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L'Europe, une mauvaise marque ? (ou comment la logique de marque peut influencer un référendum)

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Amis lecteurs, lorsque vous lirez ces lignes, le sort en aura été jeté. Mais, au final, que le traité constitutionnel soit ou non adopté, la problématique demeure. Faute d'avoir créé un lien fort avec le citoyen-électeur-consommateur, l'Europe reste une marque inachevée

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Qu'on le veuille ou non, la logique de marque, le “branding”, structure notre façon de penser. La force des marques est partout. Comment lui échapper ? Les “institutions” s'y laissent prendre en lançant de coûteuses campagnes de publicité pour nous inciter au respect de l'autre ou nous convaincre de voter. L'homme politique se bat désormais pour participer à des émissions “people”. Le public, devenu consommateur d'idées, réagit de façon homogène pour une idée de marque ou une idée politique. L'UMP a changé de logotype, comme la SNCF, les Assedic ou Danone. Le CNPF change de nom comme la Générale des Eaux ou les barres chocolatées Twix. L'Europe “vend” sa Constitution en distribuant des “mini-livres publicitaires” devant le Salon du Livre, des résumés dans le métro… Et tout le monde trouve cela “normal”. Tout le monde utilise la publicité médias quitte à brouiller les cartes et à accréditer l'idée d'une communauté de pensée entre un yaourt et une institution. Le contenant finit par fabriquer le contenu et les spots publicitaires pour les idées politiques développent un parallélisme difficile à condamner ensuite. Dans ce cadre de pensée du “tout marque”, l'Europe est-elle une bonne ou une mauvaise marque ?

L'Europe est bien une marque


L'Europe est une marque car elle est née, comme toute grande marque, sur une grande idée, ô combien transgressive : arrêter de se faire la guerre entre nous et commencer à collaborer vraiment. Son acte fondateur, “une autre façon de vivre en paix et en prospérité sur un territoire géographique”, est aussi fort que celui de McDo (qui a aussi 50 ans), symbole d'une autre façon de “manger”. L'Europe est une marque forte par sa notoriété et son aspect quasi indispensable à notre vie quotidienne. Pas plus que le public ne conteste l'intérêt et l'existence de Michelin ou de Danone, il ne conteste le besoin d'Europe. L'Europe est bien une marque par ses signes, le drapeau, les couleurs, le nombre d'étoiles demeuré intangible à 12, par son lieu de centralité, Bruxelles, devenue elle-même synonyme de la “marque” au même titre qu'Atlanta pour Coca-Cola, la Suède pour Ikea ou Roquefort pour Société. L'Europe est bien une marque par sa capacité au stretching, puisque l'Europe est passée allègrement de 6 à 9, puis à 12, à 15, puis à 25… Son dynamisme est la preuve de l'existence d'un socle fort résistant à pas mal de contraintes.

L'Europe est-elle une marque inachevée?


Avec la Turquie, le stretching semble ne plus fonctionner et le territoire géographique dans l'esprit du public ne parvient pas à devenir “territoire d'idée”. La Turquie ne passe pas et la démocratie prônée ne réussit pas à effacer la géographie “apprise à l'école”. La marque Europe n'est pas incarnée. Ses chantres et ses fonctionnaires ne sont pas connus sauf comme un ensemble servant d'épouvantail, les fameux “Eurocrates”, dont le mot lui-même fait trembler chacun en sa chaumière. Cette “proximity brand”, marque de tous les jours, est absente de nos vies. Où sont ses lieux de proximité ? Où achète-t-on, où rencontre-t-on l'Europe ? L'Europe est une marque virtuelle sur Internet et dans des bureaux lointains à la Défense ou ailleurs ? La marque Europe ne peut pas être marque de tous et être absente de la vie de chacun. On a créé une marque virtuelle et on s'étonne ensuite de l'incompréhension et de la défiance. Quand La Redoute s'est aperçue du risque de “virtualité”, elle a créé des magasins-relais pour la vente par correspondance ; malgré l'impact de la télévision, les hommes politiques eux-mêmes ont développé des “permanences” pour maintenir le contact. L'Europe est un peu une de ces marques inachevées, nées d'une bonne idée et qui ont trop tôt enfourché le cheval du marketing sans se soucier de la perception réelle qu'elles ont suscitée. Sans avoir construit de lien assez fort avec leur public. g.lewi@bec-institute.com

 
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par Georges Lewi, directeur général du BEC-institute (centre européen de la marque)

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