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Kookaï : l'âge de la maturité

Après un passage à vide, la marque enseigne du Sentier retrouve son statut de griffe à la mode grâce à un plan d'attaque particulièrement efficace. Zoom sur les coulisses d'un renouveau

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L'année 2007 s'annonce plutôt bien pour Kookaï. Avec l'ouverture d'une quinzaine de magasins en France d'ici le mois d'août et de 200 boutiques dans le monde d'ici trois ans, l'enseigne fait preuve d'un beau dynamisme dans un marché du prêt-àporter féminin un peu morose (+ 0,8 % en valeur en 2006 par rapport à 2005, selon les estimations de l'Institut français de la mode). « Depuis plusieurs saisons, nous avons retrouvé une croissance à deux chiffres ; ce qui est assez énorme dans le secteur », souligne Pauline Boyer-Martin, directrice marketing et communication de Kookaï. Aujourd'hui, l'enseigne a retrouvé son statut de marque tendance et n'a plus rien à envier au succès des Zara et autres H & M. Au prix d'un repositionnement beaucoup plus haut de gamme. Car, au début des années 1980, quand la marque fait son apparition dans le Sentier, à Paris, les trois fondateurs (Jean-Lou Tepper, Jacques Nataf et Philippe de Hesdin) parient sur le créneau de la maille qu'ils veulent très colorée et à un prix abordable pour toucher les adolescentes de la rue. Ils choisissent alors un nom original, à la sonorité mordante, nouvelle et internationale, emprunté à la religion bouddhiste : Kookaï. Le succès est quasi immédiat. Très vite, plusieurs boutiques ouvrent dans le centre de Paris et la marque se construit une bonne notoriété grâce à une saga publicitaire percutante. La “Kookaïette”, lolita impertinente et sûre de son charme, devient le personnage emblématique de l'enseigne. CLM BBDO, l'agence de publicité des débuts, décline le thème avec des mères dépassées, des tops models envieuses et surtout des hommes réduits au rang d'objets, voire martyrisés par des femmes au charme ravageur. Des campagnes mythiques mais qui, à force de provocations, tombent dans le syndrome Benetton.

Une marque banalisée

« Nous avons fini par perdre notre identité de marque, juge Pauline Boyer-Martin. Il y avait un décalage entre les publicités et nos produits, ce qui déstabilisait nos clientes finales, plus âgées que la cible publicitaire visée. » D'autant plus qu'en ce début des années 2000, Kookaï doit faire face à l'arrivée de concurrents à l'appétit féroce. « Nous n'avons pas échappé au tremblement de terre Zara et H & M, analyse la directrice marketing. Notre marque s'est banalisée et a manqué de réactivité face à ces nouveaux entrants qui proposaient des produits très mode, avec une pression très forte sur les prix et le renouvellement des collections. De marque, nous étions revenus au statut de simple enseigne qui se laisse copier et dépasser. » A l'intérieur de l'entreprise, c'est la confusion. Kookaï, dont le groupe Vivarte (ex-André) a progressivement pris le contrôle, doit faire face à de multiples changements de caps. Ce n'est qu'en 2004 que le travail de repositionnement peut enfin commencer. Jacques Lévy, ex-Lanvin, arrive à la tête de Kookaï avec la styliste historique de la marque, Catherine Marnata, qui avait un temps quitté le navire. L'objectif est simple : monter en gamme et séduire les 25/35 ans, les clientes de la première heure qui ont vieilli avec la marque. Première étape du plan d'attaque : redonner la parole au style. Tout en gardant la maille et particulièrement la résille, comme fil conducteur. « Les matières, les coupes, les finitions… Tout a été retravaillé pour offrir plus de valeur ajoutée », explique Pauline Boyer- Martin. Une augmentation de qualité qui a, automatiquement, fait grimper les prix de 10 à 20 %. Certaines clientes ont suivi, d'autres non. Mais le chiffre d'affaires, lui, a gonflé. « La seconde phase consistait à lifter les magasins pour mettre en valeur ces nouvelles collections », poursuit-elle. Kookaï opte alors pour le “chic industriel” avec des meubles en métal et bois, des caisses laquées, des murs bleu pâle ou gris clair et décorés avec des stickers fantaisie, des cintres houssés et des lustres en pampilles. « Chaque boutique garde sa personnalité : murs en pierre, en brique… Les éléments architecturaux préexistants sont conservés. Nous avons même un magasin avec des vitraux anciens », souligne Pauline Boyer- Martin. Un concept qui sera appliqué à la quinzaine de points de vente qui devrait ouvrir d'ici août 2007 en France et, progressivement, à l'ensemble des boutiques de l'enseigne.

Un retour en force

Enfin, pour que le repositionnement soit complet et cohérent, la communication de la marque s'est assagie. Depuis 2005, McCann, la nouvelle agence de Kookaï, a replacé le produit au coeur des campagnes. En douceur : le slogan “Je ne suis pas jolie, je suis pire” a permis de faire le lien avec le ton impertinent des débuts, tandis que l'image, elle, s'est considérablement modifiée. Exit les Piétas tenant dans leurs bras des hommes foudroyés ou les garçons transformés en poissons rouges… Le vêtement est plus volontiers magnifié par la sobriété du noir et blanc mis en scène d'abord par le photographe Javier Vallhonrat puis par Dominique Palombo pour la collection 2007. « La marque est désormais redevenue lisible pour la cliente », se réjouit aujourd'hui la directrice marketing et communication. Certes, beaucoup de chantiers restent à mener, notamment la question de la pérennité des licences “Kookaï enfant” ou “Kookaï lingerie”, ou celui du commerce en ligne, qui n'est pas du tout exploité par l'enseigne. « Mais nous l'étudions », assure Pauline Boyer-Martin. Pour autant, la priorité reste le développement des boutiques, à la fois en France mais aussi à l'étranger, où Kookaï bénéficie d'une image plutôt haut de gamme. En ligne de mire : l'Asie et le Moyen-Orient mais surtout la Russie, où l'enseigne compte ouvrir 100 magasins dans les cinq prochaines années

Chiffres

Nombre de magasins 330 au total, dans 35 pays. 140 en France (dont la moitié de corners) Surface moyenne 120 m2 Nombre d'employés 200 p6er4son0n eds oanut siège et au dépôt logistique ; 440 dans les magasins et sur les stands Kookaï

Dates

1983 Création de la marque Kookaï. 1986 Installation du premier magasin, rue Réaumur à Paris. 1987 Première campagne de publicité et naissance de la Kookaïette, personnage emblématique de la marque. 1996 Vivarte devient l'actionnaire unique de Kookaï. 2004 Repositionnement de la marque, plus haut de gamme. 2006 Relance du développement de nouveaux points de vente en France et à l'étranger

Kookaï loves you

Lancé en 1999 pour lutter contre ses concurrents en montrant son positionnement de qualité, le programme de fidélisation est tombé en désuétude, avant d'être réactivé en 2002. Avec succès. Aujourd'hui, la base de données de “Kookaï Loves You” compte 200 000 noms, même si tous ne sont pas actifs. « Il s'agit d'un moyen stratégique de fidélisation et de recrutement », souligne la directrice marketing et communication, Pauline Boyer-Martin. Le programme, qui s'ouvre par l'octroi d'une carte offerte gratuitement à partir de 50 euros d'achats, donne droit à des réductions et des services exclusifs. Grâce à l'envoi de six à huit communications par an par le biais de mailings traditionnels, d'e-mails ou de SMS, Kookaï Loves You a aussi permis à l'enseigne de marquer son repositionnement auprès de ses plus fidèles clientes. Un programme qui, pour le moment, est exclusivement français

BÉATRICE HÉRAUD

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