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La souplesse d'une PME, la logistique d'un groupe

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Alors que la société ressort son petit extraterrestre E.T. en grande pompe, la division vidéo d'Universal pour la France vit tranquillement sa vie de PME. Objectif : faire en sorte qu'un film fasse mieux en vidéo qu'en salles. Repositionnements et lancements adéquats donnent ainsi une seconde vie à des longs métrages dont on estime qu'ils n'ont pas atteint leur potentiel initial. Jacques Margulès, son P-dg, explique les détails de ce "marketing a posteriori" un peu particulier.

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Quelles sont les origines de votre société ?


Elle provient d'une part, du passage de Polygram à Universal en juillet 1999, puis un an et demi plus tard du rattachement d'Universal à Vivendi. Mais nous sommes Universal Studios et cette fusion n'a pas eu de grandes incidences au regard de notre catalogue de films.

Comment a-t-elle évolué depuis ces remembrements ?


Il y a trois ans, la société faisait 250 MF (38,1 millions d'euros). L'année dernière, nous avons dépassé le milliard. Grâce d'une part à des acquisitions de catalogues comme DreamWorks et Studio Canal ; cette dernière datant d'avant la fusion Vivendi-Universal. Ce qu'il faut souligner, c'est que jusqu'ici, sur toute la partie du catalogue Universal, nous n'avions que les droits VHS. Il fallait se battre avec cette arme unique, dans un marché qui était en train de se transformer de façon importante avec l'explosion du DVD.

Qui gérait précédemment les droits DVD des films Universal ?


Pendant ces trois dernières années, Columbia Tri-Star en avait l'exploitation. Un accord avait été passé, il y a quatre ans, au moment où le DVD était un support naissant. Universal a préféré attendre de voir comment allait évoluer le marché. Le DVD aurait pu devenir ce qu'est devenu le laser-disc. Cela n'a pas été tout à fait le cas ! Heureusement, ce contrat a pris fin et, à compter du 1er janvier dernier, tous les films qui sont sortis aux USA seront chez nous en DVD. Le reste du catalogue rentrera progressivement.

Qu'est-ce qui vous distingue stratégiquement des autres majors ?


Notre particularité, c'est d'avoir deux bases solides. D'une part, les films de nos studios, mais aussi ce que l'on appelle des acquisitions locales de droits vidéo sur les secteurs de l'Humour, de l'Enfant et maintenant du Film. Ce qui nous distingue, c'est aussi d'avoir une structure logistique. En termes d'acquisition, nous avons acheté, par exemple, les droits de séries télé comme Tchoupi, Franklin ou les Télétubbies. Nous avons également négocié toute une collection de spectacles d'humour avec, notamment, des artistes comme Jean-Marie Bigard, Jamel, Elie Semoun, Gad Elmaleh, Dany Boon.

Ce secteur de l'humour est né chez Polygram...


Oui, cet axe de travail sur l'humour s'appelait la Collection Jaune. Nous l'avons développé et nous avons aujourd'hui un vrai savoir-faire dans ce domaine.

Votre catalogue est plutôt éclectique...


Nous avons le double avantage d'être lié à un très gros studio et nous savons lancer des block-busters (films à gros succès) et, d'un autre côté, nous sommes des artisans de la vidéo avec une équipe de passionnés du cinéma. C'est vraiment du 360 °, puisque l'on passe de l'humour à des produits pointus comme la collection Hitchcock ou des films comme La Pianiste, tout en lançant un Shrek ou un Jurassic Park.

Quelles sont vos ambitions pour l'avenir ?


Malgré une croissance importante, ce métier subit des à-coups. Il faut essayer de faire en sorte d'avoir une croissance régulière. C'est vrai pour les films comme pour notre collection Humour. En 2000, le spectacle de Bigard s'est très bien vendu. Cela a continué en 2001. Mais le seul marché qui permet de réguler l'ensemble, c'est le film. Aussi nous achetons désormais des droits vidéo dans ce domaine. On a acquis récemment les droits de Spy Game, des Rois Mages. Ce qui permet de voir venir et d'assurer une régularité. La sortie d'un film, ce sont quantité de paramètres à prendre en compte, notamment concernant les ayants-droit. Le nombre de validations nécessaires est énorme et prend beaucoup du temps.

Via le DVD, la vidéo vit une nouvelle ère...


Il y a encore quelques années, la vidéo était marginale et considérée comme peu noble. Le DVD apporte cette noblesse. Par ailleurs, les professionnels savent que, désormais, si un film a juste équilibré son budget par les sorties en salles, la vidéo va lui apporter énormément.

Les bonus des DVD vont-ils faire l'objet de surenchères techniques ?


Pas forcément techniques mais sûrement créatives. Au début, on se disait que les gens ne les regardaient pas. Or, c'est l'inverse qui prévaut aujourd'hui. Par ailleurs, le marché est mature, et les gens sont parfaitement capables de faire la différence sur la qualité de son, la valeur des bonus, etc. Au départ, le bonus standard, c'était le making-of. Aujourd'hui, on trouve des jeux, des accès internet, des systèmes pour enregistrer sa voix et faire soi-même le doublage, comme nous l'avons fait sur Shrek... Les consommateurs français sont très en avance en termes d'intérêt porté au DVD, aux éditions de Collectors notamment. Si l'on photographie le marché américain, nos voisins d'Outre-Atlantique n'ont qu'un an d'avance sur nous. La France est le premier pays européen avec l'Angleterre à avoir un tel taux de pénétration du DVD.

Comment évolue le rapport au cinéma ?


Le monde du cinéma est rassuré. Le fait que les films sortent désormais six mois seulement après leur sortie en salles a nourri pas mal de peurs. Mais, malgré la réduction de ce délai légal, le cinéma ne s'est jamais aussi bien porté. De plus, les études montrent que les gros consommateurs d'images qui vont beaucoup au cinéma consomment aussi beaucoup de DVD.

Pourtant les consoles de jeux gagnent du terrain ?


Oui, les modèles les plus récents peuvent lire les DVD, mais pour l'instant on ne connaît pas la consommation de DVD sur ces consoles. Ce que l'on sait c'est, qu'en moyenne, les gens achètent douze DVD par an et par Home Salon et trois VHS par magnétoscope.

A quel terme le DVD supplantera-t-il définitivement la VHS ?


Cela va se faire très progressivement, car les ventes de lecteurs DVD viennent seulement de passer devant les ventes de magnétoscopes. Il y a donc encore des gens qui en achètent et qui croient à l'avenir de la VHS. Beaucoup de foyers sont équipés en DVD pour les parents et en VHS pour les enfants. Bien que, théoriquement, le Digital offre une pérennité plus forte puisqu'il se dégrade moins, il reste le support des adultes. Le second argument qui fait que la VHS ne va disparaître tout de suite, c'est le prix. Quand on sort un film en VHS, il a une première vie, puis une décote, une "repromotion" avec une nouvelle décote puis il passe sur le marché que nous appelons "budget", à un prix moyen 6 euros. Donc la cassette a en-core de beaux jours devant elle. Et puis les configurations Home cinéma restent très chères. Le prix d'accès est encore de 3 000 euros minimum.

Allez-vous en profiter pour rendre la VHS un peu plus qualitative ?


Il faut donner au public ce qu'il attend. Aujourd'hui, l'attente sur la cassette VHS est plus tournée sur le rapport qualité/prix. Les bons bonus sur un DVD contribuent à donner de la valeur au produit. Nous avons fait des tentatives de bonus sur des VHS, mais il n'y a pas ce même côté patrimonial parce que les gens savent que la cassette ne peut se conserver intacte au-delà d'un certain délai.

La sortie vidéo, c'est la deuxième vie des films ?


Oui, et le genre qui fonctionne le mieux, c'est le film d'action genre Jean-Claude Vandamme ou Schwarzenegger. Ces films font des entrées en salles souvent en dessous des 500 000 entrées, mais ils ont un réel public qui les attend en vidéo. Le taux de conversion entre les entrées salles et la sortie vidéo montrent que ce genre marche bien.

Quelle marge de manoeuvre avez-vous pour ces "relancements" ?


Le fait de sortir en vidéo six mois après la sortie en salles, c'est toujours plus facile. Si le marketing et le positionnement du film n'ont pas été optimisés et que l'on peut analyser les raisons, on rectifie le tir avec un marketing qui va toucher la bonne cible.

Mais vous pourriez intervenir en amont, auprès de la branche d'Universal qui produit des films ?


Nous héritons d'une situation. La salle a fait son marketing de lancement, a positionné le film d'une certaine manière. On analyse a posteriori que le visuel ou le positionnement n'est pas forcément celui qui va marcher en vidéo et l'on repositionne. Réussir à faire mieux en vidéo que ce que le film a fait en salles, c'est là la grande différence entre un marketing vidéo bien fait ou pas. On peut se dire que l'on est bon, lorsque l'on a tiré le taux de conversion (unités vidéo vendues par rapport aux entrées salles) vers le haut.

Un exemple ?


Eldorado, un film d'animation pour enfants, a fait 700 000 entrées et s'est vendu en cassette à près de 300 000 exemplaires la première année soit un taux de conversion proche de 50 %. Il n'y a pas là de véritable différence de positionnement entre la sortie en salles et la sortie vidéo. Nous avons surtout fait le pari de le lancer comme aurait pu le faire Disney, car il en avait la qualité. Après, il s'agit de mettre les moyens pour lui donner une visibilité importante.

Cela suppose que le film soit bon ?


Oui, car de toute façon, on ne peut pas le changer. Sur Jurassic Park III, par exemple, nous avons fait un pari, celui de sur-performer par rapport aux entrées salles. On a fait le pari en vidéo de le lancer comme s'il avait fait autant d'entrées qu'un film concurrent de l'époque. Le but est de lui faire atteindre son potentiel, via la vidéo. On va considérer que la cible du film est plus large, ou plus populaire qu'un autre film. En plan médias télé, nous sommes allés chercher des écrans publicitaires qui parlaient aux enfants.

Vous pourriez reprendre les plans de lancement existants ?


Ce serait une solution de facilité. Universal USA ayant déjà fait le marketing de ses films avec de belles PLV, on pourrait les reprendre telles quelles, mais ça ne marche pas. Des choses évidentes pour le marché américain, ne le sont pas forcément pour nous.

Les majors sont quand même dans une logique de volume de titres ?


Oui et non, car il faut se méfier de la dispersion. Ce n'est qu'en concentrant nos efforts que l'on réussit à bien transformer un titre.

Aujourd'hui, Hollywood se souvient d'avoir fait appel aux talents des Européens ?


Oui, mais les gens d'Hollywood sont étonnés de la performance et de la part de marché du film français. C'est nouveau. Le regard et les choses bougent. On les rattrape peu à peu. Il y a un savoir-faire français qui se diffuse et l'écart se réduit.

Quelles sont les synergies qui s'opèrent au sein du groupe Vivendi ?


Elles sont nombreuses. D'abord au niveau de la médiatisation de nos films, nous utilisons les moyens du groupe. Nous faisons notamment des opérations spéciales avec SFR. Nous faisons aussi des opérations croisées avec Vivendi Publishing. Tout cela permet de concentrer nos efforts. L'avantage, c'est que, quand il y a une idée ou un besoin, on arrive très facilement à contacter son interlocuteur. Pour qu'une synergie ait du sens il faut qu'il y ait des moyens.

Comment vit-on le fait d'être intégré à un conglomérat ?


Nous sommes 90 dans la filiale Universal Video France. L'aspect tentaculaire du groupe ne nous touche pas. Nous faisons partie de la filière Image de Vivendi Universal, qui compte également le film et la télévision. Il existe aussi une filière Musique et une filière Environnement... mais on parle de la même chose et l'on ne subit pas ce poids du groupe. Nous sommes heureusement dans un métier où, à la base, les gens savent ce que c'est que la créativité et qu'un excès de pression tue la créativité. Or, au prix où ils la payent, je pense qu'ils sont conscients qu'il ne faut pas la tuer.

Biographie


Jacques Magulès a 55 ans. Il est marié, père d'un enfant et grand-père de trois petits-enfants. Après un BTS électronicien, il passe 32 ans à la FNAC, de la fonction de dépanneur de magnétoscopes à celle de directeur commercial pendant dix ans et enfin de directeur de la communication. Depuis juillet 2001, il est P-dg d'Universal Pictures Vidéo France.

L'entreprise


Création : juillet 1999. Chiffre d'affaires 2001 : un peu plus de 152 ME (1 milliard de francs). 87 personnes. Second à la vente derrière Buena Vista et premier à la location (2001). Part de marché (valeur) : 23 % à la location et 16, 5 % à la vente. Nombre de films au catalogue : près de 600.

 
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Valérie Mitteaux

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