Le culte des vacances
Pour les Français, les vacances, c'est sacré. Afin de continuer à partir malgré la crise, les consommateurs optent pour des pratiques touristiques alternatives et reviennent à des valeurs simples: authenticité, proximité et détente, loin du tourisme de masse.
Les Français aiment partir en vacances! Et rien ne les arrête. Ni les grèves ni les manifestations climatiques et surtout pas la crise. Malgré la récession économique, le taux des départs en vacances ne chute pas. Ainsi, 53 % des 2011 personnes interrogées par le Crédoc en juin 2010 (contre 54 % en 2009) ont déclaré être parties en voyage au cours des 12 derniers mois. Mieux, le baromètre 2011 «Courts séjours, vacances, nouvelles tendances et e-tourisme», réalisé par le cabinet Raffour Interactive, révélait en mars dernier que le taux de départ en vacances des Français en 2010 était, pour la première fois depuis 2004, reparti à la hausse. Mais qu'entend-on par «partir en vacances»? Selon le Crédoc, il s'agit de passer «au moins quatre jours consécutifs hors de son domicile pour des motifs personnels». Un droit et privilège auxquels les Français sont plus qu'attachés. « Privilégier les loisirs et le bien-être en général est très générationnel, explique Pascale Hébel, directrice du département consommation du Crédoc. Les 25-40 ans y ont été initiés, très jeunes, par leurs parents et ont développé le goût de partir. » Et André Rauch
André Rauch (Université MarcBloch, Strasbourg): « Les vacances représentent pour les Français un bien-être basique. »
Partir, coûte que coûte
L'intérêt de la population pour les vacances n'est pas nouveau. Tout débute véritablement en 1936, avec l'avènement des congés payés. « Pour la première fois, pendant deux semaines, les travailleurs sont payés alors qu'ils ne produisent rien », relate André Rauch. Une révolution dans les mentalités. Mais il faut attendre les années cinquante et l'essor de la 4 CV pour assister aux premiers vrais départs en voyage. « Jusqu'à cette date, ceux qui partent en vacances se déplacent dans un rayon limité. Ils vont dans la famille, souvent à la campagne, pour donner un coup de main à leur père ou à leur frère, poursuit l'historien. Avec la 4 CV, c'est le début des vacances à quatre, parents et enfants. On prend la route, direction la Côte d'Azur, puis plus tard, de la Costa Brava. On va sur la plage, on bronze et on prend du temps pour soi. » Au début des années soixante-dix, les Français découvrent les guides de voyage, avec le fameux Guide du routard, suivis des charters en 1975. « Ils prennent l'avion et l'exotisme voit le jour. Les vacances deviennent synonymes d'aventure et de découverte. » Une euphorie de courte durée puisque, dès les années quatre-vingt, à l'heure où le chômage sévit durablement, les consommateurs commencent à faire des arbitrages budgétaires. Un comportement qui n'a eu de cesse de s'intensifier. Depuis, ils sont passés maîtres dans l'art de traquer la bonne affaire. « Pour autant, ils ne renoncent pas aux vacances, quitte à réaliser des économies sur la nourriture et l'habillement », souligne André Rauch.
Pour continuer à partir en vacances malgré la crise, les Français sont prêts à consentir à des sacrifices. Ainsi, si le taux de départ demeure, selon Pascale Hébel, « stable depuis quatre ans », la part des séjours courts et des week-ends est en léger repli, passant de 55 % en 2009 à 52 % en 2010. « Les Français, notamment ceux issus des classes moyennes, partent moins fréquemment et, d'une façon générale, ils raccourcissent leur période de vacances estivales et fractionnent davantage leurs départs le reste de l'année », poursuit-elle. Ainsi, selon l'enquête «Les vacances d'été des Français 2 011», réalisée par le CCM Benchmark Group
Camping chic et néo-campeurs
Le camping, c'est tendance! Avec ses 965 000 emplacements (contre 935 000 en 2009) et ses 6 millions de campeurs français en 2009, l'hôtellerie de plein air en France se porte très bien. La raison? Le virage à 180 degrés qu'elle a opéré en redorant son image souvent jugée ringarde et élargissant son offre pour accueillir les néophytes de la canadienne: les néo-campeurs. « Il est désormais possible de louer toutes sortes d'habitations légères de type éco-lodge (tente toile et bois), tipis, canadiennes souvent équipées de tout le confort et de profiter de prestations similaires à celles des hôtels-clubs comme les piscines, les restaurants, les saunas, hammams, Jacuzzis, confirme la Fédération nationale du camping et du caravaning. Le classement des campings a été revu en juillet 2010. Désormais, chaque site est soumis tous les cinq ans à un audit et se voit attribuer ses étoiles (jusqu'à cinq désormais) selon des critères quantitatifs et qualitatifs. »
Une alliance parfaite entre confort, côté «nature» et prix attractifs, qu'a su proposer, dès 2009, Alain Dominique Perrin dans son camping Les Moulins, sur l'île de Noirmoutier. Les campings Huttopia proposent eux des roulottes et des cabanes alliant confort et respect de l'environnement.
Elisabeth Tissier-Desbordes (ESCP-Europe): « On s'adapte, on se débrouille, raisons financières obligent. »
Pascale Hébel (Crédoc): « Faire un aller-retour Paris New York pour le week-end n'est plus dans l'air du temps. »
Un tourisme de proximité
Si la crise, la hausse du coût du pétrole et les catastrophes naturelles n'ont pas eu raison des vacanciers, ils ont en revanche réduit leurs déplacements. Selon le baromètre 2 011 du cabinet Raffour, les Français ont été plus nombreux en 2010 qu'en 2009 à passer leurs vacances dans l'Hexagone (+ 2,7 millions de personnes), soit 68 % des vacanciers. Où partent-ils? L'étude CCM Benchmark Group
Philippe Callot (professeur): « La tendance «slow», c'est aussi intégrer le trajet dans le temps des vacances. »
Ils ont opté pour un autre tourisme
C'est l'idée même du tourisme responsable qui consiste à privilégier les destinations proches (tourisme de proximité), à utiliser des modes de transport peu polluants (éco-tourisme) et à prendre le temps de visiter (slow tourisme). Selon TNS Sofres
Le tourisme solidaire a-t-il de l'avenir?
C'était l'une des nouveautés de l'édition 2011 du Mondial du tourisme: un pôle tourisme responsable avec, au menu, ateliers, expositions et rencontres autour du voyage solidaire. « Ce modèle de voyage est fondé sur la rencontre entre les voyageurs et les populations locales, explique Julien Buot, coordinateur au sein de l'Association pour le tourisme équitable et solidaire (Ates). L'enjeu est de faire en sorte que les populations maîtrisent le tourisme et en soient bénéficiaires. Une partie du prix du voyage est dédiée à un projet de développement local. »
Découvrir de nouvelles contrées tout en logeant chez l'habitant et en contribuant, par exemple, au financement d'un puits ou d'une agriculture maraîchère traduit la volonté de ces voyageurs de donner du sens à leurs vacances. « C'est un moment où l'on s'ouvre sur le monde, où l'on est responsable », souligne André Rauch. A ce jour, cette nouvelle forme de vacances «engagées» reste marginale. L'Ates, qui regroupe 36 membres, a enregistré près de 6 000 voyageurs en 2010 (3000 en 2005). Josette Sicsic estime, elle, à moins de 200 000 le nombre de voyageurs concernés dans le monde et croit peu en l'essor du tourisme solidaire, car «cette forme de tourisme coûte cher », évoquant surtout « un phénomène médiatique ». A suivre.
Les familles, un segment de clientèle à capter
Dans le lot des Français qui partent en vacances, une catégorie est prisée des résidences et clubs de vacances: les familles. Ces dernières, dont les départs se font au rythme des vacances scolaires, représentent une clientèle potentiellement captive. Pour les attirer et les fidéliser, Center Parcs, qui poursuit sa campagne de promotion «Rapprochons-nous», lancée en 2009, a diffusé en janvier 2011 trois nouveaux spots TV ciblés. L'objectif? Montrer plusieurs façons de profiter de ces parcs: entre amis, au spa entre copines, au coin du feu... La marque pratique également une segmentation tarifaire ciblée, des familles aux tribus, en passant par les seniors. Pour les parents d'un enfant de moins de cinq ans et les familles nombreuses comptant trois enfants et plus de moins 18 ans, elle propose des réductions. De leur côté, les résidences et villages-clubs Pierre et Vacances planchent sur un espace dédié aux adolescents. « Quel est le rêve d'un ado? D'avoir son propre appartement. Nous réfléchissons donc à la création d'un espace aménagé comme un appartement et dans lequel les adolescents pourraient se retrouver », indique Karim Soleil-havoup, directeur du développement commercial chez Pierre et Vacances. Pour répondre à la demande croissante des familles recomposées ou celles partant à plusieurs de loger dans des appartements contigus, la marque souhaiterait, à terme, leur permettre de choisir le ou les appartements qu'ils désirent dans la résidence de leur choix. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. « L'idéal serait de proposer à nos clients de réserver l'appartement de leur choix directement sur leur iPhone! », ajoute Karim Soleilhavoup. Même prise en compte des familles au Club Méditerranée, qui propose déjà une large palette d'activités d'éveil aux enfants et la complète cet été avec Clean Art Planet. Le principe? Sensibiliser la jeune génération à l'environnement en leur faisant créer des objets à partir de matériaux rejetés par la mer récoltés, lavés et triés. Autre nouveauté de l'hiver 2010: les circuits «famille».
Des e-voyageurs 100 % autonomes
De la préparation à l'achat du voyage, Internet a révolutionné les habitudes. Le consommateur a désormais le réflexe d'aller sur la Toile pour concocter ses prochaines vacances. Il s'informe, échange des bons plans avec d'autres internautes et participe à des forums sur des sites communautaires, comme Tripadvisor.fr, où il consulte avis, conseils et photos de dizaines de milliers de voyageurs. Le Net est également le terrain de chasse pour le vacancier en quête de bonnes affaires: offres de dernière minute à prix cassés mais aussi ventes privées. « La vente privée a un bel avenir devant elle, car elle offre un vrai service au consommateur, qui doit être parrainé pour devenir membre, en lui proposant une sélection choisie à des prix attractifs et lui évite ainsi de perdre un temps fou à chercher par lui-même, analyse Josette Sicsic, directrice de Touriscopie. C'est la raison du succès de Voyageprive.com et de l'arrivée sur ce créneau de Thomas Cook, avec son nouveau site Vacancestresprivees.com. » 53 % des Français
L'essor du tourisme non commercial
Le couchsurfing, c'est offrir son canapé à des inconnus rencontrés sur le Net. Ou de bénéficier du leur. Un concept né en 2006, 100 % bénévole, qui rencontre un vif succès auprès des 18-24 ans et des 25-34 ans. Selon la directrice de Touriscopie, ils représentent respectivement 39 et 46 % des 2,5 millions de membres que compte le site référence Couchsurfing.org dans le monde.
Le woofing. L'expression vient de «woofer» (pour «willing worker on organic farms»), soit travailleur bénévole dans des fermes biologiques. Le concept? Etre nourri et logé chez un agriculteur bio en échange d'heures de travail à la ferme.
1936
15 jours de congés payés pour l'ensemble des travailleurs.