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Cortex rationnel et cortex imaginatif dans la même boîte

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Face à une consommation paradoxale, marques et distributeurs doivent élargir le champ des possibles. Voici quatre scénarios.

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Scénario 1

Wal-Mart regarde de très près le succès de Google. Et ce regard attentif se porte à la fois sur le modèle technologique de l'information et la menace que le développement de l'accès à Google représente. De plus en plus, l'accès au “bon plan” s'obtient par les moteurs de recherche. Un ordinateur nomade, un voyage d'hiver au soleil, un aspirateur innovant, un canapé en cuir, une caisse de bordeaux millésimé... Un petit tour sur Internet et la réponse alternative d'achat apparaît. Transparence des prix et sentiment d'acheter malin, de contourner le système, de déjouer les marges des distributeurs officiels.

Scénario 2

On se souvient peut-être que Georges Orwell, dans 1984, avait décrit le moyen pour réduire l'homme au rang de robot. Il suffisait de rendre toute pensée secrète, sans plaisir et sans objet, de décréter que tout dire était non seulement acceptable mais recommandé, supprimant ainsi les fonctions de sélection et de création d'idées. Or les chercheurs en psychologie nous révèlent que la pensée, gardée secrète, est une condition vitale de la construction du “je”. Le secret nous ouvre les voies du fantasme, nous permettant d'élaborer du relationnel imaginaire. Nous façonnons ainsi des scénarios intimes, nous nous imaginons autres et échappons à des limites ou des dépendances. Les boutiques éphémères, les adresses par cooptation, les canaux parallèles permettent de se glisser dans ces comportements d'achats valorisants et différenciants. Aux marques d'intégrer ces désirs dans de futurs types de propositions marchandes.

Scénario 3

La grande distribution, à l'instar des émissions dites de “réalité”, s'est laissé à son tour emporter par le modèle du direct, de la transparence, du maintenant et tout de suite. La bataille sur les prix a définitivement scellé sa relation avec la matérialité immédiate, un produit, un prix, la caisse. Une espèce de traçabilité du prix pour convaincre de la justesse de l'achat est promue en modèle. Or nous ne mijotons pas un prix. Nous mangeons, oui certes. Mais nous nourrissons bien notre famille autrement, nous leur assurons une belle santé. Et, même si économiquement, nous trouvons de l'intérêt à gagner sur le prix, les bénéfices symboliques sont aussi, voire même davantage importants dans des consommations impliquantes. “On fait quoi pour vous aujourd'hui ”, par Monoprix ou encore “Caring About Our Communities & Our Environment”, par Whole Foods.

Scénario 4

Le modèle Mercadona est exemplaire. Il construit un nouveau type d'assortiment alimentaire en répondant à trois aspirations consensuelles des consommateurs : celle du prix, basique et économique, celle de l'incontournable spécialité qui entre dans le patrimoine culinaire local, racines et réassurance, celle enfin du produit nouveau, “vu à la télévision”, statutaire et satisfaisant le besoin de changement. Le marketing de l'empathie devrait devenir une spécialité !

Conclusion

Les aspects générationnels d'une population donnée sont trop souvent délaissés dans les réflexions stratégiques, soit par méconnaissance de cette donne qui croise économie et sociologie, que certains nomment prospective, soit par facilité. En faisant l'impasse de cette analyse structurante, les risques de donner de mauvaises réponses sont considérables. Les arbitrages de consommation actuels révèlent des tensions extrêmes dans des choix a priori paradoxaux. Paradoxe de surface, mais grand écart réel de ces générations de consommateurs devenus experts de la distribution et des marchés, de la qualité et des règles de concurrence, affranchis de tabous de classe et désireux d'accéder à tous les possibles. Le prochain modèle de magasin pourrait bien s'inspirer de notre fonctionnement cérébral avec lequel nous négocions quotidiennement, parfois difficilement. Un schéma comprenant un cortex rationnel - celui qui aime les équations de prix , un cortex imaginatif - qui réclame du plaisir et de l'inattendu , tous les deux sous la même boîte !

 
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Par Annie Ziliani, directrice associée de Novale Next, conseil et études économiques et sociologiques

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