Du nouveau à l'Est
Les marchés des produits de grande consommation des pays de l'Est en général, et de la Pologne en particulier, ne sont pas aussi perméables à l'innovation que ce que l'on a tendance à penser en Occident. Le point de vue d'Eric Cothenet, directeur général de GB Polska, filiale biscuits du groupe Danone sur le marché polonais.
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La Pologne a vécu en à peine plus de dix ans ce que les pays occidentaux
ont connu en un demi-siècle : les marchés qui étaient encore en état de pénurie
au début des années 80 sont aujourd'hui parfaitement structurés et segmentés.
Le marketing de la demande est devenu marketing de l'offre. Le pays est
aujourd'hui écartelé entre une distribution traditionnelle qui pèse encore plus
de 80 % malgré des très petites superficies (la superficie moyenne tous
magasins de grande consommation confondus est de 45 m2 !) et une offre nouvelle
apportée en grande partie par les enseignes françaises : Carrefour, Auchan,
Leclerc, Géant...
Une évolution en trois étapes
Compte
tenu de la faible superficie moyenne des points de vente, le référencement d'un
nouveau produit est difficile. Face à un consommateur qui décode désormais
parfaitement les artifices marketing, la sanction est immédiate : une référence
qui ne tourne pas ne peut être maintenue artificiellement. L'évolution du
marché polonais s'est faite en trois grandes étapes. A la fin des années 80
arrivent les premiers produits occidentaux, souvent soutenus par des campagnes
de publicité utilisant des codes de communication alors inconnus. Ces produits
sont chers, mais généralement de bonne qualité et connaissent un bon accueil de
la part des consommateurs. Quasiment tous les nouveaux produits lancés à cette
période ont été des succès. Dans un deuxième temps, les fabricants polonais ont
réagi en investissant massivement dans leurs outils de production dans le but
d'améliorer la qualité de leurs produits. Les produits locaux, ayant des coûts
de production très compétitifs et n'étant pas soumis aux taxes d'importation
(par exemple, il y a 40 % de taxes douanières sur les biscuits), ont connu un
regain d'intérêt très fort de la part des consommateurs. En réaction, les
fabricants étrangers ont commencé à installer leurs usines sur place pour
pouvoir se battre à armes égales.
Une attitude plus exigeante
La troisième phase est très récente puisqu'elle date de
1998. La hausse du niveau de vie a permis aux Polonais d'investir dans des
biens durables, à commencer par la voiture. Le profil du parc automobile s'est
véritablement métamorphosé en moins de deux ans ! L'habitat a également
fortement bénéficié de cette hausse du niveau de vie. Les produits non durables
subissent cette évolution de la consommation. Les Polonais font plus attention
à leurs dépenses quotidiennes et ont, vis-à-vis des fabricants, une attitude
plus exigeante : on veut un peu d'image, mais surtout beaucoup d'usage. Les
nouveaux produits doivent apporter plus que jamais une réelle plus-value, dans
le cadre d'un rapport usage/prix nécessairement compétitif. Les achats
deviennent plus que jamais raisonnés, avec tout de même quelques excès
occasionnels. Cette nouvelle situation va faire le lit des marques
distributeurs et sans doute des hard discounters. Géant a d'ailleurs déjà lancé
sa marque propre. A titre d'exemple d'un lancement réussi, GB Polska a lancé un
cookie en 1997 qui a été un véritable succès. Plutôt que d'adopter un
positionnement américain, nous avons donné au produit le nom du “Poil de
Carotte” polonais - Pieguski - dont les taches de rousseur étaient
matérialisées par les pépites de chocolat du biscuit. Cet ancrage local, plus
un positionnement prix extrêmement compétitif, ont permis à ce produit de
conquérir 7 % du marché à aujourd'hui.»