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Concours, jeux, paris... la gamemania étend sa Toile

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Pour les Français, le jeu constitue un loisir incontournable. Avec le Web, il prend une ampleur inédite et réunit de nouveaux profils parieurs, «concouristes», joueurs (et joueuses) occasionnels, attirés par le challenge et motivés par l'appât du gain.

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C'est la part du rêve. Comment gagner des millions ou, plus modestement, offrir à sa famille un séjour à l'autre bout du monde. Mais désormais, pour gagner au Loto, au Tiercé, à l'Euro Millions ou empocher le gros lot d'un jeu-concours, plus besoin de faire ses courses en magasin ou de remplir un bulletin pour participer. Aujourd'hui, le digital booste le monde du jeu en le mettant à portée de clic des internautes. La réglementation a elle aussi évolué et a permis de populariser le jeu en ligne sous toutes ses formes. Depuis juin 2010, les paris sportifs, hippiques et le poker en ligne sont ainsi autorisés.

Sandrine Macé (l'ESCP Europe):

« La chasse aux jeux-concours est si récente que les chercheurs ne l'ont pas encore étudiée. »

Les outils du Web 2.0 contribuent incontestablement à dynamiser la participation à ce type de jeux. « D'une part, les réseaux sociaux favorisent la viralité et le recrutement de nouveaux joueurs et, d'autre part, l'Internet mobile dope les paris en ligne, constate Olivier Kuhn, président de la commission jeux en ligne du Groupement d'éditeurs de services en ligne (Geste). Ils permettent aux joueurs de parier en regardant le jeu se dérouler. » Poussée d'adrénaline assurée!

Des applications sont dédiées aux «digital gamers.»

Des applications sont dédiées aux «digital gamers.»

Ordinateurs et smartphones sont les nouveaux tapis verts

En modifiant le comportement des joueurs, le canal Web élargit les profils. Une nouvelle race de joueurs apparaît: les «digital gamers», qui jouent depuis leur domicile, assis derrière leur ordinateur, seuls ou en réseau. Ils peuvent aussi chasser la promo en magasin sur leur smartphone, via des applications dédiées, comme celle de Scanbucks, qui permet de gagner des cadeaux dans plus de 10 000 magasins en scannant les codes-barres. « C'est un phénomène si récent que les chercheurs ne l'ont pas encore étudié », observe Sandrine Macé, professeur associé au département marketing à l'ESCP Europe. Elle y voit « la renaissance du jeu-concours, technique traditionnelle en marketing qui était en train de disparaître, car elle était trop contraignante ».

Le Web social fait également sortir de l'ombre les concouristes, ces adeptes des jeux-concours, qui passent de longues heures et dépensent beaucoup d'énergie à répondre aux questions figurant sur les emballages, dans l'espoir de décrocher une des nombreuses dotations (séjour en thalasso, voyage à Disneyland, etc.) prévues par les marques.

La communauté des «concouristes»

Souvent décrits comme méthodiques, ils représentent une minorité de joueurs, soit 10 à 15000 personnes, selon les estimations de ConcoursMania, agence conseil pour l'organisation de concours en ligne.

Ils représentent une goutte d'eau, en comparaison des 28 millions de clients de La Française des Jeux - 57 % des Français de plus de 18 ans - (voir l'encadré). Mais ces participants acharnés exercent une certaine influence sur le Web. «Je passe environ une heure par jour à faire les concours via Internet, et pas une semaine ne s'écoule sans que le facteur ne passe pour me livrer un cadeau: une thalasso à La Baule, une semaine à l'île Maurice. . .», témoigne l'une de ces adeptes sur Aufeminin.com.

«Ils se regroupent en une communauté assez autonome, qui échange sur des bhgs, des réseaux sociaux et des forums, alors que par le passé Us étaient abonnés à des feuilles de chou spécialisées. Aujourd'hui, la communication s'effectue sur Internet, via des sites comme Toutgagner.com. Le Web a modifié leur comportement», observe Anne Bataille, comanager de Tutti Quanti. Quantité de pages internet sont donc consacrées aux jeux-concours et à leurs adeptes.

Leur organisation est qualifiée de « militaire » par Jean Allary planner strategic de Né Kid, qui constate que « les associations et communautés de joueurs on et off line proposent de manière libre ou restreinte (dans ce cas, il faut devenir membre) de nombreuses informations, voire des guides de déontologie, des chartes du bon concouriste... On observe même des profils assumés de concouristes sur Facebook! » Pour gagner du temps, ces derniers utilisent des robots qui remplissent automatiquement les formulaires (comme Roboform, LastPass) et peuvent ainsi «atteindre 300 jeux par mois » affirme Jean Allary. Ils échangent des trucs et astuces en temps réel. Résultat, dès que l'un d'entre eux a trouvé la bonne réponse, il la transmet aux autres.

Internet aurait pu permettre de démasquer ces joueurs «professionnels». Mais il leur arrive de tricher. Les concouristes s'identifient sous de faux patronymes ou donnent des adresses e-mail empruntées à des tiers (avec leur accord). Ces «messieurs Concours», poil à gratter du secteur du jeu marketing?

Pas si sûr. « La communauté leur donne une force, une audience. Nous devons en tenir compte et ne pas les considérer comme des parasites, car il s'agit de consommateurs, qui, en plus, communiquent sur les opérations, admet Anne Bataille. Ils rendent aussi la monnaie de leur pièce aux industriels et jouent les Robin des Bois, défenseurs des consommateurs. » Un avis partagé par Sandrine Macé, qui voit dans la participation active aux jeux-concours « non pas une transgression, mais une façon de reprendre la main face aux marques, de se positionner en shopper malin ». Les concouristes «professionnels» poussent la démarche à l'excès. Mais, aux yeux de Sandrine Macé, « il s 'agit d 'un état d 'esprit qui colle à la société dans laquelle nous vivons et qui est partagé par l'ensemble des concouristes, y compris les occasionnels. Tous maîtrisent les règles du marketing ». Une pratique a priori masculine, selon le professeur associé à l'ESCP Europe, même si la tendance est à un rééquilibrage entre hommes et femmes.

« Au départ, les joueurs en ligne étaient plutôt des jeunes hommes, mais avec le développement des médias numériques, toutes les catégories de la population sont concernées », confirme Julien Parrou, président de ConcoursMania.

Jeux d'argent: le basculement vers le Net

D'après une étude réalisée à l'occasion du Salon professionnel des jeux et paris en ligne à Monaco, on comptait, en France, 30 millions de joueurs de jeux d'argent «terrestres» (PMU, casinos et Française des Jeux) en 2009, dont 7 millions de joueurs réguliers au PMU et 8,4 millions à la Française des Jeux. La même année, le montant des dépenses des «jeux terrestres» en France, représentait 37,3 milliards d'euros. L'étude prévoyait une nette montée en puissance des joueurs en ligne, qui devaient être entre 2,7 et 3 millions en 2011.

Les joueuses toujours plus nombreuses

La tendance est aussi à la féminisation des profils des joueurs et ce, quelle que soit la catégorie de jeu concernée. Scanbucks cible les consommateurs CSP +, citadins, et s'adresse exclusivement aux détenteurs de smartphones. L'application a fédéré 160 000 utilisateurs depuis son lancement en février 2011, dont la moitié sont âgés de 25 à 35 ans. La majorité des mobinautes ayant téléchargé l'application est masculine (60 % d'hommes), car ils sont plus nombreux à détenir ce type de mobiles. Mais, observe Pierre Maréchal, responsable produit Scanbucks, « les femmes sont plus joueuses et ce sont elles qui font les courses ». Elles participent donc plus aux chasses au trésor organisées dans les magasins.

Zoom sur trois profils de joueurs

Qui sont les joueurs?
L'étude SIMM-TGISources: SIMM-TGI 2011 et Kantar Media. Etude portant sur les individus de 15 ans et plus, résidant en France. L'enquête couvre 25 secteurs de consommation et l'ensemble des médias (800 marchés étudiés en termes de consommation et d'achats, 7 000 marques et enseignes référencées, 500 marques médias et 800 phrases d'attitudes et d'opinions pour un éclairage qualitatif). Les études terrain ont eu lieu en septembre-décembre 2010 et en mars-juin 2011., menée par Kantar Media, deux fois par an, auprès de 15 000 interviewés, apporte un éclairage quantitatif et qualitatif et fait ressortir trois profils types.


7,13 % participent aux jeux présents sur les emballages.Les profils 1 et 2 décrivent des personnes ayant profité de jeux au cours des trois derniers mois. Le joueur est une femme dans 52,78 % des cas. Ce sont les 15/34 ans qui jouent le plus. Les revenus modestes profitent le plus de ce type de jeux (40,44 % des participants). Ces profils sont essentiellement agriculteurs, exploitants agricoles, employés ou étudiants. Les foyers de trois personnes ou plus sont les plus intéressés.


7,71 % jouent en point de venteLes profils 1 et 2 décrivent des personnes ayant profité de jeux au cours des trois derniers mois..
Le joueur est une femme dans 52,42 % des cas . Transgénérationnels, les jeux de grattage et le Loto attirent à la fois les 15/24 ans et leurs parents, les 35/49 ans. Là encore, les joueurs sont plutôt issus de milieux modestes (42,35 %), ils sont employés, ouvriers et étudiants. Les personnes qui ont des enfants âgés de 0 à 14 ans participent plus à ce type de concours. Leur foyer se compose généralement de trois personnes ou plus (on dénombre beaucoup de familles de cinq à six personnes).


5 % consultent les sites de jeux en ligneLe profil 3 décrit des personnes ayant fréquenté les sites de jeux au cours du dernier mois.. Ils jouent par exemple sur grattage.com, kingoloto.com, prizee.com... Il s'agit en majorité de femmes (54,94 %), contre 45,06 % d'hommes. Ces joueurs sont âgés de 15 à 34 ans. Il s'agit principalement d'étudiants, d'employés et d'inactifs aux revenus modestes, parfois parents d'enfants de 0 à 14 ans.
Là encore, les familles de trois personnes ou plus sont les plus représentées.

Les femmes jouent au PMU sur Internet

Le beau sexe investit également des terrains de jeux jusqu'ici typiquement masculins. Grâce à la présence de sites en ligne et au développement de nouveaux médias (Equidia Life), elles jouent au PMU, par exemple. Ainsi, affirme Cyrille Giraudat, directeur marketing du PMU, « si l'activité de pari en ligne attire majoritairement des hommes, les femmes qui n'osaient pas se rendre dans les points de vente commencent à jouer via Internet ». Au total, le PMU regroupe 40 % de joueuses occasionnelles. Et parmi les nouveaux joueurs, le nombre de femmes augmente plus vite que celui des hommes. « Globalement, Internet nous permet de recruter des profils moins experts, qui se forment sur le site via les rubriques dédiées à la découverte et à l'apprentissage des paris », ajoute Cyrille Giraudat. Selon l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), près de 12 % des comptes joueurs actifs sont détenus par des femmes (données du troisième trimestre 2011). Le pari hippique semble les attirer davantage (20 % de parieuses) que le poker en ligne (11 %) et le pari sportif (8 %), domaine réservé aux hommes.

Dans un autre registre, celui des jeux-concours marketing, les chiffres de La Fabrique à Jeux et à Buzz confirment cette tendance à la féminisation. Les indicateurs-clés des opérations menées par le prestataire pour des marques B to C montrent que 54 % des participants sont des femmes, plutôt issues de la province (84 % habitent hors de la région parisienne) et dans la force de l'âge (46 % ont entre 30 et 50 ans et 33 % sont âgées de plus de 50 ans).

Tous les participants sont attirés par l'aspect divertissant des jeux et par les bénéfices qu'ils peuvent en retirer: l'espoir de décrocher le jackpot ou de gagner un cadeau haut de gamme sont les principaux leviers pour susciter leur intérêt. Avec, en temps de crise, un souci de contrôler la dépense et une préférence pour les jeux gratuits sans obligation d'achat ou à faible coût. Avec les difficultés financières, le rêve de commencer une nouvelle vie en gagnant au Loto ou, au moins, de profiter d'avantages exceptionnels et gratuits, se fait plus vivace.

10 % de concouristes addicts aux jeux Office Depot

Chez Office Depot, l'anniversaire de l'enseigne est le plus gros événement de l'année. Il donne lieu, chaque automne, à l'organisation d'un jeu-concours - confié à ConcoursMania - pour générer du trafic en magasin et recruter des adresses de prospects. Cette année, pour ses 15 ans, Office Depot place «l'anniversaire sous haute protection», avec deux personnages décalés, des flics chargés de défendre les prix chocs! Deux versions cohabitent: en magasin, les clients sont invités à remplir des bulletins de participation à un tirage au sort. Sur le Web, la mécanique est mieux huilée, avec l'organisation d'un jeu viral qui permet de gagner des points, dont le cumul accroît les chances d'être tiré au sort. « Si les participants en points de vente sont composés des clients de la marque, les profils sont plus variés sur Internet. Notre clientèle ne représente que 20 % des participants », observe Fabrice Trinité, responsable e-content Office Depot. Car la marque, pour gagner en audience, fait appel à des sites de promotion de jeux-concours.
« Toutgagner.com analyse la participation au jeu depuis le 4 novembre. Alors que ce jour-là, nous ne comptions que 1 200 participants, le lendemain, nous en avions 1 900, l'opération est donc concluante », témoigne Fabrice Trinité. Mais il y a un revers à la médaille, « c'est comme ça que nous attirons aussi les concouristes, addicts aux jeux. L'an dernier, ils représentaient près de 10 % du nombre total de participants », ajoute-t-il. Des chasseurs de primes également attirés par les lots: cette année, il y a trois voyages à New York à remporter (vol, hébergement en hôtel cinq étoiles et survol de Manhattan en hélicoptère).

 
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Véronique Méot

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