifiant son accès avec le produit PQR 66, a aussi conquis beaucoup d'annonceurs nationaux désireux de jouer sur la relation de proximité avec les consommateurs. La presse hebdomadaire régionale, dont le développement est certain, peut aussi constituer un concurrent pour les médias nationaux qui déclinent leur offre. Même si l'offre de la PHR est souvent difficile à identifier clairement. Selon les cultures locales, la concurrence s'avère assez variable d'une région ou d'une ville à une autre. De plus, les médias nationaux n'ont pas forcément les mêmes objectifs que leurs concurrents plus locaux. « Nous ne chassons pas le marché local-local, analyse Roland Deponge. C'est le marché régional et multirégional qui nous intéresse. » Suivant leur organisation, les régies peuvent jouer la synergie entre bureaux, en apportant aux régions voisines des contacts d'annonceurs possédant un bassin d'implantation plus large. Les problèmes rencontrés dans une zone peuvent également servir d'exemple pour les autres régions.

UNE CONCURRENCE EN ÉVOLUTION


Si la concurrence varie d'une région à une autre, elle peut aussi servir de stimulant au marché publicitaire. « Beaucoup de titres régionaux ont lancé leurs propres magazines, constate Roland Deponge. Cette concurrence crédibilise la démarche presse magazine en région. » Les offres des médias nationaux ne sont souvent pas prioritaires, notamment pour la presse magazine, mais peuvent constituer des alternatives intéressantes et des compléments à l'affichage ou à la PQR, voire à la communication hors-médias. La concurrence télévisée pourrait désormais s'accroître avec une volonté marquée des éditeurs de PQR de s'implanter sur ce média. Ce qui leur apporterait un surcroît de puissance auprès du marché publicitaire. Malgré quelques chaînes locales sur certaines villes ou régions, comme TMC dans le Sud-Est, la concurrence télévisuelle n'est actuellement pas trop vive. L'arrivée du numérique hertzien pourrait aussi offrir aux grandes chaînes nationales une présence accrue à l'échelon régional, avec des décrochages plus développés. Dans ce domaine, la prudence demeure encore de mise quant aux intentions des grandes chaînes hertziennes. La structuration des annonceurs et des intermédiaires laisse toutefois penser que la publicité locale n'est pas en phase terminale de croissance. « Il y a une accélération de la mise en place des entités régionales des grosses centrales et agences médias », remarque Roland Deponge. La voie semble bien engagée et le marché porteur. France 3 a ainsi multiplié par deux sont chiffre d'affaires régional en 5 ans et par trois le nombre d'annonceurs. Les régions représentant même un tiers du parrainage de la chaîne. « Il va y avoir dans les deux ou trois prochaines années des modifications dans la publicité locale, estime Jean-Charles Abeille. Les budgets centralisés devraient avoir un regard plus décentralisé. » Ce marché, souvent négligé, pourrait donc susciter un intérêt accru de la part des grands médias nationaux. Reste à savoir si la concurrence va créer une saine émulation ou va phagocyter les budgets des annonceurs régionaux. Elle peut aussi permettre aux grands annonceurs nationaux de disposer d'une palette de choix plus large dans leur communication de proximité.

Des annonceurs locaux plus relationnels que traditionnels


L'étude France Pub sépare les annonceurs en deux catégories distinctes : les adeptes du marketing traditionnel et ceux du marketing relationnel. La première catégorie communique plus sur des segments de population définie par des critères socio-démographiques. Les grands médias sont privilégiés dans la communication pour développer image de marque et notoriété. Le groupe des relationnels cherche davantage la relation directe avec des consommateurs identifiés et vise des cibles selon leurs comportements de consommation. Les annonceurs locaux sont à dominante relationnelle à 80 %, contre 52 % pour les annonceurs nationaux. Suivant les types d'annonceurs, la répartition entre les deux catégories est assez variable. Ainsi les annonceurs locaux des grands magasins, des GSA, de l'éducation/santé et du transport/tourisme appartiennent à plus de 80 % à la catégorie des relationnels. A l'opposé, promoteurs/constructeurs et GSS se partagent équitablement entre les deux catégories.

 
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Philippe Chesnaud

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