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Gilles Deléris (ADC) : « Le design est un investissement, et non un coût »

Publié par La rédaction le

Cofondateur de l'agence W&Cie, Gilles Deléris préside l'ADC (Association Design Conseil) depuis décembre 2008. Il nous livre sa vision sur la place du design au sein des projets marketing.

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Qu'est-ce qui a changé depuis votre arrivée ?

Je suis attaché à un design qui ne soit pas recroquevillé sur lui-même mais, au contraire, ouvert sur la communication. J'ai donc proposé d'ouvrir l'ADC à d'autres agences. Le fait d'avoir des «barons historiques» depuis vingt ans transformait l'association en club d'élite, ce qui voulait dire peu de débats nouveaux et contradictoires. L'effort de recrutement s'explique notamment par l'arrivée des nouvelles générations connaissant bien les nouveaux médias web, ou les nouveaux métiers comme le «sound design». Mais nous nous sommes aussi ouverts à des agences exclusivement dédiées au packaging. Nous étions 22 agences en décembre dernier, nous sommes aujourd'hui 27, soit une augmentation de près de 23 %. Cette progression contribue aussi à modifier l'équilibre financier, car aujourd'hui 16 agences de l'ADC représentent 40 % du chiffre d'affaires du marché des agences en France

En quoi le design contribue-t-il au succès d'une marque ? C'est un point très stratégique dans la construction d'une marque. Pour utiliser une métaphore, le design constitue le terreau, voire les fondations, d'une marque. Il est le premier point de contact avec le client, puisqu' il influe tant sur l'identité de l'entreprise que sur le packaging et l'architecture commerciale. Réussir à faire lire aux clients les fondamentaux d'une marque, sa densité et sa vérité à travers ces trois volets est la clé du design en France. Et donc du succès d'une entreprise.

Où en sont les relations entre les designers et les équipes marketing ?

Il n'existe pas de relations types. Mais, aujourd'hui, elles se tendent à cause de la conjoncture qui impacte directement les équipes marketing et se répercute sur les agences de design. La situation économique suppose forcément des relations plus compliquées en raison des raccourcissements des délais de projet ainsi que des budgets. Mais nous sommes solidaires de ce que les équipes marketing traversent. Par ailleurs, la satisfaction des entreprises sur notre travail contribue aussi à entretenir de bonnes relations avec elles. Aujourd'hui, 85 % d'entre elles considèrent qu'il y a une bonne qualité de suivi et de réflexion tout au long d'un projet. Pourtant, certaines entreprises, qui sont tenues à l'exercice des appels d'offres, ont recours à des consultations iintempestives d'agences, pour des remises en compétition de dossiers sur lesquels tout se déroule bien

On parle de plus en plus de design management ou de design intégré. Quel est votre avis sur cette tendance ?

Je pense qu'elle va non seulement durer, mais surtout se développer. Elle relève d'une gestion stratégique du design, en considérant qu'il n'est pas un élément anecdotique de l'entreprise. Les projets design font partie de ceux qui mobilisent le plus de compétences Aujourd'hui, on trouve des design managers au sein des entreprises. Parfois appelés «brand managers», ils placent le design au coeur du mix produit et marketing De plus en plus, ils auront des responsabilités connexes à celles des directeurs de la communication.

Quel impact a eu la crise sur l'activité design et sur les agences ? Nous nous sommes justement réunis pour analyser cette situation. Il était urgent de pouvoir disposer d'indicateurs en temps réel. Beaucoup d'acteurs sont impactés, et surtout ceux spécialisés dans l'identité corporate. En revanche, les activités «architecture commerciale» et marques «grande consommation» restent actives. Force est de constater que les délais de consultation sont de plus en plus longs. Et que les projets, plus rares, mettent davantage de temps à aboutir... ou sont parfois tout simplement annulés. Il arrive également que certains clients ne consacrent plus au projet que 50 % du budget initialement prévu. Il y a donc une grande vigilance sur les coûts, les achats externes, notamment pour les agences free-lance, qui sont nombreuses. Reste que la crise constitue aussi 'opportunité de cultiver la polyvalence des collaborateurs. Une polyvalence d'ailleurs que les marques exigent de plus en plus.

L'explosion des sites marchands a-t-elle boosté l'activité du web design ?

Pour être clair, non. Les agences de design devraient d'ailleurs se demander pourquoi elles ne sont pas encore actrices du web design. Car le champ d'action est considérable. Mais cela veut dire faire appel à des compétences qui ne sont pas encore intégrées en agences et qui regroupent non seulement le design, mais aussi 'ergonomie, la production de contenus et des fonctionnalités spécifiques pour assurer un développement technologique

Le développement durable est désormais omniprésent. En quoi le design peut-il jouer un rôle sans tomber dans le greenwashing ?

Pour l'architecture commerciale, les contraintes sont réglementaires. Les agences sont dans les mêmes mouvances que les architectes et doivent respecter des règles. Concernant le packaging, une très grande réflexion est justement menée sur de nouveaux produits sans emballage. Ce qui pousse les agences à réfléchir à de nouveaux produits à forte recyclabilité, prenant en compte tout le cycle de vie des emballages Il ne faut pas oublier que le designer est éco-responsable par essence. Toutefois, il y a encore beaucoup d'erreurs, d'errements, et donc un gros travail de recherche. Heureusement, les outils conceptuels et intellectuels enrichissent notre offre.

Apple, Fiat, Uniqlo... Les grandes réussites de 2008 sont inhérentes à l'esthétique des produits. Est-ce là le signe d'un design arrivé à son apogée ?

Le design n'est pas arrivé à son apogée, mais il remplit enfin son rôle. Ces réussites résultent d'une réflexion intrinsèque sur les marques. Dans le cas de la Fiat 500, c'est un recentrage sur un produit phare, une plongée dans son patrimoine. La marque est allée chercher dans son essence et dans ce qu'elle a de plus extraordinaire. La voiture a été réinventée tout en créant une situation préférable à une situation existante. Autre exemple, le Vélib' qui est, selon moi, un véritable succès design, que ce soit le vélo lui-même ou encore les stations ou les services. Voilà une réussite qui met en évidence la puissance d'une approche de design intégré et cohérent.

Quels sont les grands enjeux du design de demain ?

Pour les agences, l'innovation et la force de proposition Ce sont des attentes fortes des entreprises. Pour cela, les agences doivent être capables de créer les conditions d'une réflexion interne puissante. Et aussi savoir regarder le monde en mouvement. Ce qui est complexe en raison des nouveaux médias et des nouveaux langages. Il faut être conscient des contraintes associées et maîtriser les moyens techniques en aval. Les agences qui ne le font pas seront réduites à réviser des projets conçus en interne ou par d'autres. L'autre grand enjeu est pédagogique. Nos clients doivent comprendre pourquoi le design est un investissement et non un coût. Il faut aussi leur expliquer pourquoi un projet présente plus de pertinence, plus de pérennité, plus de valeur qu'un autre. Notamment en passant par de la veille, de la prospective et des benchmarks.

 
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