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Gestion de la marque, entre logique marketing et raison économique

Comment concilier l'instrumentalisation actuelle des marques au service de stratégies industrielles de plus en plus mondiales et la logique marketing de segmentation, d'expansion ou de diversification ? Faut-il voir dans l'émergence des méga-marques la mort de la marque produit ou simplement la naissance de nouvelles formes de valeur ajoutée ? La gestion des gammes requiert aujourd'hui, plus encore qu'hier, de jongler entre tradition et innovation. D'observer le consommateur d'une manière plus globale en intégrant ses dimensions psychologiques ou sociologiques. Bref, de renouveler la notion d'intimité.

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Annoncé comme un des effets pervers de la mondialisation, le "big-crunch", ou réduction du nombre des marques, a peu touché l'univers des produits de grande consommation français. Tout au plus a-t-il frappé les grands groupes qui diminuent le nombre de leurs marques. En fait, et à en croire Olivier Géradon de Véra, c'est plutôt de "big-bang" dont il faut parler. « Je ne crois pas que l'on se dirige vers une uniformisation des produits de grande consommation, mais plutôt vers un élargissement de l'offre », souligne le vice-président d'IRI Sécodip. De sorte que le nombre des marques augmente comme celui des références en magasin. Selon IRI Sécodip, le nombre des produits de grande consommation présents en hypermarché est passé de 14 998 en 1999 à 15 929 au premier semestre 2001.

Mobicarte devra désormais s'intégrer

dans la chartre graphique élaborée par le brand management d'Orange.




Soit une augmentation de plus de 6 %. Mais l'univers des marques n'est pas simplement en expansion, il est en pleine mutation. Le vent du changement est incontestablement venu de certains grands groupes qui, comme l'indique Olivier Géradon de Véra, « ont découvert qu'ils pouvaient créer de la valeur en diminuant leur frais et ont imaginé des méta-concepts internationaux ». Un principe simple qui consiste à ne soutenir que leurs marques les plus fortes et à abandonner les autres. Ainsi, Danone affiche clairement ses intentions de se concentrer exclusivement sur les secteurs où il peut être le leader mondial. Et n'a pas hésité à revendre, entre autres, Panzani, qui vit désormais une seconde jeunesse dans les bras de BNP Paribas. Procter et Gamble recentre son groupe sur ses marques à potentiel mondial et s'est notamment délesté de Cavaillès, Pétrole Hahn ou encore Monsavon. Unilever affiche sa stratégie mondiale de suppression de marques sous l'appellation "route de la croissance" et a déjà mis 700 marques sur le carreau et prévoit une nouvelle suppression de 300 d'entre elles à terme. Il a revendu deux fleurons, comme Lesieur ou Bénédicta, qui vit désormais chouchoutée par la Banque Barclay's dont elle est l'unique marque. La marque se vend et s'achète comme une usine. Elle est devenue un capital économique et donc, par voie de conséquence, marketing. Aujourd'hui, Nestlé ne dit plus on "tue" Findus, mais on capitalise sur la marque Maggi. « On se retrouve avec des marques ombrelles qui couvrent de plus en plus de produits sur des cibles de plus en plus larges et qui n'ont plus de rapport direct avec le produit de départ. C'est le cas de Lu, qui incarnait à l'origine un simple petit gâteau sec et qui couvre désormais toute la gamme de biscuits chez Danone », explique Georges Lewi, directeur de High Co.institute. C'est aussi le cas d'Evian qui, en 2000, est passé de l'univers de l'eau minérale à celui des cosmétiques. La marque devient un instrument de conquête rapide de nouveaux marchés à moindre coût. « Utiliser la marque Crunch pour investir le marché des céréales pour adolescents nous a probablement fait gagner plus de temps et d'argent que de lancer une marque spécifique », avoue Gilles Pacault, directeur de la communication de Nestlé France. Même raisonnement pour le lancement des soupes Maggi/ Sveltesse. Maggi joue les ombrelles et détermine l'univers culinaire du produit : la soupe. Sveltesse apporte, pour sa part, la caution 0 % de matières grasses. Ce principe de co-branding interne permet d'avoir des retombées médiatiques optimisées entre Maggi et Sveltesse. Et surtout au géant de l'agroalimentaire d'optimiser un portefeuille impressionnant de marques. Le groupe en détient 8 500 dans le monde, dont 72 ont un rôle stratégique au niveau international ou corporate, telles Nestlé, Nescafé, Maggi, Buitoni, Nestea ou Friskies. Reste les 292 marques régionales, ce qui pour Nestlé signifie continentales, 700 marques locales, c'est-à-dire stratégiques sur les pays, et toutes les autres moins importantes.

En lançant les soupes Magi/Sveltesse, Nestlé

capitalise sur deux marques fortes, Maggi au niveau européen, Sveltesse en niveau local.




Mais, à vouloir couvrir trop de marchés, la marque prend le risque de se diluer. « Attention à ce que certains consommateurs ne finissent pas par se demander ce que sait vraiment faire la marque », prévient Georges Lewi. Nager dans l'ombrellisation suppose donc, comme le font Nestlé et Danone, un soutien sans faille de chacune des marques utilisées, tant en innovation qu'en budget publicitaire. Selon Sécodip, Nestlé a été le deuxième annonceur publicitaire plurimédia sur le premier semestre 2001 avec 796 millions de francs, juste derrière France Télécom qui dépasse, lui, le milliard. Mais le co-branding interne ou regroupement des marques, même s'il est significatif, reste marginal. Un groupe comme Procter et Gamble ne l'utilise pas. « Chacune de nos marques est présente sur un segment spécifique », insiste Ranya Shamoon, chef de groupe entretient et maison du groupe. Sur le secteur des produits de DPH, on préfère chez Carrefour parler d'harmonisation des gammes. « Les derniers exemples que nous avons pu observer sont l'harmonisation des gammes de coton Lotus et Demak'Up, le changement de marque de Start en Neutralia en produits de rasage, et de Vivelle en Vivelle-Dop pour les produits coiffants. En revanche, on observe un phénomène d'extension du périmètre des marques des industriels pour renforcer leur position de méga-marques. En 2001, nous avons vu arriver des marques, comme Mixa sur les déodorants, Gemey/Maybelline sur les accessoires de maquillage, Skip sur les produits de soin du linge, tout comme les marques Cif, Domestos ou Saint-Marc sur les lingettes et systèmes nettoyants. »

Les nouveaux garants de l'orthodoxie du mix


Et il est bien là le leitmotiv. Etendre à tout prix le territoire de sa marque pour créer de nouveaux relais de croissance, de notoriété ou de visibilité globale. A supposer, bien sûr, que l'on dispose d'une marque fortement ancrée sur son marché d'origine et clairement identifiée par le consommateur comme porteuse de certaines valeurs. Etant entendu également, comme le souligne Georges Lewi, que l'on sache dans quelle catégorie boxer. « Il existe trois grandes familles de marque : les marques produits, comme Coca-Cola, les marques cautions, comme Sony, et les marques ombrelles, plus généralistes. La marque caution, c'est la garantie de réaliser une plus-value de 15 à 20 % sur un prix de vente médian. Et cela peut monter jusqu'à 25 % pour une marque comme Sony, particulièrement bien identifiée sur l'univers du son et de l'image. » Reste ensuite à vérifier la cohérence entre les valeurs de la marque et les choix de diversification. « Quand Apple se relance avec l'iMac et joue la rupture design et la transparence, il est cohérent par rapport à la vocation initiale de rupture qui a fait son succès, observe Georges Lewi. En revanche, était-il judicieux pour Moulinex d'innover par le design alors qu'il était attendu sur un territoire de produits techniques et astucieux ? » Question. Quand Nesquick essaie de se lancer dans l'univers de l'ultra frais, ses clients ne le suivent pas. Trop loin de son territoire. On peut ainsi s'interroger sur la légitimité de la marque McDonald's sur le marché des cafés et chaînes d'hôtels, d'Herta sur le segment des pâtes à gâteaux liquides au rayon frais. Où commence et où finit un territoire ? Telle est la question existentielle que toutes les marques doivent se poser ? Les outils de diagnostic et d'analyse ne manquent pas (voir Marketing Magazine n° 62), pas plus que les ouvrages traitant du sujet. Mais on voit surtout émerger dans certains grands groupes une nouvelle race de marketers, plus transversaux, sous l'appellation "brand managers", qui viennent bousculer des services marketing historiquement organisés à la verticale (par produit et par fonction). Nestlé les appellent les "brand champions". « Ils assurent une fonction transversale, jusque-là réservée aux hiérarchies élevées », explique Georges Lewi. A eux l'harmonisation et la cohérence des marques, comme Maggi, qui se déclinent sur plusieurs technologies, ou comme Sveltesse aux promesses extensibles. Ils veillent sur ce que l'on appelle le "pack". C'est-à-dire la cohérence des promotions, des packagings, la visibilité de la marque, sa publicité, sa charte graphique et, plus largement, ce que l'on appelle désormais sa sensorialité. Car la marque a un goût, un sens, une couleur... Ce qui explique que faire vivre une marque ombrelle avec une autre marque "fille" sur un même packaging n'est pas une sinécure. « Il existe souvent un problème de dosage entre les différents niveaux. Qui va dominer qui ? », explique Denis Bonan, président de \Brand Company. La plupart du temps, la marque ombrelle impose sa charte graphique offrant à la marque fille un espace de liberté plus ou moins grand. Mais, là encore, tout dépend des arbitrages stratégiques. Plus largement, l'extension du territoire des marques pose de manière intrinsèque la question de leur visibilité. Comment montrer le changement dans la cohérence pour une marque qui, la plupart du temps, est perdue dans une offre concurrentielle pléthorique ? Et en la matière, le design s'avère un des catalyseurs les plus efficaces de changement. L'identité visuelle y tient une place de choix et dépasse depuis longtemps le champ statique de la charte graphique pour s'étendre, par exemple, au domaine du packaging. « En proposant le principe du cylindre issu du monde des spiritueux à France Télécom pour sa gamme Mobicarte, nous avons non seulement permis à notre client d'incarner la vision d'indépendance qu'il voulait donner, mais nous lui avons également fourni un des pivots de sa communication publicitaire. En outre, nous lui avons permis de bâtir une gamme segmentée par cible couvrant un très large spectre d'âges », précise Denis Bonan. Mais, à l'heure où France Télécom décide d'imposer Orange comme sa marque mère de téléphonie mobile et abandonne Itinéris et Ola, Mobicarte descend d'un cran dans la hiérarchie visuelle.

Georges Lewi (High Co.institute)

: "Les nouveaux brand managers assurent une fonction transversale, jusque-là réservée aux hiérarchies élévées".




Et elle doit désormais s'intégrer dans la charte graphique élaborée par le brand management d'Orange : un logo, une typographie et trois couleurs (noir, orange et blanc) et s'exprimer sur une zone bien précise du cylindre sur une mécanique simple de mots ou de visuels.

L'apport des sciences humaines


Cepedant, s'il existe un phénomène d'instrumentalisation des marques, il ne doit pas occulter les grands mécanismes qui constituent le coeur du travail des marketers. « La gestion des gammes continue de relever d'une pratique marketing assez classique, qui consiste à vendre au mieux des produits à un maximum de consommateurs sur une même cible. Quant à la gestion des marques, elle vise à vendre un même savoir-faire à un maximum de cibles différentes, tout en les faisant adhérer aux valeurs et à la culture de ladite marque », rappelle Georges Lewi. Simplement, là où la segmentation faisait la part belle aux critères socio-démographiques il y a dix ans, c'est sur les attitudes de leurs clients, au sens large, que les entreprises se focalisent. « Nous ne cherchons pas simplement à savoir comment les Français font leur ménage, explique Ranya Shamoon, mais à mieux cerner leur manière de vivre en général. C'est en faisant émerger les différents besoins des différentes cibles sur un même marché que l'on peut développer des marques en fonction des groupes cible. » Pour elle, il y a donc les consommateurs qui cherchent à tout prix à avoir une maison propre et confortable dans un souci d'harmonie et qui vont accueillir la marque comme une invitée. Les décontractés adeptes du tout-propre, mais sans effort, pour qui la marque est un ami bienveillant. Les perfectionnistes accro à la propreté de tous les jours et en quête de produits technologiques pour qui la marque est un expert. Et, enfin, ceux qui sont surtout soucieux de ce que les autres pensent d'eux. Pour eux, la marque est considérée comme une consultante. « Une marque comme Monsieur Propre va s'adresser essentiellement aux deux premières catégories. C'est un invité ou un ami bienveillant. Swiffer, en revanche, basé sur le principe des lingettes, s'adresse plutôt aux perfectionnistes, particulièrement sensibles au nettoyage d'appoint entre les gros nettoyages », commente Ranya Shamoon. Et ce sont vers ces produits "fonction" ou "service", cette approche par style de vie ou de consommation, que les marques qui sortent aujourd'hui tendent de se rapprocher pour une meilleure proximité. La nouvelle gamme de soupes Knorr de Bestfood, par exemple, destinée à investir le rayon de quatrième gamme, a quitté la traditionnelle segmentation par légumes et opté pour des appellations plus fonctionnelles, comme "ligne", "fibres", "vitalité". Le nom de la marque elle-même, "Ma soupe et moi", traduit l'intimité désirée. Et ce type de démarche n'est pas réservé aux nouvelles gammes. « Il existe des zones d'espace sensoriel encore inexploitées dans toutes les gammes existantes, observe François Abiven, P-dg de la société d'études Repères. Il suffit d'identifier les segments en fonction des attentes et non plus, comme par le passé, en se référant à une segmentation figée ou aux produits leaders des marchés. » Autrement dit, analyser les goûts et les couleurs, c'est possible. C'est sur ce type de raisonnement que Procter et Gamble a eu l'idée de Fébreze, un "liquidateur" d'odeurs, ou que Danone s'est aperçu qu'il existait une demande pour un yaourt plus crémeux. Fait-on partie des gens qui aiment se faire plaisir devant la télé le soir en grignotant des feuilles de salades de quatrième gamme ou de ceux qui préfèrent se concocter en cinq minutes montre en main un petit plat chaud ? Peut-on trouver de nouveaux groupes homogènes qui partagent les mêmes attitudes et les mêmes comportements par rapport à des groupes de produits et des tranches de leur vie ? C'est un peu la question que se posent les marques. « Il est aujourd'hui possible de travailler sur les comportements logiques observés et non plus simplement sur des déclaratifs. Cela permet de relier les attitudes des interviewés à leur comportement », explique François Abiven. Chez Repères, une étude de cet ordre peut concerner un échantillon de 500 personnes testées à domicile sur une demi-douzaine de produits pendant une dizaine de jours. Le tout pour un budget d'un million à un million et demi de francs. Parallèlement, le monde des études qualitatives s'est largement ouvert aux experts des sciences humaines. « Les études qui m'ont le plus marquée ont été menées par des modérateurs venant du monde de la psychologie ou de la sociologie, explique Rayna Shamoon. Ils nous éclairent sur les comportements et nous aident à concrétiser ces pistes par de vraies solutions marketing. » Un avis partagé par Dominique-Henri Perrin, consultant, à l'origine d'une méthode de segmentation liée aux fonctions attendues par le consommateur. « En analysant le langage, il est possible d'anticiper le comportement futur des interviewés et surtout de décrypter leurs attentes par rapport au produit », fait-il remarquer. Mais ce rapprochement marque/consommateur ne remet pas en cause les bons vieux principes Kotlériens de segmentation par le produit (goût, texture, fonction...), les types de consommation ou la socio-culture (habitude familiale, effet du nomadisme, etc.). Il élargit simplement son champ d'action. Le reste n'est qu'une question d'opportunité et de rentabilité, que l'on soit une PME ou une multinationale. « La gestion des gammes a toujours été un des problèmes majeurs difficiles à traiter par l'entreprise puisqu'il s'agit de faire un arbitrage entre un service marketing, qui a toujours l'impression que l'offre doit être large, et l'industriel, qui préfère maximiser les économies d'échelle sur quelques produits », poursuit Dominique-Henri Perrin. Mais la nécessité de segmenter reste impérieuse. On peut très bien rajeunir une marque en lançant des sticks pour toucher une nouvelle cible plus nomade ou plus jeune. On peut étendre sa marque sur un autre territoire, comme le fait 3M en se lançant sur le marché des accessoires d'entretien de la voiture. On peut vouloir, comme Rambol du groupe Bongrain, s'attaquer au marché des fromages pour enfants, un marché dinosaure de 30 300 tonnes, en baisse de 1 % et dominé par La Vache qui Rit, et lancer une vraie nouvelle marque, Kidiboo. Un nouveau fromage en bâtonnet en forme de fantôme, appuyé par une campagne de publicité puissante (l'équivalent pour sa première vague du budget investi sur une année pour un produit comme P'tit Louis) et d'un film original plein d'effets spéciaux pour marquer un territoire ludique et transgressif. Mais, quelle que soit sa stratégie, la marque devra impérativement marquer le changement tous les trois à cinq ans. Que ce soit par une création publicitaire, un packaging, en jouant sur ses prix (pricing) ou en innovant vraiment (technologique/service). Et c'est là qu'il lui faudra surfer éventuellement sur les nouvelles tendances ou les nouveaux leviers. « En ce moment, comme le fait remarquer Georges Lewi, les fabricants utilisent beaucoup la couleur comme levier de rupture. » Mais ils pourraient piocher dans la polysensorialité ou le design.

Le prix de l'innovation


Et l'innovation dans tout ça ? Chez Nestlé, on continue de la revendiquer comme un des axes stratégiques de développement. Nestlé France a lancé près de 70 innovations ou rénovations depuis le début de l'année. Le groupe a même mis en place un "prix de l'innovation" en interne, ouvert à tous les acteurs d'innovation, qu'ils soient ou non du marketing. Mais l'innovation coûte cher. Très cher même. Nicolas Riom, directeur général marketing de Danone, ne déclarait-il pas dans la revue Linéaires du mois de septembre dernier que « 70 % des nouveaux produits disparaissaient dans les deux à trois ans qui suivent leur lancement. Et que, pour asseoir un produit sur un segment, il fallait deux vagues de pub TV par an. Soit environ 15 millions de francs. » Et ce, pour le seul marché hexagonal. Une bonne raison pour le géant français de se concentrer sur les jeunes marques qui ont un potentiel de développement à court terme, comme Le Crémeux, Petit Encas, Actimel, Danao... Le problème de l'innovation n'est pas l'innovation elle-même. Les groupes en ont en stock. Mais le retour sur investissement et, tout simplement, la place en linéaire. « D'une manière générale, le nombre d'innovations en DPH impose des choix permanents dans l'assortiment, affirme-t-on chez Carrefour. En conséquence de quoi, nous privilégions plutôt les gammes courtes avec une performance à la référence élevée. » Quant aux linéaires, ils ont vu doubler le nombre de leurs références en 20 ans, quand la surface moyenne des magasins n'augmentait, elle, que de 10 % ! Résultat, le stock en linéaire a diminué de moitié et entraîné un problème de lisibilité et de rupture. « Nous avons pu établir, dans une récente étude, que la variable de l'offre dans la part de marché d'une marque était tout aussi importante que la variable de la marque », explique Olivier Géradon de Véra. Autrement dit, un client peut très bien venir pour un produit de la marque A et repartir avec celui de la marque B parce que la nature de l'offre (promotion, facing, etc.) lui sera plus favorable. Dans ce contexte, on comprend mieux les efforts consentis par les marques sur le terrain commercial et leur souci croissant de fidélisation. Car l'extension du domaine de la marque, c'est aussi ça : comprendre le niveau et la nature des formes de la relation à sa clientèle. On appelle déjà la discipline le "brand linking".

Ushuaïa : vendeur de rêve, vendeur de fringues


La marque Ushuaïa vient de s'allouer les services du bureau de style Carlin pour sa première collection hommes et femmes de vêtements outdoor hiver 2002 : "Prêt à rêver" et "Prêt à partir". Si le licencing est un levier de diversification ou d'extension de gamme assez classique, son utilisation par une marque issue d'une émission du monde télévisuel l'est moins. Mais le succès remporté depuis plus de dix ans par la marque Ushuaïa, éponyme de l'émission d'aventure de Nicolas Hulot, démontre la force commerciale que peut prendre un concept au départ déconnecté de l'univers produits. En trois ans, TF1 Entreprises a vendu pour deux milliards et demi de francs de produits à la marque Ushuaïa, licencée à une quinzaine de fabricants dans des secteurs hétérogènes, comme l'horlogerie, les produits de camping, l'automobile et, bien sûr, l'hygiène-toilette en partenariat avec LaScad (groupe L'Oréal). Le tout, en se basant sur les seules valeurs de "naturalité-éthique" d'une émission qui a elle-même évolué. La marque est aujourd'hui bien perçue par son public et suffisamment mûre pour passer à la vitesse supérieure. Ses dirigeants réfléchissent déjà sur la manière dont elle devrait évoluer. « Il est probable que nous renforcions notre cahier des charges et que nous communiquions auprès du grand public », explique Hubert Taieb, directeur de TF1 Licences au sein de TF1 Entreprises. Et la chaîne n'a pas l'intention de s'arrêter là puisqu'elle vient de créer l'entité TF1 Games, dédiée aux jeux de société, qui compte déjà à son actif le fameux "Qui veut gagner des millions" ou le très récent "Star Academy". La chaîne vient également d'engager Gilles Bertoni, ex-Roland Garros, comme directeur général adjoint de TF1 Entreprises, pour s'occuper exclusivement du développement des marques du groupe, comme par exemple Eurosport.

La "French Touch", un mix anglo-latin très recherché


Selon H.Neumann, groupe européen de conseil en ressources humaines, l'internationalisation des grands groupes conduit à la refonte des organigrammes au sein des entreprises. Aujourd'hui, le marketing se "globalise" et fait sien la maxime "Think global and act local". Chapeautées par une Direction mondiale, les directions marketing et commerciales se déclinent globalement et mondialement ou par continent, puis s'appliquent par pays. Des fonctions intermédiaires ont été créées afin de coordonner et d'optimiser les politiques des différentes directions locales. Dans ce contexte, les dirigeants français possédant une expérience internationale sont particulièrement recherchés car leur culture peut idéalement mélanger la "rigueur" saxonne et la "créativité" latine. Les Français sont d'ailleurs nombreux aux sièges européens de grands groupes, surtout en Grande-Bretagne, en Suisse, en Belgique, en Hollande et, bien sûr, aux Etats-Unis. Ils n'hésitent pas à s'expatrier dans le monde entier, y compris vers des destinations moins communes, comme, par exemple, certains pays de l'Est (essentiellement la Pologne ou la Hongrie et la Tchécoslovaquie), la Turquie, l'Asie ou l'Amérique du Sud...

Bibliographie


La marque dans tous ses états, Experts Géodys et Georges Lewi. Géodys. La marque, Georges Lewi. Vuibert. Ce que marque veut dire, Marie-Claude Sicard. Editions d'Organisation. Alternatives Marketing, Véronique et Bernard Cova. Dunod. Disruption, Jean-Marie Dru. Village Mondial. Les paradoxes du marketing, Jacques Neirynck. Editions d'Organisation.

Isabel Gutierrez

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