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De la satisfaction à l'expérience client

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Qu'elles soient stratégiques ou tactiques, les études de gestion de la relation client se portent bien. Tant il est vrai que le capital client se renforce comme valeur sûre de l'entreprise dans un contexte économique incertain.

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Les consommateurs n'ont pas le moral. Selon une enquête réalisée par Synovate, auprès de 11 500 personnes dans 18 pays, plus de 75% des Britanniques, 69% des Américains et des Belges, 66% des Français... se déclarent pessimistes pour l'avenir, face à la crise économique actuelle. Selon une autre enquête, de l'Ifop pour Médicis, mutuelle retraite des commerçants indépendants, l'économie du pays suscite l'inquiétude d'un nombre croissant de Français (85% fin novembre 2008, contre 78% en octobre). Dans ce contexte difficile, 46% des Français ont différé des achats, 44% ont renoncé définitivement à certains achats et un tiers (32%) ont déjà puisé dans leur épargne pour faire face à leurs dépenses courantes. «La gestion de la relation client en est fortement perturbée. Il y a beaucoup d'incertitudes et d'inquiétudes pour l'avenir», constate Henri Boulan, p-dg de CSA.

Quelles conséquences pour les entreprises et les marques? «La crise ne fait qu'accélérer les processus en cours: marchés généralement stagnants, concurrence accrue, tension sur les prix, nécessaire réactivité aux offres concurrents, pression clairement centrée sur la rentabilité à court terme», explique Daniel Ray, directeur de l'institut du Capital Client et professeur à Grenoble Ecole de management. Le capital client devient désormais aussi important que le capital marque. «Dans toute crise, il y a des opportunités. Les entreprises qui sont orientées capital client sont peut-être les mieux placées aujourd'hui pour tirer leur épingle du jeu», constate Christian Barbaray, p-dg d'INit Satisfaction, qui repositionne son institut et l'a rebaptisé INit Etudes marketing et capital clients pour répondre à l'évolution du marché.

Edouard Lecerf (TNS Sofres):

«Tout comme il faut repenser le paradigme entre image et usage, il faut repenser celui entre discours corporate et satisfaction.»

Face à l'intérêt croissant pour la relation client, Bouygues Telecom a mené une campagne de publicité vantant sa performance dans ce domaine.

Face à l'intérêt croissant pour la relation client, Bouygues Telecom a mené une campagne de publicité vantant sa performance dans ce domaine.

Sortir de la vision classique

Qui dit capital client, dit gestion de la relation client. Pour les marques et les entreprises, il s'agit de garder leurs clients (eux-mêmes en situation d'arbitrages toujours plus contraints), d'éviter qu'ils aillent à la concurrence et de préserver leur coeur de cible. «Le client prend une place déplus en plus grande. Les entreprises vont privilégier la fidélisation plutôt que le recrutement qui demande davantage de moyens, mais l'équilibre entre les deux est très important», explique Edouard Lecerf, dga de TNS Sofres. Qu'est-ce que ce changement implique pour les études? «L'idée est de sortir aujourd'hui de la vision classique, des schémas traditionnels qui cantonnent les études GRC à des mesures spécifiques liées pour l'essentiel à la satisfaction et à la loyauté client. Toutes les études dans tous les univers doivent être repensées dans le sens de l'expérience client, donc de la relation client», souligne Helen Zeitoun, dg de GfK Custom Research France. Une vision partagée par Synovate dont le département Solutions Customer Experience regroupe les études satisfaction, fidélité et expérience consommateur. «Ce qui montre l'évolution de cette «practice«qui, longtemps, n'a été que «Loyalty». Aujourd'hui, au-delà de la satisfaction, on va prendre en compte l'ensemble des points de contact et les analyser pour mieux comprendre le client et son expérience», remarque Olivier Lagrand, responsable Business Unit Industrie/Services et responsable de la practice Solutions Customer Experience chez Synovate France.

Les études GRC qui ont d'abord été consacrées à la mesure de la qualité transactionnelle, toujours nécessaire et indispensable, sont donc en train d'évoluer vers de nouvelles dimensions. «On ne peut plus se contenter de la satisfaction et de la fidélité pour comprendre la réflexion client et construire un marketing relationnel», souligne Liz Musch, CEO d'Ipsos Loyalty Monde. «Les fondamentaux des prestations sont acquis et les entreprises doivent songer sérieusement à passer enfin au marketing relationnel. On peut donc parler de passage de la GRC à la GRC 2.0, affirme Didier Serrant, directeur associé de Mélétys, société spécialisée dans les études de la relation client, et président du Cercle de la relation client (ex-Cercle du CRM). Dans les faits, cela doit se traduire par un allégement, dans les études, de la mesure des process et autres dimensions «métier«pour favoriser les dimensions humaines: relation, convivialité, compréhension des attentes, confiance...»

intégrer l'émotionnel

«On voit émerger un besoin d'équilibre et une articulation entre valeur d'image et valeur d'usage. Pour faire face à cette évolution, il faut avoir la capacité et les outils pour aborder ces apports et cette transversalité, et aller vers quelque chose déplus intelligent et organisé», explique Edouard Lecerf. L'expérience client sous-entend que l'on intègre les éléments rationnels mais aussi affectifs. Car qui dit marque, dit émotion. «C'est une nouvelle façon d'appréhender les études. Il faut penser autrement, savoir poser les bonnes questions et prendre en compte les dimensions émotionnelles, complétées derrière par un traitement sophistiqué», souligne Olivier Lagrand. Pour Larry Crosby, dg de Synovate, le comportement des clients a une forte composante émotionnelle. Et ce, même dans l'univers B to B. C'est pourquoi GfK a fait évoluer son outil GfK Loyalty Plus pour intégrer la marque à part entière dans les études de satisfaction/fidélité (image, mesures émotionnelles d'attachement et d'implication, points de contact, éléments contextuels) et travailler les drivers d'insatisfaction.

La recherche de l'affectif et de l'émotionnel, qui conduisent à une relation de confiance avec la marque, est devenue une demande majeure des entreprises: on parle d'engagement, de ravissement, de «Customer Delight», d'effet «Waouh», d'attachement... Mais comment les mesure-t-on? MV2 devrait publier d'ici quelques mois une réflexion sur cette problématique. OTO Research a lancé l'Engagement Index et l'Isara, premier baromètre de l'implication rationnelle et irrationnelle entre marques et consommateurs en France. «Tout comme il faut repenser le paradigme entre image et usage, il faut repenser celui entre discours corporate et satisfaction», estime Edouard Lecerf. Ce changement se heurte à un obstacle: l'organisation en silo des entreprises. «Il faut que les entités communiquent beaucoup plus entre elles», insiste-t-il. Et Sylvie Nilsson, directrice de Division Services-Industrie-Automobile de GfK Custom Research France, d'ajouter: «La stratégie client de la marque qui intègre l'ensemble des dimensions de l'expérience client, impacte et implique toutes les directions de l'entreprise (marque, communication, service clients, etc.).»

A contexte nouveau, nouvelle segmentation. Parce que le consommateur n'est pas linéaire, il convient de revoir les segmentations de clientèle en fonction des évolutions de comportement. «Les entreprises qui ont fait le choix d'augmenter leur capacité d'analyse et de segmentation ont eu raison», estime Edouard Lecerf. Pour Jérôme Foltier, dg d'Ipsos Loyalty France, «la segmentation est fondamentale, elle est le fruit de l'évolution d'un marché. Il faut que nos clients soient vigilants car les marchés ne réagissent pas de la même façon devant une pression concurrentielle que devant l'arrivée de nouveaux concurrents.» Quant à Xavier Pacilly, directeur Services de BVA, il constate que «les entreprises sont en train de remettre en cause les segmentations traditionnelles et attendent des instituts des approches innovantes». Ce que confirme Henri Boulan: «Efaut trouver les segmentations qui ont du sens pour l'entreprise, la marque, etc.»

CRM Services innove en écoutant ses clients

CRM Services, filiale de la SNCF, gère pour celle-ci, les programmes de fidélité de la carte Grand Voyageur et de la carte Loisir, soit 3,5 millions de voyageurs. «Nous réalisons trois types d'études pour mieux gérer la relation client», explique Cyril Garnier, dg de CRM Services. Tout d'abord, du data miningetdu reporting très quantitatif liés à l'exploitation de l'information issue des programmes defidélisation (connaître les comportements de voyage en train d'un client, mieux connaître la fréquentation selon les trains, les destinations, le type de clients...). «Nous disposions déjà d'un baromètre satisfaction client, explique Cyril Garnier. En 2008, nous avons automatisé nos outils de sondages (SMS, mails, téléphone) et nous avons réalisé en interne une enquête par téléphone et Internet pour mesurer la satisfaction sur un service lancé l'an dernier: la feuille de voyage Senior. Nous avons de la chance, parce que nos clients aiment beaucoup s'exprimer.» CRM Services teste également un outil de Teleperformance en post-appel (le client appelle par exemple pour recevoir un cadeau, le téléconseiller lui propose alors de répondre à trois ou quatre questions sur automate d'appel).
L'autre axe de connaissance client est un rendez-vous annuel avec les clients Grand Voyageur autour d'une chat room avec la direction de la SNCF. «C'est un recueil d'information et d'échange extraordinaire», estime Cyril Garnier. Pour 2009, CRM Services va mettre en place des groupes quali et des groupes miroir dans les salons Grand Voyageur. «Nous disposons de gisements d'innovation, simplement en écoutant nos clients.
La carte cobrandée Regliss, lancée en novembre dernier avec La Banque Postale, est issue de l'écoute client», poursuit Cyril Garnier, qui a également en projet pour 2009 de recourir au text mining pour analyser les courriers mails.

L'impact d'Internet

«Près de 10% de notre chiffre d'affaires est lié, directement ou non, à l'analyse ainsi qu'à l'activation de cibles très spécifiques et à forte valeur, en particulier les clients ambassadeurs», indique Guillaume Weill, dg de Crmmetrix. La segmentation devient stratégique. «Travailler les études GRC dans une optique très opérationnelle et stratégique de renforcement du ROI est une demande qui s'accentue d'ailleurs avec la crise», constate Helen Zeitoun. Les études sur l'impact économique de l'amélioration de la relation client émergent: «Il faut pouvoir dire à l'entreprise combien lui rapporterait en chiffre d'affaires ou en marge l'amélioration de sa qualité de service et montrer l'impact sur la satisfaction et la fidélité», résume Christian Barbaray. «On est aujourd'hui dans la «Profitable Loyalty »», note Liz Musch.

Toutes les études récentes le montrent (5e Podium de la Relation Client TNS Sofres/BearingPoint, 4e baromètre La Poste/CSA sur la relation aux marques, Relationship Score AACC/BVA, Qualiweb...), la relation client se fait de plus en plus participative. «Face à la crise, les annonceurs cherchent à se rapprocher de leurs meilleurs clients, mais avec de fortes logiques d'optimisation des coûts. La relation client via Internet est de plus en plus privilégiée, avec des investissements qui deviennent significatifs. Les études menées sur l'impact d'Internet se développent rapidement», constate Guillaume Weill. L'offre en outils de pré et post-test est très active tandis que les logiciels de CRM se sophistiquent.

Au cours des douze derniers mois, a émergé une tendance forte des entreprises à utiliser les programmes relationnels pour mener des études ciblées avec leurs membres (questionnaires traditionnels, communautés d'études...). Pour Crmmetrix, cette pratique présente un triple intérêt: pouvoir travailler plus facilement et plus économiquement avec des cibles à forte valeur, renforcer la relation via un lien impliquant (le consommateur peut même être amené à cocréer) et pouvoir travailler sur des échantillons de très grande taille, ce qui offre des analyses beaucoup plus fines. «Les tailles d'échantillon des baromètres de satisfaction ont énormément augmenté sous l'effet d'Internet», constatait Christian Delom, p-dg de SocioLogiciels, lors de son atelier sur les baromètres de satisfaction lors du dernier Semo.

Des baromètres qui évoluent

Même si la réflexion sur les études de GRC évolue, dans la grande majorité des cas aujourd'hui, ce type d'études reste encore souvent cantonné aux études de satisfaction, fidélité et aux enquêtes mystères, qui, de toute façon, représentent le gros des études GRC. Selon les experts, les études Loyalty traditionnelles pourraient peser jusqu'à 20% du marché des études ad hoc et progresser mieux que le secteur comme en témoignent les chiffres d'affaires des départements Loyalty des instituts d'études, au fur et à mesure que ces préoccupations atteignent tous les secteurs, y compris celui de la grande consommation. «Les outils se sont largement améliorés», constate Daniel Ray: meilleure compréhension de la construction de la satisfaction et de la fidélité, capacité d'explication de ces phénomènes, intégration dans la balance scorecard, et au gré des modes et des nouveautés, recours à des équations structurelles simultanées, réseaux bayésiens, réseaux de neurones, etc. Il observe par ailleurs un intérêt de plus en plus fort pour les travaux de recherche académique, censés apporter un cadre structurant et un pouvoir explicatif et prédictif accru. «Les études ne sont plus une simple mesure de la satisfaction et deviennent un véritable outil de pilotage», commente Christian de Balincourt, directeur de la division des études ad hoc et stratégiques de MV2 Conseil.

Les baromètres de satisfaction ont tendance à s'alléger et à être complétés de benchmarks, d'études et de baromètres spécifiques. «On décompose la relation dans toutes ses phases: achat (premier achat, réachat), réclamation, abandon. On étudie chaque moment de cette relation», explique Christine Marty, dga Marketing & Communication de BVA. «Nous travaillons déplus en plus pour les grandes enseignes de distribution sur l'analyse des phénomènes d'abandons. Les études sont réalisées par téléphone sur zone de chalandise (plutôt qu'en point de vente) pour trouver des clients qui viennent de moins en moins ou qui ont abandonné Venseigne. Il s'agit d'identifier vers qui se font les transferts et les raisons de l'abandon», fait remarquer Guillaume Antonietti, p-dg de CôtéClients, qui constate que leurs préoccupations marketing sont aujourd'hui tournées vers la recherche de mesures «défensives» à court terme, une problématique à laquelle les études de satisfaction classiques ne permettent pas de répondre. Pour son client Crédit Agricole Atlantique Vendée, G&A Links réfléchit à faire évoluer le baromètre satisfaction dans sa forme de restitution et son niveau d'analyse.

Parallèlement, les instituts préconisent des enquêtes au fil de l'eau qui offrent plus de réactivité. Des outils rendent cette réactivité plus facile (MV2, Teleperformance, etc.). INit vient ainsi de lancer Warning Sat, un logiciel d'alerte (voir Marketing Magazine, n°128, p. 70). «Plus le client est synonyme de chiffre d'affaires, plus vite l'entreprise a intérêt à faire remonter l'information, notamment en cas d'insatisfaction», souligne Jérôme Foltier. Car, il ne faut pas l'oublier, les études de GRC ont pour objectif d'accroître le capital client. A quand la valorisation de ce dernier dans le bilan, comme cela existe pour la marque?

Thierry Spencer (Pizza Hut):

«Nos clients ont un niveau d'exigence d'autant plus élevé que nous venons chez eux.»

Chez Pizza Hut, on est «customer maniac»

«L'enseigne Pizza Hut est orientée client depuis longtemps. C'est d'ailleurs notre première valeur et nous nous décrivons comme «customer maniac». Nous partons du principe que tout se mesure», explique Thierry Spencer, directeur marketing de Pizza Hut France. Les études menées concrétisent cette approche. En premier lieu, avec des vagues régulières de visites/achats mystères (réalisées par Frontline), sur les trois canaux de distribution des produits: livraison à domicile, vente à emporter, service à table. «Nos clients ont un niveau d'exigence d'autant plus élevé que nous venons chez eux. Nous sommes dans une relation de proximité», souligne Thierry Spencer. Une étude Brand Image Tracker annuelle, réalisée par GfK dans une trentaine de pays, a pour objectif de suivre l'image et la perception de l'enseigne mais aussi de mesurer la performance d'une année sur l'autre. «Créée il y a dix ans, elle permet défaire de multiples comparaisons. Son but: comment rendre l'enseigne plus attractive», précise Thierry Spencer. L'étude annuelle «Champs Satisfaction Survey» Valeurs «Champs» (traduites en français): C pour propreté, H pour accueil, A pour rectitude de la commande, M pour entretien des locaux, P pour produit, S pour service. (également réalisée par GfK) vient en complément pour mesurer la satisfaction des clients. «Cet audit nous sert à construire notre stratégie marketing client, pour suit Thierry Spencer. Nous recourons depuis peu à des études passives. Nous avons demandé à Soft Computing, qui gère notre base de données, de réaliser un scoring sur les centaines de milliers de clients dont nous avons les coordonnées, qui a abouti à une segmentation en dix profils. Nous pouvons établir chaque année le portrait-robot des clients par franchisé. Tous les mois, ces derniers reçoivent par mail un reporting sur leur zone de livraison. Ce document leur offre des leviers importants pour améliorer leurs performances au quotidien avec une approche qui correspond à nos valeurs.» Autre évolution: le passage de la mesure de la performance à la mesure de la pertinence. Le call center de Pizza Hut a été formé pour poser quelques questions fermées aux clients. Ainsi en septembre 2008, lors du lancement de la commande en ligne, tous les clients ont été rappelés le lendemain de leur commande pour avoir leur opinion. «Nous ne nous attendions pas à un tel succès. Nous pensons que nous atteindrons plus rapidement que prévu 15020% de notre mix via Internet», admet Thierry Spencer. «Nous faisons converger toutes nos études pour optimiser notre orientation client», poursuit-il. Prochaine étape: «Les clients en ligne sont plus réactifs et donnent leur avis plus rapidement et facilement. Il va falloir se servir de ce mode de consultation, tout en gardant les autres études existantes.» La rubrique «Votre avis nous intéresse» du site web devrait gagner en importance, «notamment pour des mesures à chaud de l'opinion des clients et se donner les moyens de couvrir la totalité de leurs moyens d'expression».

 
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Anika MICHALOWSKA

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