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Des milliards de nouveaux consommateurs à séduire

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Alors que la croissance des marchés occidentaux s'essouffle, les entreprises ciblent les pays émergents. Un défi marketing.

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Ordinateurs portables à 175 euros, mobiles à 50 euros ou yaourts à 10 centimes d'euros... Des produits à prix dérisoires et pourtant pas si basiques. Inutile de les chercher dans les linéaires occidentaux, ceux-ci sont uniquement destinés au bas de la pyramide. Autrement dit, les populations les plus démunies qui gagnent moins de 10 dollars par jour. L'idée n'est pas nouvelle mais elle a changé de dimension. « Avant, il s'agissait d'une activité périphérique. Aujourd'hui, elle est au cœur du business des entreprises qui revendiquent des performances sociales mais surtout économiques », explique Franck Azimont, professeur de marketing à l'EM Lyon. « Nous ne sommes pas là pour faire de la charité, mais pour faire du business », confirme un porte-parole de Danone. Car il s'agit bien de conquérir un marché qui représenterait un sixième de la population mondiale et le dixième PIB mondial, selon un rapport du Boston Consulting Group (BCG), The Next billion The Next billion, par Janmejaya Sinha, James Abraham, Arvind Subramanianjuin 2007. . Un marché «largement sousestimé et incompris», selon celui-ci, confirmant ainsi la thèse établie, il y a quelques années, par l'économiste américain CK Prahalad dans son livre 4 milliards de nouveaux consommateurs : vaincre la pauvreté grâce au profit Édition Village Mondial, 2004.

« Contrairement aux idées reçues, ces consommateurs ne veulent pas de produits basiques ou de seconde main (...) et ils sont prêts à payer le prix pour cela. », expliquent les auteurs du rapport BCG. Autre avantage, ils n'ont aucun a priori : pour leurs transactions financières, par exemple, ils peuvent aussi bien faire appel à leur banque qu'à leur compagnie de téléphone ou leur épicier... Pourtant, « les entreprises se contentent d'appliquer leur business model existant, à ce nouveau groupe. Le résultat n'est pas surprenant: les produits conçus pour un marché différent se révèlent inintéressants, trop chers, mal distribués et non rentable », relèvent les auteurs.

Dans les townships d'Afrique du Sud, Danone a mis en place un système d'équipe de vente locale - les Dani ladies - pour vendre ses Danimal (yaourts riches en zinc, fer et vitamine A).

Dans les townships d'Afrique du Sud, Danone a mis en place un système d'équipe de vente locale - les Dani ladies - pour vendre ses Danimal (yaourts riches en zinc, fer et vitamine A).

Repenser le marketing

Investir ce marché relève donc encore du défi. « Cela nécessite une reconstruction complète de la chaîne de valeur : être présent dans ces zones souvent difficiles d'accès nécessite une adaptation des formules, des réseaux de distribution et du marketing », souligne Franck Azimont. Premier problème:le manque d'informations sur ces populations et leurs habitudes de consommation. Jusqu'alors, les campagnes reculées étaient absentes des études de marché. Pour conquérir les favelas brésiliennes, Nestlé a envoyé une cinquantaine de cadres dans les bidonvilles de Sao Paulo. Chez Danone, on collabore avec les ONG locales qui ont identifié les zones de carences alimentaires, particulièrement chez les enfants. Depuis les années 2000, Danone développe des produits enrichis en vitamines et nutriments, à quelques centimes d'euros, et destinés à ces populations. Pour rester rentable, l'entreprise doit réduire ses coûts grâce à une révision des processus de fabrication, un conditionnement à l'unité, peu d'investissement packaging et une publicité minimum. Un Danimal (yaourt destiné à l'Afrique du Sud) vendu 30 % moins cher qu'un yaourt classique, soit 1 rand (15 centimes d'euros), dégage une marge financière de 25 %. De même, le mode de distribution est bouleversé. En Indonésie, Danone a investi les corners ambulants pour commercialiser son Biskuat (biscuit enrichi en calcium). En Afrique du Sud, la multinationale fait appel aux Dani ladies, des mères de famille des townships qui vendent des yaourts au porte-à-porte dans leur quartier. La publicité, elle, se fait sur les packagings, les murs ou dans les épiceries ; et se confond parfois avec les campagnes pédagogiques des ONG.

Reste un souci de taille: ces milliards de consommateurs seront autant de pollueurs. Un business équitable passera par une association entre les équipes internationales et locales.

Rapport BCG, The next billion, juin 2007

Ces consommateurs ne veulent pas de produits basiques ou de seconde main. Ils sont prêts à payer pour cela.

 
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Béatrice Haraud

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