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Les études shopper montent en puissance

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Pendant longtemps, les études ont eu une vision séparée du consommateur et de l'acheteur. Depuis quelques années, les études “shopper” se sont multipliées pour prendre récemment une véritable légitimité. Explications et exemples.

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«Les innovations devraient être importantes sur les études fondamentales centrées sur le lieu de vente et l'ensemble des problématiques shopper, remarque d'emblée Luc Milbergue, directeur de Stratégir. Ce type d'approche, qui n'a commencé à se développer réellement que depuis quelques années, devrait constituer pendant encore les dix années qui viennent, un segment en très forte croissance sur le marché des études. » Pourquoi cette nouvelle orientation? « Jusqu'à une époque récente, le marketing ne s'intéressait qu'au consommateur et à ses intentions d'achat, “négligeant” le shopper, c'est-à-dire le consommateur en situation d'acheter ou encore le chaland. Les études de Category Management/Trade, qui sont apparues il y a quelques années, se focalisaient sur l'acte d'achat mais négligeaient la partie amont de la prise de décision », souligne Martine Crocquet, directeur associé d'IOD. Et, quand les études se penchaient sur le point de vente, c'était plutôt dans le cadre d'une réflexion sur l'optimisation d'un packaging en linéaire au moment d'un lancement de nouveaux produits. Au point de vente, on faisait bien des tests de PLV, d'ILV, de promotions…, mais sans repositionner les résultats dans les attentes des shoppers. Depuis, il s'est passé beaucoup de choses qui ont influencé le consommateur et son environnement.

Le consommateur face à l'hyper-choix

Toujours moins prévisible, le comportement du consommateur évolue sans cesse. « Le consommateur d'aujourd'hui est perturbé, pressé, informé, infidèle et n'a pas honte de l'être », souligne Stéphane Truchi, directeur général d'Ipsos France. Le consommateur a perdu ses repères face au prix, il fait preuve d'une certaine désaffection pour les marques sur les marchés à moindre implication, comme le montre l'étude Megabrand de TNS Sofres. Il doit arbitrer face à un panier de plus en plus large. « Le consommateur devient multifacette en fonction des besoins et des occasions », explique Isabelle Boisbault, directrice Département Etudes de Stratégir. « Nous sommes rentrés dans l'ère de “l'hyper”, constate Rémy Oudghiri, directeur du département Tendances et Prospectives d'Ipsos Observer. Hyper-information, puisque le consommateur est soumis à 200 expositions publicitaires par jour; hyper-rapidité, car le temps de pause n'existe plus; hyper-sollicitation: on trouve plus de 18 200 références en hypermarché; hyper-scepticisme avec la désacralisation de la marque et la perte de repères ». Et Renaud Dédeyan, P-dg d'IOD, de renchérir: « Le consommateur s'informe avant d'aller au point de vente, il organise ses compromis (réseau de magasins, comparaison des prix, prix moins cher, etc.), il arbitre en rayon pour optimiser ses choix. » Conséquence, le consommateur d'aujourd'hui se décide de plus en plus souvent sur le point de vente, alors même que le contexte actuel de ce dernier ne facilite pas la visibilité des nouvelles offres créant un sentiment général de confusion. « On avait oublié que le premier point de contact avec une marque est le point de vente », fait remarquer Laurent Yvard, directeur adjoint Quali Stratégique de TNS Sofres. Des études récentes révèlent que sept décisions d'achat sur dix sont prises au point de vente. Procter & Gamble fait partie des grandes multinationales qui en ont pris vraiment conscience. « Parce que tout acte d'achat, qu'il soit prévu ou impulsif, résulte d'un arbitrage final au point de vente, ce dernier est devenu incontournable et les études classiques ne suffisaient pas à rendre compte de la logique d'achat », insiste Florence Paulin, directrice du département Grande Consommation de LH2. « Les professionnels du marketing et de la distribution ont de plus en plus de difficultés à anticiper les phénomènes de consommation », explique Stéphane Truchi. Parce que la problématique shopper est de plus en plus présente, Ipsos Observer a lancé cette année un nouvel Observatoire, “L'observatoire des shoppers”, qui interroge 2 009 shoppers de 18 ans et plus sur 100 catégories de grande consommation pour arriver à une typologie.

Une offre études qui se développe

IOD vient de présenter au Semo les résultats d'une nouvelle étude, “La shopper attitude”, pour mieux comprendre les attentes des shoppers aujourd'hui et tenter d'identifier leurs stratégies d'achat et leur système de valeur shopping. Fin 2003, l'acquisition de la société MCA possédant une expertise dans la compréhension du comportement du consommateur en magasin a permis à IRI France de développer une offre ad hoc, “Shopper Insights”. ACNielsen a lancé une série d'études à vision shopper sur la base d'Homescan, son panel de consommateurs qui vient pratiquement de doubler en France, passant de 8 500 à 14 000 foyers: Homescan Shopper Trend, Homescan Shopper Mission, Homescan Shopper Trip, Homescan Shopper Plus, Homescan Shopper Optimizer. Audirep a développé une palette de cinq modules qui peuvent vivre isolément ou conjointement. LH2 a mis au point Global Purchase, un nouvel outil de compréhension du comportement d'achat. Quant à l'agence marketing Carré Associates, spécialisée en distribution depuis 1986, elle a mis en place une approche études Shopper qui intègre ce qui se passe pendant le processus d'achat. « Pour nous, le Shopper Marketing intègre les trois facettes du client intervenant dans son processus d'achat: le consommateur avec son intention d'achat, son comportement psychologique d'achat et son comportement physique d'achat, le tout aboutissant au choix du lieu d'achat et à la décision finale d'achat », explique Berto Taieb, Managing Partner de Carré Associates. Face à la montée des demandes études sur le thème des shoppers, TNS Sofres vient d'intégrer Eric Montazeb comme directeur conseil Retail & Shopper Insight auprès de son unité Consumer. Ce dernier occupait jusqu'alors la fonction de responsable du Pôle Distribution chez TNS Secodip. Son arrivée viendra renforcer une expertise shopper qui existait déjà au sein du département Quali Stratégique. Chez Research International, la forte progression en deux ans de la demande en études shopper a conduit à la création d'un pôle spécialisé. « Ce sont des études difficiles, qui exigent une grande connaissance de la distribution et de la réassurance méthodologique, car ce sont des études qui font le pont entre l'industriel et le distributeur », constate Matthieu Van der Elst, directeur du développement. « Ce sont également des études de fond, un peu comme les U&A, pour comprendre les mécanismes globaux d'un rayon, que les industriels font tous les deux ou trois ans », explique Hubert Prevalet, directeur de Concret International. Signe de l'importance que les industriels accordent au shopper, l'apparition d'une nouvelle fonction dans les entreprises, celle de Consumer & Shopper Insight Manager (voir Marketing Magazine n°98 p. 59).

Le poids de la distribution

L'apparition dans les années 90 des Category Managers a modifié l'approche des industriels et des fabricants. « Avant, on faisait des études classiques, très simples et qui existent toujours: quel temps passé en linéaire, combien de prises en main… Mais ce type d'études ne suffit pas à établir des relations constructives avec la distribution, remarque Thierry Pailleux, directeur général Quanti de Synovate France. Pour créer une nouvelle segmentation, pour réorganiser le rayon, mesurer l'impact d'une nouvelle implantation, faire une recommandation d'assortiment, comparer l'efficacité de stratégies linéaires concurrentes, bref, pour dialoguer avec le distributeur, il faut s'appuyer sur le shopper. » De l'avis même des industriels, la nouvelle génération des études shopper constitue un atout pour les marques face à la distribution. Dans l'une des missions prioritaires que s'est assigné Kraft Foods (devenir le partenaire indispensable des distributeurs), les études shopper jouent un rôle fondamental (cf. interview de Nathalie Duroux). « L'enseigne est libre, compte tenu de sa politique, de faire des choix et de tester ses choix, explique Christophe Flauder, directeur Développement des ventes chez Bel. C'est à nous de convaincre le distributeur que notre recommandation est la meilleure. Aujourd'hui, on est capable, chiffres à l'appui, de prouver qu'une nouvelle réorganisation du linéaire permet d'augmenter la satisfaction du shopper et le chiffre d'affaires. C'est cela qui fait la force des études shopper.»

Le quali à l'honneur

Parce que le but d'une approche shopper est d'obtenir des informations sur la réalité de l'acte d'achat, le quali est très employé. L'immersion dans l'acte d'achat est un objectif permanent. « Le consommateur ne devient pas shopper au moment où il met la main sur le produit en linéaire, fait remarquer Stéphane Truchi. On ne peut donc pas se contenter du discours, car il y a un réel décalage entre ce qu'il dit et ce qu'il fait. » Les méthodologies vont de l'étude d'un univers d'achat, à une camera survey, à des études d'observation de comportement en rayon ou au point de vente passive ou active, à des études d'accompagnement, à des “shopping experience”, à de la sémiologie. « Les insights shoppers sont identifiés grâce à une grille de lecture de son comportement et du processus de décision d'achat, qui va au-delà du point de vente en lui-même, afin de comprendre réellement le shopper dans une approche holistique », fait remarquer Matthieu Van der Elst. D'où la solution “Boîte à outils RI shopper”. « En fonction de la problématique, et selon que le shopper étudié est le responsable des achats et/ou le chaland, nous pourrons recommander des études à domicile, en magasin réel, en salle, exploratoires, quantitatives, énumère Isabelle Boisbault. De la même façon, les enquêtes en magasin peuvent se dérouler dans le rayon, en TG, en entrée de magasin ou en sortie de caisse. Il n'y a pas d'étude shopper type, chaque projet nécessite une approche adaptée. » In Vivo propose le Quali Pragmatique. « Pour bien comprendre la logique des shoppers, il faut de l'immersion, de l'observation, puis les confronter à leurs comportements », souligne Eric Singler, directeur associé d'In Vivo. « L'observation seule ne suffit pas à comprendre les logiques du shopper, souligne Laurent Yvard. Il faut qu'elle soit complétée par une phase quali mais aussi quanti. » Georges Guelfand et Thierry Pailleux ont développé la méthode Optishelf comportant dans sa phase qualitative le module “Puzzle”, un atelier de motivation créative où le shopper est invité à construire de nouvelles configurations pertinentes de linéaires pour un produit ou une catégorie donnée. Un module qui peut être suivi d'une phase quantitative. « La distribution a besoin de la réassurance du quanti pour prendre des décisions », fait remarquer une responsable études d'une importante multinationale. Puisque la finalité des études shopper est de faire acheter, elles amènent un double questionnement. Sur le rôle de la marque au point de vente et sur le rôle du point de vente: comment faire venir les clients, comment les faire acheter, comment les faire revenir? « Les hypermarchés sont allés au bout de la démarche de l'hyperchoix, n'hésite pas à dire Stéphane Truchi. Il leur faut retrouver la séduction du point de vente. » Et Laurent Yvard d'ajouter: « Un linéaire, un point de vente, un magasin ont tous une mission. Il faut les penser non pas en tendances design mais en tendances shopper: comprendre les attentes par rapport à l'univers, les attentes par rapport au linéaire, au point de vente, à l'enseigne. » Et Matthieu Van der Elst de conclure: « Il faudrait à nouveau parler du réenchantement du shopper. L'expérience d'achat fera toute la différence. »

Quand le virtuel s'invite au linéaire

On connaissait les études en magasin expérimental, les linéaires reconstitués et les tests de linéaires in situ. Stratégir propose également des projections de linéaires à taille réelle. On connaissait, également, les études en réalité virtuelle, comme l'outil In Virtuo d'In Vivo, conçu en partenariat avec le centre de robotique de l'Ecole des Mines de Paris depuis 1997. Il permet la projection sur un écran de grande taille (4 x 2 m) d'un magasin à partir des techniques de la réalité virtuelle. « La grande résolution des images de produits offre une véritable immersion visuelle et motrice réaliste et naturelle », souligne Eric Singler, directeur associé d'In Vivo. De nouveaux outils sont apparus comme le 4DShopper, de Treiber + Partners, proposé dans l'Hexagone depuis fin 2005 par IOD. La technologie internet, de son côté, apporte de nouvelles façons de travailler. TNS Sofres, Novatris, Novatest offrent des modules de questionnement de recréation en 3D de linéaires de magasins pour les études en ligne. De plus, l'outil 4DShopper peut également être administré en ligne.

Ce qu'apportent les études shopper en termes de recommandations. Trois exemples types d'études shopper menées par Stratégir.

Identification d'un décalage

Du côté du chaland: celui-ci est heureux à l'idée de se rendre dans le magasin pour effectuer son achat, car il est sûr de trouver le produit avec les bénéfices recherchés. Un achat anticipé comme un achat plaisir, laissant une part importante à l'impulsion. Du côté de l'offre: une offre abondante, formulée en termes de problèmes-solutions, très structurée par marques et mettant peu en évidence les différences entre les divers segments de produits. Ce dont on s'est aperçu en observant et en interviewant les chalands en magasin: un temps d'achat court avec peu de manipulation ou de lecture de pack. Peu de navigation entre les segments et des multi-achats, un achat très programmé et peu d'impulsion, une évaluation du linéaire fiable par rapport au potentiel de la catégorie. Raisons: le décalage entre le vécu de la catégorie par les chalands (attente de plaisir) et l'offre en magasin crée une déception forte en rayon. En outre, le chaland a du mal à se repérer facilement devant l'offre pléthorique. Son point de repère devient alors la marque, ce qui freine encore plus l'envie du chaland de naviguer dans l'offre. Ce qui pourrait être envisagé: apporter dans le linéaire des éléments de plaisir: signalisation des différents segments, meubles valorisants, des linéaires courts (préférer deux linéaires plus courts en face-à-face, éviter les linéaires trop hauts); valoriser les bénéfices dans l'expression de l'offre, louer les marques en mosaïques (pavés qui se succèdent) plutôt qu'en descente/colonnes.

Test de linéaire (optimiser les performances du linéaire)

Test d'une nouvelle implantation linéaire avec des modifications dans le séquençage des segments et des marques et la mise en place d'une signalétique. Résultats: un rayon qui perd en chiffre d'affaires et unités vendues, sans modification de la structure du panier d'achat entre les marques. Cette perte n'est pas liée à un repérage des segments, mais à une mise en scène qui freine l'envie d'acheter chez les acheteurs multiproduit. Par ailleurs, la signalétique est peu vue.

Catégorie avec un taux important de non-acheteurs (ou comment aider le linéaire à transformer la visite en achat)

Ce que l'individu pense de la catégorie: elle se veut implicante avec un côté utilitaire mais aussi plaisir. Une offre abondante qui suscite l'envie d'acheter, de trouver le produit idéal. Des produits classés par les shoppers par forme et fonction/utilité. Un critère prix secondaire qui vient après la qualité et l'esthétique du produit. Le constat, ce que l'on observe/comprend en magasin: des chalands, qui viennent, motivés par le besoin d'un produit, mais également pour le plaisir, une prédisposition forte à l'achat d'impulsion; des visites avec prises en main systématiques de produits, et un fort taux de manipulation; mais un pourcentage très important de non-acheteurs et un critère de choix majeur, en rayon, pour les acheteurs: le prix. Raisons: un linéaire qui mélange plusieurs types d'organisation (par fonction produit pour certains articles, mais aussi par marques, tous produits confondus) et/ou par matériau. L'organisation étant confuse et les clés de repérage des chalands n'étant pas respectées, le seul critère objectif de repérage et de choix devient le prix. Conséquences: une dévalorisation de l'offre perçue en rayon qui explique le taux de non-acheteurs en particulier dans les CSP aisées, et un rayon tiré vers les prix bas. Recommandations: réorganiser l'offre en respectant la segmentation des shoppers. Faciliter le repérage et la navigation via une signalisation des segments. Valoriser l'offre plus haut de gamme au sein des différents segments (emplacement central, regroupement en pavés, etc.).

 
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Anika Michalowska

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